Réintégration en milieu psychiatrique : enjeux de consentement et d’évaluation médicale.

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Réintégration en milieu psychiatrique : enjeux de consentement et d’évaluation médicale.

L’Essentiel : Le 27 septembre 2024, [P] [R] a été admise à l’EPSM de [Localité 5] à la demande de sa sœur, conformément à la législation en vigueur. Le 23 décembre, le directeur a décidé de sa réintégration sur la base d’un certificat médical, en raison de l’évolution de son état. Le 30 décembre, un contrôle judiciaire a été demandé, le ministère public soutenant le maintien de l’hospitalisation. Lors de l’audience, le conseil de [P] [R] n’a pas pu justifier une demande de mainlevée. Le magistrat a ordonné la poursuite de l’hospitalisation complète jusqu’à une décision médicale.

Contexte de l’hospitalisation

Le 27 septembre 2024, [P] [R] a été admise en hospitalisation complète à l’EPSM de [Localité 5] Métropole à la demande de sa sœur, conformément à l’article L3212-3 du code de la santé publique. Elle a bénéficié d’un programme de soins à partir du 6 décembre 2024.

Décision de réintégration

Le 23 décembre 2024, le directeur de l’établissement a décidé de réintégrer [P] [R] sur la base d’un certificat médical établi le même jour par le docteur [D]. Cette décision a été motivée par l’évolution de son état de santé.

Contrôle judiciaire de l’hospitalisation

Le 30 décembre 2024, le directeur de l’établissement a saisi le magistrat du siège pour un contrôle de la mesure d’hospitalisation suite à la réhospitalisation à temps complet de [P] [R]. Le ministère public a exprimé son avis en faveur du maintien de l’hospitalisation sous contrainte.

Position du conseil et de l’établissement

Lors de l’audience, le conseil de [P] [R] a indiqué qu’il n’avait pas de moyen pour soutenir la demande de mainlevée de la mesure, précisant que [P] [R] était en colère contre le traitement prescrit. Le représentant de l’établissement a demandé la poursuite de l’hospitalisation, tandis que [P] [R] a choisi de ne pas être présente.

Évaluation médicale et décision judiciaire

Selon l’article L.3212-1 du code de la santé publique, l’hospitalisation sans consentement est justifiée si les troubles mentaux rendent impossible ce consentement et nécessitent des soins immédiats. Le juge ne peut pas contester l’évaluation médicale des troubles psychiques du patient. Le psychiatre a proposé une hospitalisation complète en raison de l’évolution défavorable de l’état de [P] [R], qui présentait des tensions internes, des idées délirantes et un comportement hostile.

Ordonnance du magistrat

Le magistrat a ordonné la poursuite de l’hospitalisation complète de [P] [R], précisant que cette mesure resterait en vigueur jusqu’à une levée médicale ou une décision de placement sous soins ambulatoires sans consentement, et ce, pour une durée maximale de six mois. L’ordonnance a été prononcée le 3 janvier 2025.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de l’hospitalisation sans consentement selon le Code de la santé publique ?

L’article L3212-1 du Code de la santé publique stipule que :

« Une personne atteinte de troubles mentaux ne peut être hospitalisée sans son consentement sur décision du directeur de l’établissement que si ses troubles rendent impossible son consentement et que son état impose des soins immédiats assortis d’une surveillance constante en milieu hospitalier. »

Ainsi, pour qu’une hospitalisation sans consentement soit légale, deux conditions doivent être remplies :

1. Les troubles mentaux de la personne doivent rendre impossible son consentement.

2. L’état de la personne doit nécessiter des soins immédiats et une surveillance constante.

Il est important de noter que le juge ne peut pas substituer son avis à l’évaluation médicale concernant les troubles psychiques du patient et son consentement aux soins, comme l’indique la jurisprudence (Cour de cassation, civ 1ère, 27 septembre 2017, pourvoi n°16-22.544).

Quel est le rôle du psychiatre dans la modification de la prise en charge d’un patient ?

L’article L3211-11 du Code de la santé publique précise que :

« Le psychiatre qui participe à la prise en charge du patient peut proposer à tout moment de modifier la forme de la prise en charge mentionnée à l’article L. 3211-2-1 pour tenir compte de l’évolution de l’état de la personne. »

Ce psychiatre doit établir un certificat médical circonstancié qui est transmis immédiatement au directeur de l’établissement d’accueil. Ce certificat doit proposer une hospitalisation complète si le psychiatre constate que la prise en charge actuelle ne permet plus de dispenser les soins nécessaires, notamment en raison du comportement du patient.

Si le psychiatre ne peut pas examiner le patient, il doit transmettre un avis basé sur le dossier médical de la personne.

Dans le cas de [P] [R], le psychiatre a jugé nécessaire une réhospitalisation complète en raison de l’évolution de son état, qui se manifestait par des tensions internes et des comportements hostiles.

Quelle est la durée maximale d’une mesure d’hospitalisation complète sans consentement ?

Selon la décision rendue, la mesure d’hospitalisation complète de [P] [R] emporte effet jusqu’à la levée médicale ou jusqu’à une décision médicale de placement sous soins ambulatoires sans consentement.

À défaut, cette mesure est valable pour une durée maximale de six mois suivant le prononcé de la décision.

