Conflit sur l’interprétation des droits liés à une servitude de passage

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Conflit sur l’interprétation des droits liés à une servitude de passage

L’Essentiel : Monsieur [X] [U] a acquis un bien immobilier le 1er août 2018, comprenant un local commercial et des appartements, grevé d’une servitude de passage. Un litige a surgi concernant l’étendue de cette servitude, entraînant une saisine du juge des référés. Le 27 novembre 2023, Monsieur [X] [U] a assigné Lille Métropole Habitat, demandant l’accès au portail et le remboursement de frais. L’affaire a été renvoyée au tribunal judiciaire de Lille, avec une audience prévue pour le 5 novembre 2024. Le tribunal a finalement ordonné à Lille Métropole Habitat de remettre les moyens d’accès, sous astreinte en cas de retard.

Acquisition de l’immeuble

Monsieur [X] [U] a acquis, par acte notarié du 1er août 2018, un bien immobilier auprès de la SCI Alliance, comprenant un local commercial et des appartements. Ce bien est grevé d’une servitude de passage sur des parcelles voisines appartenant à l’Office Public de l’Habitat de la Métropole Européenne de [Localité 11].

Litige sur la servitude de passage

Un différend a éclaté concernant l’étendue de la servitude de passage. Monsieur [X] [U] a saisi le juge des référés, qui a rejeté certaines de ses demandes tout en ordonnant à Lille Métropole Habitat de lui remettre les moyens d’utilisation des portails piétons.

Assignation en justice

Le 27 novembre 2023, Monsieur [X] [U] a assigné Lille Métropole Habitat devant le tribunal judiciaire de Lille, demandant la remise des moyens d’accès au portail et le remboursement de frais. En réponse, Lille Métropole Habitat a demandé le rejet des demandes de Monsieur [X] [U] et a formulé des demandes reconventionnelles.

Évolution de l’affaire

L’affaire a été renvoyée à la deuxième chambre civile du tribunal judiciaire de Lille, avec une clôture de l’instruction ordonnée le 28 juin 2024. L’audience de plaidoirie est fixée au 5 novembre 2024, suivie d’une mise en délibéré au 7 janvier 2025.

Arguments des parties

Monsieur [X] [U] affirme que son fonds bénéficie d’une servitude de passage incluant un accès véhicule, tandis que Lille Métropole Habitat soutient que l’acte notarié ne prévoit pas cet accès et que le demandeur a aggravé l’état d’enclave de sa propriété. Les deux parties invoquent des articles du code civil pour soutenir leurs positions.

Décision du tribunal

Le tribunal a statué que Lille Métropole Habitat doit remettre à Monsieur [X] [U] les moyens d’utilisation du portail, sous astreinte en cas de retard. De plus, Lille Métropole Habitat a été condamnée aux dépens et à verser une somme à Monsieur [X] [U] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est l’étendue de la servitude de passage prévue dans l’acte notarié du 1er août 2018 ?

La servitude de passage est un droit accordé à un propriétaire (fonds dominant) d’utiliser une partie d’un autre bien (fonds servant) pour accéder à sa propriété.

Dans le cas présent, l’article 29.3 de l’acte notarié stipule que « ce droit de passage s’exercera sur les allées et voies d’accès à l’intérieur de la propriété de l’Office Public d’Habitations à Loyer Modéré ».

Il est donc clair que l’assiette de la servitude inclut toutes les allées et voies d’accès, sans distinction quant à la nature de ces accès.

Ainsi, l’absence de précision sur le type d’accès (piéton ou véhicule) dans l’acte notarié signifie que le propriétaire du fonds dominant a le droit d’utiliser tous les accès disponibles, y compris ceux destinés aux véhicules.

En conséquence, toute restriction imposée par le fonds servant, comme la fermeture d’un accès par un cadenas, constitue une violation de la servitude de passage, car cela diminue l’usage de celle-ci, ce qui est prohibé par l’article 701 du code civil.

Quels sont les droits et obligations des parties en vertu des articles 701 et 702 du code civil ?

L’article 701 du code civil précise que « le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l’usage, ou à le rendre plus incommode ».

