L’Essentiel : La société [Adresse 4], propriétaire d’un immeuble à [Localité 7], a signé une promesse de vente avec la SCI Les [Adresse 5] le 19 avril 2016. Cette promesse, valable trois ans, était soumise à des conditions suspensives, notamment le paiement des loyers. En novembre 2021, la SCI Les [Adresse 5] a tenté de lever l’option d’achat, mais la SCI [Adresse 4] n’a pas répondu, entraînant un litige. Le tribunal a finalement déclaré la promesse caduque, en raison de l’expiration du délai et du non-respect des conditions, déboutant ainsi la SCI Les [Adresse 5] de ses demandes.
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Contexte de l’affaireLa société [Adresse 4], appartenant à la famille [V], possède un immeuble à usage d’habitation et commercial à [Localité 7]. En vertu d’un bail commercial signé le 30 avril 1997, la SARL [V] et fils exploitait une boulangerie dans le local commercial. En 2016, la famille [V] a décidé de céder le fonds de commerce, suscitant l’intérêt des époux [B] pour l’acquisition de l’immeuble et du fonds. Promesse de vente et conditionsLe 19 avril 2016, une promesse synallagmatique de vente a été signée entre la SCI [Adresse 4] et la SCI Les [Adresse 5], créée par les époux [B]. Cette promesse, valable trois ans, était soumise à plusieurs conditions suspensives, notamment le paiement des loyers par le locataire. Le même jour, un acte de cession de fonds de commerce a été conclu entre la SARL [V] et fils et la société Atout Pains, qui a été remplacée par la SAS Boulangerie Saint Jacques. Demande d’acquisition et litigeLe 23 novembre 2021, la SCI Les [Adresse 5] a informé la SCI [Adresse 4] de son intention de lever l’option d’achat pour acquérir l’immeuble au prix de 74.000 euros. Cependant, la SCI [Adresse 4] n’a pas répondu à cette demande, conduisant la SCI Les [Adresse 5] à assigner la SCI [Adresse 4] devant le tribunal judiciaire de Lille pour obtenir la perfection de la vente. Arguments des partiesLa SCI Les [Adresse 5] a demandé au tribunal de condamner la SCI [Adresse 4] à régulariser l’acte de vente, à verser des dommages et intérêts, ainsi qu’à payer une clause pénale. En revanche, la SCI [Adresse 4] a demandé le déboutement de la SCI Les [Adresse 5] et a réclamé des dommages et intérêts pour procédure abusive. Décision du tribunalLe tribunal a statué sur la demande de perfection de la vente, rappelant que la promesse de vente était devenue caduque, car le délai de trois ans avait expiré. Il a également noté que les conditions suspensives, notamment le paiement des loyers, n’avaient pas été remplies. Par conséquent, la SCI Les [Adresse 5] a été déboutée de toutes ses demandes. Conséquences financièresLa demande de la SCI Les [Adresse 5] pour obtenir des dommages et intérêts a été rejetée, tout comme sa demande de clause pénale. La SCI [Adresse 4] a également été déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive. La SCI Les [Adresse 5] a été condamnée aux dépens et à verser 3.000 euros à la SCI [Adresse 4] au titre de l’article 700 du code de procédure civile. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la nature de la promesse de vente selon l’article 1583 du Code civil ?L’article 1583 du Code civil stipule que : « Elle [La vente] est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé. » Dans le cas présent, la promesse de vente de l’immeuble a été conclue entre la société [Adresse 4] et la société Les [Adresse 5]. Cette promesse, bien que n’ayant pas été réitérée par acte authentique, a été considérée comme parfaite en raison de l’accord sur la chose (l’immeuble) et le prix (74.000 euros). Cependant, le tribunal a noté que la promesse était soumise à plusieurs conditions suspensives, notamment le paiement des loyers par le locataire, ce qui a conduit à la conclusion que la vente n’était pas encore réalisée. Quelles sont les implications de la durée de validité de la promesse de vente ?La durée de validité de la promesse de vente est régie par l’article 1188 du Code civil, qui précise que : « Les conventions doivent être interprétées selon la commune intention des parties plutôt qu’au sens littéral de leurs termes. » Dans cette affaire, la promesse de vente était valable pour une durée de trois ans à compter de la signature définitive de la cession de fonds de commerce, soit jusqu’au 7 novembre 