L’Essentiel : Le 30 septembre 2019, Mme [U] a déposé une déclaration de maladie professionnelle pour un « syndrome anxio-dépressif », soutenue par un certificat médical. Le 22 juin 2020, la caisse primaire d’assurance maladie a décidé de prendre en charge la maladie « hors tableau ». Contestant cette décision, la société [5] a formé un recours, rejeté le 17 août 2020. L’affaire a été plaidée le 16 janvier 2023, et le tribunal a suspendu sa décision en attendant un nouvel avis du CRRMP, rendu défavorable le 15 avril 2024, établissant l’absence de lien entre la pathologie et le travail de Mme [U].
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Contexte de la Déclaration de MaladieLe 30 septembre 2019, Mme [U], responsable qualité dans la société [5], a déposé une déclaration de maladie professionnelle pour un « syndrome anxio-dépressif », accompagnée d’un certificat médical du Dr [E] daté du 11 juin 2019. Décision de Prise en ChargeLe 22 juin 2020, la caisse primaire d’assurance maladie de l’Aisne a notifié à la société [5] sa décision de prise en charge de la maladie « hors tableau », après avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) de la région Hauts de France. Recours de la SociétéLa société [5] a contesté cette décision en formant un recours devant la commission de recours amiable (CRA), qui a rejeté sa demande le 17 août 2020. Par la suite, la société a saisi le tribunal judiciaire de Versailles le 12 février 2021 pour demander l’inopposabilité de la décision de prise en charge. Procédure JudiciaireL’affaire a été plaidée le 16 janvier 2023, et le tribunal a décidé de surseoir à statuer sur les autres demandes en attendant un nouvel avis du CRRMP de la région Centre Val de Loire, qui a été rendu le 15 avril 2024. Avis du CRRMP de la Région Centre Val de LoireCet avis, déposé au greffe le 22 avril 2024, a été défavorable à la prise en charge de la maladie, indiquant qu’il n’existait pas de lien direct et essentiel entre la pathologie de Mme [U] et son travail habituel. Arguments des PartiesLors de l’audience, la société [5] a demandé au tribunal de déclarer inopposable la décision de prise en charge et de condamner la caisse à lui verser 1 500 euros pour ses frais. La caisse, quant à elle, a choisi de s’en remettre à la sagesse du tribunal, affirmant avoir respecté ses obligations. Motifs de la DécisionLe tribunal a constaté que l’avis du CRRMP de la région Centre Val de Loire ne retenait pas de contraintes suffisantes pour établir un lien entre la maladie et le travail de Mme [U]. En conséquence, la décision de prise en charge a été déclarée inopposable à la société [5]. Conséquences FinancièresLa caisse a été condamnée aux entiers dépens, tandis que la demande de la société [5] concernant les frais irrépétibles a été déboutée, le tribunal considérant que l’avis du CRRMP s’imposait à la caisse. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la portée de l’article L.461-1 du code de la sécurité sociale dans le cadre de la reconnaissance des maladies professionnelles ?L’article L.461-1 du code de la sécurité sociale stipule que : « Est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau. Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu’elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d’origine professionnelle lorsqu’il est établi qu’elle est directement causée par le travail habituel de la victime. Peut être également reconnue d’origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu’il est établi qu’elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu’elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d’un taux évalué dans les conditions mentionnées à l’article L.434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé. Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l’origine professionnelle de la maladie après avis motivé d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis, sont fixés par décret. L’avis du comité s’impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l’article L.315-1. » Cet article établit donc un cadre juridique pour la reconnaissance des maladies professionnelles, en précisant les conditions dans lesquelles une maladie peut être considérée comme d’origine professionnelle. Il souligne également l’importance de l’avis des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles, qui est contraignant pour la caisse primaire d’assurance maladie. Quelles sont les conséquences de l’avis du CRRMP sur la décision de prise en charge de la maladie professionnelle ?L’avis du CRRMP a un impact direct sur la décision de prise en charge de la maladie professionnelle. En effet, selon l’article L.461-1, l’avis du comité s’impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l’article L.315-1. Dans le cas présent, le CRRMP de la région Centre Val de Loire a rendu un avis défavorable à la prise en charge de la maladie déclarée par Mme [U], en indiquant qu’il n’existait pas de lien direct et essentiel entre l’affection et l’exposition professionnelle. Cet avis a conduit le tribunal à déclarer inopposable la décision de la caisse de prendre en charge la maladie, car la caisse n’a pas apporté d’éléments nouveaux pour contredire cet avis. Ainsi, la décision de la caisse, fondée sur un avis antérieur favorable, a été remise en question par un nouvel avis qui a mis en lumière l’absence de lien de causalité suffisant. Comment se prononce le tribunal sur les frais irrépétibles en vertu de l’article 700 du code de procédure civile ?L’article 700 du code de procédure civile dispose que : « Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations. » Dans cette affaire, le tribunal a décidé de débouter la société [5] de sa demande de remboursement de frais irrépétibles. Cette décision est fondée sur le principe d’équité, car l’avis du CRRMP, qu’il soit favorable ou défavorable, s’impose à la caisse. Le tribunal a donc jugé qu’il n’était pas justifié d’accorder une indemnité au titre des frais irrépétibles, compte tenu des circonstances de l’affaire et de la position de la caisse. Ainsi, le tribunal a exercé son pouvoir d’appréciation en tenant compte de la situation des parties et des éléments présentés. |
Copies certifiées conformes délivrées,
le :
à :
– S.A.S. [5]
– CPAM DE L’AISNE
– Me Antony VANHAECKE
N° de minute :
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
POLE SOCIAL
CONTENTIEUX GENERAL DE SECURITE SOCIALE
JUGEMENT RENDU LE MARDI 07 JANVIER 2025
N° RG 24/00804 – N° Portalis DB22-W-B7I-SDMS
Code NAC : 89E
DEMANDEUR :
S.A.S. [5]
Prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Maître Antony VANHAECKE, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant
DÉFENDEUR :
CPAM DE L’AISNE
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Monsieur [X] [P], muni d’un pouvoir spécial
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Madame Béatrice THELLIER, Juge
Monsieur Olivier CRUCHOT, Représentant des employeurs et des travailleurs indépendants
Madame Madeleine LEMAIRE, Représentant des salariés
Madame Valentine SOUCHON, Greffière
DEBATS : A l’audience publique tenue le 07 Novembre 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 07 Janvier 2025.
