L’Essentiel : Monsieur X, de nationalité soudanaise, a été placé en rétention administrative le 9 novembre 2024. Sa demande de mainlevée, déposée le 31 décembre, a été rejetée par le juge le jour même. En appel, il a soutenu que les vols vers le Soudan étaient suspendus depuis le 17 décembre, rendant son éloignement impossible. Malgré la recevabilité de l’appel, la demande d’élévation du conflit a été déclarée irrecevable. Le tribunal a confirmé la prolongation de la rétention, considérant que la suspension des vols était temporaire et que les raisons de la rétention demeuraient pertinentes.
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Contexte de la rétentionMonsieur X, de nationalité soudanaise, a été placé en rétention administrative par le préfet des Landes le 9 novembre 2024. Plusieurs ordonnances ont prolongé sa rétention, d’abord pour une durée maximale de vingt-six jours, puis pour des périodes de trente jours, en raison de la nécessité d’exécuter une décision d’éloignement vers le Soudan. Demande de mainlevéeLe 31 décembre 2024, Monsieur X a demandé la fin de sa rétention. Le juge du contentieux civil des libertés a déclaré sa requête recevable mais l’a rejetée le même jour. Cette décision a été notifiée à Monsieur X, qui a refusé de la signer. Appel et argumentsMonsieur X a interjeté appel le 2 janvier 2025, soutenant que les vols vers le Soudan avaient été suspendus depuis le 17 décembre 2024, ce qui rendait son éloignement impossible. Il a également soulevé une contradiction entre les décisions des juridictions administratives et judiciaires, demandant l’élévation du conflit devant le Tribunal des conflits. Observations des partiesLe Ministère public a requis que l’affaire soit jugée sans audience, demandant la confirmation de l’ordonnance initiale. La préfecture des Landes a également transmis ses observations, tandis que Monsieur X et son avocat n’ont pas fourni de réponse dans les délais impartis. Recevabilité de l’appelL’appel a été jugé recevable en raison du respect des délais légaux. Cependant, la demande d’élévation du conflit a été déclarée irrecevable, car les décisions mentionnées par Monsieur X n’étaient pas définitives et le magistrat n’avait pas l’obligation de saisir le Tribunal des conflits. Décision sur le fondLe tribunal a confirmé que la prolongation de la rétention était justifiée, soulignant que la suspension des vols vers le Soudan était temporaire et qu’aucune preuve n’indiquait une impossibilité d’éloignement. Les raisons de la rétention demeuraient donc pertinentes, et l’ordonnance initiale a été confirmée. ConclusionLa demande d’élévation du conflit a été déclarée irrecevable, l’appel a été jugé recevable en la forme, et l’ordonnance initiale a été confirmée. La décision a été notifiée à toutes les parties concernées, avec la possibilité de pourvoi en cassation dans un délai de deux mois. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de la rétention administrative selon le CESEDA ?La rétention administrative est régie par le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). Selon l’article L 742-1 du CESEDA, la rétention administrative peut être ordonnée pour permettre l’éloignement d’un étranger en situation irrégulière. Cette mesure doit être justifiée par des raisons précises, notamment la nécessité d’assurer l’exécution d’une décision d’éloignement. L’article L 742-8 précise que l’étranger peut demander la cessation de sa rétention en saisissant le juge des libertés et de la détention. Il est important de noter que la décision de maintien en rétention d’un demandeur d’asile, selon l’article L 754-3, ne peut être contestée que devant le juge administratif. Ainsi, la rétention administrative doit respecter les droits de l’étranger tout en permettant à l’administration de mener à bien ses missions d’éloignement. Quelles sont les voies de recours contre une décision de maintien en rétention ?Les voies de recours contre une décision de maintien en rétention sont clairement établies dans le CESEDA. L’article L 743-3 stipule que l’étranger peut contester la décision de maintien en rétention en saisissant le juge des libertés et de la détention. Cette procédure est encadrée par les articles L 743-4 à L 743-12, qui précisent les modalités de saisine et d’examen des requêtes. Il est également mentionné que le juge doit statuer dans un délai de 5 jours suivant la saisine. En cas de décision défavorable, l’étranger a la possibilité de faire appel, comme cela a été le cas pour Monsieur [G] [P]. Il est à noter que l’appel doit être formé dans le délai prévu par l’article R 743-10, ce qui a été respecté dans cette affaire. Quelles sont les implications de la suspension des vols vers le Soudan sur la rétention de Monsieur [G] [P] ?La suspension des vols vers le Soudan a des implications directes sur la rétention de Monsieur [G] [P]. L’ordonnance du 10 décembre 2024 a été fondée sur la reprise des vols annoncée pour le 16 décembre 2024. Cependant, la décision du 17 décembre 2024 a confirmé que les vols vers le Soudan étaient suspendus, ce qui