Rupture abusive des relations commerciales avec un Syndicat

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Rupture abusive des relations commerciales avec un Syndicat

Si le régime juridique d’un syndicat, comme le caractère non lucratif de son activité, ne sont pas de nature à l’exclure du champ d’application de l’article Lp442-6, I-, 6° du code de commerce de Nouvelle-Calédonie dès lors qu’il procède à une activité de production, de distribution ou de services, encore faut-il qu’il ait entretenu une relation commerciale établie avec le demandeur à l’action.

En la cause, la CSTC-FO avait ainsi pour seule obligation de fournir un contenu éditorial, une partie rédactionnelle, au moins trois semaines avant la parution, afin de permettre l’édition du bulletin. Il est par ailleurs acquis entre les parties, compte tenu des motifs retenus sur la compétence de la juridiction, que le syndicat n’accomplissait pas d’acte de commerces.

Il s’en déduit la CSTC-FO n’entretenait pas de relation commerciale avec la SARL MEDIA ORGANISATION au sens de l’article Lp442-6, I- , 6° du code de commerce de Nouvelle Calédonie.

Aux termes de l’article Lp442-6, I- du code de commerce de Nouvelle Calédonie, engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, pour tout producteur, commerçant, industriel ou artisan : […]
6° – de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Les dispositions précédentes ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou de force majeure.

L’Essentiel : Le 16 décembre 1988, la CSTC-FO a signé un contrat de régie publicitaire avec la SARL MEDIA ORGANISATION, renouvelé plusieurs fois. En 2018, la CSTC-FO a annoncé son intention de ne pas renouveler le contrat, suivi d’une nouvelle convention en 2019. En septembre 2020, la CSTC-FO a dénoncé l’absence de renouvellement, entraînant une requête de la SARL MEDIA ORGANISATION pour rupture abusive. Le tribunal a conclu que la CSTC-FO n’avait pas de relation commerciale avec la SARL MEDIA ORGANISATION, rejetant ainsi la demande de cette dernière et condamnant celle-ci à verser des frais à la CSTC-FO.
Résumé de l’affaire :

Contexte de l’affaire

Le 16 décembre 1988, la CONFÉDÉRATION DES SYNDICATS DES TRAVAILLEURS DE CALÉDONIE – FORCE OUVRIÈRE (CSTC-FO) a signé un contrat de régie publicitaire avec la SARL MEDIA ORGANISATION, initialement pour trois ans. Ce contrat a été renouvelé plusieurs fois, avec des modifications des tâches et des conditions financières au fil des ans.

Évolution des contrats

Une nouvelle convention a été établie le 10 janvier 2001, suivie d’un autre contrat le 14 décembre 2006, qui prévoyait une rémunération pour le syndicat par bulletin publié. En 2013, les modalités de la relation ont été réorganisées pour une durée de trois ans. En décembre 2016, la CSTC-FO a exprimé son intention de mettre fin à la relation contractuelle, mais un avenant a été signé.

Notification de non-renouvellement

Le 19 mars 2018, la CSTC-FO a annoncé qu’elle ne souhaitait pas renouveler le contrat à l’issue de la période en cours, avec la publication du dernier bulletin prévue pour décembre 2018. Une nouvelle convention a été signée le 20 février 2019, redéfinissant les tâches et la rémunération.

Rupture des relations commerciales

Le 11 septembre 2020, la CSTC-FO a dénoncé l’absence de renouvellement et a envisagé une rupture à la date anniversaire du contrat, le 20 février 2021. En réponse, la SARL MEDIA ORGANISATION a déposé une requête le 4 février 2021 pour rupture abusive des relations commerciales.

Procédure judiciaire

Le tribunal a examiné la compétence de la juridiction, concluant que le tribunal de première instance était compétent. La SARL MEDIA ORGANISATION a soutenu que la rupture était abusive, tandis que la CSTC-FO a affirmé qu’il ne s’agissait pas d’une relation commerciale.

Arguments des parties

La SARL MEDIA ORGANISATION a fait valoir l’existence d’une relation commerciale établie, tandis que la CSTC-FO a contesté cette qualification, arguant que les relations étaient de nature contractuelle et non commerciale. Les deux parties ont présenté des demandes de dommages et intérêts.