Pôle social – N° RG 24/00804 – N° Portalis DB22-W-B7I-SDMS
Le 30 septembre 2019, Mme [U], responsable qualité au sein de la société [5], a établi une déclaration de maladie professionnelle au titre d’un « syndrome anxio-dépressif ». A cette déclaration a été joint le certificat médical initial établi par le Dr [E] le 11 juin 2019 indiquant « Syndrome anxio-dépressif ».
Le 22 juin 2020, après avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) de la région de [Localité 6] Hauts de France, la caisse primaire d’assurance maladie de l’Aisne (la caisse) a notifié à la société [5] sa décision de prise en charge de cette maladie « hors tableau » au titre de la législation sur les risques professionnels.
Contestant cette décision de prise en charge, la société [5] a formé un recours devant la commission de recours amiable (CRA) qui a rejeté son recours lors de sa séance du 17 août 2020.
Par lettre recommandée avec accusé de réception reçue au greffe le 12 février 2021, la société [5] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Versailles, aux fins d’inopposabilité de la décision de prise en charge.
A défaut de conciliation et après un renvoi, l’affaire a été plaidée à l’audience du 16 janvier 2023, devant le pôle social du tribunal judiciaire de Versailles.
Par jugement en date du 16 mars 2023, le tribunal a, après avoir déclaré régulière l’instruction de la caisse, sursis à statuer sur toutes les autres demandes dans l’attente de l’avis du CRRMP de la région Centre Val de Loire.
L’avis du CRRMP de la région Centre Val de Loire a été rendu le 15 avril 2024 et déposé au greffe le 22 avril 2024 ; il a été notifié aux parties.
Après mise en état de l’affaire, celle-ci a été évoquée à l’audience du pôle social du tribunal judiciaire de Versailles en date du 7 novembre 2024.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
A l’audience, reprenant ses prétentions contenues dans ses dernières conclusions, la société [5], représentée par son conseil, demande au tribunal de lui déclarer inopposable la décision de prise en charge la maladie déclarée par Mme [U] au titre de la législation sur les risques professionnels et de condamner la caisse à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de ses frais irrépétibles, outre les entiers dépens.
Elle fait valoir, au visa de l’article L461-1 du code de la sécurité sociale, que l’avis argumenté du CRRMP de la région Centre Val de Loire remet en cause le caractère professionnel de la pathologie du 11 juin 2019, le lien de causalité direct et essentiel entre l’affection déclarée et le travail habituel de la victime n’ayant pas été retenu ; que celui-ci s’impose à la caisse en application de l’article L.315-2 du code de la sécurité sociale.
A l’audience, reprenant ses prétentions contenues dans ses dernières conclusions, la caisse, représentée par son mandataire, indique au tribunal s’en remettre à la sagesse du tribunal compte tenu de l’avis du second CRRMP et de débouter la société [5] de sa demande au titre de ses frais irrépétibles.
Elle fait notamment valoir qu’elle a parfaitement respecté l’ensemble de ses obligations pendant la procédure en reconnaissance du caractère professionnel de l’affection déclarée par Mme [U], rappelant que l’avis du premier CRRMP s’imposait à elle.
Il est renvoyé aux conclusions récapitulatives des parties développées oralement et déposées à l’audience pour un plus ample exposé des moyens de droit et de fait à l’appui de leurs prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile, ainsi qu’aux prétentions orales des parties.
. Sur la demande d’inopposabilité
Aux termes de l’article L.461-1 du code de la sécurité sociale, est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.
Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu’elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d’origine professionnelle lorsqu’il est établi qu’elle est directement causée par le travail habituel de la victime.
