L’Essentiel : Le 15 mai 2024, la Préfecture des Bouches-du-Rhône a notifié à Monsieur [E] [D] un arrêté d’obligation de quitter le territoire national et une décision de placement en rétention. Ce dernier, Algérien né en 1998, a exprimé son désespoir face à sa situation, se sentant abandonné sans soutien en France. Son avocate a contesté la prolongation de la rétention, soulignant des irrégularités dans le contrôle d’identité. Cependant, le tribunal a confirmé la décision de maintien en rétention, justifiant la prolongation par la complexité de son identification, et a informé les parties de leur droit de se pourvoir en cassation.
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Procédure et moyensLes articles L 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) ont été invoqués dans cette affaire. Le 15 mai 2024, la Préfecture des Bouches-du-Rhône a pris un arrêté d’obligation de quitter le territoire national, notifié à 17H15 le même jour. Ce même jour, une décision de placement en rétention a également été notifiée à Monsieur [E] [D]. Le 2 janvier 2025, un magistrat a ordonné le maintien de Monsieur [E] [D] dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire. Ce dernier a interjeté appel de cette décision le même jour à 17H32. Déclarations de Monsieur [E] [D]Monsieur [E] [D] a été entendu et a exprimé son besoin d’un interprète. Il a déclaré être Algérien, né le 22 juillet 1998, et a évoqué sa grave maladie ainsi que son sentiment d’abandon, n’ayant ni famille ni soutien en France. Il a exprimé son désespoir face à sa situation, affirmant avoir changé de vie et travaillé durant trois ans, mais se sentant toujours ignoré par les autorités. Arguments de la défenseL’avocate de Monsieur [E] [D], Me Domnine ANDRE, a soulevé plusieurs points lors de sa plaidoirie. Elle a contesté la recevabilité de la requête en prolongation de la rétention, arguant qu’il n’y avait pas de registre actualisé ni de mention des diligences consulaires nécessaires. Elle a également mis en avant l’irrégularité du contrôle d’identité, soulignant l’absence de précisions sur les circonstances de l’interpellation. Elle a demandé la cessation de la rétention. Motifs de la décisionLa recevabilité de l’appel n’a pas été contestée, et les éléments du dossier n’ont pas révélé d’irrégularité. Concernant l’irrégularité du contrôle, il a été établi que celui-ci avait été effectué conformément à l’article 78-2 du code de procédure pénale, dans un cadre limité tant dans le temps que dans l’espace. Monsieur [D] s’est déclaré de nationalité étrangère, justifiant ainsi la vérification de son droit au séjour. Demande de prolongation de la rétentionL’article L741-1 du CESEDA permet le placement en rétention pour une durée de quatre jours si l’étranger ne présente pas de garanties de représentation. La prolongation au-delà de cette période doit être justifiée par le magistrat. Dans ce cas, les pièces justificatives étaient présentes, et la complexité de l’identification de Monsieur [D] a été notée, rendant la demande de prolongation justifiée. La décision du premier juge a été confirmée. ConclusionLa décision du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention a été confirmée par le tribunal de Marseille le 2 janvier 2025. Les parties ont été informées de leur droit de se pourvoir en cassation dans un délai de deux mois suivant la notification de cette ordonnance. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de la rétention administrative selon le CESEDA ?La rétention administrative est régie par les articles L 740-1 et suivants du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). L’article L741-1 du CESEDA stipule : * »L’autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quatre jours, l’étranger qui se trouve dans l’un des cas prévus à l’article L. 731-1 lorsqu’il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement et qu’aucune autre mesure n’apparaît suffisante à garantir efficacement l’exécution effective de cette décision. »* Ce texte précise que le risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement doit être évalué selon les critères de l’article L. 612-3, ou en fonction de la menace que l’étranger représente pour l’ordre public. Ainsi, pour qu’une rétention soit légale, il faut que l’étranger ne puisse pas garantir son retour et que d’autres mesures ne soient pas suffisantes pour assurer l’exécution de l’éloignement. Quelles sont les modalités de prolongation de la rétention ?La prolongation de la rétention est encadrée par l’article L742-1 du CESEDA, qui dispose : * »Le maintien en rétention au-delà de quatre jours à compter de la notification de la décision de placement initiale peut être autorisé, dans les conditions prévues au présent titre, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire saisi à cette fin par l’autorité administrative. »* Cela signifie qu’après la période initiale de quatre jours, l’autorité administrative doit saisir un magistrat pour obtenir une prolongation, justifiant ainsi la nécessité