Cela signifie que, même si la situation de [P] [R] nécessite une hospitalisation, celle-ci ne peut excéder six mois sans réévaluation médicale. Cette disposition vise à protéger les droits des patients tout en assurant leur sécurité et leur bien-être.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE

Magistrat Délégué
Dossier – N° RG 24/02362 – N° Portalis DBZS-W-B7I-ZDOC

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

ORDONNANCE DU 03 Janvier 2025

DEMANDEUR
M. LE DIRECTEUR DE L’EPSM [Localité 5] MÉTROPOLE – SITE [Localité 4]
[Adresse 6]
Représenté par Madame [T] [J]

DEFENDEUR
Madame [P] [R]
EPSM [Localité 5] MÉTROPOLE – SITE [Localité 4]
[Adresse 6]
Absente, représentée par Maître Gaëlle METAIRIE, avocat commis d’office

TIERS
Madame [S] [R]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Non comparant(e)

MADAME LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Non comparant – conclusions écrites du procureur de la République.

COMPOSITION

MAGISTRAT : Aurore JEAN BAPTISTE,, Magistrat Délégué
GREFFIER : Laure-Anne REMY

DEBATS

En audience publique du 03 Janvier 2025 qui s’est tenue dans la salle d’audience de L’EPSM de L’[3], la décision ayant été mise en délibéré au 03 Janvier 2025.

Ordonnance contradictoire, en premier ressort, par mise à disposition au greffe le 03 Janvier 2025 par Aurore JEAN BAPTISTE, Magistrat délégué, assisté de Laure-Anne REMY, Greffier.

Vu l’article 455 du code de procédure civile ;Vu la requête en date du 30 Décembre 2024 présentée par LE DIRECTEUR DE L’EPSM [Localité 5] MÉTROPOLE et les pièces jointes ;Vu les pièces visées par l’article R 3211-12 du code de la santé publique ;Vu la présence d’un avocat pour l’audience de ce jour ;Vu les conclusions du Ministère Public ;
Les parties présentes entendues.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Le 23 décembre 2024, [P] [R] a fait l’objet d’une décision de réintégration par le directeur de l’établissement psychiatrique en hospitalisation complète à l’EPSM de [Localité 5] Métropole sur la base du certificat médical établi le 23 décembre 2024 par le docteur [D].

[P] [R] bénéficiait jusqu’alors d’un programme de soins depuis le 06 décembre 2024.

[P] [R] avait fait à l’origine l’objet le 27 septembre 2024 d’une admission en hospitalisation complète selon la procédure prévue à l’article L3212-3 du code de la santé publique soit à la demande d’un tiers en urgence (sa soeur).

Par ordonnance du 15 novembre 2024, le magistrat du siège a ordonné la poursuite de la mesure d’hospitalisation dont [P] [R] fait l’objet.

Par requête en date du 30 décembre 2024, le directeur de l’établissement a saisi lemagistrat du siège aux fins de contrôle de la mesure suite à la réhospitalisation à temps complet de [P] [R].

Par mention écrite jointe au dossier, le ministère public a fait connaître son avis requérant le maintien de l’hospitalisation sous contrainte.

***

Entendu le conseil de [P] [R] n’a pas de moyen au soutien de la demande de mainlevée de la mesure mais indique que [P] [R] est en colère parce que le traitement prescrit n’était pas adapté ce qui a conduit à sa réintégration.

Le représentant de l’établissement demande la poursuite de la mesure.

[P] [R] n’a pas souhaité être présente lors de l’audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En application de l’article L.3212-1 du code de la santé publique, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut être hospitalisée sans son consentement sur décision du directeur de l’établissement que si ses troubles rendent impossible son consentement et que son état impose des soins immédiats assortis d’une surveillance constante en milieu hospitalier.

Le juge ne peut substituer son avis à l’évaluation par les médecins tant des troubles psychiques du patient que de son consentement aux soins (Cour de cassation, civ 1ère, 27 septembre 2017, pourvoi n°16-22.544).

En application de l’article L3211-11 du code de la santé publique le psychiatre qui participe à la prise en charge du patient peut proposer à tout moment de modifier la forme de la prise en charge mentionnée à l’article L. 3211-2-1 pour tenir compte de l’évolution de l’état de la personne. Il établit en ce sens un certificat médical circonstancié transmis immédiatement au directeur de l’établissement d’accueil et proposant une hospitalisation complète lorsqu’il constate que la prise en charge de la personne décidée sous une autre forme ne permet plus, notamment du fait du comportement de la personne, de dispenser les soins nécessaires à son état. Lorsqu’il ne peut être procédé à l’examen du patient, il transmet un avis établi sur la base du dossier médical de la personne.

[P] [R] a été réintégrée en ce qu’elle représente une tension interne importante. Le discours retrouve une diffluence, associé à des idées délirantes de persécutation de mécanisme interprétatif ainsi que des paralogies. [P] [R] se montre hostile et insultante.

Il convient en conséquence d’autoriser la poursuite de l’hospitalisation complète de [P] [R].

PAR CES MOTIFS,

Le magistrat délégué statuant après débats, par ordonnance mise à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort

ORDONNE la poursuite de l’hospitalisation complète de Madame [P] [R].

DIT que cette mesure emporte effet jusqu’à levée médicale ou décision médicale de placement sous soins ambulatoires sans consentement et à défaut jusqu’à un délai de six mois suivant le prononcé de cette décision.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Janvier 2025.

Le Greffier, Le Magistrat Délégué,

Laure-Anne REMY Aurore JEAN BAPTISTE


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