L’Essentiel : Le tribunal a statué en faveur de Madame [J] [S] et Madame [G] [S], constatant l’acquisition de la clause résolutoire au 29 février 2024. Il a ordonné l’expulsion de la société Willpon et de Monsieur [O] [F] en cas de non-restitution des lieux, tout en condamnant ce dernier à verser une indemnité d’occupation et une provision de 137 356,04 € pour les arriérés locatifs. Les demandes relatives à la conservation du dépôt de garantie et à la majoration de l’indemnité d’occupation ont été rejetées. La décision est exécutoire à titre provisoire, avec condamnation aux dépens.
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Exposé du litigePar acte du 25 janvier 2020, Madame [J] [S] et Madame [G] [S] ont conclu un bail commercial avec la société HCMPP pour des locaux situés à [Adresse 4] à [Localité 6], pour une durée de neuf ans et un loyer initial de 70 000 € par an. Le 8 février 2022, le tribunal de commerce de Paris a placé la société HCMPP en redressement judiciaire, suivi d’une liquidation judiciaire le 9 août 2022, avec désignation d’un mandataire judiciaire. Le 20 décembre 2022, le juge commissaire a autorisé la cession du fonds de commerce à la société Willpon, en cours de formation, représentée par Monsieur [O] [F]. Immatriculation et impayésL’acte de cession du 24 août 2023 stipule que la société Willpon devait fournir une garantie de 50 000 € au bailleur. Cependant, la société Willpon n’a pas été immatriculée et des loyers sont restés impayés. Le bailleur a alors délivré un commandement de payer le 30 janvier 2024, visant la clause résolutoire pour un montant de 58 062,54 € d’arriéré locatif. En mars 2024, Madame [J] [S] et Madame [G] [S] ont assigné la société Willpon, Monsieur [O] [F], et la société CEHTRA devant le tribunal judiciaire de Paris pour expulsion et paiement de provision. Demandes des partiesLors de l’audience du 2 décembre 2024, les demanderesses ont sollicité la constatation de l’acquisition de la clause résolutoire, l’expulsion de la société Willpon et de Monsieur [O] [F], ainsi que le paiement d’une provision de 137 356,04 € pour l’arriéré locatif. Elles ont également demandé une indemnité d’occupation provisionnelle et la possibilité de conserver le dépôt de garantie. De son côté, la société CEHTRA a contesté la validité du commandement de payer, arguant qu’il avait été délivré à une société non immatriculée. Décisions du tribunalLe tribunal a déclaré irrecevables les demandes à l’encontre de la société CEHTRA pour défaut de qualité à agir. Il a constaté l’acquisition de la clause résolutoire au 29 février 2024 et ordonné l’expulsion de la société Willpon et de Monsieur [O] [F] en cas de non-restitution des lieux. Le tribunal a également condamné Monsieur [O] [F] à payer une indemnité d’occupation et une provision de 137 356,04 € pour les arriérés locatifs. Les demandes relatives à la conservation du dépôt de garantie et à la majoration de l’indemnité d’occupation n’ont pas été retenues. ConclusionLe tribunal a statué en faveur des demanderesses, ordonnant l’expulsion et le paiement des arriérés, tout en rejetant certaines demandes accessoires. La décision est exécutoire à titre provisoire, et Monsieur [O] [F] a été condamné aux dépens et à verser une somme au titre des frais non compris dans les dépens. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le fondement juridique de la nullité du commandement de payer délivré à la société Willpon ?Le commandement de payer délivré à la société Willpon est contesté sur la base de son immatriculation. Selon l’article L.210-6 du code de commerce, les sociétés commerciales acquièrent la personnalité morale à compter de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés. Ainsi, tant que la société Willpon n’est pas immatriculée, elle est dépourvue de personnalité morale, ce qui entraîne la nullité de tout acte juridique, y compris le commandement de payer. L’article 122 du code de procédure civile précise que constitue une fin de non-recevoir tout moyen tendant à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande pour défaut de droit d’agir. En conséquence, le commandement de payer, délivré à une société non immatriculée, est nul et ne peut fonder une action en justice. Quelles sont les conditions d’application de la clause résolutoire dans le cadre d’un bail commercial ?L’article L. 145-41 du code de commerce stipule que toute clause insérée dans un bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Ce commandement doit mentionner ce délai, à peine de nullité. Pour que la clause résolutoire soit acquise, le bailleur doit prouver que le défaut de paiement est manifestement fautif et que la clause résolutoire est dénuée d’ambiguïté. Le bailleur doit également démontrer qu’il est de bonne foi dans l’invocation de cette clause. Dans le cas présent, le commandement de payer a été