Contrôle des mesures de privation de liberté en santé mentale : enjeux de procédure et droits des patients

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Contrôle des mesures de privation de liberté en santé mentale : enjeux de procédure et droits des patients

L’Essentiel : Le 6 janvier 2025, Louise Miel, Vice-Présidente, a statué sur la demande de maintien de la mesure de contention pour Mme [I] [G], formulée par le directeur du Centre Hospitalier. La procédure, sans audience, a révélé des irrégularités, notamment l’absence d’information à la patiente sur ses droits, y compris le droit à l’assistance d’un avocat. En conséquence, le juge a ordonné la mainlevée de la mesure de contention, notifiant les parties concernées et leur offrant la possibilité d’appel dans les 24 heures. Cette décision souligne l’importance du respect des droits des patients dans les procédures de contention.

Contexte de la procédure

Le 6 janvier 2025, Louise Miel, Vice-Présidente chargée du contrôle des mesures privatives et restrictives de liberté, a statué sur une demande de maintien de la mesure de contention formulée par le directeur du Centre Hospitalier. La procédure s’est déroulée sans audience, selon un processus écrit, en l’absence du Ministère public et des parties concernées.

Demande de maintien de la mesure de contention

Le directeur du Centre Hospitalier a soumis une requête le 5 janvier 2025, demandant la prolongation de la mesure de contention appliquée à Mme [I] [G], une patiente en soins psychiatriques. Cette demande s’inscrit dans le cadre des articles du Code de la Santé Publique régissant l’isolement et la contention, qui ne peuvent être appliqués qu’en dernier recours et sous des conditions strictes.

Conditions légales pour l’isolement et la contention

Selon l’article L.3222-5-1, l’isolement et la contention doivent être justifiés par un risque immédiat pour le patient ou autrui, et leur mise en œuvre doit être surveillée par des professionnels de santé. Les durées maximales pour ces mesures sont de douze heures pour l’isolement et de six heures pour la contention, avec des possibilités de renouvellement sous certaines conditions.

Irregularités dans la procédure

Le magistrat a constaté que le directeur de l’établissement n’avait pas respecté les obligations d’information envers la patiente concernant ses droits, notamment le droit d’être assistée par un avocat et d’être entendue par le juge. Cette omission a été jugée comme une irrégularité procédurale, empêchant la patiente d’exercer ses droits dans le cadre de la procédure.

Décision du juge

En raison des irrégularités constatées, le juge a ordonné la mainlevée de la mesure de contention appliquée à Mme [I] [G]. Cette décision a été prise sans audience, conformément aux dispositions légales, et a été notifiée aux parties concernées, avec la possibilité de faire appel dans un délai de 24 heures.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de mise en œuvre de la mesure de contention selon le Code de la Santé Publique ?

La mesure de contention est régie par l’article L.3222-5-1 du Code de la Santé Publique, qui précise que l’isolement et la contention ne peuvent être appliqués qu’en dernier recours.

Ces mesures concernent uniquement les patients en hospitalisation complète sans consentement. Elles doivent être justifiées par la nécessité de prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui.

La décision doit être motivée par un psychiatre et doit respecter les principes d’adéquation, de nécessité et de proportionnalité au risque, après une évaluation du patient.

La mise en œuvre de ces mesures doit faire l’objet d’une surveillance stricte, tant somatique que psychiatrique, assurée par des professionnels de santé désignés, et doit être consignée dans le dossier médical.

La durée maximale de la mesure de contention est de six heures, renouvelable dans certaines conditions, et doit faire l’objet d’évaluations régulières.

Quels sont les droits du patient lors de la saisine du juge pour le maintien de la mesure de contention ?

L’article L.3211-12-2, III, du Code de la Santé Publique stipule que le juge, saisi d’une demande de mainlevée de la mesure de contention, statue sans audience selon une procédure écrite.

Le patient a le droit d’être entendu par le juge, et cette audition est de droit. Si des motifs médicaux empêchent l’audition, le patient est représenté par un avocat.

L’audition peut se faire par des moyens de télécommunication, à condition que cela soit compatible avec l’état mental du patient.

Le directeur de l’établissement doit informer le patient de la saisine du magistrat et de ses droits, notamment celui d’être assisté ou représenté par un avocat.

Il doit également recueillir l’acceptation ou le refus du patient concernant une audition par télécommunication.

Quelles sont les conséquences d’une irrégularité dans la procédure de saisine du juge ?

L’article R.3211-33-1 du Code de la Santé Publique impose au directeur de l’établissement de transmettre au greffe du magistrat des informations concernant la saisine, y compris l’information au patient sur ses droits.