Décision du tribunal

Le tribunal a statué que la CSTC-FO n’entretenait pas de relation commerciale avec la SARL MEDIA ORGANISATION, rejetant ainsi la demande de cette dernière. La SARL MEDIA ORGANISATION a été condamnée à verser des frais à la CSTC-FO, et la décision a été mise à disposition au greffe.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la compétence du tribunal de première instance dans ce litige ?

La compétence du tribunal de première instance est affirmée par le fait que la CSTC-FO, en tant que syndicat, n’est pas considérée comme un commerçant ou une société commerciale selon l’article Lp721-3 du code de commerce de Nouvelle-Calédonie.

En effet, cet article stipule que :

« Les tribunaux mixtes de commerce connaissent des litiges entre commerçants, ainsi que des litiges entre commerçants et non-commerçants, lorsque ceux-ci sont liés à des actes de commerce. »

Dans ce cas, le contrat de régie publicitaire ne constitue pas un acte de commerce au sens des articles L.110-1 et L.110-2 du même code, qui définissent les actes de commerce comme ceux qui sont effectués dans le cadre d’une activité commerciale habituelle.

Ainsi, le tribunal de première instance est compétent pour statuer sur ce litige, car il n’y a pas de relation commerciale au sens du code de commerce entre les parties.

Quelles sont les conditions de la rupture abusive des relations commerciales selon le code de commerce ?

Les conditions de la rupture abusive des relations commerciales sont énoncées dans l’article Lp442-6, I, 6° du code de commerce de Nouvelle-Calédonie. Cet article précise que :

« Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, pour tout producteur, commerçant, industriel ou artisan : […] 6° – de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. »

Il est important de noter que la rupture peut être effectuée sans préavis en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou de force majeure.

Dans le cas présent, la SARL MEDIA ORGANISATION soutient que la CSTC-FO a rompu brutalement la relation sans respecter le préavis requis, tandis que la CSTC-FO conteste l’existence d’une relation commerciale au sens de cet article.

La CSTC-FO a-t-elle rompu une relation commerciale avec la SARL MEDIA ORGANISATION ?

La CSTC-FO soutient qu’elle n’a pas rompu une relation commerciale, mais plutôt une relation contractuelle qui ne revêt pas de caractère commercial.

Les conventions établies entre les parties montrent que la SARL MEDIA ORGANISATION était responsable de la composition, du montage, de la photogravure et de l’impression d’un bulletin d’information syndical, sans rémunération directe de la CSTC-FO.

Il est précisé que :

« Il n’y avait pas de rémunération directe entre la CSTC-FO et la SARL MEDIA ORGANISATION, étant même relevé que les bénéfices générés par ce journal ont conduit les parties à prévoir une récompense de la SARL MEDIA ORGANISATION vers la CSTC-FO. »

Ainsi, la CSTC-FO n’entretenait pas de relation commerciale au sens de l’article Lp442-6, I, 6° du code de commerce de Nouvelle-Calédonie, ce qui conduit à rejeter l’action de la SARL MEDIA ORGANISATION.

Quelles sont les conséquences de la décision du tribunal concernant la responsabilité contractuelle de la SARL MEDIA ORGANISATION ?

La CSTC-FO a soutenu que la SARL MEDIA ORGANISATION avait commis des fautes dans l’exercice de son activité, mais cette demande n’a été formulée qu’à titre subsidiaire.

Le tribunal a jugé que, puisque la demande principale du syndicat a été acceptée, il n’y avait pas lieu de statuer sur la responsabilité contractuelle de la SARL MEDIA ORGANISATION.

Cela signifie que la SARL MEDIA ORGANISATION a été déboutée de toutes ses demandes, et la CSTC-FO a été reconnue comme n’ayant pas rompu une relation commerciale, ce qui a des implications sur la responsabilité et les dommages-intérêts.

Quels sont les articles du code de procédure civile applicables aux frais et dépens dans cette affaire ?

Les articles du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie qui s’appliquent aux frais et dépens sont les articles 696 et 699.