Cela signifie que le fonds servant (Lille Métropole Habitat) ne peut pas restreindre l’accès du fonds dominant (Monsieur [X] [U]) à la servitude de passage.

De plus, l’article 702 stipule que « celui qui a un droit de servitude ne peut en user que suivant son titre, sans pouvoir faire, ni dans le fonds qui doit la servitude, ni dans le fonds à qui elle est due, de changement qui aggrave la condition du premier ».

Cela implique que Monsieur [X] [U] doit utiliser la servitude conformément à ce qui est stipulé dans l’acte notarié, sans aggraver la situation du fonds servant.

Dans cette affaire, Lille Métropole Habitat a tenté de justifier la restriction d’accès en invoquant des raisons de sécurité, mais cela ne peut pas justifier une diminution de l’usage de la servitude, ce qui constitue une violation des obligations prévues par ces articles.

Quelles sont les conséquences de la décision du tribunal concernant les dépens et l’article 700 du code de procédure civile ?

L’article 696 du code de procédure civile stipule que « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ».

Dans cette affaire, Lille Métropole Habitat, en tant que partie perdante, a été condamnée aux dépens.

De plus, l’article 700 du code de procédure civile prévoit que « le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ».

Le tribunal a décidé de condamner Lille Métropole Habitat à verser à Monsieur [X] [U] la somme de 2.000 euros au titre de cet article, ce qui reflète les frais engagés par Monsieur [X] [U] pour faire valoir ses droits.

Cette décision souligne l’importance de la protection des droits de propriété et des servitudes, ainsi que la responsabilité des parties dans le cadre des litiges juridiques.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
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Chambre 02
N° RG 23/10785 – N° Portalis DBZS-W-B7H-XXYX

JUGEMENT DU 07 JANVIER 2025

DEMANDEUR :

M. [X] [U]
[Adresse 10]
[Localité 9]
représenté par Me Pierre VANDENBUSSCHE, avocat au barreau de LILLE

DÉFENDERESSE :

Etablissement public OFFICE PUBLIC DE L’HABITAT DE LA METROPOLE EUROPEE NNE DE [Localité 11] Exerçant ses activités sous l’enseigne [Localité 11] METROPOLE HABITAT
[Adresse 6]
[Localité 8]
représentée par Me Thierry LORTHIOIS, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Maureen DE LA MALENE, Juge, statuant en qualité de Juge Unique, en application de l’article R 212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire,

Greffier : Dominique BALAVOINE, Greffier

DÉBATS :

Vu l’ordonnance de clôture en date du 28 Juin 2024 ;

A l’audience publique du 05 Novembre 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les parties ont été avisées que le jugement serait rendu le 07 Janvier 2025.

JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 07 Janvier 2025, et signé par Maureen DE LA MALENE, Présidente, assistée de Dominique BALAVOINE, Greffier.

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte notarié du 1er août 2018, Monsieur [X] [U] a acquis auprès de la SCI Alliance le volume II de l’immeuble sis [Adresse 5] à [Localité 12] et cadastré LP [Cadastre 2], composé d’un local de bureau commercial au rez-de-chaussée et d’un appartement et d’un studio à chacun des premier et deuxième étages.

Ce fonds bénéficie d’une servitude de passage sur les parcelles voisines cadastrées LP [Cadastre 3] et LP [Cadastre 4] appartenant à l’Office Public de l’Habitat de la Métropole Européenne de [Localité 11] exerçant ses activités sous l’enseigne de [Localité 11] Métropole Habitat (ci-après [Localité 11] Métropole Habitat).

Un litige est survenu entre les parties s’agissant de l’étendue de cette servitude de passage.

Par ordonnance en date du 3 octobre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille, saisi par Monsieur [X] [U], a notamment rejeté ses demandes de condamnation de Lille Métropole Habitat au retrait des portails piétons et à la remise des clefs du portail véhicules, mais a condamné cette dernière à lui remettre l’ensemble des moyens d’utilisation des deux portails piétons.

* * *

Par acte de commissaire de justice en date du 27 novembre 2023, Monsieur [X] [U] a assigné [Localité 11] Métropole Habitat devant le tribunal judiciaire de Lille.