Dans le cas présent, le directeur n’a pas respecté cette obligation, n’informant pas le patient de ses droits, ce qui constitue une irrégularité procédurale.

Cette irrégularité empêche le magistrat de s’assurer que le patient a été correctement avisé de ses droits et de ses demandes éventuelles.

En conséquence, le juge a ordonné la mainlevée de la mesure de contention, car les droits du patient n’ont pas été respectés, rendant la procédure non conforme aux exigences légales.

Ainsi, toute mesure prise dans un cadre procédural irrégulier peut être annulée pour garantir le respect des droits fondamentaux du patient.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE DE RENNES

service des hospitalisations
sous contrainte

À
N° RG 25/00041 – N° Portalis DBYC-W-B7J-LLR4
Minute n° 25/00018

PROCÉDURE DE SAISINE OBLIGATOIRE
CONTENTION

Article L.3222-5-1 et suivants , R.3211-42 et suivants
du Code de la Santé Publique

ORDONNANCE STATUANT SUR UNE DEMANDE DE MAINTIEN
DE LA MESURE DE CONTENTION

Le 06 janvier 2025 à H ;

Devant Nous, Louise MIEL, Vice-Président(e) chargé(e) du contrôle des mesures privatives et restrictives de liberté prévues par le code de la santé publique au Tribunal judiciaire de RENNES,

Statuant sans audience, selon une procédure écrite,

DEMANDEUR :

M. LE DIRECTEUR DU CENTRE HOSPITALIER [2]

Non comparant, ni représenté

DÉFENDEUR :

Madame [I] [G]
née le 31 Janvier 1999 à [Localité 1]

et actuellement en soins psychiatriques au Centre Hospitalier de [Localité 3]

Non auditionné ni représenté

En l’absence du Ministère public,

Vu la requête présentée par M. LE DIRECTEUR DU CENTRE HOSPITALIER [2], en date du 05 janvier 2025, aux fins de voir statuer sur le maintien de la mesure de contention ;

Vu les articles L. 3222-5-1, L.3211-12 à L.3211-12-2 et articles R. 3211-31 à R. 3211-45 du code de santé publique ;

Motifs de la décision

Selon l’article L3222-5-1 du Code de la Santé Publique :

I.-L’isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours et ne peuvent concerner que des patients en hospitalisation complète sans consentement. Il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision motivée d’un psychiatre et uniquement de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque après évaluation du patient. Leur mise en œuvre doit faire l’objet d’une surveillance stricte, somatique et psychiatrique, confiée par l’établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et tracée dans le dossier médical.

La mesure d’isolement est prise pour une durée maximale de douze heures. Si l’état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée, dans les conditions et selon les modalités prévues au premier alinéa du présent I, dans la limite d’une durée totale de quarante-huit heures, et fait l’objet de deux évaluations par vingt-quatre heures.

La mesure de contention est prise dans le cadre d’une mesure d’isolement pour une durée maximale de six heures. Si l’état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée, dans les conditions et selon les modalités prévues au même premier alinéa, dans la limite d’une durée totale de vingt-quatre heures, et fait l’objet de deux évaluations par douze heures.

II. – A titre exceptionnel, le médecin peut renouveler, au-delà des durées totales prévues au I, les mesures d’isolement et de contention, dans le respect des conditions prévues au même I. Le directeur de l’établissement informe sans délai le tribunal judiciaire du renouvellement de ces mesures. Le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut se saisir d’office pour y mettre fin. Le médecin informe du renouvellement de ces mesures au moins un membre de la famille du patient, en priorité son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité ou son concubin, ou une personne susceptible d’agir dans son intérêt dès lors qu’une telle personne est identifiée, dans le respect de la volonté du patient et du secret médical.

Le directeur de l’établissement saisit le juge avant l’expiration de la soixante-douzième heure d’isolement ou de la quarante-huitième heure de contention, si l’état de santé du patient rend nécessaire le renouvellement de la mesure au-delà de ces durées.

Le juge statue dans un délai de vingt-quatre heures à compter du terme des durées prévues au deuxième alinéa du présent II.

Si les conditions prévues au I ne sont plus réunies, il ordonne la mainlevée de la mesure. Dans ce cas, aucune nouvelle mesure ne peut être prise avant l’expiration d’un délai de quarante-huit heures à compter de la mainlevée de la mesure, sauf survenance d’éléments nouveaux dans la situation du patient qui rendent impossibles d’autres modalités de prise en charge permettant d’assurer sa sécurité ou celle d’autrui. Le directeur de l’établissement informe sans délai le juge, qui peut se saisir d’office pour mettre fin à la nouvelle mesure.