L’article 696 stipule que :

« La partie perdante est condamnée aux dépens. »

De plus, l’article 699 précise que :

« Les avocats peuvent demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l’avance sans avoir reçu provision. »

Dans cette affaire, la SARL MEDIA ORGANISATION a été condamnée à payer les dépens, et la CSTC-FO a également reçu une indemnité au titre de l’article 700, qui prévoit le remboursement des frais irrépétibles.

Rôle général
des affaires civiles
N° RG 21/00582 – N° Portalis DB37-W-B7F-FGHH

JUGEMENT N°24/

Notification le : 31 décembre 2024

Copie certifiée conforme revêtue de la formule exécutoire + CCC – Maître Jean-jacques DESWARTE de la SARL DESWARTE-CALMET
CCC -Maître Frédéric DESCOMBES de la SELARL D’AVOCATS D&S LEGAL
Copie dossier
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE NOUMEA

JUGEMENT DU 31 DECEMBRE 2024

PARTIES EN CAUSE

DEMANDERESSE

S.A.R.L. MEDIA ORGANISATION
société à responsabilité limitée immatriculée au registre du commerce et des société de Nouméa sous le N° 196 097 dont le siège social est situé [Adresse 2], représentée par son gérant en exercice

non comparante, représentée par Maître Frédéric DESCOMBES de la SELARL D’AVOCATS D&S LEGAL, société d’avocats au barreau de NOUMEA

d’une part,

DEFENDERESSE

CONFEDERATION DES SYNDICATS DES TRAVAILLEURS DE CALEDONIE -FORCE OUVRIERE (CSTC-FO)
dont le siège social est [Adresse 1], représentée par son Président en exercice

non comparante, représentée par Maître Jean-jacques DESWARTE de la SARL DESWARTE-CALMET, société d’avocats au barreau de NOUMEA,

d’autre part,

COMPOSITION du Tribunal en formation collégiale :

PRÉSIDENT : Aurélie GIOCONDI, Première Vice-Présidente du Tribunal de Première Instance de NOUMEA,
ASSESSEUR : Hervé DE GAILLANDE, Vice-Président du Tribunal de Première Instance de NOUMEA,
ASSESSEUR : Philippe GUISLAIN, Vice-Président du Tribunal de Première Instance de NOUMEA, Juge rapporteur,

GREFFIERE lors des débats : Christèle JENNER

Débats à l’audience publique du 08 juillet 2024, date à laquelle le Président a informé les parties que la décision serait remise avec le dossier au greffe de la juridiction pour l’audience du 30 septembre 2024 conformément aux dispositions de l’article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie. Le délibéré a été prorogé successivement au 16 décembre puis au 31 décembre 2024.

JUGEMENT contradictoire rendu publiquement par remise au greffe avec le dossier pour l’audience du 31 décembre 2024 et signé par le président et la greffière, Christèle JENNER, présente lors de la remise.

EXPOSE DES FAITS

Le 16 décembre 1988, la CONFÉDÉRATION DES SYNDICATS DES TRAVAILLEURS DE CALÉDONIE – FORCE OUVRIÈRE (CSTC-FO) a conclu un contrat de régie publicitaire avec la SARL MEDIA ORGANISATION, pour une durée de trois ans reconductible, en échange de la prise en charge des frais d’édition de son bulletin d’information bimestriel devant servir de support.

Le 10 janvier 2001, une nouvelle convention modifiait les tâches des parties et était conclu pour une durée de six ans reconductibles.

Le 14 décembre 2006, un autre contrat était conclu pour des périodes d’un an renouvelable, et prévoyait une récompense pour le syndicat à hauteur de 200.000 francs par bulletin publié.

Le 30 avril 2013, une nouvelle convention réorganisait les modalités de la relation pour une durée de trois ans renouvelables.

La CSTC-FO ayant fait valoir son intention de mettre fin à la relation contractuelle le 01 décembre 2016, la SARL MEDIA ORGANISATION invoquait une demande tardive au regard des échéances de renouvellement prévues selon elle jusque avril 2019. Finalement, un avenant était conclu entre les parties le 27 décembre 2016.

