L’Essentiel : En 2018, [L] [Y] [W] [H] est née à [Localité 8]. Monsieur [P] [J], né en 1981, a reconnu l’enfant par anticipation. Cependant, des signalements en 2018 et 2019 ont soulevé des doutes sur la légitimité de cette reconnaissance, suspectée d’être frauduleuse. Le Procureur a assigné les parents devant le tribunal de Versailles, arguant que Monsieur [J] n’est pas le père biologique, soutenu par un rapport génétique. Le tribunal a finalement annulé la reconnaissance de paternité le 6 janvier 2025, ordonnant la transcription de cette décision sur les registres de l’état civil.
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Présentation des parties[L] [Y] [W] [H] est née le [Date naissance 4] 2018 à [Localité 8], de Madame [W] [H] [S], née le [Date naissance 2] 1988 à [Localité 11] (R.D. CONGO). Monsieur [P] [J], né le [Date naissance 5] 1981 à [Localité 11] (R.D. CONGO), a reconnu l’enfant par anticipation le 20 janvier 2018 à la mairie de [Localité 8]. Contexte de l’affaireDes signalements de la préfecture des Deux-Sèvres en 2018 et de la préfecture de la Sarthe en 2019 ont soulevé des suspicions de reconnaissances frauduleuses de paternité à des fins migratoires. Suite à une enquête, le Procureur de la République a assigné Madame [W] [H] et Monsieur [J] devant le tribunal judiciaire de Versailles pour annuler la reconnaissance de paternité et établir que Monsieur [J] n’est pas le père de l’enfant. Arguments du ProcureurLe Procureur a mis en avant plusieurs éléments, notamment une demande de passeport et de carte nationale d’identité pour l’enfant, toutes deux refusées en raison de suspicions de fraude. Les parents ne vivent pas ensemble et ne peuvent prouver une relation significative. De plus, il a été établi que Monsieur [J] est français et que Madame [W] [H] est congolaise, arrivée en France en situation irrégulière. Un rapport génétique a confirmé que Monsieur [J] n’est pas le père biologique de l’enfant. Décisions judiciaires antérieuresLe tribunal a précédemment condamné Monsieur [J] et Madame [W] [H] pour reconnaissance d’enfant dans le but d’obtenir un titre de séjour. Malgré cela, Madame [W] [H] a continué à faire des demandes officielles en mentionnant Monsieur [J] comme le père. Procédure judiciaireMadame [W] [H] et Monsieur [J] n’ont pas constitué d’avocat lors de leur assignation. L’ordonnance de clôture a fixé les plaidoiries au 12 novembre 2024, et le tribunal a statué par jugement rendu par défaut. Jugement du tribunalLe tribunal a annulé la reconnaissance de paternité de Monsieur [P] [J] et a déclaré qu’il n’est pas le père de l’enfant. Il a ordonné la transcription de cette décision sur les registres de l’état civil et a condamné Monsieur [J] et Madame [W] [H] aux dépens. Le jugement a été prononcé le 6 janvier 2025. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la base légale pour annuler une reconnaissance de paternité ?La reconnaissance de paternité peut être annulée sur la base de l’article 316 du Code civil, qui stipule que « la reconnaissance de paternité peut être contestée par toute personne ayant un intérêt à agir, notamment lorsque la reconnaissance a été obtenue par fraude ou erreur ». Dans le cas présent, le Procureur de la République a mis en avant des éléments de fraude, notamment des déclarations contradictoires de la mère concernant sa situation et celle du père putatif, ainsi que des preuves génétiques établissant que Monsieur [J] n’est pas le père biologique de l’enfant. Il est également important de noter que l’article 317 du même code précise que « la reconnaissance peut être contestée dans un délai de cinq ans à compter de la date de la reconnaissance, ou à tout moment en cas de fraude ». Ainsi, la décision du tribunal d’annuler la reconnaissance de paternité repose sur des éléments probants de fraude, conformément aux dispositions des articles 316 et 317 du Code civil. Quelles sont les conséquences de l’annulation de la reconnaissance de paternité ?L’annulation de la reconnaissance de paternité entraîne plusieurs conséquences juridiques, notamment en ce qui concerne l’état civil de l’enfant. Selon l’article 318 du Code civil, « l’annulation de la reconnaissance de paternité a pour effet de rétablir l’enfant dans son état antérieur à la reconnaissance ». Cela signifie que l’enfant ne pourra plus revendiquer des droits liés à la filiation avec le père putatif, tels que des droits successoraux ou des droits à l’entretien. De