Conflit entre droits individuels et mesures administratives d’éloignement

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Conflit entre droits individuels et mesures administratives d’éloignement

L’Essentiel : Le 29 décembre 2024, le Préfet des Alpes-Maritimes a ordonné le placement en rétention de Monsieur [D] [S], une décision confirmée par une ordonnance le 2 janvier 2025. Ce dernier a interjeté appel, évoquant sa situation personnelle et ses liens familiaux en France. Son avocat a soulevé des violations potentielles, notamment concernant la garde à vue et la communication d’informations au préfet. Toutefois, le tribunal a jugé que les informations fournies étaient suffisantes et que la procédure respectait les dispositions légales. La situation irrégulière de Monsieur [D] [S] a été confirmée, et l’ordonnance a été maintenue.

Contexte Juridique

Les articles L 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) encadrent la procédure d’éloignement et de rétention des étrangers en situation irrégulière. Dans ce cadre, un arrêté d’obligation de quitter le territoire national a été pris le 11 janvier 2023 par le Préfet des Alpes-Maritimes.

Placement en Rétention

Le 29 décembre 2024, le Préfet des Alpes-Maritimes a décidé du placement en rétention de Monsieur [D] [S], une décision notifiée le même jour. Par la suite, une ordonnance du 2 janvier 2025 a confirmé le maintien de Monsieur [D] [S] dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire.

Appel de la Décision

Monsieur [D] [S] a interjeté appel le 2 janvier 2025. Lors de son audition, il a expliqué sa situation personnelle, mentionnant ses adresses chez ses tantes, son arrivée en France en 2015, ses activités sur YouTube, ainsi que les tensions familiales liées à son mode de vie.

Arguments de la Défense

L’avocat de Monsieur [D] [S] a soulevé plusieurs points, notamment la garde à vue pour une infraction non précisée, ce qui constituerait une violation de l’article 63-1 du Code de procédure pénale. Elle a également contesté la communication d’informations au préfet, arguant que cela violait le secret de l’enquête et la présomption d’innocence.

Examen des Violations Alléguées

La recevabilité de l’appel n’a pas été contestée. Concernant la garde à vue, il a été jugé que l’information fournie à Monsieur [D] [S] était suffisante, même si la qualification de l’infraction était générale. Le grief a été écarté, car aucune atteinte effective à ses intérêts n’a été démontrée.

Secret de l’Enquête et Communication d’Informations

L’avis donné aux autorités judiciaires et administratives a été jugé conforme aux dispositions légales, car il visait à faciliter les investigations. Le grief relatif à la violation du secret de l’enquête a donc été rejeté.

Communication de l’Arrêté de Rétention

L’arrêté de placement en rétention était présent dans le dossier, rendant le grief sur son absence inopérant.

Situation Administrative de Monsieur [D] [S]

Le tribunal a confirmé que la situation irrégulière de Monsieur [D] [S] était avérée et que la procédure était en attente d’une réponse des autorités consulaires tunisiennes, respectant ainsi les dispositions du CESEDA.

Décision Finale

L’ordonnance du magistrat a été confirmée dans toutes ses dispositions. Les parties ont été informées de leur droit de se pourvoir en cassation dans un délai de deux mois.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les implications de l’article 63-1 du Code de procédure pénale dans le cadre de la garde à vue ?

L’article 63-1 du Code de procédure pénale stipule que :

« La personne placée en garde à vue est immédiatement informée par un officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire, dans une langue qu’elle comprend, le cas échéant au moyen du formulaire prévu au treizième alinéa :

1° De la qualification, de la date et du lieu présumés de l’infraction qu’elle est soupçonnée d’avoir commise ou tenté de commettre ainsi que des motifs mentionnés aux 1° à 6° de l’article 62-2 justifiant son placement en garde à vue. »

Dans le cas de Monsieur [D] [S], il a été informé de son placement en garde à vue pour une infraction de port d’arme de catégorie D, qualifiée sous le terme général « ILE ».

Bien que son avocat ait contesté cette qualification, le tribunal a jugé que l’utilisation d’un terme général à ce stade de la procédure ne constituait pas une violation des droits de l’intéressé, car il a pu s’expliquer lors de son audition.

Ainsi, le grief relatif à la violation de l’article 63-1 a été écarté, car aucune atteinte effective à ses intérêts n’a été démontrée.

Comment l’article 11 du Code de procédure pénale et l’article 6-2 de la CEDH protègent-ils le secret de l’enquête et la présomption d’innocence ?

L’article 11 du Code de procédure pénale dispose que :

« Sauf dans les cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense, la procédure au cours de l’enquête et de l’instruction est secrète.