Le 19 mars 2018, la CSTC-FO annonçait son souhait de ne pas reconduire le contrat au terme de la période en cours, fixant la publication du dernier bulletin au mois de décembre 2018.

Finalement, une nouvelle convention était conclue le 20 février 2019, redéfinissant à nouveau les tâches de chacune des parties et la récompense due au syndicat, pour une durée de trois ans renouvelables.

Le 11 septembre 2020, l’absence de renouvellement par la CSTC-FO était à nouveau dénoncée, à compter de la réception de son courrier. Elle précisait le 12 octobre 2020 que la rupture serait envisagée à la date anniversaire du contrat, le 20 février 2021.

Par requête introductive d’instance déposée au greffe le 04 février 2021, la SARL MEDIA ORGANISATION a fait appeler la CONFÉDÉRATION DES SYNDICATS DES TRAVAILLEURS DE CALÉDONIE – FORCE OUVRIÈRE (CSTC-FO) devant le Tribunal de première instance de NOUMEA, pour rupture abusive de leurs relations commerciales. L’acte était signifié à personne morale le 27 janvier 2023.

Après une clôture ordonnée le 16 février 2023, le tribunal a rabattu l’ordonnance du juge de la mise en état afin de mettre aux débats la question de la compétence du tribunal mixte de commerce de NOUMEA.

Le 28 novembre 2023, à l’occasion de ses dernières conclusions régulièrement notifiées et auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé plus précis,la SARL MEDIA ORGANISATION sollicite du tribunal de :

– DECLARER la présente juridiction saisie compétente pour statuer sur les demandes de la sociélé MEDIA ORGANISATION,

– DIRE établies les relalions commerciales entre les sociétés MEDIA
ORGANISATION et Force Ouvrière,

– DIRE que le préavis de résiliation fixé par Force Ouvrière est inexistant et donc insuffisant eu égard à l’ancienneté et la slabilité des relations commerciales établies avec la sociélé MEDIA ORGANISATION,

En conséquence,
– DIRE ET JUGER que Force Ouvrière a brutalement rompu les relations commerciales établies avec la société MEDIA ORGANISATION en ne respectant pas un préavis qui aurait dû être d’au moins 32 mois eu égard à I’ancienneté des relations et à la jurisprudence en la matière,

– DIRE que la société MEDIA ORGANISATION a dès lors droit à réparation,

– CONDAMNER Force Ouvrière à verser à la société MEDIA ORGANISATION la somme de 18.804.576 XPF au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies,

– DEBOUTER Force Ouvrière de toutes ses demandes, fins et conclusions,

En tout état de cause,
– CONDAMNER Force Ouvrière à payer à la société MEDIA ORGANISATION la somme de 250.000 XPF sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile outres les frais et entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL D&S LEGAL, avocat aux offres de droit.

Le 26 mai 2021, à l’occasion de ses dernières conclusions régulièrement notifiées et auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé plus précis,la CSTC-FO sollicite du tribunal de :

A titre principal,
– CONSTATER que l’article Lp 442-6 I, 6° du code de commerce est inapplicable que présent litige,

– DIRE ET JUGER que le Syndicat CONFEDERATION DES SYNDICATS DES TRAVAILLEURS DE CALEDONIE FORCE OUVRIERE n’a pas rompu les relations contractuelles avec la société MEDIA ORGANISATION,

– CONSTATER que la société MEDIA ORGANISATION a cessé d’exécuter la convention en date du 20 février 2019,

En conséquence,
– DEBOUTER la societé MEDIA ORGANISATION de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– CONDAMNER la société MEDIA ORGANISATION à verser au Syndicat CONFEDERATION DES SYNDICATS DES TRAVAILLEURS DE CALEDONIE FORCE OUVRIERE la somme à parfaire de 1.000.000 F.CFP à titre de dommage et intérêts,

A titre subsidiaire,
– CONSTATER que le Syndicat CONFEDERATION DES SYNDICATS DES TRAVAILLEURS DE CALEDONIE FORCE OUVRIERE a accordé un préavis de 18 mois à la société MEDIA ORGANISATION,