plus, l’article 320 du Code civil précise que « la décision d’annulation doit être transcrite sur les registres de l’état civil ». Dans le cas présent, le tribunal a ordonné la transcription de sa décision sur les registres de l’état civil, ce qui est conforme à cette exigence légale. Ainsi, l’annulation de la reconnaissance de paternité a des implications significatives sur la filiation de l’enfant, rétablissant son état antérieur et supprimant les droits associés à la reconnaissance. Quelles sont les implications pénales pour les parents en cas de reconnaissance frauduleuse ?La reconnaissance frauduleuse de paternité peut entraîner des conséquences pénales pour les personnes impliquées. L’article 441-1 du Code pénal stipule que « le fait de tromper une personne par des manœuvres frauduleuses est puni de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende ». Dans cette affaire, le tribunal a constaté que Madame [W] [H] et Monsieur [J] avaient agi de manière frauduleuse dans le but d’obtenir des avantages liés à la nationalité française. Le jugement du 15 mars 2021 a déjà condamné Monsieur [J] à une peine de six mois d’emprisonnement, et Madame [W] [H] à une peine de six mois d’emprisonnement avec sursis, pour avoir reconnu un enfant dans le but d’acquérir un titre de séjour ou d’autres avantages. Ces éléments montrent que la reconnaissance frauduleuse de paternité est non seulement une question de droit civil, mais également une infraction pénale, avec des sanctions prévues par le Code pénal. Comment se déroule la procédure d’annulation de la reconnaissance de paternité ?La procédure d’annulation de la reconnaissance de paternité est régie par les articles 316 et suivants du Code civil, ainsi que par le Code de procédure civile. L’article 659 du Code de procédure civile précise que « l’assignation doit être faite par acte d’huissier de justice, et les parties doivent être convoquées devant le tribunal compétent ». Dans ce cas, le Procureur de la République a assigné les parties devant le tribunal judiciaire de Versailles. Une fois l’assignation effectuée, le tribunal examine les éléments de preuve présentés par les parties. Dans cette affaire, des éléments tels que des déclarations contradictoires, des preuves génétiques et des antécédents judiciaires ont été pris en compte. Le tribunal rend ensuite une décision, qui peut être contestée en appel. Dans ce cas, le tribunal a rendu un jugement par défaut, ce qui signifie que les parties n’ont pas constitué avocat et n’ont pas comparu. Ainsi, la procédure d’annulation de la reconnaissance de paternité suit des étapes précises, garantissant le respect des droits des parties et la prise en compte des éléments de preuve. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Première Chambre
JUGEMENT
06 JANVIER 2025
N° RG 23/06508 – N° Portalis DB22-W-B7H-RW57
Code NAC : 2AV
DEMANDERESSE :
MADAME LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE
[Adresse 6]
[Localité 9]
dispensée du ministère d’avocat
DEFENDEURS :
Monsieur [P] [J], tant en som nom personnel qu’en sa qualité de représentant légal de l’enfant mineur [L] [Y] [W] [H] née le [Date naissance 4] 2018 [Localité 8] (FRANCE)
né le [Date naissance 5] 1981 à [Localité 11] (REP DEM CONGO)
demeurant [Adresse 1]
[Localité 10]
défaillant
Madame [S], [N] [W] [H], tant en son nom personnel qu’en sa qualité de représentante légale de l’enfant mineur [L] [Y] [W] [H] née le [Date naissance 4] 2018 [Localité 8] (FRANCE)
née le [Date naissance 2] 1988 à [Localité 11] (REP DEM CONGO)
demeurant [Adresse 7]
[Localité 8]
défaillante
ACTE INITIAL du 13 Novembre 2023 reçu au greffe le 21 Novembre 2023.
DÉBATS : A l’audience tenue en chambre du conseil le 12 Novembre 2024, Madame LE BIDEAU, Vice Présidente, siégeant en qualité de juge rapporteur avec l’accord des parties en application de l’article 805 du Code de procédure civile, assistée de Madame BEAUVALLET, Greffier, a indiqué que l’affaire sera mise en délibéré au 06 Janvier 2025.
MAGISTRATS AYANT DÉLIBÉRÉ :
Madame LE BIDEAU, Vice-Présidente
Madame DURIGON, Vice-Présidente
Madame MARNAT, Juge
[L] [Y] [W] [H] est née le [Date naissance 4] 2018 [Localité 8], de Madame [W] [H] [S], [N] née le [Date naissance 2] 1988 à [Localité 11] (R.D. CONGO).
Le 20 janvier 2018, Monsieur [P] [J], né le [Date naissance 5] 1981 à [Localité 11] (R.D. CONGO) a effectué une reconnaissance anticipée de paternité de l’enfant à la mairie [Localité 8].
