Indécence du logement et conséquences sur les obligations contractuelles entre bailleur et locataire

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Indécence du logement et conséquences sur les obligations contractuelles entre bailleur et locataire

L’Essentiel : La société civile immobilière Lauviah a signé un bail avec Mme [V] en novembre 2014. En mars 2020, Mme [V] a saisi le juge des référés pour indécence du logement, entraînant une expertise. En mars 2022, elle a demandé une indemnisation au tribunal, qui a reconnu un préjudice de jouissance de 2 000 euros, tout en déboutant ses autres demandes. Mme [V] a interjeté appel, demandant une augmentation de l’indemnisation. La SCI Lauviah a également fait appel concernant les loyers impayés. La cour a finalement fixé le préjudice à 1 540 euros et la somme due à 2 419,50 euros.

Contexte du litige

La société civile immobilière Lauviah a conclu un bail d’habitation avec Mme [V] le 1er novembre 2014 pour un logement situé à [Localité 3]. En mars 2020, Mme [V] a saisi le juge des référés, alléguant l’indécence du logement, ce qui a conduit à une expertise ordonnée en septembre 2020. L’expert a remis son rapport en décembre 2021, alors que Mme [V] avait déjà quitté le logement en septembre 2021.

Procédures judiciaires

En mars 2022, Mme [V] a demandé au tribunal judiciaire de Bordeaux une indemnisation pour divers préjudices, incluant une décote de loyer et un préjudice moral. Le jugement rendu le 6 janvier 2023 a reconnu Mme [V] créancière de 2 000 euros pour son préjudice de jouissance, tout en déboutant ses autres demandes. La SCI Lauviah a également été reconnue créancière de 6 960 euros pour loyers impayés, et Mme [V] a été condamnée à payer 4 960 euros après compensation des créances.

Appel de Mme [V]

Mme [V] a interjeté appel du jugement en janvier 2023, demandant une augmentation de l’indemnisation pour son préjudice de jouissance à 4 500 euros et le rejet des demandes de la SCI Lauviah concernant les loyers impayés. Elle a également demandé des frais irrépétibles de 5 000 euros.

Appel incident de la SCI Lauviah

La SCI Lauviah a également interjeté appel, demandant la confirmation du jugement concernant les loyers impayés et le rejet des demandes de Mme [V] pour préjudice de jouissance. Elle a contesté le montant de l’indemnisation accordée à Mme [V] pour son préjudice de jouissance.

Analyse des demandes indemnitaires

Le tribunal a reconnu l’indécence du logement, mais a rejeté la demande de décote de loyer, considérant que Mme [V] avait contribué à la situation en refusant l’accès aux entreprises pour effectuer des travaux. Le tribunal a fixé le préjudice de jouissance à 2 000 euros, mais Mme [V] a contesté cette décision, arguant que la réduction ne tenait pas compte de l’ensemble des éléments d’indécence.

Décision sur les loyers impayés

Concernant les loyers impayés, le tribunal a constaté que Mme [V] n’avait pas payé depuis mars 2020. Bien qu’elle ait justifié une suspension de l’APL en raison de l’indécence du logement, le tribunal a déduit les montants dus et a finalement fixé la somme que Mme [V] devait à la SCI Lauviah à 2 419,50 euros.

Conclusion de la cour

La cour a infirmé partiellement le jugement initial, fixant le préjudice de jouissance de Mme [V] à 1 540 euros et la somme due pour loyers impayés à 2 419,50 euros. Après compensation, Mme [V] a été condamnée à payer 879,50 euros à la SCI Lauviah. Les dépens ont été partagés entre les parties, et les demandes de frais irrépétibles ont été rejetées.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les obligations du bailleur en matière de logement décent ?

Le bailleur a l’obligation de remettre au locataire un logement décent, conformément à l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989. Cet article stipule que :

« Le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé. »

Cette obligation est d’ordre public, ce qui signifie qu’elle ne peut être écartée par des dispositions contractuelles contraires.

De plus, le décret n° 2002-120 précise les caractéristiques que doit respecter un logement décent, notamment :

– Le gros œuvre doit être en bon état d’entretien et protéger des ruissellements et remontées d’eau.

– Les dispositifs de retenue des personnes dans le logement ou ses accès doivent être conformes et en bon état.

– Les appareils de branchement, d’électricité, de gaz ou de production d’eau chaude doivent être conformes et en bon état de fonctionnement.

– Une aération suffisante doit être assurée, permettant un renouvellement de l’air et une évacuation de l’humidité.