Dans ses dernières écritures notifiées le 2 avril 2024, il demande au tribunal, au visa de l’article 701 du code civil, de :
– condamner Lille Métropole Habitat, sous telle astreinte qui plaira au tribunal, à lui remettre l’ensemble des moyens d’utilisation du portail situé [Adresse 1] à [Localité 12] (badges, code d’accès et clefs du cadenas) ;
– condamner [Localité 11] Métropole Habitat aux dépens et à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures notifiées le 7 mai 2024, l’Office Public de l’Habitat de la Métropole Européenne de Lille exerçant ses activités sous l’enseigne de Lille Métropole Habitat demande au tribunal, au visa des articles 701 et 702 du code civil, de :
– débouter Monsieur [X] [U] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions
et statuant reconventionnellement,
– condamner Monsieur [X] [U] à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner Monsieur [X] [U] aux entiers dépens de l’instance et autoriser Maître Lorthiois à recouvrer directement les dépens dont il a fait l’avance sans en avoir reçu provision conformément aux dispositions des articles 696 et 699 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, le tribunal se réfère expressément à leurs dernières écritures, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

L’affaire a fait l’objet d’un renvoi par la première chambre civile à la deuxième chambre civile du tribunal judiciaire de Lille suivant ordonnance du 17 janvier 2024.

La clôture de l’instruction a été ordonnée le 28 juin 2024 et l’affaire a été fixée à plaider à l’audience du 5 novembre 2024.

L’affaire a été mise en délibéré au 7 janvier 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

Monsieur [X] [U] soutient qu’en vertu de l’acte notarié du 1er août 2018, son fonds bénéficie d’une servitude de passage sur l’ensemble immobilier appartenant à [Localité 11] Métropole Habitat en raison de son état d’enclave, composée de deux accès piétons via la [Adresse 14] et la [Adresse 13] et d’un accès véhicules via la [Adresse 13].
Il reproche toutefois au défendeur d’avoir fermé ce dernier accès par un cadenas dont il ne dispose pas de la clef, et ce en violation de l’article 701 du code civil qui interdit au fonds servant de diminuer l’usage d’une telle servitude.
En réponse aux arguments adverses, Monsieur [X] [U] soutient que l’acte notarié prévoit bien un accès tant à la [Adresse 14] qu’à celle [Adresse 13], sans déterminer la nature de ces accès, si bien qu’il y a lieu de considérer qu’un accès véhicule doit être prévu (secours, déménagement…), et qu’affirmer l’inverse reviendrait à contredire la loi des parties.

[Localité 11] Métropole Habitat soutient à l’inverse que l’acte notarié du 1er août 2018 ne prévoit pas d’accès véhicules au titre de la servitude de passage, et qu’en toute hypothèse, le demandeur bénéficie de deux accès piétons dont les moyens d’utilisation lui ont été remis.
Elle reproche également à Monsieur [X] [U] et à l’ancien propriétaire d’avoir aggravé l’état d’enclave de leur propriété, et ce en violation des prescriptions de l’article 702 du code de procédure civile.
Par ailleurs, la défenderesse rappelle que Monsieur [X] [U] ne bénéficie d’aucun droit au stationnement sur les allées et voies du parking aérien dont elle est propriétaire, que les secours disposent d’autres voies d’accès et que la sécurité de l’immeuble justifie la restriction des voies d’accès.

Aux termes des deux premiers alinéas de l’article 701 du code civil, le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l’usage, ou à le rendre plus incommode.
Ainsi, il ne peut changer l’état des lieux, ni transporter l’exercice de la servitude dans un endroit différent de celui où elle a été primitivement assignée.

L’article suivant dispose que de son côté, celui qui a un droit de servitude ne peut en user que suivant son titre, sans pouvoir faire, ni dans le fonds qui doit la servitude, ni dans le fonds à qui elle est due, de changement qui aggrave la conditions du premier.

L’objet du litige dont est saisi le tribunal dans le cadre de la présente instance est celui de l’étendue de la servitude de passage prévue dans l’acte notarié du 1er août 2018.