2019. La société Les [Adresse 5] a soutenu que le délai devait être interprété comme commençant à courir après la cession du fonds de commerce, mais le tribunal a jugé que les termes de la promesse étaient clairs et ne nécessitaient pas d’interprétation. Ainsi, la promesse a été considérée comme caduque après le 7 novembre 2019, date à laquelle la société Les [Adresse 5] n’a pas pu lever l’option d’achat. Quelles sont les conséquences du non-respect des conditions suspensives ?L’article 1304 du Code civil stipule que : « Les obligations sont soumises à des conditions suspensives lorsque leur effet est subordonné à un événement futur et incertain. » Dans le cas présent, la promesse de vente était soumise à la condition suspensive du paiement intégral des loyers par le locataire. Le tribunal a constaté que cette condition n’avait pas été remplie, car la société Boulangerie [Adresse 6] n’avait pas payé l’intégralité des loyers dus. Par conséquent, la promesse de vente est devenue caduque, et la société Les [Adresse 5] ne pouvait pas revendiquer la réalisation de la vente. Comment se justifie la demande de dommages et intérêts de la société Les [Adresse 5] ?La société Les [Adresse 5] a demandé des dommages et intérêts en se basant sur l’article 1240 du Code civil, qui dispose que : « Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. » Cependant, le tribunal a rejeté cette demande, considérant que la société Les [Adresse 5] n’était pas fondée à soutenir que la vente était parfaite. Le paiement des loyers était une obligation contractuelle distincte de la promesse de vente, et le non-respect de cette obligation par le locataire a conduit à l’impossibilité de réaliser la vente. Ainsi, la demande de dommages et intérêts a été jugée infondée. Quelles sont les implications de la clause pénale dans la promesse de vente ?La clause pénale est régie par l’article 1231-5 du Code civil, qui précise que : « La clause pénale est une disposition par laquelle les parties fixent à l’avance le montant des dommages et intérêts en cas d’inexécution de l’obligation. » Dans cette affaire, la société Les [Adresse 5] a demandé le paiement d’une clause pénale de 7.400 euros, mais le tribunal a rejeté cette demande. Il a été établi que la société [Adresse 4] était fondée à refuser de signer l’acte authentique, car la promesse de vente était devenue caduque en raison du non-respect des conditions suspensives. Ainsi, la clause pénale ne pouvait pas être appliquée, car les conditions pour son activation n’étaient pas remplies. Quelles sont les conséquences de l’exécution provisoire selon l’article 514 du Code de procédure civile ?L’article 514 du Code de procédure civile stipule que : « Les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. » Dans cette affaire, le tribunal a rappelé que la décision était exécutoire de droit par provision. Cela signifie que, même en cas d’appel, la décision pouvait être exécutée immédiatement, sauf disposition contraire. Le tribunal a donc décidé qu’il n’y avait pas lieu d’ordonner une exécution provisoire supplémentaire, car la décision était déjà exécutoire de plein droit. |
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Chambre 04
N° RG 22/07489 – N° Portalis DBZS-W-B7G-WTSK
JUGEMENT DU 06 JANVIER 2025
DEMANDEUR :
La S.C.I. LES [Adresse 5], prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 7]
représentée par Me Amandine BODDAËRT, avocat au barreau de LILLE
DEFENDEUR :
La S.C.I A LA VILLE D’OSTENDE, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 7]
représentée par Me Pierre VANDENBUSSCHE, avocat au barreau de LILLE
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Président : Ghislaine CAVAILLES, Vice-Présidente
Assesseur : Leslie JODEAU, Vice-présidente
Assesseur : Laurence RUYSSEN, Vice-Présidente
GREFFIER : Yacine BAHEDDI, Greffier
DEBATS :
Vu l’ordonnance de clôture en date du 21 Février 2024.
A l’audience publique du 07 Octobre 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré,les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 16 décembre 2024 et prorogé au 06 Janvier 2025.
Leslie JODEAU, Juge rapporteur qui a entendu la plaidoirie en a rendu compte au tribunal dans son délibéré
JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 06 Janvier 2025 par Ghislaine CAVAILLES, Président, assistée de Yacine BAHEDDI, greffier.
