Validité de la cession de bail et preuve des obligations locatives

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Validité de la cession de bail et preuve des obligations locatives

L’Essentiel : La SCI Ella a conclu un bail commercial le 2 juillet 2017 avec Madame [N] [Z] [U] et Monsieur [J] [P] pour la société Le Petit Prince. En raison d’un arriéré locatif de 37 899,91 €, un commandement de payer a été délivré à la société Sharg Al Nile le 1er août 2024. Le 20 septembre, la SCI Ella a assigné cette dernière en référé, demandant l’expulsion et le paiement d’une somme provisionnelle. Lors de l’audience du 2 décembre, la société Sharg Al Nile n’ayant pas constitué avocat, le tribunal a débouté la SCI Ella, n’ayant pas prouvé la cession du bail.

Contexte du litige

Par acte du 2 juillet 2017, la SCI Ella a conclu un bail commercial avec Madame [N] [Z] [U] et Monsieur [J] [P] pour la société Le Petit Prince, concernant des locaux situés à [Adresse 1] à [Localité 2]. Le bail a été établi pour une durée de neuf ans, avec un loyer annuel de 19 800 €.

Cession du droit au bail

La SCI Ella a affirmé que la société Le Petit Prince avait cédé son droit au bail à la société Sharg Al Nile. Cependant, cette cession n’a pas été prouvée de manière satisfaisante par la demanderesse.

Commandement de payer

Le 1er août 2024, la SCI Ella a délivré un commandement de payer à la société Sharg Al Nile, réclamant un arriéré locatif de 37 899,91 € au 1er juillet 2024, en vertu de la clause résolutoire du bail.

Assignation en référé

Le 20 septembre 2024, la SCI Ella a assigné la société Sharg Al Nile devant le tribunal judiciaire de Paris, demandant la constatation de la clause résolutoire, l’expulsion de la société et d’autres mesures, y compris le paiement d’une somme provisionnelle de 39 699,91 € pour l’arriéré locatif.

Audience et absence de défense

Lors de l’audience du 2 décembre 2024, la SCI Ella a maintenu ses demandes. La société Sharg Al Nile, bien que régulièrement assignée, n’a pas constitué avocat, entraînant une décision réputée contradictoire.

Analyse des preuves

Le tribunal a noté que la SCI Ella n’a pas prouvé la cession du droit au bail à la société Sharg Al Nile. L’attestation produite par la SCI Ella ne suffisait pas à établir la qualité de locataire de la défenderesse.

Décision du tribunal

Le tribunal a décidé qu’il n’y avait pas lieu à référé sur les demandes de la SCI Ella, laissant à cette dernière la charge des dépens et déboutant sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La décision a été rendue exécutoire à titre provisoire.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la nature de la clause résolutoire dans le bail commercial ?

La clause résolutoire dans un bail commercial est une disposition qui permet au bailleur de mettre fin au contrat de location en cas de manquement par le locataire à ses obligations, notamment le non-paiement des loyers.

Selon l’article 1225 du Code civil, « la résolution d’un contrat peut être convenue par les parties ou résulter de la loi ».

Dans le cadre d’un bail commercial, la clause résolutoire doit être expressément stipulée dans le contrat.

Elle doit également respecter les conditions de mise en œuvre, notamment la délivrance d’un commandement de payer, conformément à l’article L.145-41 du Code de commerce, qui précise que « le bailleur peut, en cas de non-paiement des loyers, faire délivrer un commandement de payer ».

Ainsi, la SCI Ella a agi conformément à la loi en délivrant un commandement de payer à la société Sharg Al Nile pour faire valoir cette clause résolutoire.

Quelles sont les obligations de preuve des parties en matière de bail commercial ?

En matière de bail commercial, chaque partie a des obligations de preuve qui sont régies par le Code civil et le Code de procédure civile.

L’article 9 du Code de procédure civile stipule que « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ».

De plus, l’article 1353 du Code civil précise que « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ».

Dans le cas présent, la SCI Ella, en tant que demanderesse, devait prouver la cession du droit au bail à la société Sharg Al Nile.

Cependant, elle n’a pas fourni de preuves suffisantes, comme l’extrait K-Bis de la société Sharg Al Nile, ce qui a conduit à un rejet de ses demandes.

Quelles sont les conséquences d’un défaut de preuve dans une procédure de référé ?

Le défaut de preuve dans une procédure de référé a des conséquences directes sur l’issue de la demande.

En effet, selon l’article 808 du Code de procédure civile, « le juge des référés peut ordonner toutes mesures utiles à la sauvegarde des droits des parties, mais il ne peut statuer sur le fond du litige ».

Cela signifie que si la partie demanderesse ne parvient pas à prouver ses allégations, le juge ne pourra pas faire droit à ses demandes.

Dans le cas de la SCI Ella, l’absence de preuve de la qualité de locataire de la société Sharg Al Nile a conduit le tribunal à dire qu’il n’y avait pas lieu à référé sur ses demandes.

Ainsi, la SCI Ella a été déboutée de ses prétentions, ce qui illustre l’importance de la preuve dans les procédures judiciaires.

Quelles sont les implications de l’article 700 du Code de procédure civile dans ce litige ?

L’article 700 du Code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés non compris dans les dépens.

Cet article stipule que « le juge peut, dans sa décision, condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés ».

Dans le cas présent, la SCI Ella a demandé une indemnité au titre de cet article, mais le tribunal a décidé de la débouter de cette demande.

Cela signifie que, malgré la demande de la SCI Ella, le tribunal a estimé que les conditions pour accorder une indemnité au titre de l’article 700 n’étaient pas remplies, probablement en raison de l’absence de preuve de ses prétentions.

