Prolongation de la rétention administrative : enjeux de la protection des droits des étrangers et de l’ordre public.

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Prolongation de la rétention administrative : enjeux de la protection des droits des étrangers et de l’ordre public.

L’Essentiel : Monsieur [C] [Y], ressortissant tunisien, fait l’objet d’une interdiction judiciaire du territoire français. En janvier 2025, le Préfet du Nord a demandé une prolongation de sa rétention administrative, initialement de quatre jours, pour des raisons d’ordre public. Monsieur [Y] a exprimé des craintes concernant son retour en Tunisie, invoquant des risques d’emprisonnement, ainsi que des préoccupations sur son état de santé. L’avocate de Monsieur [Y] n’a pas relevé d’irrégularités, tandis que l’avocat de la Préfecture a soutenu la demande de prolongation. Le tribunal a finalement autorisé cette prolongation pour trente jours supplémentaires.

Contexte Juridique

L’affaire concerne Monsieur [C] [Y], un ressortissant tunisien, qui fait l’objet d’une interdiction judiciaire du territoire français pour une durée de cinq ans, prononcée par le tribunal correctionnel de Lille en novembre 2019, suivie d’une interdiction de trois ans par la cour d’appel de Douai en avril 2022. En décembre 2024, il a été placé en rétention administrative pour une durée initiale de quatre jours par le Préfet du Nord.

Demande de Prolongation de Rétention

Le 3 janvier 2025, le Préfet du Nord a demandé une prolongation de la rétention administrative de Monsieur [Y] au-delà des quatre jours initiaux, invoquant la nécessité de maintenir l’intéressé en rétention pour une durée maximale de trente jours supplémentaires. Cette demande a été justifiée par des considérations d’ordre public et des difficultés d’exécution de la décision d’éloignement.

Observations de l’Intéressé

Monsieur [Y] a exprimé son souhait d’être assisté par un avocat et a évoqué des craintes concernant son retour en Tunisie, où il affirme risquer l’emprisonnement en raison de son opposition au régime en place. Il a également soulevé des préoccupations concernant son état de santé et a demandé un suivi médical, tout en mentionnant des raisons personnelles, notamment la santé de sa femme et la présence de son chien.

Position des Avocats

L’avocate de Monsieur [Y], Maître Marion SEVERIN, a déclaré ne pas avoir relevé d’irrégularités dans la procédure. De son côté, l’avocat de la Préfecture a soutenu la demande de prolongation de la rétention, affirmant que la procédure était régulière et qu’un vol pour l’éloigner était en préparation.

Décision du Tribunal

Le tribunal a examiné les conditions de prolongation de la rétention administrative, en se basant sur les articles du Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers. Il a constaté que les conditions pour une prolongation étaient réunies, notamment en raison de l’absence de moyens de transport pour l’éloignement de Monsieur [Y].

Conclusion de la Procédure

En conséquence, le tribunal a autorisé la prolongation de la rétention administrative de Monsieur [C] [Y] pour une durée maximale de trente jours, à compter du 4 janvier 2025. L’intéressé a été informé de ses droits, y compris la possibilité de faire appel de cette décision dans les vingt-quatre heures.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de prolongation de la rétention administrative selon le Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile ?

La prolongation de la rétention administrative est régie par l’article L. 742-4 du Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile (CESEDA). Cet article stipule que le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut être saisi pour prolonger le maintien en rétention au-delà de trente jours dans les cas suivants :

1° En cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public ;

2° Lorsque l’impossibilité d’exécuter la décision d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement ;

3° Lorsque la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison :

a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l’exécution de la décision d’éloignement ;

b) de l’absence de moyens de transport.

L’étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l’article L. 742-2.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d’une durée maximale de trente jours.

La durée maximale de la rétention n’excède alors pas soixante jours.

Quels sont les droits de l’intéressé pendant la rétention administrative ?

Les droits de l’intéressé pendant la rétention administrative sont précisés dans les articles L. 743-9 et L. 743-24 du CESEDA. Ces articles stipulent que l’intéressé doit être informé de ses droits, notamment :

– Le droit d’être assisté par un avocat ;
– Le droit d’être informé des possibilités et des délais de recours contre toutes les décisions le concernant.

L’article L. 743-9 précise que l’étranger doit être informé de ses droits dès son placement en rétention, et qu’il a la possibilité de contester la légalité de la mesure de rétention.

De plus, l’article L. 743-24 souligne que l’étranger a le droit d’être assisté d’un interprète si nécessaire, afin de garantir la compréhension des procédures et des décisions qui le concernent.