Dans le cas présent, le rapport d’expertise a mis en évidence plusieurs points d’indécence, tels que des traces d’humidité, une défectuosité de la rambarde de l’escalier, et un mauvais fonctionnement de la ventilation, ce qui constitue une violation des obligations du bailleur.

Comment évaluer le préjudice de jouissance en cas de logement indécent ?

L’évaluation du préjudice de jouissance doit se faire en tenant compte de la durée de l’occupation du logement et de l’ampleur des désordres constatés. Le premier juge a alloué à Mme [V] une somme de 2 000 euros pour son préjudice de jouissance, en tenant compte de sa participation à la réalisation des désordres.

L’article 1104 du code civil stipule que :

« Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. »

Cette disposition implique que le comportement du locataire peut influencer l’évaluation de son préjudice. Dans ce cas, le refus de Mme [V] de laisser accéder les entreprises pour effectuer des travaux a été pris en compte pour réduire son indemnisation.

Le tribunal a fixé le préjudice de jouissance à 1540 euros, soit 70 euros par mois sur 22 mois, en considérant que le montant initial de 2 000 euros était excessif au regard des éléments de preuve fournis.

Quelles sont les conséquences du non-paiement des loyers par le locataire ?

Le non-paiement des loyers par le locataire a des conséquences juridiques importantes. Selon l’article 7a de la loi du 6 juillet 1989 :

« Le locataire est tenu du paiement du loyer et des charges récupérables tels que convenus au contrat. »

Le locataire ne peut suspendre le paiement de son loyer que dans le cas où il ne peut plus jouir de la chose louée, ce qui n’était pas le cas pour Mme [V].

Dans cette affaire, il a été constaté que Mme [V] n’avait pas payé ses loyers depuis mars 2020. Le tribunal a donc retenu que Mme [V] était redevable d’une somme de 2 419,50 euros après déduction des paiements effectués par la CAF et du dépôt de garantie.

La compensation entre les créances réciproques des parties a également été ordonnée, ce qui a conduit à une condamnation de Mme [V] à payer 879,50 euros à la SCI Lauviah.

Quelles sont les implications des frais irrépétibles dans ce litige ?

Les frais irrépétibles, régis par l’article 700 du code de procédure civile, permettent à une partie de demander le remboursement des frais engagés pour la procédure. Cet article stipule que :

« La partie qui succombe peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. »

Dans cette affaire, le tribunal a rejeté les demandes des parties au titre des frais irrépétibles, considérant que chacun avait succombé en partie dans ses prétentions. Cela signifie que les frais de justice n’ont pas été remboursés, chaque partie devant supporter ses propres frais.

Le partage des dépens a également été ordonné, ce qui est une pratique courante lorsque les parties ont des succès et des échecs dans leurs demandes respectives.

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 06 JANVIER 2025

N° RG 23/00357 – N° Portalis DBVJ-V-B7H-NCTJ

[T] [V]

c/

S.C.I. LAUVIAH

Nature de la décision : AU FOND

Copie exécutoire délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 06 janvier 2023 par le Juge des contentieux de la protection de BORDEAUX (RG : 22/00978) suivant déclaration d’appel du 23 janvier 2023

APPELANTE :

[T] [V]

née le 23 Juin 1975 à [Localité 4] (78)

demeurant [Adresse 2]

Représentée par Me Dominique LAPLAGNE, avocat au barreau de BORDEAUX, substitué par Me Paul BIBRON, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

S.C.I. LAUVIAH agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

demeurant [Adresse 1]

Représentée par Me Laurent BABIN de la SELARL ABR & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 25 novembre 2024 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Paule POIREL, Présidente, qui a fait un rapport oral de l’affaire avant les plaidoiries,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Paule POIREL, présidente,

Bérengère VALLEE, conseiller,

Bénédicte LAMARQUE, conseiller,

Greffier lors des débats : Vincent BRUGERE

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE

Selon acte sous seing privé en date du 1er novembre 2014, la société civile immobilière Lauviah a donné à bail à usage d’habitation un logement situé [Adresse 2] à [Localité 3].

Par exploit en date du 17 mars 2020, Mme [V], invoquant l’indécence du logement, a saisi le juge des référés aux fins d’expertise qui a été ordonnée le 28 septembre 2020. L’expert désigné, M. [Z], a déposé son rapport le 22 décembre 2021, alors qu’entre-temps, Mme [V] avait quitté le logement, le 13 septembre 2021.