de maintenir l’étranger en rétention. De plus, l’article R743-2 du CESEDA précise que : * »À peine d’irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l’étranger ou son représentant ou par l’autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention. »* Il est donc essentiel que la requête de prolongation soit accompagnée de toutes les pièces justificatives nécessaires, y compris le registre prévu à l’article L. 744-2. Quels sont les droits de l’étranger en matière de rétention ?Les droits de l’étranger en matière de rétention sont garantis par plusieurs dispositions légales. En premier lieu, l’article L742-1 du CESEDA impose que l’étranger soit informé des raisons de sa rétention et de ses droits. De plus, l’article L743-1 du CESEDA stipule que : * »L’étranger placé en rétention a le droit d’être assisté par un avocat. »* Cela signifie que l’étranger a le droit de se faire représenter et d’être conseillé par un avocat tout au long de la procédure de rétention. Il est également important de noter que l’étranger a le droit de contester la légalité de sa rétention devant le juge, comme le prévoit l’article L743-2, qui permet de saisir le tribunal judiciaire pour faire examiner la légalité de la mesure de rétention. Quelles sont les conséquences d’une irrégularité dans la procédure de rétention ?Les conséquences d’une irrégularité dans la procédure de rétention peuvent être significatives. Selon l’article R743-2 du CESEDA, si la requête de prolongation de la rétention n’est pas correctement motivée ou si les pièces justificatives ne sont pas fournies, cela peut entraîner l’irrecevabilité de la demande. En outre, si une irrégularité est constatée dans le contrôle d’identité, comme le souligne l’article 78-2 du Code de procédure pénale, cela peut également affecter la validité de la rétention. L’article 78-2 précise que : * »L’identité de toute personne peut être contrôlée, pour la recherche et la prévention des infractions liées à la criminalité transfrontalière. »* Si le contrôle d’identité ne respecte pas les modalités prévues, cela pourrait entraîner la nullité de la procédure de rétention, comme cela a été discuté dans le cas de Monsieur [E] [D]. |
CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative
ORDONNANCE
DU 03 JANVIER 2025
N° RG 25/00016 – N° Portalis DBVB-V-B7J-BOFS3
Copie conforme
délivrée le 03 Janvier 2025 par courriel à :
-l’avocat
-le préfet
-le CRA
-le JLD/TJ
-le retenu
-le MP
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention de Marseille en date du 02 Janvier 2025 à 10H10.
APPELANT
Monsieur [E] [D]
né le 22 Juillet 1998 à [Localité 3]
de nationalité Algérienne
comparant en visioconférence depuis le centre de rétention administrative de [Localité 1] en application des dispositions de la loi n°2024-42 du 26 janvier 2024.
Assisté de Maître Domnine ANDRE,
avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, commis d’office.
et de Madame [B] [J], interprète en arabe, inscrit sur la liste des experts de la cour d’appel d’Aix-en-Provence.
INTIMÉ
PREFECTURE DES BOUCHES DU RHONE
Avisé, non représenté
MINISTÈRE PUBLIC
Avisé, non représenté
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DÉBATS
L’affaire a été débattue en audience publique le 03 Janvier 2025 devant Mme Nathalie FEVRE, Présidente de chambre à la cour d’appel déléguée par le premier président par ordonnance, assistée de Mme Carla D’AGOSTINO, Greffier,
ORDONNANCE
Réputée contradictoire,
Prononcée par mise à disposition au greffe le 03 Janvier 2025 à 17H10,
Signée par Mme Nathalie FEVRE, Présidente de chambre et Mme Carla D’AGOSTINO, Greffier,
Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) ;
Vu l’arrêté portant obligation de quitter le territoire national pris le 15 mai 2024 par la PRÉFECTURE DES BOUCHES DU RHÔNE , notifié le même jour à 17H15 ;
Vu la décision de placement en rétention prise le 15 mai 2024 par la PRÉFECTURE DES BOUCHES DU RHÔNE notifiée le même jour à 17H15;
Vu l’ordonnance du 02 Janvier 2025 rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention décidant le maintien de Monsieur [E] [D] dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire ;
Vu l’appel interjeté le 02 Janvier 2025 à 17H32 par Monsieur [E] [D] ;
Monsieur [E] [D] a comparu et a été entendu en ses explications ; il déclare
Oui j’ai besoin d’un interprète. Je suis [D] [E], je suis né le 22.07.1998. Je suis Algérien. J’ai fait appel parce que je suis grave malade. Les autorités n’ont pas répondu. Je suis inconnu. Je perds mon temps. Cela fait 3 ans que j’ai changé ma vie. J’ai travaillé. J’ai personne dans ma vie, j’ai personne sur cette terre, ni père ni mère. J’ai eu trop de problèmes dans ma vie, je vous dis la vérité. En France, je n’ai pas de famille.
Me Domnine ANDRE est entendue en sa plaidoirie :
– Irrecevabilité de la requête en prolongation faute de registre actualisé. Il n’y a aucune mention concernant les diligences consulaires qui doivent être mise en oeuvre dès le placement en rétention. Il s’agit d’une pièce justificative utile.
