L’Essentiel : La société [5] a contesté la décision de la CPAM concernant la prise en charge de la tendinopathie de l’épaule gauche de M. [B]. Après le rejet de sa demande par la commission de recours amiable, elle a saisi le tribunal judiciaire d’Arras, qui a débouté la société et confirmé la prise en charge. En appel, la société a critiqué l’imposition d’un téléservice pour la procédure, mais la cour a jugé que la CPAM avait respecté la procédure. La cour a donc confirmé le jugement initial et condamné la société aux dépens, ainsi qu’à verser 1 000 euros à la CPAM.
|
Contexte de l’affaireLa société [5] a contesté la décision de la caisse primaire d’assurance maladie de l’Artois (CPAM) concernant la prise en charge de la tendinopathie de l’épaule gauche de son salarié, M. [B]. Cette contestation a été rejetée par la commission de recours amiable, ce qui a conduit la société à saisir le tribunal judiciaire d’Arras. Décision du tribunalLe tribunal a débouté la société [5] de sa demande d’inopposabilité de la décision de la CPAM, qui avait pris en charge la maladie de M. [B] au titre de la législation professionnelle. La société a également été condamnée à payer les dépens. Suite à cela, la société a interjeté appel de ce jugement. Procédure d’appelL’appel a été enregistré le 13 janvier 2023, et les parties ont été convoquées à une audience le 6 mai 2024, qui a été renvoyée au 21 octobre 2024 pour permettre l’échange de pièces et conclusions. La société [5] a demandé à la cour d’infirmer le jugement et de prononcer l’inopposabilité de la décision de prise en charge. Arguments de la société [5]La société [5] a reproché à la CPAM d’avoir imposé l’utilisation d’un téléservice, le site questionnaires-risquepro.ameli.fr, pour la procédure, alors qu’elle n’avait pas choisi de créer un compte sur cette plateforme. Elle a souligné les difficultés rencontrées et a affirmé ne pas avoir été concertée sur l’utilisation de ce service. Réponse de la CPAMLa CPAM a demandé à la cour de confirmer le jugement initial et de condamner la société [5] à lui verser une somme au titre des frais de justice. Elle a soutenu que la société avait eu la possibilité de consulter le dossier par d’autres moyens, notamment en se rendant à un point d’accueil de la CPAM. Motifs de la décision de la courLa cour a constaté que la CPAM avait respecté la procédure en utilisant le téléservice pour la mise à disposition du questionnaire et du dossier. Elle a noté que la société [5] n’avait pas démontré avoir demandé une alternative à cette procédure dématérialisée. En conséquence, la cour a rejeté les arguments de la société et a confirmé le jugement initial. Conclusion de la courLa cour a confirmé le jugement en toutes ses dispositions, condamnant la société [5] aux dépens de l’instance d’appel et à verser 1 000 euros à la CPAM au titre des frais irrépétibles. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les obligations de la CPAM en matière de notification et de mise à disposition des documents dans le cadre d’une déclaration de maladie professionnelle ?La CPAM est tenue de respecter certaines obligations en matière de notification et de mise à disposition des documents relatifs à une déclaration de maladie professionnelle, conformément à l’article R. 461-9 du code de la sécurité sociale. Cet article stipule que : « La CPAM engage des investigations et, dans ce cadre, elle adresse, par tout moyen conférant date certaine à sa réception, un questionnaire à la victime ou à ses représentants ainsi qu’à l’employeur auquel la décision est susceptible de faire grief. À l’issue de ses investigations, la caisse met le dossier prévu à l’article R. 441-14 à disposition de la victime ou de ses représentants ainsi qu’à celle de l’employeur auquel la décision est susceptible de faire grief. » Dans le cas présent, la CPAM a utilisé un téléservice pour transmettre le questionnaire et mettre à disposition le dossier d’instruction. La société [5] a contesté cette méthode, arguant qu’elle n’avait pas été informée de manière adéquate et qu’elle n’avait pas pu exercer ses droits contradictoires. Cependant, il a été établi que la CPAM avait effectivement notifié la société par courrier recommandé, lui indiquant comment accéder à ces documents en ligne. La société [5] peut-elle refuser d’utiliser le téléservice QRP pour la consultation des documents ?La société [5] a soutenu qu’elle ne pouvait pas être contrainte d’utiliser le téléservice QRP, qu’elle considérait comme facultatif. Cependant, la jurisprudence a précisé que, bien que