Cette décision souligne l’importance de la justification des frais dans le cadre d’une procédure judiciaire.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

N° RG 24/56447 – N° Portalis 352J-W-B7I-C5YQQ

N° : 1

Assignation du :
20 Septembre 2024

[1]

[1] 1 Copies exécutoires
délivrées le:

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 06 janvier 2025

par Lucie LETOMBE, Juge au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Pascale GARAVEL, Greffier.
DEMANDERESSE

La S.C.I. ELLA
[Adresse 1]
[Localité 2]

représentée par Me Harry BENSIMON, avocat au barreau de PARIS – #B0740

DEFENDERESSE

La société SHARG AL NILE S.A.S.U.
[Adresse 1]
[Localité 2]

non constituée

DÉBATS

A l’audience du 02 Décembre 2024, tenue publiquement, présidée par Lucie LETOMBE, Juge, assistée de Pascale GARAVEL, Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties,

EXPOSE DU LITIGE

Par acte du 2 juillet 2017, la SCI Ella a donné à bail commercial à Madame [N] [Z] [U] et à Monsieur [J] [P], pour le compte de la société Le Petit Prince en cours de formation, des locaux situés [Adresse 1] à [Localité 2], pour une durée de neuf ans à compter du 21 juillet 2024, moyennant un loyer en principal de 19 800 € par an.

La SCI Ella indique la société Le Petit Prince aurait cédé son droit au bail à la société Sharg Al Nile.

La SCI Ella a fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire, par acte de commissaire de justice en date du 1er août 2024, à la société Sharg Al Nile, pour une somme de 37 899,91 € en principal, au titre de l’arriéré locatif au 1er juillet 2024.

Par acte délivré le 20 septembre 2024, la SCI Ella a fait assigner la société Sharg Al Nile devant le président du tribunal judiciaire de Paris statuant en référés aux fins de voir :

– constater l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail,
– ordonner l’expulsion de la société Sharg Al Nile et celle de tous occupants de son chef des lieux loués avec le concours de la force publique et d’un serrurier si besoin est, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir,
– ordonner la séquestration du mobilier trouvé dans les lieux dans tel garde-meubles qu’il plaira au bailleur aux frais, risques et péril de la partie expulsée, en conformité avec les dispositions des articles L.433-1 et R.433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,
– condamner la société Sharg Al Nile à lui payer la somme provisionnelle de 39 699,91 € au titre de l’arriéré locatif, arrêtés au 1er septembre 2024,
– condamner la société Sharg Al Nile au paiement d’une indemnité d’occupation provisionnelle égale au montant des loyers, charges et taxes, à compter de la date de résiliation du bail et jusqu’à la libération des locaux qui se matérialisera par la remise des clés,
– majorer les sommes dues d’un taux d’intérêt de 10%,
– dire qu’elle conservera le dépôt de garantie,
– condamner la société Sharg Al Nile au paiement d’une somme de 2 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

A l’audience du 2 décembre 2024, la SCI Ella a, par l’intermédiaire de son conseil, maintenu les prétentions de son acte introductif d’instance et les moyens qui y sont contenus.

Bien que régulièrement assignée, la société Sharg Al Nile n’a pas constitué avocat, de sorte qu’il doit être statué par décision réputée contradictoire.

L’assignation en expulsion a été dénoncée aux créanciers inscrits.

Conformément à l’article 446-1 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions des parties, il est renvoyé à l’assignation et aux écritures déposées et développées oralement à l’audience.

L’affaire a été mise en délibéré au 6 janvier 2025.

MOTIFS

Sur la demande relative à l’acquisition de la clause résolutoire, les demandes subséquentes, et la demande de provision
En application de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Aux termes de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

Au cas présent, la demanderesse ne démontre pas la cession du droit au bail, au profit de la société Sharg Al Nile, qu’elle allègue. En effet, elle produit uniquement une attestation émanant d’elle-même intitulé « Avenant au bail » du 2 septembre 2024 qui indique : « Nous attestons par la présente que la cession des parts du bail SARL LE PETIT PRINCE entre Mme [T] ct Mr [G] [M] [P] a eu lieu le 01/04/2019.
Mme [T] ne fait pas partie de la société : SHARG AL NILE
Mr [G] [M] [P] est seul locataire sur le bail de la société : SHARG AL
NILE salon de thé, narguilé, qui remplace la SARL LE PETIT PRINCE
LA DIRECTION »

En, outre, elle ne produit pas l’extrait K-Bis de la société Sharg Al Nile, contrairement à ce qui est indiqué en pièce n°5 sur son bordereau de pièces, la pièce produite correspondant en réalité à son propre extrait K-bis.

Dès lors, dans ces conditions, à défaut de démontrer la qualité de locataire de la défenderesse, par ailleurs non comparante, il convient de dire n’y avoir lieu à référé sur les demandes de la SCI Ella.

Sur les demandes accessoires

La SCI Ella conservera la charge de ses dépens qu’elle a exposés et sera déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant par remise au greffe le jour du délibéré, après débats en audience publique, par décision réputée contradictoire et en premier ressort,

Disons n’y avoir lieu à référé sur les demandes de la SCI Ella ;

Laissons à la SCI Ella la charge des dépens qu’elle a exposés pour la présente instance ;

Déboutons la SCI Ella de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rappelons que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.

Fait à Paris le 06 janvier 2025

Le Greffier, Le Président,

Pascale GARAVEL Lucie LETOMBE


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