Ces droits sont essentiels pour assurer une protection juridique adéquate et garantir que l’intéressé puisse faire valoir ses arguments et ses demandes.

Quelles sont les implications de l’interdiction judiciaire du territoire français sur la situation de l’intéressé ?

L’interdiction judiciaire du territoire français, telle que prévue par l’article L. 741-1 et suivants du CESEDA, a des implications significatives sur la situation de l’intéressé.

L’article L. 741-1 stipule que toute personne faisant l’objet d’une interdiction judiciaire du territoire français ne peut y entrer ou y séjourner.

Dans le cas de Monsieur [C] [Y], il a été frappé par deux interdictions judiciaires, l’une de cinq ans et l’autre de trois ans, ce qui complique sa situation.

Ces interdictions peuvent être prononcées pour des raisons de sécurité publique ou de comportement délictueux, et elles entraînent des conséquences directes sur la possibilité de l’intéressé de demander l’asile ou de régulariser sa situation.

En conséquence, même si Monsieur [Y] a exprimé des craintes légitimes concernant son retour en Tunisie, les interdictions judiciaires peuvent constituer un obstacle à l’examen de sa demande d’asile, car elles renforcent la position des autorités administratives qui souhaitent procéder à son éloignement.

Quels recours sont disponibles pour l’intéressé contre la décision de prolongation de la rétention administrative ?

L’intéressé dispose de plusieurs recours contre la décision de prolongation de la rétention administrative, conformément aux dispositions du CESEDA.

L’article L. 743-9 précise que l’étranger a le droit de contester la légalité de la mesure de rétention.

Il peut faire appel de la décision de prolongation devant le Premier Président de la Cour d’Appel ou son délégué dans un délai de vingt-quatre heures suivant la notification de la décision.

La déclaration d’appel doit être motivée et peut être transmise par tout moyen, y compris par courrier électronique.

Il est également important de noter que seul l’appel formé par le ministère public peut être déclaré suspensif, ce qui signifie que la rétention peut continuer à s’appliquer pendant que l’appel est examiné, sauf décision contraire du juge.

Ces recours sont cruciaux pour garantir que les droits de l’intéressé soient respectés et qu’il ait la possibilité de contester les décisions qui affectent sa liberté et sa situation en France.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Au nom du Peuple Français

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOULOGNE SUR MER

ORDONNANCE STATUANT SUR UNE DEMANDE DE PROLONGATION DE RETENTION

MINUTE: 25/26
Appel des causes le 05 Janvier 2025 à 10h00 en visioconférence
Divétrangers
N° étrN° RG 25/00030 – N° Portalis DBZ3-W-B7J-76CUJ

Nous, Madame METTEAU Pascale, Première Vice-Présidente au Tribunal judiciaire de BOULOGNE SUR MER, juge chargé du contrôle des mesures restrictives et privatives de libertés en droit des étrangers, assistée de Madame CHAIB Samira, Greffier, statuant en application des articles L.742-1, L.743-4, L.743-6 à L.743-8, L. 743-20 et L. 743-24 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile;

Vu l’article R. 213-12-2 du code de l’organisation judiciaire ;

En présence de Madame [R] [P], interprète en langue arabe, serment préalablement prêté;

En présence de Maître PATINIER Antoine, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer, représentant de M. LE PREFET DU NORD ;

Vu le Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile notamment en ses articles L. 741-1 et suivants ;

Monsieur [C] [Y]
de nationalité Tunisienne
né le 15 Octobre 1986 à [Localité 3] (TUNISIE), a fait l’objet :

– d’une interdiction judiciaire du territoire français pour une durée de 5 ans prononcée par le tribunal correctionnel de Lille le 5 novembre 2019 et d’une interdiction judiciaire du territoire français pour une durée de 3 ans prononcée par la cour d’appel de Douai le 14 avril 2022 ;
– d’un arrêté ordonnant son placement en rétention administrative pour une durée de quatre jours, prononcé le 05 décembre 2024 par M. PREFET DU NORD , qui lui a été notifié le 05 décembre 2024 à 19h40 .

Par requête du 03 Janvier 2025, arrivée par courrier électronique à 15h32 M. LE PREFET DU NORD invoquant devoir maintenir l’intéressé au-delà de QUATRE JOURS, prolongé par un délai de VINGT-SIX JOURS selon l’ordonnance du 09 décembre 2024 du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer, demande l’autorisation de prolonger ce délai pour une durée de TRENTE JOURS maximum.