– Irrégularité du contrôle d’identité : Il a été interpellé à [Localité 1] sans autreprécision. L’article 78-2 du CPP prévoit des modalité strictes. Il n’y a pas de précision sur les circonstances concernant l’interpellation. Il faut justifier l’interpellation par des éléments objectifs sur le PV.
-Je vous demande de mettre fin à la rétention.
Le retenu a eu la parole en dernier : Je veux juste sortir et rien d’autre.
Le préfet n’était pas représenté.
La recevabilité de l’appel contre l’ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention n’est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d’irrégularité.
1-sur l’irrégularité du contrôle
En l’espèce, il résulte du document en procédure intitulé ‘saisine, mise à disposition ‘du 28 décembre 2024 que le contrôle d’identité a eu lieu dans le cadre de l’article 78-2 alinéa 10 du code de procédure pénale
Ce texte prévoit:
‘Dans un rayon maximal de dix kilomètres autour des ports et aéroports constituant des points de passage frontaliers au sens de l’article 2 du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen), désignés par arrêté en raison de l’importance de leur fréquentation et de leur vulnérabilité, l’identité de toute personne peut être contrôlée, pour la recherche et la prévention des infractions liées à la criminalité transfrontalière, selon les modalités prévues au premier alinéa du présent article, en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi. L’arrêté mentionné à la première phrase du présent alinéa fixe le rayon autour du point de passage frontalier dans la limite duquel les contrôles peuvent être effectués. Lorsqu’il existe une section autoroutière commençant dans la zone mentionnée à la même première phrase et que le premier péage autoroutier se situe au-delà des limites de cette zone, le contrôle peut en outre avoir lieu jusqu’à ce premier péage sur les aires de stationnement ainsi que sur le lieu de ce péage et les aires de stationnement attenantes. Les péages concernés par cette disposition sont désignés par arrêté. Le fait que le contrôle d’identité révèle une infraction autre que celle de non-respect des obligations susmentionnées ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes. Pour l’application du présent alinéa, le contrôle des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi ne peut être pratiqué que pour une durée n’excédant pas douze heures consécutives dans un même lieu et ne peut consister en un contrôle systématique des personnes présentes ou circulant dans les zones mentionnées au présent alinéa’.
Il résulte de ce procès-verbal :
-qu’il était limité dans le temps (14h à 17h) et dans l’espace, à savoir le ‘[Adresse 4] à [Localité 2] ‘
-qu’il était procédé à des contrôles aléatoires,
-que monsieur [D] s’est lui-même déclaré de nationalité étrangère générant la vérification de son droit au séjour.
Il n’est en conséquence pas établi de violation des dispositions légales applicables ainsi que l’a retenu le premier juge et le moyen de nuliité de la procédure préalable à la rétention sera rejeté.
2-sur la demande de prolongation de la rétention
L’article L741-1du CESEDA prévoit:
‘L’autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quatre jours, l’étranger qui se trouve dans l’un des cas prévus à l’article L. 731-1 lorsqu’il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement et qu’aucune autre mesure n’apparaît suffisante à garantir efficacement l’exécution effective de cette décision.
Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l’article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l’ordre public que l’étranger représente’
L’article L742-1 du CESEDA prévoit:
‘Le maintien en rétention au-delà de quatre jours à compter de la notification de la décision de placement initiale peut être autorisé, dans les conditions prévues au présent titre, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire saisi à cette fin par l’autorité administrative’.
L’article R743-2 du CESEDA prévoit:
‘A peine d’irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l’étranger ou son représentant ou par l’autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention.
Lorsque la requête est formée par l’autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l’article L. 744-2.’
En l’espèce, il n’est pas précisé les pièces justificatives manquantes.
Le registre est produit en son état premier s’agissant d’une première demande de prolongation.
Il est justifié concernant les diligences en vue de l’éloigenement de la saisine des autorités consulaires algériennes le 30 décembre 2024 étant observé que les alias multiples de l’intéressé (6 ) rendent les opérations d’identification et de reconnaissance de l’intéressé particulièrement complexes et aléatoires.
La requête est recevable et la demande de prolongation justifiée en l’absence de garantie efficace d’exécution de la mesure d’éloignement, monisuer [D] ayant déjà fait l’objet de deux obligations de quitter le territoire antérieures.
La décision du premier juge sera en conséquence confirmée
Statuant publiquement par décision réputée contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,
Confirmons l’ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention du tribunal de MARSEILLE en date du 02 Janvier 2025.
Les parties sont avisées qu’elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d’Etat ou de la Cour de cassation.
Le greffier Le président
Reçu et pris connaissance le :
Monsieur [E] [D]
Assisté d’un interprète
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