délivré, et le montant de la créance a été précisé, ce qui permet de conclure à l’acquisition de la clause résolutoire. Quelles sont les conséquences de la résiliation du bail sur les obligations du locataire ?Selon l’article 1728 du code civil, le paiement du prix du bail aux termes convenus est l’une des obligations principales du locataire. Une fois la clause résolutoire acquise, le locataire n’est plus débiteur de loyers, mais d’une indemnité d’occupation. L’indemnité d’occupation est due depuis l’acquisition de la clause résolutoire jusqu’à la libération effective des lieux. L’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile permet au juge des référés d’accorder une provision lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Dans ce cas, l’indemnité d’occupation est fixée à titre provisionnel au montant du loyer contractuel, charges et taxes incluses. Quelles sont les implications de la responsabilité solidaire de Monsieur [O] [F] dans le cadre de la cession du fonds de commerce ?Monsieur [O] [F], ayant agi au nom de la société Willpon avant son immatriculation, est tenu solidairement et indéfiniment responsable des engagements pris lors de la cession du fonds de commerce, conformément à l’article L.210-6 du code de commerce. Cela signifie qu’il peut être poursuivi personnellement pour les dettes contractées par la société en formation. L’article 1353 du code civil précise que c’est à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de prouver son existence. Dans ce cas, les créances des bailleurs à l’encontre de Monsieur [O] [F] pour loyers et indemnités d’occupation sont considérées comme non sérieusement contestables, ce qui justifie la condamnation à payer une provision. Comment le juge des référés peut-il statuer sur les demandes de provision et d’indemnité d’occupation ?Le juge des référés, selon l’article 835 du code de procédure civile, peut accorder une provision lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Dans le cas présent, la demande de provision pour l’arriéré locatif est fondée sur des montants clairement établis et non contestés. L’indemnité d’occupation, due depuis la résiliation du bail, est fixée au montant du loyer contractuel, charges et taxes incluses. Le juge peut également ordonner des mesures conservatoires pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite, ce qui justifie l’expulsion des occupants des lieux. Quelles sont les conséquences de la décision du juge concernant les dépens et les frais irrépétibles ?L’article 700 du code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme pour couvrir les frais exposés et non compris dans les dépens. Dans cette affaire, Monsieur [O] [F] a été condamné aux dépens, y compris les frais de commandement et d’assignation. Cependant, la demande de la société CEHTRA au titre de l’article 700 a été rejetée, car aucune preuve d’équité ou de situation économique ne justifiait une telle condamnation. Le juge a donc exercé son pouvoir discrétionnaire pour évaluer les frais à 1 000 €, tenant compte de la situation des parties. |
JUDICIAIRE
DE PARIS
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N° RG 24/52507 – N° Portalis 352J-W-B7I-C4FBF
N° : 3
Assignation du :
06 et 12 Mars 2024
[1]
[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le:
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 06 janvier 2025
par Lucie LETOMBE, Juge au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,
Assistée de Pascale GARAVEL, Greffier.
DEMANDERESSES
Madame [S] [J]
[Adresse 1]
[Localité 8]
Madame [S] [G] épouse [B]
[Adresse 9]
[Localité 7]
représentées par Maître Richard ARBIB de la SELARL A.K.A, avocats au barreau du VAL-DE-MARNE – #PC320
DEFENDEURS
La société WILLPON S.A.S. en cours d’immatriculation, prise en la personne de M. [O] [F]
[Adresse 10]
[Localité 8]
et pour signification au
[Adresse 4]
[Localité 6]
non constituée
Monsieur [O] [F]
[Adresse 10]
[Localité 8]
et pour tentative de signification au
[Adresse 4]
[Localité 6]
non constitué
La Société CEHTRA – CONSULTANCY FOR ENVIRONMENTAL AND HUMAN TOXICOLOGY AND RISK ASSESSMENT S.A.
société de droit luxembourgeois
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Guillaume DAUCHEL, avocat au barreau de PARIS – #W0009, SELARL SEVELLEC-DAUCHEL, avocat postulant et par Me Clément RAIMBAULT, avocat au barreau de BORDEAUX, SCP DELAVALLADE RAIMBAULT, [Adresse 5], avocat plaidant
DÉBATS
A l’audience du 02 Décembre 2024, tenue publiquement, présidée par Lucie LETOMBE, Juge, assistée de Pascale GARAVEL, Greffier,
Nous, Président,
Après avoir entendu les conseils des parties,
Par acte du 25 janvier 2020, Madame [J] [S] et Madame [G] [S] ont donné à bail commercial à la société HCMPP des locaux situés [Adresse 4] à [Localité 6], pour une durée de neuf ans à compter du 1er février 2020, moyennant un loyer initial en principal de 70 000 € par an.