C’est en l’état que Mme [V], selon exploit en date du 30 mars 2022, a saisi le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins d’indemnisation de divers préjudices (décote du loyer, préjudice de jouissance et moral).

Par jugement en date du 6 janvier 2023, le juge des contentieux de la protection de Bordeaux a :

-constaté que Mme [V] est créancière de la somme de 2 000 euros vis-à-vis de la sci Lauviah, en réparation de son préjudice de jouissance,

-débouté Mme [V] du surplus de ses demandes,

-constaté que la sci Lauviah est créancière vis-à-vis de la Mme [V] de la somme de 6 960 euros au titre de l’arriéré de loyers,

– condamné Mme [T] [V] à payer à la sci Lauviah la somme de

4 960 euros

-ordonné la compensation entre les créances réciproques des parties,

-rejeté les demandes en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

-partagé les dépens de l’instance par moitié entre les parties, en ce compris les frais de procédure de référé et d’expertise judiciaire.

Par déclaration électronique en date du 23 janvier 2023, Mme [V] a interjeté appel de ce jugement en chacune de ses dispositions reprises expressément dans la déclaration d’appel.

Mme [V], dans ses dernières conclusions d’appelante n° 2 en date du

15 juillet 2023, demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a jugé qu’elle était créancière d’une somme à titre de dommages et intérêts vis-à-vis de la sci Lauviah en réparation de son préjudice de jouissance mais de l’infirmer en ce qu’il a fixé le montant de cette créance à la somme de 2 000 euros ainsi que des autres chefs déférés.

Elle demande à la cour, statuant à nouveau, de condamner la sci Lauviah à lui payer une somme de 4 500 euros au titre de son préjudice de jouissance et moral, de débouter la sci Lauviah de ses demandes en paiement des loyers et de toutes ses autres demandes et de la condamner à lui payer une somme de 5000 euros au titre de ses frais irrépétibles comprenant pour moitié ceux de première instance et pour l’autre moitié ceux d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel et de procédure de référé et d’expertise judiciaire.

La Sci Lauviah, dans ses dernières conclusions en date du 29 juin 2023, contenant appel incident demande à la cour de reformer le jugement en ce qu’il a -constaté que Mme [V] est créancière de la somme de 2 000 euros vis-à-vis de la sci Lauviah, en réparation de son préjudice de jouissance et a débouté la SCI Lauviah de sa demande au titre des frais irrépétibles.

Elle demande de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné Mme [V] à lui payer une somme de 6 960 euros au titre de l’arriéré de loyer arrêté au 13 septembre 2021 et a débouté Mme [V] du surplus de sa demande en paiement.

Enfin, elle demande à la cour, statuant à nouveau, de débouter Mme [V] de sa demande en réparation de son préjudice de jouissance et de la condamner à payer à la sci Lauviah une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes indemnitaires de Mme [V]

Le premier juge a retenu l’indécence du logement en regard des désordres mis en évidence par le rapport d’expertise, rejeté cependant toute demande au titre d’une décote du logement dès lors qu’elle ne pouvait être ordonnée en dehors d’une action tendant à voir condamner le bailleur à exécuter les travaux sous astreinte et alors même que Mme [V] avait d’ores et déjà quitté le logement, alloué à Mme [V] une somme de 2.000 euros au titre de son préjudice de jouissance, somme tenant compte de ce qu’elle avait elle-même participé à la réalisation de ce désordre en ne laissant pas les entreprises dépêchées par le bailleur accéder à son logement et a débouté Mme [V] de sa demande au titre d’un préjudice moral pour le même motif.

Mme [V] conteste cette décision reprochant à la cour de n’avoir pas fait droit à sa demande d’octroi d’une somme de 3.000 euros au titre de son préjudice de jouissance alors que celle ci était déjà inférieure à la décote appliquée par l’expert à hauteur de 30 % ; que la réduction appliquée ne tient pas suffisamment compte de l’ensemble des éléments d’indécence retenus par l’expert ; que le fait qu’elle ait uniquement refusé de laisser entrer une entreprise pour intervenir sur la fosse toutes eaux n’est intervenu que ‘très modérément’ dans les désordres subis et ne pouvait justifier une telle réduction de son préjudice de jouissance.

La sci Lauviah demande incidemment de débouter Mme [V] de sa demande de ce chef au regard de sa mauvaise foi tenant aux conditions dont elle a insisté pour prendre à bail le logement en l’état, s’est montrée très rapidement quérulente alors même qu’elle connaissait l’état du logement et s’est ensuite refusée à laisser entrer non pas uniquement une entreprise mais plusieurs, ainsi qu’il en est attesté, notamment pour effectuer des travaux sur la WMC ou le garde corps.