Si les conditions prévues au même I sont toujours réunies, le juge des libertés et de la détention autorise le maintien de la mesure d’isolement ou de contention. Dans ce cas, le médecin peut la renouveler dans les conditions prévues audit I et aux deux premiers alinéas du présent II. Toutefois, si le renouvellement d’une mesure d’isolement est encore nécessaire après deux décisions de maintien prises par le juge des libertés et de la détention, celui-ci est saisi au moins vingt-quatre heures avant l’expiration d’un délai de sept jours à compter de sa précédente décision et le médecin informe du renouvellement de ces mesures au moins un membre de la famille du patient, en priorité son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité ou son concubin, ou une personne susceptible d’agir dans son intérêt dès lors qu’une telle personne est identifiée, dans le respect de la volonté du patient et du secret médical. Le juge des libertés et de la détention statue avant l’expiration de ce délai de sept jours. Le cas échéant, il est à nouveau saisi au moins vingt-quatre heures avant l’expiration de chaque nouveau délai de sept jours et statue dans les mêmes conditions. Le médecin réitère l’information susmentionnée lors de chaque saisine du juge des libertés et de la détention.

Pour l’application des deux premiers alinéas du présent II, lorsqu’une mesure d’isolement ou de contention est prise moins de quarante-huit heures après qu’une précédente mesure d’isolement ou de contention a pris fin, sa durée s’ajoute à celle des mesures d’isolement ou de contention qui la précèdent.

Les mêmes deux premiers alinéas s’appliquent lorsque le médecin prend plusieurs mesures dont la durée cumulée sur une période de quinze jours atteint les durées prévues auxdits deux premiers alinéas.

Les mesures d’isolement et de contention peuvent également faire l’objet d’un contrôle par le magistrat du siège du tribunal judiciaire en application du IV de l’article L. 3211-12-1.

Un décret en Conseil d’Etat précise les conditions d’application du présent II.

III.-Un registre est tenu dans chaque établissement de santé autorisé en psychiatrie et désigné par le directeur général de l’agence régionale de santé pour assurer des soins psychiatriques sans consentement en application du I de l’article L. 3222-1. Pour chaque mesure d’isolement ou de contention, ce registre mentionne le nom du psychiatre ayant décidé cette mesure, un identifiant du patient concerné ainsi que son âge, son mode d’hospitalisation, la date et l’heure de début de la mesure, sa durée et le nom des professionnels de santé l’ayant surveillée. Le registre, établi sous forme numérique, doit être présenté, sur leur demande, à la commission départementale des soins psychiatriques, au Contrôleur général des lieux de privation de liberté ou à ses délégués et aux parlementaires.

L’établissement établit annuellement un rapport rendant compte des pratiques d’admission en chambre d’isolement et de contention, la politique définie pour limiter le recours à ces pratiques et l’évaluation de sa mise en œuvre. Ce rapport est transmis pour avis à la commission des usagers prévue à l’article L. 1112-3 et au conseil de surveillance prévu à l’article L. 6143-1.

– Sur le moyen relevé d’office tiré de la méconnaissance de l’article R.3211-33-1 du code de la santé publique

L’article L.3211-12-2, III, du code de la santé publique dispose :
« Par dérogation au I du présent article, le juge, saisi d’une demande de mainlevée de la mesure d’isolement ou de contention prise en application de l’article L. 3222-5-1, qui s’en saisit d’office ou qui en a été saisi aux fins de prolongation de la mesure, statue sans audience selon une procédure écrite.

Le patient ou, le cas échéant, le demandeur peut demander à être entendu par le juge, auquel cas cette audition est de droit et toute demande peut être présentée oralement. Néanmoins, si, au vu d’un avis médical motivé, des motifs médicaux font obstacle, dans son intérêt, à l’audition du patient, celui-ci est représenté par un avocat choisi, désigné au titre de l’aide juridictionnelle ou commis d’office.

L’audition du patient ou, le cas échéant, du demandeur peut être réalisée par tout moyen de télécommunication audiovisuelle ou, en cas d’impossibilité avérée, par communication téléphonique, à condition qu’il y ait expressément consenti et que ce moyen permette de s’assurer de son identité et de garantir la qualité de la transmission et la confidentialité des échanges. L’audition du patient ne peut être réalisée grâce à ce procédé que si un avis médical atteste que son état mental n’y fait pas obstacle ».