Par jugement du 8 février 2022, le tribunal de commerce de Paris a placé la société HCMPP en redressement judiciaire, converti en liquidation judiciaire par jugement du 9 août 2022, et a désigné la DELARL Fides en qualité de mandataire judiciaire.
Par ordonnance du 20 décembre 2022, le juge commissaire, désigné dans le cadre de la liquidation judiciaire, a autorisé le liquidateur judiciaire à céder le fonds de commerce à la société Willpon, société en cours de formation et en cours d’immatriculation auprès du RSC de Paris, représentée par son président Monsieur [O] [F].
Par acte du 24 août 2023, l’acte de cession du fonds de commerce a été régularisé, prévoyant notamment que la société Willpon devait fournir au bailleur une garantie à première demande de 50 000 €.
La société Willpon n’a pas été immatriculée.
Des loyers sont demeurés impayés.
Le bailleur a fait délivrer un commandement de payer et de justifier de la garantie à première demande visant la clause résolutoire, par acte du 30 janvier 2024, à la société Willpon prise en la personne de Monsieur [O] [F], pour une somme de 58 062,54 € en principal, au titre de l’arriéré locatif.
Par actes délivrés les 6 et 12 mars 2024, Madame [J] [S] et Madame [G] [S] ont fait assigner la société Willpon, Monsieur [O] [F], et la société CEHTRA (Consultancy For Environnemental and Human Toxicology and Risk Assessment) devant le président du tribunal judiciaire de Paris statuant en référés aux fins d’expulsion et de paiement de provision.
L’affaire a été renvoyée à plusieurs reprises à la demande des parties.
Par conclusions déposées et soutenues à l’audience du 2 décembre 2024, Madame [J] [S] et Madame [G] [S] demandent au juge des référés de :
– constater l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail,
– ordonner l’expulsion de la société Willpon et de Monsieur [O] [F] et celle de tous occupants de leur chef des lieux loués avec le concours de la force publique et d’un serrurier si besoin est, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance de référé,
– ordonner la séquestration du mobilier trouvé dans les lieux dans tel garde-meubles qu’il plaira au bailleur aux frais, risques et péril de la partie expulsée, en conformité avec les dispositions des articles L.433-1 et R.433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,
– condamner solidairement la société Willpon, Monsieur [O] [F], et la société CEHTRA (Consultancy For Environnemental and Human Toxicology and Risk Assessment) à leur payer la somme provisionnelle de 137 356,04 € au titre de l’arriéré locatif,
– condamner solidairement la société Willpon, Monsieur [O] [F], et la société CEHTRA (Consultancy For Environnemental and Human Toxicology and Risk Assessment) au paiement d’une indemnité d’occupation provisionnelle égale au double du montant des loyers, charges et taxes, à compter de la date de résiliation du bail et jusqu’à la libération des locaux qui se matérialisera par la remise des clés,
– dire qu’elles pourront conserver le dépôt de garantie,
– débouter les défendeurs de leurs demandes reconventionnelles,
– à titre subsidiaire, renvoyer l’affaire à une audience au fond en application de l’article 837 du code de procédure civile,
– condamner solidairement la société Willpon, Monsieur [O] [F], et la société CEHTRA (Consultancy For Environnemental and Human Toxicology and Risk Assessment) au paiement d’une somme de 3 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par conclusions déposées et soutenues à l’audience, la société CEHTRA (Consultancy For Environnemental and Human Toxicology and Risk Assessment) demande au juge des référés de :
– constater la nullité du commandement de payer du 30 janvier 2024 sur la base duquel Madame [J] [S] et Madame [G] [S] ont fondé leurs demandes, pour avoir été délivré à une société non immatriculée et donc dépourvue de la personnalité morale,
– constater que le commandement de payer du 20 septembre 2024 et signifié le 1er octobre 2024 soulève des contestations sérieuses,
– constater l’irrecevabilité des demandes de Madame [J] [S] et de Madame [G] [S] dirigées à son encontre pour défaut de qualité à agir les concernant et corrélativement défaut de qualité à défendre,
– constater en tout état de cause que les demandes de Madame [J] [S] et de Madame [G] [S] dirigées à son encontre se heurtent à des contestations sérieuses excédant la compétence du juge des référés,
– constater que Madame [J] [S] et Madame [G] [S] ne justifient pas d’une créance certaine, liquide et exigible à son égard,
– rejeter l’intégralité des demandes de Madame [J] [S] et de Madame [G] [S] dirigées à son encontre,
– rejeter la demande Madame [J] [S] et de Madame [G] [S] de faire usage de l’article 837 du code de procédure civile,
– condamner Madame [J] [S] et Madame [G] [S] au paiement d’une somme de 3 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Assignés respectivement à étude et selon les modalités prévues à l’article 659 du code de procédure civile, la société Willpon et Monsieur [O] [F] n’ont pas constitué avocat, de sorte qu’il doit être statué par décision réputée contradictoire.