En conséquence,
– DIRE ET JUGER que le Syndicat CONFEDERATION DES SYNDICATS DES TRAVAILLEURS DE CALEDONIE FORCE OUVRIERE a accordé un préavis suffisant à la société MEDIA ORGANISATION au regard de la durée de la relation contractuelle,

– DEBOUTER la société MEDIA ORGANISATION de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre infiniment subsidiaire,
– CONSTATER que la société MEDIA ORGANISATION a commis des fautes de natures contractuelles et délictuelles justifiant la résiliation du contrat sans qu’un préavis suffisant ne lui soit accordé,

En conséquence
– DEBOUTER la société MEDIA ORGANISATION de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– CONDAMNER la société MEDIA ORGANISATION à verser au Syndicat CONFEDERATION DES SYNDICATS DES TRAVAILLEURS DE CALEDONIE FORCE OUVRIERE la somme à parfaire de 1.000.000 F.CFP à titre de dommage et intérêts,

En tout état de cause,
– CONDAMNER la société MEDIA ORGANISATION à verser au Syndicat CONFEDERATION DES SYNDICATS DES TRAVAILLEURS DE CALEDONIE FORCE OUVRIERE la somme de 500 000 F.CFP au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– CONDAMNER la société MEDIA ORGANISATION aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de la SARL DESWARTE-CALMET- CHAUCHAT.

La clôture de la mise en état était ordonnée le 11 avril 2024.

A l’issue de l’audience de plaidoirie du 08 juillet 2024, après renvoi devant la formation collégiale le même jour, les parties ayant été préalablement avisées, la décision était mise en délibéré au 30 septembre 2024, et prorogée au 16 puis au 31 décembre 2024 compte tenu des émeutes ayant eu lieu en Nouvelle-Calédonie sur la période et de la réorganisation de l’activité juridictionnelle.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la compétence du tribunal de première instance,

Les parties s’accordent sur la compétence du tribunal de première instance.

Il est acquis que la CSTC-FO, syndicat, n’est pas un commerçant ou une société commerciale au sens de l’article Lp721-3 du code de commerce de Nouvelle Calédonie, et que le contrat de régie publicitaire n’est pas un acte de commerce au sens des articles L.110-1 et L.110-2 du même code. Dans ces conditions, le tribunal mixte de commerce de NOUMEA n’est pas compétent, et le tribunal de première instance doit exercer sa compétence matérielle générale.

Sur la rupture abusive des relations commerciales,

La SARL MEDIA ORGANISATION soutient que les conditions de la rupture abusive prévues par l’article Lp442-6 sont réunies, faisant valoir qu’il existe une relation commerciale entre les parties. Elle affirme que le syndicat procède à une activité de services en fournissant aux salariés une information juridique, économique et financière pour l’appréciation de leurs droits, justifiant ainsi l’existence de relations commerciales. Elle relève que les contrats ont été renouvelés ou reconduits depuis 1988 de sorte que les relations sont établies, que la rupture a été brutale, sans préavis, et sans qu’une faute d’inexécution puisse lui être reprochée.

La CSTC-FO soutient qu’il n’a pas été mis fin à une relation commerciale mais à une relation contractuelle sans caractéristique commerciale. Elle déclarait ne solliciter qu’un surplus de transparence dans la relation entre les parties, évoquant une marge brute de la société de plus de 1.200.000 francs pour chaque bulletin publié. Elle invoque un défaut de diligence pour publier l’édition 206 du journal du mois d’octobre 2020. Elle ajoute encore que le préavis aurait été suffisant.

Aux termes de l’article Lp442-6, I- du code de commerce de Nouvelle Calédonie, engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, pour tout producteur, commerçant, industriel ou artisan : […]
6° – de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Les dispositions précédentes ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou de force majeure.