a conduit Monsieur [G] [P] à contester son maintien en rétention. L’article L 742-8 du CESEDA permet à l’étranger de demander la cessation de sa rétention, mais cela doit être fondé sur des circonstances nouvelles. Dans ce cas, le tribunal a jugé que la suspension des vols était temporaire et ne justifiait pas la cessation de la rétention. Ainsi, le maintien en rétention de Monsieur [G] [P] a été confirmé, car il n’a pas été prouvé qu’il n’existait aucune perspective d’éloignement. Quelles sont les conséquences d’une demande d’élévation du conflit devant le Tribunal des conflits ?La demande d’élévation du conflit devant le Tribunal des conflits est une procédure qui peut être engagée lorsque des décisions des juridictions administratives et judiciaires présentent une contrariété. Selon l’article L 113-1 du Code de l’organisation judiciaire, cette saisine doit être faite dans un délai de deux mois à compter de la dernière décision. Cependant, dans le cas de Monsieur [G] [P], le tribunal a jugé que les décisions en question n’étaient pas définitives. De plus, il a été précisé qu’il n’incombe pas au premier président de statuer sur une telle demande dans le cadre d’un appel contre une décision du juge des libertés. Ainsi, la demande d’élévation du conflit a été déclarée irrecevable, ce qui signifie que Monsieur [G] [P] ne pourra pas faire examiner son cas par le Tribunal des conflits. Cette décision souligne l’importance de respecter les procédures et les délais prévus par la loi pour contester les décisions judiciaires. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAISE
COUR D’APPEL DE PAU
L742-8, L743-3, L743-23, R743-10, R742-2, R743-11 et R743-18 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile,
ORDONNANCE DU trois Janvier deux mille vingt cinq
Numéro d’inscription au répertoire général N° RG 25/00002 – N° Portalis DBVV-V-B7J-JBT6
Décision déférée ordonnance rendue le 31 DECEMBRE 2024 par le juge du tribunal judiciaire de Bayonne,
Nous, Véronique GIMENO, Vice-Présidente placée, désignée par Ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d’appel de Pau en date du 1er juillet 2024, assistée de Catherine SAYOUS, Greffier,
Monsieur X SE DISANT [G] [P]
né le 01 Avril 1995 à [Localité 2]
de nationalité Soudannaise
Retenu au centre de rétention d'[Localité 1]
Non comparant représenté par Maître Léa GOURGUES, avocat au barreau de Pau, non comparante, demande d’observations par mail du 2 janvier 2025
INTIMES :
LE PREFET DES LANDES, avisé, qui a transmis ses observations
MINISTERE PUBLIC, avisé, qui requiert de statuer sans débats et confirmer l’ordonnance entreprise en l’absence de circonstances nouvelles
ORDONNANCE :
– réputée contradictoire,
– prononcée en cabinet,
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Vu la décision de placement en rétention administrative prise le 9 novembre 2024 par le préfet des Landes à l’encontre de Monsieur [G] [P].
Vu l’ordonnance rendue le 14 novembre 2024 par le juge du contentieux civil des libertés et de la rétention du Tribunal Judiciaire de BAYONNE prolongeant la rétention administrative pour une durée maximale de vingt-six jours.
Vu l’ordonnance rendue le 17 novembre 2024 par le premier président de la cour d’appel de PAU prolongeant la rétention administrative pour une durée maximale de vingt-six jours.
Vu l’ordonnance rendue le 10 décembre 2024 par le juge du contentieux civil des libertés et de la rétention du Tribunal Judiciaire de BAYONNE prolongeant la rétention administrative pour une durée maximale de trente jours.
Vu l’ordonnance rendue le 12 novembre 2024 par le premier président de Ia cour d’appel de PAU BAYONNE prolongeant la rétention administrative pour une durée maximale de trente jours.
Selon requête du 31 décembre 2024, reçue à 12H37 et enregistré à 10H00, Monsieur [G] [P] a sollicité qu’il soit mis fin à sa rétention.
Selon ordonnance du même jour, le juge du contentieux civil des libertés et de la rétention du Tribunal Judiciaire de BAYONNE a déclaré recevable la requête en mainlevée de la rétention administrative présentée par Monsieur [G] [P] et l’a rejetée.
Cette décision a été notifiée à Monsieur [G] [P] le même jour à 16h00, il a refusé de la signer.
Selon déclaration d’appel motivée, transmise par la CIMADE le 2 janvier 2025 à 11h 22; Monsieur [G] [P] sollicite l’infirmation de l’ordonnance.
A l’appui de son appel, Monsieur [G] [P] fait valoir que depuis la dernière décision ayant maintenu son placement en rétention les vols vers le Soudan ont été suspendus, tel que cela a été annoncé le 17 décembre 2024 par la direction centrale de la police aux frontières. Il produit la décision du Tribunal administratif de Pau du 23 décembre 2024 relayant cette information. Il rappelle que l’ordonnance du 10 décembre 2024 a fondé sa décision sur la reprise des vols annoncée pour le 16 décembre 2024, mais que dès le 17 décembre 2024, il a été indiqué par la police aux frontières qu’il n’y aurait pas d’éloignement vers le Soudan et que la préfecture des Landes a annulé la demande de routing dont il faisait l’objet.