En application des articles L.743-9 et L. 743-24 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile il a été rappelé à l’intéressé, assisté de Maître SEVERIN Marion, avocate au Barreau de BOULOGNE-SUR-MER et commis d’office, les droits qui lui sont reconnus pendant la rétention et a été informé des possibilités et des délais de recours contre toutes les décisions le concernant ; qu’il a été entendu en ses observations

L’intéressé déclare : Je souhaite être assisté d’un avocat. En Tunisie, il y a un dictateur qui gouverne. J’ai fait une demande d’asile car je suis contre ce dictateur et je l’ai dit plusieurs fois. Si je retourne en Tunisie, je vais aller en prison. Il y a eu une faute aussi au tribunal administratif. Ça fait un mois que je demande d’aller en psychiatrie. Je prends un traitement lourd et je ne peux pas l’avoir. J’ai besoin de voir un médecin. Ça fait un mois que j’attends. J’ai fait la demande plusieurs fois. Ils s’en fichent. J’ai aussi mon chien qui m’attend dehors. Ma femme aussi a un cancer. Il faut que je sois là pour elle.

Maître Marion SEVERIN entendue en ses observations : je n’ai pas relevé d’irrégularité de procédure.

L’avocat de la Préfecture entendu en ses observations : Je sollicite la prolongation de la rétention administrative de l’intéressé. La procédure est régulière. Le laissez-passer consulaire a été obtenu. Un vol devrait arriver prochainement.

L’intéressé : Laissez-moi sortir et je prends ma copine et mon chien et je pars en Belgique. Donnez-moi une chance.

Audience suspendue et mise en délibéré.

MOTIFS

Selon l’article L. 742-4 du CESEDA, le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut, dans les mêmes conditions qu’à l’article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :
1° En cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public ;
2° Lorsque l’impossibilité d’exécuter la décision d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement ;
3° Lorsque la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison :
a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l’exécution de la décision d’éloignement ;
b) de l’absence de moyens de transport.

L’étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l’article L. 742-2.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d’une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas soixante jours.

M. [Y] a été placé en rétention adminsitrative le 5 décembre 2024. La mesure a été prolongée le 9 décembre 2024 (décision confirmée par la cour d’appel de Douai le 11 décembre 2024).

Une demande de laissez passer a été faite le 6 décembre 2024, laissez passer délivré le 24 décembre 2024.

Une demande de vol a été faite. Le précédent qui était programmé le 26 décembre 2024 a dû être annulé, le tribunal administratif ayant annulé le pays de destination fixé dans l’arrêté préfectoral. Un nouvel arrêté est en date du 26 décembre 2024.

Dans l’attente d’un moyen de transport, les conditions pour une deuxième prolongation de la mesure de rétention sont réunies.

L’intéressé ne présente pas de garanties suffisantes pour la mise à exécution de la mesure de reconduite à la frontière, des mesures de surveillance sont nécessaires.

Eu égard aux nécessités invoquées par Monsieur le Préfet, il convient d’accorder la prorogation demandée.

PAR CES MOTIFS

AUTORISONS l’autorité administrative à retenir Monsieur [C] [Y] dans les locaux ne relevant pas de l’Administration pénitentiaire pour une prolongation de rétention administrative d’une durée maximale de TRENTE JOURS à compter du 04 janvier 2025

NOTIFIONS sur le champ la présente ordonnance par mail au CRA pour remise à l’intéressé qui, en émargeant ci-après, atteste avoir reçu copie et avisons l’intéressé de la possibilité de faire appel, devant le Premier Président de la Cour d’Appel ou son délégué, de la présente ordonnance dans les vingt quatre heures de son prononcé ; l’informons que la déclaration d’appel doit être motivée et peut être transmise par tout moyen (notamment par mail via la boîte structurelle : [Courriel 2] ) au greffe de la Cour d’Appel de DOUAI (numéro de FAX du greffe de la Cour d’Appel: [XXXXXXXX01].) ; lui indiquons que seul l’appel formé par le ministère public peut être déclaré suspensif par le Premier Président de la Cour d’Appel ou son délégué.

L’avocat de la Préfecture, L’avocat, Le Greffier, Le Juge,

décision rendue à 10h44
Ordonnance transmise ce jour à M. LE PREFET DU NORD
Ordonnance transmise au Tribunal administratif de LILLE
N° étrN° RG 25/00030 – N° Portalis DBZ3-W-B7J-76CUJ

Décision notifiée à …h…

L’intéressé, L’interprète,


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