Conformément à l’article 446-1 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions des parties, il est renvoyé à l’assignation et aux écritures déposées et développées oralement à l’audience.
L’affaire a été mise en délibéré au 6 janvier 2025.
A titre liminaire, il convient de rappeler que le juge des référés n’est pas compétent pour prononcer la nullité d’un commandement de payer, et peut seulement constater l’existence de contestations sérieuses quant à la régularité de ce commandement.
Sur le défaut de qualité à agir
Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
En application de l’article 31 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
A contrario, selon l’article 32 du même code, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir.
En application de l’article L.210-6 du code de commerce, les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés. La transformation régulière d’une société n’entraîne pas la création d’une personne morale nouvelle. Il en est de même de la prorogation.
Les personnes qui ont agi au nom d’une société en formation avant qu’elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l’origine par la société.
Au cas présent, les demanderesses soutiennent que la société CEHTRA (Consultancy For Environnemental and Human Toxicology and Risk Assessment) a agi en représentation de la société Willpon, en qualité d’actionnaire majoritaire figurant aux statuts, de sorte qu’elle doit être tenue solidairement des engagements pris par cette dernière, en cas d’absence d’immatriculation.
Toutefois, il ressort des pièces produites que :
– le juge commissaire a autorisé, dans son ordonnance du 20 décembre 2022, le liquidateur judicaire à céder le fonds de commerce à la société Willpon, en cours de formation et en cours d’immatriculation auprès du RSC de Paris, représentée par son président Monsieur [O] [F],
– l’acte de cession du fonds de commerce du 24 août 2023 a été signé par Monsieur [O] [F], en qualité de président de la société Willpon, société par actions simplifiée, qui était en cours de formation et d’immatriculation auprès du RSC de Paris.
Ainsi, en application de l’article L 210-6 du code de commerce, il s’ensuit que seul Monsieur [O] [F] a agi pour le compte de la société Willpon, non immatriculée, dans le cadre de la cession du fonds de commerce litigieux.
Dès lors, dans ces conditions, les demandes de Madame [J] [S] et Madame [G] [S] formées à l’encontre de la société CEHTRA (Consultancy For Environnemental and Human Toxicology and Risk Assessment) seront déclarées irrecevables pour défaut de qualité à agir à son encontre.
Sur la demande relative à l’acquisition de la clause résolutoire et sur les demandes subséquentes
L’article 834 du code de procédure civile dispose que, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.
La juridiction des référés n’est toutefois pas tenue de caractériser l’urgence, au sens de l’article 834 du code de procédure civile, pour constater l’acquisition de la clause résolutoire stipulée dans un bail et la résiliation de droit d’un bail.
L’article L. 145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
Le bailleur, au titre d’un bail commercial, demandant la constatation de l’acquisition de la clause résolutoire comprise stipulée dans le bail doit rapporter la preuve de sa créance.
Le juge des référés peut constater la résiliation de plein droit du bail au titre d’une clause contenue à l’acte à cet effet, à condition que :
– le défaut de paiement de la somme réclamée dans le commandement de payer visant la clause résolutoire soit manifestement fautif,
– le bailleur soit, de toute évidence, en situation d’invoquer de bonne foi la mise en jeu de cette clause,
– la clause résolutoire soit dénuée d’ambiguïté et ne nécessite pas interprétation.