Toute personne qui concourt à cette procédure est tenue au secret professionnel dans les conditions et sous les peines prévues à l’article 434-7-2 du code pénal. »

De plus, l’article 6-2 de la CEDH établit le principe de la présomption d’innocence, stipulant que :

« Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. »

Dans l’affaire de Monsieur [D] [S], le tribunal a jugé que l’avis donné au magistrat et à la préfecture ne contrevenait pas à ces dispositions.

L’information transmise visait à permettre aux autorités de contrôler la situation administrative de l’intéressé, sans porter atteinte à la confidentialité de l’enquête.

Ainsi, le grief relatif à la violation du secret de l’enquête et à la présomption d’innocence a été rejeté.

Quelles sont les obligations de communication concernant l’arrêté de placement en rétention ?

Concernant la communication de l’arrêté de placement en rétention, le tribunal a constaté que :

« Ce document figure en procédure, le grief est donc inopérant. »

Cela signifie que l’arrêté de placement en rétention de Monsieur [D] [S] a été dûment enregistré dans le dossier, et son absence de communication n’a pas été considérée comme une violation des droits de l’intéressé.

La transparence dans la procédure est essentielle, mais dans ce cas, le tribunal a jugé que la présence du document dans le dossier suffisait à satisfaire aux exigences légales.

Comment l’article L741-3 du CESEDA s’applique-t-il à la situation de Monsieur [D] [S] ?

L’article L741-3 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) stipule que :

« L’étranger qui fait l’objet d’une mesure d’éloignement est informé des voies de recours dont il dispose. »

Dans le cas de Monsieur [D] [S], le tribunal a retenu que sa situation irrégulière était avérée et que la procédure était en attente de la réponse des autorités consulaires tunisiennes.

Le tribunal a donc conclu que les dispositions de l’article L741-3 avaient été respectées, car l’intéressé avait été informé de ses droits et des recours possibles.

Ainsi, le grief relatif à l’absence de diligence a été rejeté, confirmant que la procédure suivie était conforme aux exigences légales.

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative

ORDONNANCE

DU 3 JANVIER 2025

N° RG 25/00013 – N° Portalis DBVB-V-B7J-BOFRY

Copie conforme

délivrée le 03 Janvier 2025 par courriel à :

-l’avocat

-le préfet

-le CRA

-le JLD/TJ

-le retenu

-le MP

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance rendue par le magistrat du siège désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention du Tribunal judiciaire de Nice en date du 2 janvier 2025 à 15H20.

APPELANT

Monsieur [D] [S]

né le 12 décembre 1996 à [Localité 5] (ALGÉRIE)

de nationalité Algérienne

 

Comparant en visioconférence depuis le centre de rétention administrative de [Localité 4] en application des dispositions de la loi n°2024-42 du 26 janvier 2024.

Assisté de Maître Aziza DRIDI, avocate au barreau de GRASSE, choisie.

INTIMÉ

Monsieur le PRÉFET DES ALPES-MARITIMES

Domicilié Centre administratif départemental des Alpes-Maritimes

[Adresse 1]

Non comparant, valablement avisé

MINISTÈRE PUBLIC

Avisé, non représenté

******

DÉBATS

L’affaire a été débattue en audience publique le 3 janvier 2025 devant Madame Joëlle TORMOS, Conseiller à la cour d’appel déléguée par le premier président par ordonnance, assistée de Monsieur Nicolas FAVARD, Greffier,

ORDONNANCE

Par décision réputée contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 3 janvier 2025 à 17h45 ,

Signée par Madame Joëlle TORMOS, Conseiller et Monsieur Nicolas FAVARD, Greffier,

PROCÉDURE ET MOYENS

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) ;

Vu l’arrêté portant obligation de quitter le territoire national pris le 11 janvier 2023 par le PRÉFET DES ALPES-MARITIMES, notifié le même jour à 13H31 ;

Vu la décision de placement en rétention prise le 29 décembre 2024 par le PRÉFET DES ALPES-MARITIMES notifiée le même jour à 16h53 ;

Vu l’ordonnance du 2 janvier 2025 rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention de [Localité 4] décidant le maintien de Monsieur [D] [S] dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire ;

Vu l’appel interjeté le 2 janvier 2025 à 16H28 par Monsieur [D] [S] ;

Monsieur [D] [S] a comparu et a été entendu en ses explications ; il déclare qu’il a deux adresses [Adresse 3] et [Adresse 2] à [Localité 4] chez ses tantes, qu’il est arrivé en France depuis fin 2015 qu’il avait 16 ans, qu’il fais de la musique sur Youtube que les mebres de sa famille sont de ‘vrais musulmans’ avec la barbe et tout qu’ils n’accpetent pas son mode de vie, qu’il a fait des ‘bétises’ car il était mal entouré mais qu’il a travaillé notamment chez IKEA, que ses projets sont pertubés notamment en raison du contrôle judiciaire, qu’il ne savait pas s’il devait partir ou rester, qu’il veut respecter l’OQTF.