Peut être également reconnue d’origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu’il est établi qu’elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu’elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d’un taux évalué dans les conditions mentionnées à l’article L.434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.
Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l’origine professionnelle de la maladie après avis motivé d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis, sont fixés par décret. L’avis du comité s’impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l’article L.315-1.
En l’espèce, aux termes du colloque médico-administratif, la caisse a considéré que la pathologie déclarée par Mme [U] n’était pas inscrite au tableau mais représentait une incapacité prévisible supérieure à 25%. Elle a ainsi sollicité l’avis d’un CRRMP.
Le CRRMP de la région de [Localité 6] Hauts de France a rendu un avis favorable le 17 juin 2020 ainsi motivé : « Madame [U] [I], née en 1967, est responsable qualité pour une entreprise de bâtiment depuis 27 ans. Le dossier nous est présenté au titre du 7ème alinéa pour un syndrome anxio-dépressif constaté le 11.06.2019. A la lecture attentive des pièces médicales et administratives du dossier, le CRRMP constate qu’une réorganisation managériale en 2018 a été responsable d’une diminution de la latitude décisionnelle, d’un manque de reconnaissance et manque de sécurité dans la situation de travail de l’assurée. Dans ces conditions, il y a lieu de retenir un lien direct et essentiel entre l’affection présentée et l’exposition professionnelle. ».
Par jugement en date du 16 mars 2023, le tribunal de céans a sollicité l’avis d’un second comité et a désigné le CRRMP de la région Centre Val de Loire afin qu’il se prononce sur l’existence d’un lien direct et essentiel entre la maladie déclarée par l’assurée et son travail habituel.
Le CRRMP de la région Centre Val de Loire a rendu, le 15 avril 2024, un avis défavorable à la prise en charge professionnelle du 11 juin 2019, motivé comme suit : « Le dossier a été initialement étudié par le CRRMP HAUTS DE FRANCE qui avait émis un avis favorable à la reconnaissance de la maladie professionnelle en date du 17 juin 2020. Suite à la contestation de l’employeur, le Tribunal judiciaire de Versailles dans son jugement du 16/03/2023 désigne le CRRMP CENTRE – VAL DE LOIRE avec pour mission de donner : « donner un avis motivé sur la question de savoir si la maladie dont souffre l’assurée, constatée médicalement le 11/06/2019, a été directement causé par son travail habituel ». Le dossier nous est présenté au titre du 7ème alinéa IP [taux d’incapacité partielle prévisible] > 25% pour : syndrome anxiodépressif avec une date de première constatation médicale fixée au 11/06/2019 Autres).
Il s’agit d’une femme de 51 ans à la date de la constatation médicale exerçant la profession de responsable qualité. L’avis du médecin du travail a été consulté.
Après avoir étudié les pièces médico-administratives du dossier, le comité constate des éléments discordants (déclarations contradictoires, sans éléments factuels apportés) ne permettant pas de retenir des contraintes psycho organisationnelles suffisantes pour expliquer le développement de la pathologie observée.
En conséquence, il n’y a pas lieu de retenir un lien direct et essentiel entre l’affection présentée et l’exposition professionnelle. ».
Il ressort de cet avis que le CRRMP de la région Centre Val de Loire, après étude des éléments médico-administratifs présents au dossier, n’a pas retenu de contraintes psycho organisationnelles suffisantes pour expliquer le développement de la pathologie observée, et a estimé qu’il n’existait pas un lien direct et essentiel entre l’affection de Mme [U] du 11 juin 2019 et son travail habituel.
La caisse, qui s’en remet à la sagesse du tribunal sur ce point, ne verse aux débats aucun nouvel élément susceptible de remettre en cause l’avis de ce second CRRMP.
Dès lors, il y a lieu de déclarer inopposable à la société [5] la décision de la caisse en date du 22 juin 2020 prenant en charge, au titre de la législation sur les risques professionnels, la maladie déclarée le 30 septembre 2019 par Mme [U].
. Sur les frais du procès
Sur les dépens
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
La caisse, succombant, est condamnée aux entiers dépens.
Sur l’article 700 du code de procédure civile
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
L’avis du CRRMP, qu’il soit favorable ou défavorable, s’imposant à la caisse, l’équité commande de ne pas faire application de l’indemnité réclamée par Mme [U] au titre de ses frais irrépétibles.
Le tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,
DECLARE inopposable à la société [5] la décision de la caisse primaire d’assurance maladie de l’Aisne en date du 22 juin 2020 prenant en charge, au titre de la législation sur les risques professionnels, la maladie déclarée le 30 septembre 2019 par Mme [I] [U],
INVITE la caisse primaire d’assurance maladie de l’Aisne à en tirer toutes les conséquences de droit,
CONDAMNE la caisse primaire d’assurance maladie de l’Aisne aux entiers dépens,
DEBOUTE la société [5] de sa demande sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La Greffière La Présidente
Madame Valentine SOUCHON Madame Béatrice THELLIER
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