Prolongation de la rétention administrative : enjeux et conditions légales.

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Prolongation de la rétention administrative : enjeux et conditions légales.

L’Essentiel : Monsieur [N] [U], ressortissant marocain, a reçu une obligation de quitter le territoire français le 11 juillet 2024, suivie d’une rétention administrative le 22 octobre. Une requête pour prolonger cette rétention a été déposée le 4 janvier 2025, justifiée par des ordonnances judiciaires. Bien que Monsieur [U] ait exprimé son souhait d’être assisté par un avocat et ait mentionné sa situation familiale, l’avocate n’a pas relevé d’irrégularités. Le tribunal a décidé de prolonger la rétention de quinze jours, considérant que la demande d’asile déposée par Monsieur [U] constituait une obstruction à son éloignement.

Contexte Juridique

L’affaire concerne Monsieur [N] [U], un ressortissant marocain, qui a été soumis à une obligation de quitter le territoire français (OQTF) le 11 juillet 2024, suivie d’un placement en rétention administrative le 22 octobre 2024. Ces décisions ont été prises par le Préfet de l’Aisne et notifiées à l’intéressé.

Prolongation de la Rétention Administrative

Une requête a été déposée le 4 janvier 2025 pour prolonger la rétention de Monsieur [U] au-delà de la durée initiale de quatre jours. Cette demande a été justifiée par plusieurs ordonnances du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer, qui ont successivement prolongé la rétention pour des périodes de 26, 30 et 15 jours.

Déclarations de l’Intéressé

Monsieur [U] a exprimé son souhait d’être assisté par un avocat et a évoqué sa situation familiale, mentionnant qu’il est marié et père de deux enfants. Il a également indiqué avoir eu un titre de séjour pendant quatre ans et avoir rencontré des difficultés lors de la demande de renouvellement.

Observations de l’Avocate

L’avocate de Monsieur [U], Maître Marion SEVERIN, a déclaré ne pas avoir relevé d’irrégularités dans la procédure. Elle a pris note de la situation familiale de son client, mais n’a pas présenté de justificatifs à cet égard.

Motifs de la Décision

Le tribunal a examiné les conditions de prolongation de la rétention selon l’article L. 742-5 du CESEDA. Il a constaté que Monsieur [U] avait déposé une demande d’asile deux jours avant son vol d’éloignement, ce qui constituait une obstruction à l’exécution de la décision d’éloignement.

Décision du Tribunal

Le tribunal a autorisé la prolongation de la rétention administrative de Monsieur [U] pour une durée maximale de quinze jours à compter du 5 janvier 2025. La décision a été notifiée à l’intéressé, qui a été informé de son droit de faire appel.

Conclusion

La décision de prolongation a été justifiée par la nécessité de garantir l’exécution de la mesure d’éloignement, malgré les éléments présentés par Monsieur [U] concernant sa situation familiale.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de prolongation de la rétention administrative selon le Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile ?

La prolongation de la rétention administrative est régie par l’article L. 742-5 du Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile (CESEDA). Cet article stipule que, à titre exceptionnel, le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut être saisi pour prolonger le maintien en rétention au-delà de la durée maximale prévue à l’article L. 742-4, lorsque certaines conditions sont remplies.

Ces conditions incluent :

1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ;

2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement :
a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L. 631-3 ;
b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;

3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé.

Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d’une durée maximale de quinze jours.

Quels sont les droits de l’étranger pendant la rétention administrative ?

Les droits de l’étranger pendant la rétention administrative sont précisés dans les articles L. 743-9 et L. 743-24 du CESEDA. Ces articles stipulent que l’étranger a le droit d’être assisté par un avocat et d’être informé des possibilités et des délais de recours contre toutes les décisions le concernant.

L’article L. 743-9 précise que l’étranger doit être informé de ses droits, notamment :

– Le droit d’être assisté par un avocat ;
– Le droit d’être informé des motifs de sa rétention ;
– Le droit de contester la légalité de la mesure de rétention.