La société [Adresse 4], appartenant à la famille [V], est propriétaire d’un immeuble à usage d’habitation et commercial situé [Adresse 3] à [Localité 7].
Selon bail commercial en date du 30 avril 1997, la SARL [V] et fils exploitait un fonds de commerce de boulangerie dans le local commercial situé au rez-de-chaussée.
Début 2016, la famille [V] a souhaité céder le fonds de commerce et les époux [B] se sont déclarés intéressés par l’acquisition du fonds de commerce et de l’immeuble.
Par acte notarié du 19 avril 2016, une promesse synallagmatique de vente de l’immeuble a été conclue entre la SCI [Adresse 4] et la SCI Les [Adresse 5], crée par les époux [B].
La promesse de vente a été consentie pour une durée de trois ans qui prendra effet à la date de la signature définitive de la cession de fonds de commerce. Plusieurs conditions suspensives ont été prévues et notamment le paiement de l’intégralité de ses loyers par le locataire de la signature de la cession du fonds de commerce.
Dans le même acte du 19 avril 2016, une promesse synallagmatique de cession de fonds de commerce a été conclue entre la SARL [V] et fils et la société Atout Pains, avec faculté de substitution. Par acte notarié du 7 novembre 2016, la SARL [V] et fils a cédé à la SAS Boulangerie Saint Jacques, substituée à la société Atout Pains, le fonds de commerce de boulangerie pour un prix de 70.000 euros. Le même jour, un avenant au bail commercial, conclu entre la SCI [Adresse 4] et la SARL [V] et fils, a été signé entre la SCI [Adresse 4] et la société Boulangerie Saint Jacques portant le loyer mensuel à 1.000 euros hors taxes.
Par courrier du 23 octobre 2019, Me [N] [R], notaire, a demandé à la SCI Les [Adresse 5] de lui faire parvenir les modalités de financement afin de procéder à la rédaction de la vente, indiquant que la promesse avait été conclue pour une durée de trois ans qui prendra effet le 7 novembre 2019.
Par courrier recommandé en date du 23 novembre 2021, la SCI Les [Adresse 5], par l’intermédiaire de son conseil, a informé la SCI [Adresse 4] qu’elle souhaitait lever l’option d’achat et procéder à l’acquisition des murs au prix de 74.000 euros.
Malgré différents courriers de la SCI Les [Adresse 5], la SCI [Adresse 4] n’a pas donné suite à la demande de réitération de la vente de l’immeuble.
Suivant exploit délivré le 23 novembre 2022, la SCI Les [Adresse 5] a fait assigner la société civile [Adresse 4] devant le tribunal judiciaire de Lille aux fins de perfection de la vente.
Les parties ont fait notifier leurs dernières écritures par voie électronique le 25 septembre 2023 pour la société Les [Adresse 5] et le 9 juin 2023 pour la société [Adresse 4].
La clôture des débats est intervenue le 21 février 2024, et l’affaire fixée à l’audience du 7 octobre 2024.
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Aux termes de ses dernières écritures, la société Les [Adresse 5] demande au tribunal de :
Vu l’article 1583 du code civil,
condamner la société [Adresse 4] à régulariser devant Me [N] [R], notaire à [Localité 7], l’acte définitif de vente de l’immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 7] cadastré Section HI n°[Cadastre 2] d’une contenance de 87 ca au prix de 74.000 euros et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, et ce à son bénéfice ou au bénéfice de toute autre personne physique ou morale qu’elle se réserve de désigner, la condamner à verser les 44.020.98 euros qu’elle a déposés sur le compte CARPA de son conseil au profit de la société [Adresse 4],condamner la société [Adresse 4] au paiement d’une somme de 20.000 euros de dommages et intérêts arrêtés au 25 septembre 2023, à parfaire à concurrence de 1.000 euros par mois jusqu’au transfert de la propriété de l’immeuble à son bénéfice,condamner la société [Adresse 4] au paiement d’une clause pénale de 7.400 euros,condamner la société [Adresse 4] au paiement de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers frais et dépens,rappeler que l’exécution provisoire est de droit.