l’utilisation de ce téléservice soit facultative, la CPAM a l’obligation de proposer d’autres moyens d’accès aux documents. Dans le courrier du 9 juillet 2020, il était clairement indiqué que l’employeur pouvait se rendre au point d’accueil de la CPAM ou prendre rendez-vous par téléphone pour obtenir de l’aide dans la création d’un compte en ligne, remplir son questionnaire ou consulter les pièces du dossier. Ainsi, la société [5] ne peut pas prétendre qu’elle n’avait pas d’autres options pour accéder aux documents nécessaires à la défense de ses droits. Elle n’a pas démontré avoir utilisé ces alternatives, ce qui affaiblit sa position. Quels sont les recours possibles pour un employeur en cas de difficultés d’accès aux documents relatifs à une maladie professionnelle ?En cas de difficultés d’accès aux documents relatifs à une maladie professionnelle, l’employeur dispose de plusieurs recours. Tout d’abord, il peut contacter directement la CPAM pour demander des informations ou des documents par d’autres moyens que le téléservice. L’article R. 461-9 du code de la sécurité sociale précise que la CPAM doit mettre à disposition le dossier d’instruction, ce qui implique que l’employeur peut demander une copie papier si nécessaire. De plus, l’employeur peut également faire appel à un avocat ou à un représentant légal pour l’assister dans ses démarches. Il est essentiel que l’employeur documente ses tentatives de communication avec la CPAM et conserve des copies de tous les courriers échangés, afin de prouver qu’il a fait des efforts pour accéder aux informations requises. Dans le cas présent, la société [5] n’a pas démontré avoir sollicité la CPAM de manière adéquate pour obtenir les documents nécessaires, ce qui a conduit à la confirmation du jugement initial. Quelles sont les conséquences d’un échec dans la contestation d’une décision de prise en charge de maladie professionnelle ?L’échec dans la contestation d’une décision de prise en charge de maladie professionnelle peut avoir plusieurs conséquences pour l’employeur. Tout d’abord, l’employeur peut être condamné à payer les dépens de la procédure, comme cela a été le cas pour la société [5], qui a été condamnée aux dépens de l’instance d’appel. De plus, l’employeur peut également être condamné à verser une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile, qui prévoit que la partie perdante peut être condamnée à payer une somme pour couvrir les frais irrépétibles de l’autre partie. Dans cette affaire, la société [5] a été condamnée à verser 1 000 euros à la CPAM au titre de cet article, ce qui représente une charge financière supplémentaire. Enfin, l’employeur doit également prendre en compte l’impact sur la relation avec la CPAM et sur la gestion des maladies professionnelles au sein de son entreprise, ce qui peut affecter la réputation et la gestion des ressources humaines. |
N°
S.A.S. [5]
C/
CPAM DE L’ARTOIS
Copie certifiée conforme délivrée à :
– SAS [5]
– CPAM DE L’ARTOIS
– Me Denis ROUANET
– tribunal judiciaire
Copie exécutoire :
– CPAM DE L’ARTOIS
COUR D’APPEL D’AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 06 JANVIER 2025
*************************************************************
N° RG 23/00478 – N° Portalis DBV4-V-B7H-IVEO – N° registre 1ère instance : 21/00339
Jugement du tribunal judiciaire d’Arras (pôle social) en date du 15 décembre 2022
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
S.A.S. [5]
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Adrien MARCOURT, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER substituant Me Denis ROUANET de la SELARL BENOIT – LALLIARD – ROUANET, avocat au barreau de LYON
ET :
INTIMÉE
CPAM DE L’ARTOIS
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée et plaidant par M. [J] [C], muni d’un pouvoir régulier
DEBATS :
A l’audience publique du 21 octobre 2024 devant Mme Jocelyne RUBANTEL, présidente, siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l’article 945-1 du code de procédure civile qui a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 06 janvier 2025.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Diane VIDECOQ-TYRAN
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Jocelyne RUBANTEL en a rendu compte à la cour composée en outre de :
Mme Jocelyne RUBANTEL, présidente,
M. Pascal HAMON, président,
et Mme Véronique CORNILLE, conseillère,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 06 janvier 2025, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, présidente a signé la minute avec Mme Nathalie LEPEINGLE, greffier.