De plus, l’article L. 743-24 souligne que l’étranger doit être informé des conditions de sa rétention et des recours possibles, ce qui inclut la possibilité de faire appel de la décision de prolongation de la rétention.

Comment la situation familiale de l’étranger est-elle prise en compte dans le cadre de la rétention administrative ?

La situation familiale de l’étranger, bien qu’importante, n’est pas toujours un facteur déterminant dans les décisions de prolongation de la rétention administrative. Dans le cas de Monsieur [U], bien qu’il ait invoqué sa situation familiale (marié avec deux enfants), le tribunal a considéré que cet élément n’était pas nouveau et ne pouvait pas être pris en compte lors d’une quatrième demande de prolongation.

L’article L. 742-5 du CESEDA stipule que les circonstances qui peuvent justifier une prolongation de la rétention doivent être récentes et pertinentes. Ainsi, des éléments tels que la situation familiale doivent être présentés de manière substantielle et ne peuvent pas être utilisés comme un simple argument pour contester la mesure de rétention.

En conséquence, la situation familiale de Monsieur [U] n’a pas été suffisante pour empêcher la prolongation de sa rétention, car elle n’apportait pas de nouveaux éléments susceptibles de modifier la décision initiale.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Au nom du Peuple Français

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOULOGNE SUR MER

ORDONNANCE STATUANT SUR UNE DEMANDE DE PROLONGATION DE RETENTION

MINUTE: 25/30
Appel des causes le 05 Janvier 2025 à 10h00 en visioconférence
Divétrangers
N° étrN° RG 25/00035 – N° Portalis DBZ3-W-B7J-76CUP

Nous, Madame METTEAU Pascale, Première Vice-Présidente au Tribunal judiciaire de BOULOGNE SUR MER, juge chargé du contrôle des mesures restrictives et privatives de libertés en droit des étrangers, assistée de Madame CHAIB Samira, Greffier, statuant en application des articles L.742-1, L.743-4, L.743-6 à L.743-8, L. 743-20 et L. 743-24 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile;

Vu l’article R. 213-12-2 du code de l’organisation judiciaire ;

En présence de Madame [J] [O], interprète en langue arabe, serment préalablement prêté;

Vu le Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile notamment en ses articles L. 741-1 et suivants ;

Monsieur [N] [U]
de nationalité Marocaine
né le 17 Août 1996 à [Localité 3] (MAROC), a fait l’objet :

– d’une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, fixant le pays de destination de la reconduite, lui faisant interdiction de retour sur le territoire français, prononcée le11 juillet 2024 par M. PREFET DE L’AISNE, qui lui a été notifié via l’ANEF le 12 juillet 2024.
– d’un arrêté ordonnant son placement en rétention administrative pour une durée de quatre jours, prononcé le 22 octobre 2024 par M. PREFET DE L’AISNE, qui lui a été notifié le 22 octobre 2024 à 18h15 .

Par requête du 04 Janvier 2025, arrivée par courrier électronique à 09h24 Mme PREFETE DE L’AISNE invoquant devoir maintenir l’intéressé au-delà de QUATRE JOURS, prolongé par un délai de VINGT-SIX JOURS selon l’ordonnance du 26 octobre 2024 du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer, prolongé par un délai de TRENTE JOURS selon l’ordonnance du 21 novembre 2024 du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer, puis prolongé par un délai de QUINZE JOURS selon l’ordonnance du 22 décembre 2024 du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer, demande l’autorisation de prolonger ce délai pour une durée de QUINZE JOURS maximum.

En application des articles L.743-9 et L. 743-24 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile il a été rappelé à l’intéressé, assisté de Maître SEVERIN Marion, avocate au Barreau de BOULOGNE-SUR-MER et commis d’office, les droits qui lui sont reconnus pendant la rétention et a été informé des possibilités et des délais de recours contre toutes les décisions le concernant ; qu’il a été entendu en ses observations

L’intéressé déclare : Je souhaite être assisté d’un avocat. J’avais un vol le 03 janvier. Je n’ai pas fait une demande d’asile avant car je n’y avais pas pensé. Je suis marié. J’ai deux enfants. J’ai mon travail. Ce n’est pas possible pour moi de repartir. Pendant quatre ans, j’avais un titre de séjour. A la demande de renouvellement, j’ai eu trois récépissés et ensuite j’ai eu l’OQTF. Je n’ai pas compris.