Aux termes de ses dernières écritures, la société [Adresse 4] demande au tribunal de :
Vu les dispositions de l’article 1103 du code civil,
débouter les société Les [Adresse 5] de toutes ses demandes,condamner la société Les [Adresse 5] à lui verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,condamner la société Les [Adresse 5] à lui verser la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Pour l’exposé des moyens des parties, il sera fait application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile et procédé au visa des dernières conclusions précitées.
Sur la demande de perfection de vente
L’article 1583 du code civil dispose que :
“Elle [La vente] est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé.”
En l’espèce, l’acte du 19 avril 2016 contient deux parties : une première partie relative à la promesse de vente de l’immeuble du [Adresse 3] à [Localité 7] entre la société [Adresse 4], en qualité de venderesse, et la société Les [Adresse 5], en qualité d’acquéreur, et une deuxième partie relative à la promesse de cession du fonds de commerce entre la société [V] et fils, en qualité de cédant, et la société Atout Pains, en qualité de cessionnaire.
Le litige qui occupe les parties à l’instance concerne la vente de l’immeuble laquelle n’a pas été réitérée par acte authentique.
Les principales conditions édictées à l’acte sont les suivantes :
le prix de vente est fixé à 74.000 euros payable comptant le jour de l’acte authentique constatant la réalisation de la vente,la vente est conclue sous plusieurs conditions suspensives et notamment sous la condition du paiement de l’intégralité de ses loyers par le locataire de la signature de la cession de fonds de commerce ci-après visée à la régularisation définitive des présentes, et sous la condition suspensive d’obtention d’un prêt par la SCI Les [Adresse 5] d’un montant de 81.000 euros au taux d’intérêt maximum de 3% hors assurances et d’une durée maximale de 15 ans,l’acquéreur s’engage à verser, au plus tard dans la huitaine des présentes, la somme de 10.000 euros par chèque, à titre d’acompte, en la comptabilité du notaire. L’acte prévoir qu’avec l’accord du vendeur, le chèque déposé ne sera pas encaissé et que l’acquéreur s’engage à déposer un nouveau chèque lorsque le chèque déposé ce jour ne sera plus encaissable et ainsi de suite. A défaut de versement à la date convenue, l’acte prévoit que les présentes seront considérées comme nulles et non avenues, si bon semble au vendeur, sans qu’aucune formalité ni notification préalable à l’acquéreur ne soit nécessaire,s’agissant de la réalisation de la promesse, l’acte prévoit que « la présente promesse de vente est consentie pour une durée de trois années qui prendra effet à la date de signature définitive de la cession de fonds de commerce ci-après visée ».
Sur la durée de validité de la promesse
La société Les [Adresse 5] soutient que le tribunal doit interpréter la clause relative à la durée de la promesse, conformément à l’article 1188 du code civil, en se référant à la commune intention des parties plutôt qu’en s’arrêtant au sens littéral de ses termes. Elle considère que la commune intention des parties était de faire courir le délai de validité de la promesse à compter de l’expiration d’un délai de trois ans à compter de la cession du fonds de commerce, délai au cours duquel la société Boulangerie [Adresse 6] devait verser un loyer à la société [Adresse 4], loyer devant venir en déduction du prix de vente.
La société [Adresse 4] rappelle qu’en application de l’article 1192 du code civil, on ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation et qu’en l’espèce, l’acte est particulièrement clair en ce que le délai de validité de la promesse est de trois ans à compter de la signature définitive de la cession de fonds de commerce, de sorte que la promesse n’était valable que jusqu’au 7 novembre 2019.
Le tribunal relève en premier lieu que les termes de la clause litigieuse sont particulièrement clairs et ne nécessitent aucune interprétation : la promesse est valable pour une durée de trois ans qui commencera à courir à la date de signature définitive de la cession de fonds de commerce. Cette signature est intervenue le 7 novembre 2016 de sorte que la promesse est valable jusqu’au 7 novembre 2019.
Pour soutenir que cette clause ne refléterait pas la volonté des parties, la société Les [Adresse 5] se fonde sur un mail adressé par sa gérante, Mme [B], à l’intermédiaire de la vente, M. [F] [J], le 27 octobre 2015, dans lequel elle indique :
« Suite à notre entrevue et comme convenu pour l’acquisition de la boulangerie [V] (fond et murs à 180.000 euros), nous signons pour l’achat du fond de commerce à 70.000 € et nous faisons une promesse de vente pour les murs (110.000 €) dans trois ans avec un loyer de 1000 euros/mois. Les loyers seront déductibles de l’achat des murs lors de la signature définitive.