* *
DECISION
Saisi par la société [5] du rejet de sa contestation, par la commission de recours amiable, de la décision de prise en charge de la caisse primaire d’assurance maladie de l’Artois (la CPAM ou la caisse) de la tendinopathie de l’épaule gauche de son salarié, M. [B], le pôle social du tribunal judiciaire d’Arras, par un jugement en date du 15 décembre 2022 auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé des motifs et des faits, a :
– débouté la société [5] de sa demande d’inopposabilité de la décision du 30 octobre 2020 de la CPAM de l’Artois de prendre en charge au titre de la législation professionnelle, tableau n°57, la maladie déclarée le 1er juin 2020 par M. [B],
– condamné la société [5] au paiement des entiers dépens.
La société [5] a interjeté appel le 13 janvier 2023 de ce jugement qui lui a été notifié le 29 décembre 2022.
Les parties ont été convoquées à l’audience du 6 mai 2024, lors de laquelle l’affaire a fait l’objet d’un renvoi à celle du 21 octobre 2024 afin de permettre aux parties d’échanger pièces et conclusions.
Par conclusions communiquées au greffe le 18 octobre 2024, auxquelles elle s’est référée à l’audience, la société [5], appelante, demande à la cour de :
– infirmer le jugement,
– prononcer à son égard l’inopposabilité de la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie de M. [B],
– condamner la caisse au paiement d’une somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La société [5] reproche à la caisse d’avoir soumis l’ensemble des étapes contradictoires de la procédure à l’utilisation du site internet questionnaires-risquepro.ameli.fr (QRP).
Or, ce téléservice facultatif, non prévu par le législateur, ne peut lui être imposé car elle n’a pas choisi de créer un compte QRP dédié au Siret de son entreprise. Le déploiement national de cette application lui a causé des difficultés considérables, elle n’a jamais consenti à l’utiliser ni n’a été concertée au préalable et ses conditions générales d’utilisation, qui créent des obligations à l’égard de l’employeur, ont été établies unilatéralement par la Caisse nationale d’assurance maladie (la CNAM).
Il ne lui a été communiqué aucun code de déblocage pour utiliser cette plateforme, de sorte qu’elle demeure dans l’impossibilité d’exercer ses droits contradictoires. Elle a d’ailleurs alerté la CNAM par courrier du 23 janvier 2020 de cette situation et l’a relancée par courrier du 26 novembre 2021 pour finalement lui demander, par courrier du 11 avril 2022, la clôture de l’intégralité de ses comptes QRP en raison des défaillances d’utilisation constatées.
Aussi, à l’ouverture de la période de consultation directement en ligne annoncée par la CPAM de l’Artois, elle ne disposait d’aucun compte QRP et il ne lui a pas été offert la possibilité de faire valoir ses droits contradictoires en dehors de ce téléservice dysfonctionnel, de sorte qu’elle n’a pas été en mesure de consulter les pièces ou de faire parvenir ses observations sur le dossier d’instruction de maladie professionnelle de son salarié.
A l’audience, la caisse, intimée, a demandé à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de condamner la société [5] à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s’agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.
MOTIFS
Le 1er juin 2020, M. [B], salarié de la société [5] en qualité de préparateur de commandes, a complété une déclaration de maladie professionnelle pour une tendinopathie aigüe non rompue non calcifiante de la coiffe des rotateurs gauche, sur la base d’un certificat médical initial du 9 avril 2020 mentionnant la même pathologie.