Si le régime juridique d’un syndicat, comme le caractère non lucratif de son activité, ne sont pas de nature à l’exclure du champ d’application de l’article Lp442-6, I-, 6° du code de commerce de Nouvelle-Calédonie dès lors qu’il procède à une activité de production, de distribution ou de services, encore faut-il qu’il ait entretenu une relation commerciale établie avec le demandeur à l’action. A cet égard, il doit être relevé que l’argument tiré de la nature des relations entre le syndicat et les salariés devant recevoir le bulletin est indifférent. En l’espèce, il ressort des conventions conclues dès l’origine de leur relation contractuelle par les deux parties que la SARL MEDIA ORGANISATION avait en charge la composition, le montage, la photogravure et l’impression d’un bulletin d’information bimestriel syndical ; elle devait réaliser ses tâches sur ses fonds propres, pouvant néanmoins recouvrer des recettes publicitaires qu’elle génèrerait elle-même dans le cadre d’une activité de régie. Ainsi, il n’y avait pas de rémunération directe entre la CSTC-FO et la SARL MEDIA ORGANISATION, étant même relevé que les bénéfices générés par ce journal ont conduit les parties à prévoir une récompense de la SARL MEDIA ORGANISATION vers la CSTC-FO (200.000 francs en 2006, 300.000 francs en 2019). La CSTC-FO avait ainsi pour seule obligation de fournir un contenu éditorial, une partie rédactionnelle, au moins trois semaines avant la parution, afin de permettre l’édition du bulletin. Il est par ailleurs acquis entre les parties, compte tenu des motifs retenus sur la compétence de la juridiction, que le syndicat n’accomplissait pas d’acte de commerces. Il s’en déduit la CSTC-FO n’entretenait pas de relation commerciale avec la SARL MEDIA ORGANISATION au sens de l’article Lp442-6, I- , 6° du code de commerce de Nouvelle Calédonie.

Dans ces conditions, et en l’absence de relation commerciale, l’action de la SARL MEDIA ORGANISATION doit être rejetée.

Sur la responsabilité contractuelle de la SARL MEDIA ORGANISATION,

La CSTC-FO soutient que la SARL MEDIA ORGANISATION a commis des fautes dans l’exercice de son activité, engageant sa responsabilité. Toutefois, il ressort des écritures du syndicat que la demande n’est formée que “si par extraordinaire le tribunal considérait que l’article Lp442-6, I-, 6° du code de commerce devait s’appliquer [à] la relation contractuelle entre la société MEDIA ORGANISATION et la CSTC-FO et que la CSTC-FO avait rompu les relations contractuelles sans accorder de préavis suffisant à la société MEDIA ORGANISATION”. Le dispositif des écritures ne mentionne cette prétention qu’à titre infiniment subsidiaire. Dans ces conditions, alors qu’il a été fait droit à la demande principale du syndicat, il n’y a pas lieu de statuer.

Sur les frais et dépens,

En application de l’article 696 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie, la partie perdante est condamnée aux dépens, soit la SARL MEDIA ORGANISATION.

Aux termes de l’article 699 du même code, les avocats peuvent demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l’avance sans avoir reçu provision ; la partie contre laquelle le recouvrement est poursuivi peut toutefois déduire, par compensation légale, le montant de sa créance de dépens.

En l’espèce néanmoins, la SARL DESWARTE-CALMET-CHAUCHAT intervient en représentation de la CSTC-FO, mais en qualité de défenderesse, elle n’invoque aucun dépens dont elle aurait pu faire l’avance. Il n’y a donc pas lieu à distraction.

En application de l’article 700 du même code, et au regard de la situation économique des parties, la SARL MEDIA ORGANISATION sera condamnée à verser la somme de 250.000 francs à la défenderesse au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal, statuant par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe, et en premier ressort,

DEBOUTE la SARL MEDIA ORGANISATION de l’ensemble de ses demandes,

CONDAMNE la SARL MEDIA ORGANISATION à payer à la CONFÉDÉRATION DES SYNDICATS DES TRAVAILLEURS DE CALÉDONIE – FORCE OUVRIÈRE la somme de 250.000 F.CFP (DEUX-CENT CINQUANTE MILLE FRANCS PACIFIQUE) en application de l’article 700 du code de procédure civile de Nouvelle Calédonie,

CONDAMNE la SARL MEDIA ORGANISATION aux entiers dépens,

Ainsi fait, jugé et prononcé par mise à disposition au greffe de la juridiction les jour, mois et an ci-dessus.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


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