Les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses résolutoires, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.
L’octroi des délais de paiement autorisés par l’article 1343-5 du code civil n’est par ailleurs nullement conditionné à la seule existence d’une situation économique catastrophique de celui qui les demande mais relève du pouvoir discrétionnaire du juge.
Cependant, la juridiction des référés ne peut, sans excéder ses pouvoirs, accorder d’office un délai de grâce et suspendre les effets de la clause résolutoire dès lors que ce délai ne lui a pas été demandé par le preneur.
Au cas présent, la soumission du bail au statut des baux commerciaux ne donne lieu à aucune discussion.
Le bail prévoit une clause résolutoire stipulant sa résiliation de plein droit à défaut de paiement d’un seul terme de loyer, accessoires et autres charges, un mois après un commandement de payer resté infructueux.
Il n’existe aucune contestation sérieuse sur la régularité du commandement en ce qu’il correspond exactement au détail des montants réclamées préalablement au preneur par le bailleur. En annexe du commandement, figure en effet le détail complet des loyers et charges dus et le décompte des versements effectués. Le commandement précise qu’à défaut de paiement dans le délai d’un mois, le bailleur entend expressément se prévaloir de la clause résolutoire incluse dans le bail ; la reproduction de la clause résolutoire et de l’article L. 145-17 alinéa 1 du code de commerce y figurent. Le commandement contenait ainsi toutes les précisions permettant au locataire de connaître la nature, les causes et le montant des sommes réclamées, de procéder au règlement des sommes dues ou de motiver la critique du décompte.
En faisant délivrer ce commandement, Madame [J] [S] et Madame [G] [S] n’a fait qu’exercer ses droits légitimes de bailleur face à un locataire ne respectant pas les clauses du bail alors que celles-ci avaient été acceptées en toute connaissance de cause.
Ce commandement détaille le montant de la créance, à savoir la somme de 58 062,54 € en principal, au titre de l’arriéré locatif au 30 janvier 2024.
Les causes de ce commandement n’ont pas été acquittées dans le mois de sa délivrance.
Dès lors, la clause résolutoire est acquise et le bail se trouve résilié de plein droit avec toutes conséquences de droit. Dès lors, la clause résolutoire est acquise et le bail se trouve résilié de plein droit avec toutes conséquences de droit.
Aux termes de l’article 835 alinéa 1er du code de procédure civile, le président peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le maintien dans un immeuble, sans droit ni titre du fait de la résiliation du bail, constitue un trouble manifestement illicite.
L’expulsion de la société Willpon et de Monsieur [O] [F] et de tout occupant de son chef doit donc être ordonnée en cas de non restitution volontaire des lieux dans le mois suivant la signification de la présente ordonnance.
Le concours de la force publique étant accordé, il n’est pas justifié de la nécessité de prononcer une astreinte.
Le sort des meubles trouvés dans les lieux sera régi en cas d’expulsion conformément aux dispositions du code des procédures civiles d’exécution et selon les modalités précisées au dispositif de l’ordonnance.
Sur la demande de provision
L’article 835 alinéa 2 du code de procédure dispose que, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier.
Aux termes de l’article 1728 du code civil, le paiement du prix du bail aux termes convenus constitue l’une des deux obligations principales du locataire.
Aux termes de l’article 1353 du code civil, c’est à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver et à celui qui se prétend libéré de justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation
Il est rappelé qu’à compter de la résiliation du bail par l’effet de la clause résolutoire, le preneur n’est plus débiteur de loyers mais d’une indemnité d’occupation.
L’indemnité d’occupation due depuis l’acquisition de la clause résolutoire et jusqu’à la libération effective des lieux par la remise des clés, sera fixée à titre provisionnel au montant du loyer contractuel, outre les charges, taxes et accessoires.
S’agissant du paiement, par provision, de l’arriéré locatif, il convient de rappeler qu’une demande en paiement de provision au titre d’une créance non sérieusement contestable relève du pouvoir du juge des référés sans condition de l’existence d’une urgence, aux termes de l’article 835 du code de procédure civile. Le montant de la provision allouée en référé n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.
Au cas présent, la société Willpon n’étant pas immatriculée et dépourvue de la personnalité morale au jour de l’audience, la demande de provision à son encontre est sérieusement contestable.