Estimant que les décisions rendues par les juridictions administratives et judiciaires présentent une contrariété pouvant conduire à un déni de justice, il sollicite l’élévation du conflit devant le Tribunal des conflits.
Au visa des dispositions des articles L 743-3, L 743-23 et R 742-2 du CESEDA, Monsieur [G] [P], son conseil, la préfecture et des Landes et le Ministère public ont été invités à faire leurs observations sur l’appel de l’ordonnance formée par Monsieur [G] [P] par l’intermédiaire de la CIMADE.
En l’absence de circonstances nouvelles, le représentant du Ministère public a requis qu’il soit statué sans audience et a sollicité la confirmation de l’ordonnance dont appel.
La préfecture des Landes a fait parvenir ses observations, le 3 janvier 2025 à 8h47.
Monsieur [G] [P] et son conseil n’ont pas fait connaître leurs observations dans les délais requis.
Sur ce :
En la forme, l’appel est recevable pour avoir été formé dans le délai prévu par l’article R743-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Sur l’élévation du conflit devant le Tribunal des conflits :
Le Tribunal des conflits peut être saisi des décisions définitives rendues par les juridictions administratives et judiciaires dans les instances introduites devant les deux ordres de juridiction pour des litiges portant sur le même objet, lorsqu’elles présentent une contrariété conduisant à un déni de justice. Un tel recours doit être introduit par les parties dans les deux mois à compter du jour où la dernière des décisions n’est plus susceptible de recours devant les juridictions soit de l’ordre administratif soit de l’ordre judiciaire.
En l’espèce, outre le fait que les décisions auxquelles Monsieur [G] [P] fait référence ne sont pas définitives, il convient de rappeler qu’il n’incombe pas au premier président, ou au magistrat délégué par lui pour statuer sur les appels formés contre une décision du juge du contentieux civil des libertés et de la rétention, de saisir le Tribunal des conflits au motif invoqué par Monsieur [G] [P] que les décisions de l’ordre judiciaire et de l’ordre administratif seraient contraires.
Il convient par conséquent de déclarer la demande irrecevable.
Sur le fond,
Conformément aux dispositions de l’article L 742-8 du CESEDA, hors des audiences de prolongation de la rétention prévues au présent chapitre, l’étranger peut demander qu’il soit mis fin à sa rétention en saisissant le juge des libertés et de la détention. La décision de maintien en rétention d’un demandeur d’asile prévue à l’article L. 754-3 ne peut toutefois être contestée que devant le juge administratif. Il est statué suivant la procédure prévue aux articles L. 743-3, L. 743-4, L. 743-6 à L. 743-12, L. 743-18 à L. 743-20, L. 743-24 et L. 743-25.
Pour rejeter la requête de Monsieur [G] [P], l’ordonnance dont appel a indiqué qu’il n’invoquait aucune circonstance nouvelle depuis la dernière décision ayant statué sur son maintien en rétention ; que l’argumentation de la requête consiste en réalité uniquement à invoquer une absence de perspectives d’éloignement au motif que l’administration ne pourrait reconduire actuellement l’étranger vers le Soudan ; que cependant la prolongation a été accordée pour une durée de 30 jours le 12 décembre 2024 dans l’attente de la possibilité de pouvoir exécuter la décision d’éloignement, ce qui est conditionné à une reprise des vols vers le Soudan ; qu’aucune des pièces produites à la requête ne permet de considérer qu’aucun plan de vol ne pourra être exécuté dans les délais légaux de la rétention applicable à Monsieur [G] [P], soit 90 jours, qu’ainsi les raisons pour lesquelles la rétention administrative de l’étranger a été prolongée de 30 jours conservent leur actualité et pertinence.
Il résulte des pièces produites et des observations des parties que la suspension des vols en vue de l’éloignement vers le Soudan est temporaire et qu’elle peut reprendre à tout moment. Aucun des documents produits ne permet d’établir que le vols vers le Soudan ont été définitivement supprimés.
Dès lors qu’il ne peut être déduit qu’il n’existe aucune perspective d’éloignement, le maintien en rétention de Monsieur [G] [P] se justifie et il convient de confirmer l’ordonnance entreprise.
Déclarons irrecevable la demande en « élévation du conflit devant le Tribunal des conflits »
Déclarons l’appel recevable en la forme.
Confirmons l’ordonnance entreprise
Disons que la présente ordonnance sera notifiée à l’étranger, à son conseil, à la préfecture des Landes.
Rappelons que la présente ordonnance peut être frappée d’un pourvoi en cassation dans le délai de deux mois à compter de sa notification, par déclaration déposée au greffe de la Cour de Cassation par l’intermédiaire d’un Avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de Cassation.
Fait au Palais de Justice de PAU, le trois Janvier deux mille vingt cinq à
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
Catherine SAYOUS Véronique GIMENO
Reçu notification de la présente par remise d’une copie
ce jour 03 Janvier 2025
Monsieur X SE DISANT [G] [P], par mail au centre de rétention d'[Localité 1]
Pris connaissance le : À
Signature
Maître Léa GOURGUES, par mail,
Monsieur le Préfet des Landes, par mail
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