Par actes de commissaire de justice en date des 9 et 13 novembre 2023, suite aux signalements de la préfecture des Deux-Sèvres de [Localité 12] en 2018 et de la préfecture de la Sarthe en 2019 en suspicion de reconnaissances frauduleuses de paternité à visée migratoire, et après enquête, le Procureur de la République près le tribunal judiciaire de Versailles a fait assigner Madame [W] [H] et Monsieur [J] devant le tribunal judiciaire de Versailles, tant en leur nom personnel qu’en leur qualité de représentants légaux de l’enfant [L] [Y] [W] [H], aux fins de voir :
– Annuler la reconnaissance de [L] [Y] [W] [H] née le [Date naissance 4] 2018 [Localité 8] (72) effectuée par [P] [J] né le [Date naissance 5] 1981 à [Localité 11] (R.D. CONGO), le [Date naissance 3] 2018 [Localité 8] (72) ;
– Dire que [P] [J] n’est pas le père de l’enfant [L] [Y] [W] [H] née le [Date naissance 4] 2018 [Localité 8] (France) ;
– Ordonner la transcription du jugement en marge des actes dont s’agit ;
– Condamner solidairement [P] [J] et [S], [N] [W] [H] aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, Madame le Procureur de la République expose qu’il ressort de l’enquête, des auditions et entretiens administratifs de la mère et du père putatif qu’une demande de passeport pour le compte de l’enfant a été effectuée par la mère le 25 avril 2018 suivie d’une demande de CNI le 3 juillet 2018, toutes deux ayant été refusées pour les mêmes raisons de suspicion de reconnaissance frauduleuse de paternité ; qu’ayant 8 ans de différence d’âge, les parents ne vivent pas ensemble et ne peuvent prouver un contact ancien ou récent ; qu’il s’avère que Monsieur [J] est français ; que Madame [W] [H] est congolaise et qu’elle est arrivée en France en situation irrégulière, et ce à une date inconnue, Madame [W] [H] évoquant diverses dates en 2016 et 2017 lors des entretiens, ayant pourtant déclaré avoir rencontré Monsieur [J] à [Localité 11] au début de l’été 2017. Elle ajoute que le père putatif n’a pas assisté à la naissance, n’a pas de relation avec l’enfant qui par ailleurs ne porte pas son nom, et ne peut prouver une participation à l’entretien et à l’éducation de l’enfant ; que ce dernier affirme être le père biologique de l’enfant mais déclare ne pas avoir connaissance de la situation administrative de la mère ; que cette dernière déclare avoir trois enfants dont deux issus du même père n’étant pas Monsieur [J], vivant tous au Congo, et qu’elle maintient n’avoir commis aucune fraude bien que reconnaissant lors d’un entretien « une fausse déclaration pendant le premier entretien ». Elle fait état du rapport d’analyse génétique de l’IGNA rendu le 4 octobre 2019 qui a confirmé que Monsieur [J] n’était pas le père biologique de l’enfant, puis du jugement du 15 mars 2021 du Tribunal judiciaire de Versailles qui a condamné Monsieur [J] à une peine de six mois d’emprisonnement et Madame [W] [H] à une peine de six mois d’emprisonnement assorti d’un sursis simple pour reconnaissance d’enfant pour l’obtention d’un titre de séjour, d’une protection contre l’éloignement ou pour l’acquisition de la nationalité française concernant la reconnaissance de l’enfant, ajoutant que cette dernière a fait appel et que la Cour d’appel de Versailles a requalifié les faits en complicité de reconnaissance d’enfant aux seules fins d’acquérir ou de faire acquérir la nationalité française et a condamné Madame [W] [H] à une peine de quatre mois d’emprisonnement assortie d’un sursis simple, et que malgré cette décision, la mère a déposé une nouvelle demande de CNI et passeport pour sa fille mentionnant Monsieur [J] comme le père.
Madame [W] [H] et Monsieur [J], assignés tous les deux par actes de commissaire de justice du 9 et du 13 novembre 2023 transformés en procès-verbaux de recherches infructueuses conformément aux dispositions de l’article 659 du code de procédure civile, n’ont pas constitué avocat.
L’ordonnance de clôture en date du 02 mai 2024 a fixé les plaidoiries au 12 novembre 2024.
Le tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, après débats en chambre du conseil, par jugement rendu par défaut, et en premier ressort,
Annule la reconnaissance de [L] [Y] [W] [H] née le [Date naissance 4] 2018 [Localité 8] (72) effectuée par Monsieur [P] [J] né le [Date naissance 5] 1981 à [Localité 11] (R.D. CONGO), le [Date naissance 3] 2018 [Localité 8] (72) ;
Dit que Monsieur [P] [J] n’est pas le père de l’enfant [L] [Y] [W] [H] née le [Date naissance 4] 2018 ;
Ordonne la transcription de la présente décision sur les registres de l’état civil et en marge de l’acte de naissance de l’enfant n° 001473/2018 établi par l’officier d’état civil de la mairie du MANS (72) ;
Condamne in solidum Monsieur [P] [J] et Madame [S], [N] [W] [H] aux entiers dépens.
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 JANVIER 2025 par Madame LE BIDEAU, Vice Présidente, assistée de Madame BEAUVALLET, greffier, lesquelles ont signé la minute du présent jugement.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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