L’article 29.3. « servitudes » de l’acte authentique de vente du 1er août 2018 stipule qu’ «1/ Aux termes de l’acte de vente au profit de la Société Immobilière Civile en date du 16 juin 2008, il a été rappelé une servitude de passage au profit de l’immeuble vendu sur les parcelles cadastrées section LP numéros [Cadastre 3] et [Cadastre 4] […]
Pour permettre l’accès à partir de la partie habitation de l’immeuble, [Adresse 7] aux [Adresse 14] et [Adresse 13], il est constitué au profit des propriétaires et occupants de l’immeuble [Adresse 7] à [Localité 12] un droit de passage à titre de servitude réelle et perpétuelle, sur les parcelles appartenant à l’Office Public d’Habitations à Loyer Modéré […]
Ce droit de passage s’exercera sur les allées et voies d’accès à l’intérieur de la propriété de l’Office Public d’HLM […] ».

En l’espèce, il ressort de l’acte notarié du 1er août 2018 que l’assiette de la servitude de passage dont bénéficie le fonds dominant appartement à Monsieur [X] [U] s’effectue sur toutes « les allées et voies d’accès à l’intérieur de la propriété » du fonds servant appartenant à [Localité 11] Métropole Habitat.

Celles-ci sont d’ailleurs matérialisées sur l’annexe visée à l’acte de vente et transmise aux débats par le demandeur en pièce n°2.

Il n’est donc pas fait dans l’acte notarié de distinction quant à la nature de ces accès, si bien qu’il n’appartient pas aux parties d’en faire.

Aussi, en interdisant au fonds dominant l’un des accès du fonds servant aux motifs que celui-ci est destiné aux véhicules alors que le propriétaire de ce premier fonds ne dispose d’aucun droit au stationnement, [Localité 11] Métropole Habitat est venue dénaturer l’acte notarié du 1er août 2018 et restreindre de manière injustifiée la servitude de passage conventionnelle dont bénéficie Monsieur [X] [U]. Les différents moyens de faits et arguments soulevés par la défenderesse ne justifient aucunement la diminution de l’usage de la servitude litigieuse de sa seule initiative.

Si [Localité 11] Métropole Habitat pouvait en modifier les conditions d’utilisation, par la pose d’un cadenas par exemple, pour répondre notamment à des objectifs de sécurité, il ne lui appartenait pas d’interdire l’accès par le [Adresse 1].

Dès lors, [Localité 11] Métropole Habitat sera condamnée à remettre à Monsieur [X] [U] l’ensemble des moyens d’utilisation du portail situé [Adresse 1] à [Localité 12] (badges, code d’accès et clefs du cadenas) dans un délai de deux mois à compter de la signification du présent jugement, et ce sous astreinte provisoire de 20 euros par jour de retard passé ce délai pour une durée de six mois.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

I. Sur les dépens :

L’article 696 du code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

En l’espèce, [Localité 11] Métropole Habitat, partie perdante, sera condamnée aux dépens.

II. Sur l’article 700 du code de procédure civile :

En vertu de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.

En l’espèce, [Localité 11] Métropole Habitat, partie perdante, sera condamnée à payer à Monsieur [X] [U] la somme de 2.000 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe de la juridiction, par jugement contradictoire et en premier ressort,

CONDAMNE l’Office Public de l’Habitat de la Métropole Européenne de [Localité 11] exerçant ses activités sous l’enseigne de [Localité 11] Métropole Habitat à remettre à Monsieur [X] [U] l’ensemble des moyens d’utilisation du portail situé [Adresse 1] à [Localité 12] (badges, code d’accès et clefs du cadenas) dans un délai de deux mois à compter de la signification du présent jugement, et ce sous astreinte provisoire de 20 euros par jour de retard passé ce délai pour une durée de six mois ;

CONDAMNE l’Office Public de l’Habitat de la Métropole Européenne de [Localité 11] exerçant ses activités sous l’enseigne de [Localité 11] Métropole Habitat aux dépens ;

CONDAMNE l’Office Public de l’Habitat de la Métropole Européenne de [Localité 11] exerçant ses activités sous l’enseigne de [Localité 11] Métropole Habitat à payer à Monsieur [X] [U] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

Dominique BALAVOINE Maureen DE LA MALENE


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