Maître Marion SEVERIN entendue en ses observations : je n’ai pas relevé d’irrégularité de procédure. Je m’en rapporte à votre décision. J’apprends que Monsieur a femme et enfants mais je n’ai pas de justificatif.

L’intéressé : j’ai deux enfants. J’ai l’acte de mariage et les actes de naissance. J’ai tout donné la première fois.

Audience suspendue et mise en délibéré.

MOTIFS

Selon l’article L. 742-5 du CESEDA, à titre exceptionnel, le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L. 742-4, lorsqu’une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours:
1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ;
2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement :
a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L. 631-3 ;
b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.
L’étranger est maintenu en rétention jusqu’à ce que le juge ait statué.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d’une durée maximale de quinze jours.
Si l’une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l’avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas quatre-vingt-dix jours.

M. [U] a été placé en rétention administrative le 26 octobre 2024. La mesure a été prolongée le 26 octobre 2024 (décision confirmée par la cour d’appel de Douai le 29 octobre 2024), le 21 novembre 2024 (décision confirmée par la cour d’appel de Douai le 23 novembre 2024) puis le 22 décembre 2024 (décision confirmée par la cour d’appel de Douai le 24 décembre 2024).

Un laissez passer consulaire a été obtenu le 20 octobre et un vol d’éloignement était prévu le 2 janvier 2025. Ce vol a cependant dû être annulé puisque M. [U] a déposé une demande d’asile le 31 décembre 2024 à 16h31 (demande déclarée irrecevable le 3 janvier 2025). En déposant une telle demande, deux jours seulement avant le vol prévu pour son éloignement, M. [U] a fait obstacle à l’exécution de cet éloignement, la demande, irrecevable, ayant de toute évidence été déposée dans ce but.

En conséquence, les conditions pour une quatrième prolongation de la mesure de rétention, telle que prévue par l’article L. 742-5 du CESEDA sont réunies.

Si Monsieur [U] invoque sa situation familiale (marié avec deux enfants), cel élément n’est pas nouveau et ne peut être pris en compte lors d’une quatrième demande de prolongation.

L’intéressé ne présente pas de garanties suffisantes pour la mise à exécution de la mesure de reconduite à la frontière, des mesures de surveillance sont nécessaires.

Eu égard aux nécessités invoquées par Monsieur le Préfet, il convient d’accorder la prorogation demandée.

PAR CES MOTIFS

AUTORISONS l’autorité administrative à retenir Monsieur [N] [U] dans les locaux ne relevant pas de l’Administration pénitentiaire pour une prolongation de rétention administrative d’une durée maximale de QUINZE JOURS à compter du 05 janvier 2025.

NOTIFIONS sur le champ la présente ordonnance par mail au CRA pour remise à l’intéressé qui, en émargeant ci-après, atteste avoir reçu copie et avisons l’intéressé de la possibilité de faire appel, devant le Premier Président de la Cour d’Appel ou son délégué, de la présente ordonnance dans les vingt quatre heures de son prononcé ; l’informons que la déclaration d’appel doit être motivée et peut être transmise par tout moyen (notamment par mail via la boîte structurelle : [Courriel 2] ) au greffe de la Cour d’Appel de DOUAI (numéro de FAX du greffe de la Cour d’Appel: [XXXXXXXX01].) ; lui indiquons que seul l’appel formé par le ministère public peut être déclaré suspensif par le Premier Président de la Cour d’Appel ou son délégué.

L’avocat, Le Greffier, Le Juge,

décision rendue à 11h28
Ordonnance transmise ce jour à Mme PREFETE DE L’AISNE
Ordonnance transmise au Tribunal administratif de LILLE
N° étrN° RG 25/00035 – N° Portalis DBZ3-W-B7J-76CUP
Décision notifiée à …h…

L’intéressé, L’intéressé,


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