Selon les dispositions de l’article 1104 du code civil, les contrats doivent être négociés, formés et exécuté de bonne foi. Ces dispositions sont d’ordre public.

Selon les dispositions de l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé.

Ces dispositions sont également d’ordre public.

Par ailleurs, le décret n° 2002-120 relatif aux caractéristiques du logement décent impose que le logement donné à bail réponde aux caractéristiques suivantes tenant notamment :

– au clos et au couvert etc …. le gros oeuvre du logement doit être en bon état d’entretien et protéger des ruissellements et remontées d’eau. Les menuiseries extérieures et la couverture et ses accessoires doivent protéger des infiltrations d’eau dans l’habitation.

-aux dispositifs de retenue des personnes dans le logement ou ses accès,

– à la conformité et au bon état de fonctionnement des appareils de branchement, d’électricité, de gaz ou de production d’eau chaude,

– à une aération suffisante des logements et au bon état de fonctionnement des équipements dont les appareils de ventilation, permettant un renouvellement de l’air et une évacuation de l’humidité.

Or, le rapport d’expertise a précisément mis en évidence, ce qui n’est pas contesté :

– des traces d’humidité et un dépassement du taux d’humidité par rapport aux normes habituelles dont la cause provient de la mauvaise qualité des enduits de façades … ainsi qu’une défectuosité des descentes d’eau extérieures en mauvais état entraînant des remontées d’eau par capillarité.

Il en ressort que le gros oeuvre, soit la façade, ne protège pas l’habitation de l’humidité de sorte que le clos et le couvert n’est pas assuré ce qui constitue un premier motif d’indécence du logement.

-la défectuosité majeure de la rambarde de l’escalier d’accès au premier étage, insuffisamment fixée.

Ce point constitue également un motif d’indécence en ce qui’il met en danger la sécurité des personnes.

-une défaillance de renouvellement de l’air en raison d’une WMC en panne à l’origine de l’ apparition de moisissures.

Ce point constitue également un point d’indécence visé au décret susvisé.

-une absence de pente et un mauvais de fonctionnement de la fosse toutes eaux non conforme à la réglementation.

Ce point constitue également un point d’indécence touchant aux mauvais fonctionnement et à la non conformité de l’installation sanitaire qui génère des odeurs désagréables.

Or, le seul fait que Mme [V] ait accepté le logement en l’état, voire ait le cas échéant fait accélérer la prise des lieux à bail, ce qui n’est pas établi, ne saurait dispenser le bailleur de délivrer un logement décent, ce d’autant qu’il ne peut être affirmé que Mme [V] a pu mesurer ces points d’indécence au moment de sa prise des lieux.

Le premier juge a justement déduit de l’ensemble que si cette indécence ne pouvait en l’espèce justifier sa demande de décote du loyer, qui n’est d’ailleurs plus réclamée en appel, elle ouvrait droit à indemnisation pour Mme [V] d’un préjudice de jouissance.

La mauvaise foi de Mme [V] dans l’exécution du contrat est susceptible de venir en déduction de son préjudice de jouissance tenant à la délivrance d’un logement indécent si elle a contribué à aggraver le préjudice notamment, comme il lui est reproché en l’espèce, dans la durée, en ne laissant pas intervenir les entreprises mandatées par le bailleur pour remédier aux causes d’indécence du logement.

Mme [V] sollicite l’indemnisation de son trouble de jouissance à hauteur de 3 000 euros ainsi qu’elle le sollicitait en première instance contestant toute réduction de cette somme injustement ramenée par le tribunal à la somme de 2 000 euros du fait de son refus de laisser réaliser les travaux.

Ayant occupé les lieux du 1er novembre 2019 au 13 septembre 2021, soit sur 21 mois et demi, cela revient à un trouble de jouissance de 139,50 euros par mois, ce qui constitue une juste indemnisation du trouble dans son importance.

Il importe peu que l’expert ait calculé une ‘décote’ de 30 % du loyer, soit 216 euros par mois sur un loyer de 720 euros, même à retenir que celle-ci correspondait en réalité au trouble de jouissance, car il appartient au juge de se prononcer sur le montant de ce préjudice au vu des éléments dont il dispose, dont le rapport d’expertise, et que Mme [V] estime elle même que son trouble de jouissance ressort à 139,50 euros par mois.