Aux termes de l’article R.3211-33-1 du même code :
« I.- Lorsque le directeur de l’établissement saisit le magistrat du tribunal judiciaire, en application du II de l’article L. 3222-5-1, la requête est présentée dans les conditions prévues à l’article R. 3211-10.

Sont jointes à la requête les pièces mentionnées à l’article R. 3211-12 ainsi que les précédentes décisions d’isolement ou de contention prises à l’égard du patient et tout autre élément de nature à éclairer le juge.

II.- Le directeur informe le patient de la saisine du magistrat du siège du tribunal judiciaire. Il lui indique qu’il peut, dans le cadre de cette instance, être assisté ou représenté par un avocat choisi, désigné au titre de l’aide juridictionnelle ou commis d’office.

Il lui indique également qu’il peut demander à être entendu par le juge et qu’il sera représenté par un avocat si le juge décide de ne pas procéder à son audition au vu de l’avis médical prévu au deuxième alinéa du III de l’article L. 3211-12-2. Le directeur recueille le cas échéant son acceptation ou son refus d’une audition par des moyens de télécommunication.

Le directeur informe le patient qu’il peut avoir accès aux pièces jointes à la requête dans le respect, s’agissant des documents faisant partie du dossier médical, des prescriptions de l’article L. 1111-7. Le délai de réflexion prévu au deuxième alinéa de l’article L. 1111-7 n’est pas applicable.

III.- Le directeur communique au greffe par tout moyen permettant de donner date certaine à leur réception, dans un délai de six heures à compter de l’enregistrement de sa requête, les informations et pièces suivantes :

1° Le cas échéant, le nom de l’avocat choisi par le patient ou l’indication selon laquelle il demande qu’un avocat soit commis d’office pour l’assister ou le représenter ;

2° Le cas échéant, le souhait du patient d’être entendu par le magistrat du siège du tribunal judiciaire ainsi que son acceptation ou son refus d’une audition par des moyens de télécommunication ;

3° Si le patient demande à être entendu par le magistrat du siège du tribunal judiciaire, un avis d’un médecin relatif à l’existence éventuelle de motifs médicaux faisant obstacle, dans son intérêt, à son audition et à la compatibilité de l’utilisation de moyens de télécommunication avec son état mental ;

4° Toute pièce que le patient entend produire ».

En l’espèce, le directeur de l’établissement, dont la requête aux fins de saisine du juge tendant à la poursuite de la mesure de contention dont fait l’objet Mme [G] a été réceptionnée au greffe le 05/01/2025 à 03h55, n’a pas transmis au greffe du magistrat de document relatif à l’information du patient sur la saisine de ce magistrat et sur ses droits dans le cadre de cette instance, en particulier celui d’être assisté ou représenté par un avocat et celui d’être entendu par le juge, et ce alors même que le délai de six heures à compter de l’enregistrement de la requête prévu au III de l’article R.3211-33-1 du CSP est expiré.

Ainsi, le magistrat en charge du contrôle de la régularité des mesures d’isolement et de contention n’est pas en mesure de s’assurer que le patient a été régulièrement avisé de ses droits à l’occasion de la présente instance. Il doit être observé que les demandes éventuelles du patient afférentes à cette procédure n’ayant pas été recueillies, celui-ci n’est manifestement pas mis en situation, le cas échéant, d’exercer ses droits.

Il y a donc lieu de constater l’irrégularité de la procédure, de sorte qu’il y a lieu d’ordonner la mainlevée de la mesure de contention.

PAR CES MOTIFS

Statuant sans audience selon une procédure écrite par décision contradictoire mise à disposition au greffe et en premier ressort :

Ordonnons la mainlevée de la mesure de contention de Mme [I] [G].

Notifions qu’en application des dispositions des articles R.3211-42 et suivants du code de la Santé publique, la présente décision est susceptible d’être contestée par la voie de l’appel, interjeté dans un délai de 24 HEURES à compter de sa notification, devant le Premier Président de la Cour d’Appel de RENNES, par une déclaration motivée transmise par tout moyen au greffe de la Cour d’Appel (courriel : [Courriel 4]).

LE JUGE

Copie transmise par voie électronique au Directeur de l’établissement
Le 06 janvier 2025
Le greffier,

Copie transmise par voie électronique à Mme [I] [G], par l’intermédiaire du directeur de l’établissement
Le 06 janvier 2025
Le greffier,
Copie transmise par voie électronique à M. Le Procureur de la République par voie électronique
Le 06 janvier 2025
Le greffier,


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