Son avocat a été régulièrement entendu ; elle conclut que l’intéressé a été placé en garde à vue pour ILE qui n’est pas une infraction et qui peut regrouper diverses qualifications ce qui est une violation d el’article 63-1 du Code de procédure pénale ; que l’avis donné au préfet dans le cadre de la garde à vue sur la situation de [D] [S] est contraire au secret de l’enquête prévu à l’article 11 du Code pénal comprendre procédure pénale) et à la présomption d’innocence (article 6 §2 de la CEDH ; que l’arrêté portant placement en rétention de [D] [S] n’est pas communiqué ; qu’il n’est pas justifié que les autorités consulaires ont été saisies d’une demande ; qu’en conséquence l’ordonnance dont appel doit être infirmée.

[D] [S] a eu la parole en dernier.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La recevabilité de l’appel contre l’ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention n’est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d’irrégularité.

Sur la violation de l’article 63-1 du Code de procédure pénale :

Au terme de l’article 63-1 §2 du Code de procédure pénale : La personne placée en garde à vue est immédiatement informée par un officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire, dans une langue qu’elle comprend, le cas échéant au moyen du formulaire prévu au treizième alinéa:

2o De la qualification, de la date et du lieu présumés» de l’infraction qu’elle est soupçonnée d’avoir commise ou tenté de commettre ainsi que des motifs mentionnés aux 1o à 6o de l’article 62-2 justifiant son placement en garde à vue ;

En l’espèce [D] [S] a été informé par procès verbal du 28 décembre 2024 à 20 heures 15 de son placement en garde à vue ‘au vu d’une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’il a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement, en l’espèce l’infraction de port d’arme de catégorie D ILE à [Localité 4] le 28/12/2024″ ;

Le conseil de [D] [S] fait grief à ce procès verbal d’employer le terme ILE trop général, cependant à ce stade de la procédure et sans vérification plus avant il n’était pas possible de qualifier plus précisément l’infraction, seule cette dénomination pouvait être employée, par ailleurs elle ne peut entraîner le prononcé d’une nullité alors qu’il n’en est résulté pour [D] [S] aucune une atteinte effective à ses intérêts et qu’il a pu s’expliquer lors de son audition du 29 décembre 2024 en toute connaissance de cause.

Le grief sera par conséquent écarté.

Sur la violation du secret de l’enquête (article 11 du Code de procédure pénale et 6-2 de la CEDH) :

L’article 11 du Code de procédure pénale dispose :

Sauf dans les cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense, la procédure au cours de l’enquête et de l’instruction est secrète.

Toute personne qui concourt à cette procédure est tenue au secret professionnel dans les conditions et sous les peines prévues à l’article 434-7-2 du code pénal.

Toutefois, afin d’éviter la propagation d’informations parcellaires ou inexactes ou pour mettre fin à un trouble à l’ordre public ou lorsque tout autre impératif d’intérêt public le justifie, le procureur de la République peut, d’office et à la demande de la juridiction d’instruction ou des parties , directement ou par l’intermédiaire d’un officier de police judiciaire agissant avec son accord et sous son contrôle, rendre publics des éléments objectifs tirés de la procédure ne comportant aucune appréciation sur le bien-fondé des charges retenues contre les personnes mises en cause.

L’article 6-2 de la CEDH pose quant à lui le prinicpe de la présomption d’innocence ;

En l’occurrence l’avis donné au magistrat de permanence et à la préfecture le 28 décembre 2024 par procès-verbal 2024/36835 ne contrevient pas aux dispositions ci-dessus, ces autorités judiciaire et administrative étant informées de l’enquête dans le but de concourir aux investigations, s’agissant du préfet de contrôler la situation administrative d’un étranger sur le territoire national.

Le grief sera par conséquent rejeté.

Sur la communication de l’arrêté de placement de [D] [S] en rétention :

Ce document figure en procédure, le grief est donc inopérant.

Sur l’absence de diligence :

C’est par une motivation pertinente qu’il convient d’adopter que le premier juge a retenu que

la situation irrégulière de [D] [S] est avérée, que la procédure est en attente de la réponse des autorités consulaires tunisiennes au courrier du 26 mai 2024.

Qu’ainsi les dispositions de l’article L741-3 du CESEDA ont été respectées, le grief sera donc rejeté.

En conséquence l’ordonnance entreprise sera confirmée en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par décision Par décision réputée contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,

Confirmons l’ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention en date du 2 janvier 2025.

Les parties sont avisées qu’elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d’Etat ou de la Cour de cassation.

Le greffier Le président

Reçu et pris connaissance le :

Monsieur [D] [S]


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