Par courrier du 9 juillet 2020, la caisse a informé la société [5] qu’elle avait réceptionné cette déclaration le 6 juillet 2020, l’a invitée à compléter un questionnaire en ligne sur le site questionnaires-risquepro.ameli.fr sous 30 jours, l’a informée qu’elle aurait la possibilité de consulter les pièces du dossier et formuler ses observations du 15 au 26 octobre 2020 directement en ligne, que le dossier ne resterait que consultable passé ce délai et que sa décision interviendrait au plus tard le 4 novembre 2020.
Par décision du 30 octobre 2020 notifiée à l’employeur, la CPAM de l’Artois a pris en charge au titre du tableau n°57 des maladies professionnelles la pathologie de l’épaule gauche déclarée par M. [B].
La société [5] a contesté cette décision devant la commission de recours amiable puis le pôle social, lequel a statué comme exposé précédemment.
***
Aux termes de l’article R. 461-9 du code de la sécurité sociale, la CPAM engage des investigations et, dans ce cadre, elle adresse, par tout moyen conférant date certaine à sa réception, un questionnaire à la victime ou à ses représentants ainsi qu’à l’employeur auquel la décision est susceptible de faire grief. À l’issue de ses investigations, la caisse met le dossier prévu à l’article R. 441-14 à disposition de la victime ou de ses représentants ainsi qu’à celle de l’employeur auquel la décision est susceptible de faire grief.
En l’espèce, il n’est pas contesté que la caisse a eu recours à une procédure dématérialisée de mise à disposition du questionnaire employeur et du dossier d’instruction de la maladie déclarée par la voie du téléservice QRP en lui adressant à cet effet un courrier recommandé avec accusé de réception lui intimant de se connecter au site questionnaires-risquepro.ameli.fr.
Si l’employeur expose refuser d’utiliser cette plateforme en insistant sur son caractère facultatif, arguant tant des difficultés d’utilisation qu’il indique avoir rencontrées que des signalements contenus dans ses courriers adressés à la CNAM, il ne démontre toutefois pas avoir sollicité directement la caisse primaire de l’Artois, juridiquement distincte de la CNAM et chargée de l’instruction litigieuse, aux fins d’obtenir une copie papier du questionnaire ou la mise à disposition du dossier autrement que par l’intermédiaire de l’application QRP.
D’ailleurs, le courrier du 9 juillet 2020 comportait l’encart suivant : « je ne peux pas me connecter au site questionnaires-risquepro.ameli.fr », lequel indiquait à l’employeur qu’il pouvait se rendre au point d’accueil de la CPAM ou prendre rendez-vous par téléphone pour être accompagné dans la création d’un compte en ligne, remplir son questionnaire ou encore consulter les pièces du dossier.
Aussi, la société [5] ne saurait prétendre que la caisse ne lui a pas proposée de remplir un questionnaire ou de consulter les pièces du dossier autrement que par l’utilisation d’un compte QRP. Elle ne démontre pas avoir fait usage de cette possibilité qui lui était pourtant offerte ni d’avoir averti la CPAM de l’Artois, dans le cadre de l’instruction de la maladie de M. [B], de son refus de recourir à la procédure dématérialisée.
Ce moyen sera par conséquent rejeté.
La société [5] ne soulevant aucun autre moyen à l’appui de sa demande d’inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie de M. [B], elle en sera par conséquent déboutée.
Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions, y compris celles condamnant la société [5] aux dépens de première instance.
Succombant totalement, elle sera condamnée aux dépens de l’instance d’appel.
Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à la CPAM de l’Artois la charge de ses frais irrépétibles.
La société [5] sera condamnée à lui verser une somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe, en dernier ressort,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Condamne la société [5] aux dépens de l’instance d’appel,
Condamne la société [5] à payer à la caisse primaire d’assurance maladie de l’Artois la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le greffier, Le président,
Laisser un commentaire