S’agissant de la durée de son préjudice, il convient de déterminer si et dans quelle mesure Mme [V] s’est refusée à laisser effectuer certains travaux pour apprécier l’incidence de son refus sur le trouble de jouissance dont elle se prévaut.

A cet égard, l’attestation de M. [X] [F] (pièce n° 4 de la SCI Lauviah) difficilement lisible, n’apparaît pas dénoncer un refus de la part de Mme [V] de laisser effectuer des travaux indiquant notamment que notre bailleur (la SCI Lauviah)est à l’écoute et présent à chacun de leurs problèmes, ce qui est sans incidence sur le présent litige.

M.[L] [F] atteste au contraire, le 30 juillet 2020, le refus de Mme [V] de le laisser accéder au logement pour effectuer les différents travaux (aspiration, évacuation WMC etc…) et à la cour pour les travaux extérieurs (gardes corps fenêtre, réfection des volets etc…). Le refus de Mme [V] n’étant cependant pas daté il convient d’en fixer la date à tout le moins à la date de l’attestation, soit au 30 juillet 2020.

M. [I], artisan, atteste en date du 5 juin 2021 (pièce n° 6) qu’il est intervenu en novembre 2019 (date de l’entrée dans les lieux) pour remplacer un cumulus défectueux, lequel n’est cependant pas visé par Mme [V] comme dysfonctionnant. Il ajoute qu’il devait à cette même période (novembre 2019) à la demande du propriétaire intervenir sur la WMC pour en vérifier le fonctionnement mais que Mme [V] ne s’est pas rendue disponible.

Cette attestation fait ainsi état d’une attitude de Mme [V] d’obstruction aux travaux de vérification du fonctionnement de la WMC, dès l’origine.

Quant à M. [M], il atteste le 24 février 2021 que la SCI Lauviah ayant accepté un devis de réfection de l’assainissement, il s’est rendu sur place avec un électricien pour effectuer les devis d’alimentation électrique des postes de relevage. Ce qui n’a pu être réalisé du fait du refus de Mme [V] de le laisser accéder aux lieux et qu’il s’est présenté à nouveau le lendemain pour vérifier le réseau d’assainissement mais que Mme [V] lui a de nouveau refusé l’accès.

Cette attestation ne précise cependant pas davantage la date des fais de sorte qu’il n’est pas possible de dater les faits antérieurement à celle-ci et notamment antérieurement au départ des lieux de Mme [V] qui lui est antérieur comme étant en date du 13 février 2021.

De l’ensemble il résulte qu’il peut être reproché à Mme [V] de s’être, dès l’entrée en bail, opposée à la vérification du fonctionnement de la WMC mais la seule réfection de l’aération n’était pas de nature à mettre un terme aux causes d’humidité et d’indécence du logement tenant notamment aux mauvais état des descentes d’eau et à un défaut d’étanchéité des façades source d’humidité à l’intérieur du logement, insuffisamment évacuée ensuite par la ventilation et, à compter de juillet 2020 aux mêmes travaux et à quelques travaux extérieurs dont il n’est cependant pas indiqué qu’ils devaient remédier aux problèmes d’étanchéité susvisés entraînant des remontées d’eau par capillarité, le tout caractérisant un défaut de clos et de couvert.

Si tout au plus, ces interventions auraient permis de limiter ensuite les phénomènes d’humidité et de moisissures dans la maison en permettant un renouvellement de l’air, n’étant pas en soi de nature à remédier aux problèmes d’infiltrations par l’enduit de façade du fait de remontées par capillarite dues au mauvais fonctionnement des descentes d’eau ni aux problèmes d’assainissement, à l’origine de mauvaises odeurs, en se refusant à laisser la SCI Lauviah accéder au logement Mme [V] ne lui a toutefois pas permis de prendre acte de l’ampleur des désordres et perdu ainsi une chance qu’il soit remédié plus tôt aux autres désordres ayant, ainsi que l’a finalement retenu le premier juge, participé à la réalisation de son propre dommage.

Enfin, le défaut de réponse aux demandes de l’expert par la sci Lauviah quant aux travaux projetés par celle-ci est sans incidence sur le présent litige, la question des travaux à réaliser étant devenue sans objet par suite du départ des lieux de Mme [V], cette dernière n’établissant pas y avoir été acculée par l’intimée ainsi qu’elle le soutient.

Son préjudice de jouissance sera en conséquence fixé à la plus juste somme de 1540 euros, sur une base de 70 euros mensuels sur 22 mois, le jugement étant infirmé en ce qu’il a fixé ce préjudice à la somme de 2 000 euros.