Si tout se passe bien, cette transaction pourra être effective au bout d’une seule année, cependant il vaut mieux que je couvre mes arrières afin d’être sûre d’honorer mon contrat ».
Suite à ce mail, M. [F] [J] a adressé au notaire un mail le 13 décembre 2015 indiquant, notamment, « prix d’achat des murs 110.000 € à 3 ans avec déduction des loyers (900 €HT) ».
Outre que ces mails ne sont que des échanges entre Mme [B] et l’intermédiaire de vente et ne reflètent nullement l’accord de la venderesse sur ces conditions, le tribunal comprend de ces échanges que Mme [B] souhaitait un délai maximal de trois avant de réaliser la vente de l’immeuble puisqu’elle prévoyait la possibilité de pouvoir réitérer la vente au bout d’un an, et non un délai qui aurait été de six ans (trois ans de bail avec paiement des loyers et trois ans pour réitérer la vente).
Le tribunal ne dispose pas des échanges ayant eu lieu entre Mme [B] et la société [Adresse 4] mais rien ne permet de retenir que la clause litigieuse, dont il a été dit que les termes sont clairs, ne refléterait pas la volonté des parties de prévoir qu’un délai maximum de trois ans à compter de la cession du fonds de commerce serait laissé à la société Les [Adresse 5] pour acquérir l’immeuble.
Contrairement à ce qu’indique la société Les [Adresse 5], c’est également ce qu’a compris le notaire. En effet, il a adressé à cette société, le 23 octobre 2019, soit quelques jours avant l’expiration du délai, un courrier pour connaître les modalités de financement de la vente dans le but de procéder à la rédaction de l’acte. S’il peut être regretté une mauvaise tournure de phrase, en ce qu’il est indiqué « la promesse ayant été conclue pour une durée de trois ans qui prendra effet le 7 novembre 2019 » plutôt que « prendra fin », il n’en demeure pas moins qu’il ne peut être tiré de ce courrier que la volonté des parties aurait été de faire courir le délai de trois ans à compter du 7 novembre 2019.
Ce n’est que par courrier officiel du 23 novembre 2021 que la société Les [Adresse 5], par l’intermédiaire de son conseil, a fait savoir à la société [Adresse 4] qu’elle entendait procéder à l’acquisition des murs. A cette date, le délai de validité de la promesse était largement expiré de sorte que c’est à tort que la société Les [Adresse 5] poursuit la réalisation forcée de la vente.
Sur le dépôt de garantie
De manière surabondante, le tribunal entend relever que la promesse de vente prévoyait que l’acquéreur devait verser, dans les huit jours de l’acte, un dépôt de garantie de 10.000 euros. S’il était prévu, contrairement à ce que soutient la défenderesse, que ce dépôt devait se faire par chèque et que le chèque ne serait pas encaissé, il était également indiqué qu’à défaut de versement à la date convenue, « les présentes » seraient considérées comme nulles et non avenues, « si bon semble au vendeur ».
Pour justifier avoir déposé le chèque de 10.000 euros, la société Les [Adresse 5] verse uniquement une copie d’un talon de chéquier sur lequel il est indiqué « avril 2016 », « notaire » et « 10.000 euros ».
La société [Adresse 4] verse quant à elle un courrier du notaire, daté du 18 janvier 2022, lequel indique « il ressort de nos éléments comptables que ni la société « SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE LES [Adresse 5] » ni la société « ATOUT PAINS » n’ont versé cette somme en notre comptabilité ou déposer de chèque de ce montant ainsi qu’il en était convenu dans la dite promesse ».
Dans ces conditions, il n’est nullement démontré que la société Les [Adresse 5] aurait respecté son obligation de déposer un chèque de 10.000 euros entre les mains du notaire à titre d’acompte, de sorte que c’est à bon droit que la société [Adresse 4] fait valoir que la vente est nulle et non avenue également pour ce motif. Et sur ce point, il ne peut être soutenu, comme le fait la société Les [Adresse 5], que l’acte visant « les présentes », la venderesse aurait renoncé à se prévaloir de la nullité en ayant accepté de vendre, en novembre 2016, le fonds de commerce.