Il n’y a donc pas lieu à référé sur la demande de provision à l’encontre de la société Willpon.
Monsieur [O] [F] ayant conclu l’acte de cession de fonds de commerce au nom de la société Willpon en formation avant qu’elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale, est tenu solidairement et indéfiniment responsable des engagements pris à l’acte de cession du fonds de commerce opérant cession du droit au bail.
Ainsi, au vu du décompte produit par Madame [J] [S] et Madame [G] [S], l’obligation de Monsieur [O] [F] au titre des loyers, charges, taxes, accessoires et indemnités d’occupation au 8 octobre 2024 (4ème trimestre inclus) n’est pas sérieusement contestable à hauteur de 137 356,04 €, somme provisionnelle au paiement de laquelle il convient de condamner Monsieur [O] [F].
Les clauses du bail relatives à la conservation par le bailleur du dépôt de garantie, et à la majoration de l’indemnité d’occupation s’analysent comme des clauses pénales et comme telles sont susceptibles d’être modérées par le juge du fond, en raison de leur caractère manifestement excessif. Le caractère non sérieusement contestable de l’obligation n’est pas établi en application des dispositions de l’article 1231-5 du code civil ; par suite, il n’y a pas lieu à référé sur ces points.
Sur les demandes accessoires
Monsieur [O] [F], défendeur condamné au paiement d’une provision, doit supporter la charge des dépens, incluant les frais de commandement et d’assignation.
L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
Il est rappelé que la juridiction des référés a le pouvoir de prononcer une condamnation en application de ces dispositions.
Aucun élément tiré de l’équité ou de la situation économique de Monsieur [O] [F] ne permet d’écarter la demande de Madame [J] [S] et Madame [G] [S] formée sur le fondement des dispositions susvisées. Celle-ci sera cependant évaluée à la somme de 1 000 € en l’absence d’éléments de calcul plus explicites versés aux débats.
En revanche, l’équité commande de rejeter la demande formée au titre des frais irrépétibles par la CEHTRA (Consultancy For Environnemental and Human Toxicology and Risk Assessment).
Statuant par remise au greffe le jour du délibéré, après débats en audience publique, par décision réputée contradictoire et en premier ressort,
Déclarons irrecevables les demandes formées par Madame [J] [S] et Madame [G] [S] à l’encontre de la société CEHTRA (Consultancy For Environnemental and Human Toxicology and Risk Assessment) ;
Constatons l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 29 février 2024 à minuit ;
Ordonnons, à défaut de restitution volontaire des lieux dans le mois suivant la signification de la présente ordonnance, l’expulsion de Monsieur [O] [F] et de la société Willpon et de tout occupant de leur chef des lieux situés au [Adresse 4] à [Localité 6], avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d’un serrurier ;
Disons n’y avoir lieu au prononcé d’une astreinte ;
Rappelons que le sort des meubles trouvés sur place est régi par les dispositions des articles R.433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution ;
Condamnons, à titre provisionnel, Monsieur [O] [F] à payer à Madame [J] [S] et Madame [G] [S] une indemnité d’occupation, à compter de la résiliation du bail du 29 février 2024 et jusqu’à la libération effective des lieux par la remise des clés, fixée à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires ;
Condamnons par provision Monsieur [O] [F] à payer à Madame [J] [S] et Madame [G] [S] la somme de 137 356,04 € à valoir sur les loyers, charges, accessoires et indemnités d’occupation arriérés arrêtés au 8 octobre 2024 (4ème trimestre inclus), ainsi que les indemnités d’occupation postérieures ;
Disons n’y avoir lieu à référé sur les demandes de conservation par le bailleur du dépôt de garantie, et de majoration de l’indemnité d’occupation ;
Disons n’y avoir lieu à référé sur la demande de provision à l’encontre de la société Willpon ;
Condamnons Monsieur [O] [F] aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement, de l’assignation et de signification de la présente ordonnance ;
Condamnons Monsieur [O] [F] à payer à Madame [J] [S] et Madame [G] [S] la somme de 1 000 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rejetons la demande de CEHTRA (Consultancy For Environnemental and Human Toxicology and Risk Assessment) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Disons n’y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes ;
Rappelons que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.
Fait à Paris le 06 janvier 2025
Le Greffier, Le Président,
Pascale GARAVEL Lucie LETOMBE
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