Pour le surplus, au regard de la réticence imputée à Mme [V] dans l’exécution du contrat, c’est à bon droit que le premier juge l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral.

Sur les demandes au titre des loyers impayés

Mme [V] conteste le jugement qu a fait droit à la demande en paiement de la société Lauviah pour des loyers impayés de mars 2020 jusqu’au 13 septembre 2021 à défaut pour Mme [V] de justifier s’être acquittée du montant de ces loyers depuis cette date, produisant un décompte au terme duquel elle prétend n’être redevable que d’une somme de 186 euros en tenant compte des paiement CAF et après déduction du dépôt de garantie.

Il est constant qu’en application des dispositions de l’article 7a de la loi du 6 juillet 1989, le locataire est tenu du paiement du loyer et des charges récupérables tels que convenus au contrat. Il ne peut par ailleurs de sa propre initiative décidé d’en suspendre le paiement sauf l’hypothèse où il ne peut plus jouir de la chose, ce qui n’est aps le cas en l’espèce.

Or, il apparaît effectivement que dans le décompte de la sci les loyers ne sont plus payés depuis le mois de mars 2020.

Si Mme [V] ne justifie pas s’en être acquittée depuis, elle justifie de la suspension de l’APL à hauteur de 159 euros par mois du fait de l’indécence du logement selon courrier de la CAF du 27 février 2020 (sa pièce n° 11). Elle ne produit en revanche aucun élément attestant que son allocation logement est ensuite passée à 353 euros à compter du mois de mai 2020.

Quant au décompte des paiement de la sci Lauviah que le tribunal a retenu (sa pièce n° 11), il fait état de paiement [V] et d’un seul paiement CAF de sorte que sur l’ensemble de la période concernée, il n’apparaît pas avoir été tenu compte des paiements CAF.

Dès lors, il convient de déduire du décompte la somme de 159 euros dont le versement a été arrêté par la CAF du fait de l’indécence du logement imputable au bailleur, soit sur 19 mois et demi, de mars 2020 inclus jusqu’au 13 septembre 2021, la somme de 3 100,50 euros.

Enfin, à ce jour, plus de 3 ans après le départ des lieux de Mme [V], la sci Lauviah se prévaut d’un unique constat d’état des lieux de sortie, sans la moindre explication quant aux dégradations qu’il impute à Mme [V] au regard de l’état de l’appartement à l’entrée et sans aucun chiffrage des éventuelles dégradations de sorte que sera déduit du solde, le montant du dépôt de garantie de 1.440 euros indûment retenu.

Mme [V] reste en conséquence redevable de la somme de 2.419,50 euros ( 6.960 – 1.440 – 3.100,50), en sorte que le jugement est infirmé en ce qu’il a fixé le montant de la somme due par Mme [V] à ce titre à la somme de 6 960 euros.

Par voie de conséquence, après compensation des sommes respectivement dues par les parties, Mme [V] est condamnée à payer à la SCI Lauviah la somme de 879,50 euros (2 419,50 – 1 540),par infirmation du jugement entrepris.

Au vu de l’issue du présent recours, où chacun succombe pour partie dans ses prétentions et des circonstances de la cause, le tribunal est approuvé d’avoir partagé par moitié les dépens de première instance, en ce compris ceux de référé et d’expertise, et rejeté les demandes respectives des parties au titre des frais irrépétibles de première instance.

Pour les mêmes motifs, les dépens du présent recours seront partagés par moitié entre les parties lesquelles sont déboutées de leurs demandes en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme partiellement le jugement entrepris des chefs déférés.

Statuant à nouveau :

Dit que Mme [V] est créancière de la somme de 1 540 euros vis-à-vis de la SCI Lauviah, en réparation de son préjudice de jouissance,

Dit que la SCI Lauviah est créancière vis-à-vis de la Mme [V] de la somme de 2 419,50 euros au titre de l’arriéré de loyers,

Ordonne la compensation entre les créances réciproques des parties,

En conséquence:

Condamne Mme [T] [V] à payer à la SCI Lauviah la somme de

879,50 euros.

Confirme le jugement entrepris pour le surplus et y ajoutant :

Déboute les parties de leurs demandes au titre de leurs frais irrépétibles d’appel.

Condamne les parties pour moitié chacune aux dépens du présent recours.

Le présent arrêt a été signé par Paule POIREL, présidente, et par Vincent BRUGERE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


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