En effet, cette clause se situe dans la partie sur la promesse de vente de l’immeuble de sorte que le terme « les présentes » ne s’applique qu’à cette vente et non à la cession du fonds de commerce.
Sur la défaillance de la condition suspensive relative au paiement des loyers
Là encore de manière surabondante, le tribunal relève que la promesse de vente de l’immeuble a été conclue sous la condition suspensive de paiement de l’intégralité de ses loyers par le locataire de la signature de la cession du fonds de commerce à la régularisation définitive des présentes. Or, il est clairement établi par les pièces versées aux débats, et non contesté, que la société Boulangerie [Adresse 6] n’a pas honoré le règlement de l’intégralité des loyers, la société [Adresse 4] ayant dû lui faire délivrer un commandement de payer visant la condition résolutoire le 16 décembre 2019 pour un montant de 41.681,53 euros. Et sur ce point, il est indifférent que la société Boulangerie [Adresse 6] soit désormais à jour du paiement de ses loyers et qu’elle ait consigné sur le compte CARPA de son conseil l’arriéré des loyers impayés. Le paiement intégral n’a, de fait, pas eu lieu.
Pour l’ensemble de ces raisons, la société Les [Adresse 5] ne peut qu’être déboutée de sa demande tendant à la perfection de la vente.
Sur la demande de dommages et intérêts
La société Les [Adresse 5] sollicite la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à 20 mois de loyers versés à la société [Adresse 4] depuis le mois de janvier 2022, date à laquelle selon elle l’acte de vente aurait dû être réitéré.
Ainsi qu’il a été dit, la société Les [Adresse 5] est particulièrement mal fondée à soutenir que la vente serait parfaite. Le paiement des loyers n’est que la contrepartie de l’occupation du local commercial en vertu du bail commercial.
La demande sera par conséquent rejetée.
Sur la clause pénale
La société Les [Adresse 5] sollicite également le paiement de la clause pénale d’un montant de 7.400 euros.
La promesse de vente prévoit que cette somme est due lorsque, nonobstant la réalisation de toutes les conditions suspensives, l’une des parties se refuse à signer l’acte authentique de vente.
Ainsi qu’il a été dit, la société [Adresse 4] était parfaitement fondée à refuser de signer l’acte authentique, la promesse de vente étant devenue caduque et les conditions suspensives n’ayant pas été toutes réalisées.
La demande sera rejetée.
Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive
Selon l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
L’exercice d’une action en justice ne peut constituer un abus de droit que dans des circonstances particulières le rendant fautif.
La société [Adresse 4] sollicite la somme de 10.000 euros pour procédure abusive sans articuler ni en droit ni en fait sa demande, se contentant d’évoquer le peu de sérieux de l’action engagée par la société Les [Adresse 5], ce qui n’est pas suffisant à caractériser l’existence d’une faute, et sans nullement justifier de l’existence d’un préjudice.
La demande sera rejetée.
Sur l’exécution provisoire
En application de l’article 514 du code de procédure civile, en vigueur depuis le 1er janvier 2020 dans sa rédaction issue du décret 2019-1333 du 11 décembre 2019 :
“ Les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.”
Il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire, laquelle assortit le jugement par l’effet de ce décret.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
L’article 696 du Code de procédure civile dispose : « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ».
Par ailleurs, il résulte des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile que“Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; […]
Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations. […]”.
Succombant en l’instance, la société Les [Adresse 5] sera condamnée aux dépens ce qui entraîne rejet de sa demande au titre des frais irrépétibles.
L’équité commande d’allouer à la société [Adresse 4] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal statuant publiquement par jugement contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en premier ressort,
Déboute la SCI Les [Adresse 5] de l’intégralité de ses demandes,
Déboute la SCI [Adresse 4] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Condamne la SCI Les [Adresse 5] aux dépens,
Condamne la SCI Les [Adresse 5] à payer à la SCI [Adresse 4] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Rappelle que la présente décision est exécutoire de droit par provision,
Le greffier, Le président,
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