Menaces de mort sur Twitter : la procédure à suivre

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Menaces de mort sur Twitter : la procédure à suivre

Une menace de mort sur Twitter (X) constitue bien un motif légitime de solliciter une mesure d’instruction (identification de l’auteur du message pour délinquance grave). Peuvent ressortir de la qualification pénale du délit de menaces de morts prévu par l’article 222-17 du code pénal qui dispose que « la menace de commettre un crime ou un délit contre les personnes dont la tentative est punissable est punie de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende lorsqu’elle est, soit réitérée, soit matérialisée par un écrit, une image ou tout autre objet. La peine est portée à trois ans d’emprisonnement et à 45 000 euros d’amende s’il s’agit d’une menace de mort. »

Les hébergeurs (Twitter) sont tenus de conserver, pour les besoins de toutes les procédures pénales, les informations relatives à l’identité civile de l’utilisateur, les autres informations fournies par l’utilisateur lors de la souscription d’un contrat ou de la création d’un compte et les informations relatives au paiement, les premières pendant cinq ans et les autres pendant un an à compter de la fin de validité du contrat ou de la clôture du compte. Le contenu de ces informations est précisé par les I, II et III de l’article R 10-13 du Code des postes et des communications électroniques.

En outre, mais uniquement pour les besoins de la lutte contre la criminalité et la délinquance grave, de la prévention des menaces graves contre la sécurité publique et de la sauvegarde de la sécurité nationale, les hébergeurs sont tenus de conserver, pendant un an, les données techniques permettant d’identifier la source de la connexion ou celles relatives aux équipements terminaux utilisés. Le contenu de ces données est précisé par le IV de l’article R 10-13.

S’agissant de la demande de communication des données techniques permettant d’identifier la source de la connexion ou celles relatives aux équipements terminaux utilisés, il ne peut y être fait droit que si la procédure pénale envisagée relève de « la délinquance grave » (en effet en tout état de cause la procédure envisagée ne relève ni de faits pouvant recevoir une qualification criminelle, ni de « la prévention des menaces graves contre la sécurité publique et de la sauvegarde de la sécurité nationale »).

En l’espèce, les messages litigieux évoquent des actes de vengeance, contre le requérant et contre « la nouvelle génération » à savoir son fils scolarisé en école maternelle, dont l’auteur des messages indique rechercher l’adresse et les horaires, et des actes de violences graves. L’auteur anonyme évoque un « 1v1 » soit un duel, et la référence à « Yhwach » et « Yamamoto » renvoie à un animé japonais dans lequel les deux personnages se vengent l’un de l’autre, l’un tuant finalement son ennemi, de façon extrêmement violente. Ainsi si l’auteur des messages n’évoque pas expressément vouloir tuer le requérant et/ou son fils, il se réfère, à plusieurs reprises, à des actes de vengeances violents et invoque une référence « littéraire » ayant trait à un duel à mort. Il n’y a pas lieu dans le cadre de cette procédure de qualifier pénalement les faits de menaces de mort, mais un tel débat pourra légitimement se poser devant le juge correctionnel.

L’infraction de menace de mort est un délit grave, relevant des atteintes à l’intégrité physique ou psychique de la personne, puni d’une peine d’emprisonnement de 3 ans.

De plus la commission de ces faits, s’ils sont établis, est manifestement facilitée par l’utilisation des réseaux qui assure à l’auteur du message la publicité rapide qu’il recherche, tout en lui assurant anonymat et donc possiblement irresponsabilité. La multiplication des propos haineux et menaçants sur les réseaux, qui se propagent vite et sans filtre, facilite les intimidations et les cabales de toute sorte qui peuvent aboutir à des issues tragiques.

Enfin il convient de rappeler que les menaces alléguées sont commises à l’encontre d’un père et de son fils mineur, enfant scolarisé en maternelle.

Dès lors, il convient de faire droit à la demande de communication des données techniques permettant d’identifier la source de la connexion ou celles relatives aux équipements terminaux utilisés, telles que prévues par l’article R 13-10 IV du code des postes et des communications électroniques.

A noter que seules les données énumérées par la loi et le règlement peuvent être légalement conservées par les hébergeurs, et donc communiquées, sur autorisation judiciaire. Le juge ne peut autoriser la communication d’une donnée non prévue par les textes applicables. Pour autant, et sans débat sur les types de données légalement communicables, tout juge doit s’assurer du caractère exécutable de sa décision, et le cas échéant apporter les précisions nécessaires à l’exécution de sa décision, et partant à l’application de la loi.

Selon l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé.

L’obtention de telles mesures est subordonnée à plusieurs conditions : l’absence de procès devant le juge du fond, l’existence d’un motif légitime, l’intérêt probatoire du demandeur – apprécié notamment au regard de la mesure sollicitée et des intérêts du défendeur – et la nature légalement admissible de la mesure demandée.

La mesure sollicitée n’implique pas d’examen de la responsabilité des parties ou des chances de succès du procès susceptible d’être ultérieurement engagé. Il suffit que soit constatée l’éventualité d’un procès dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée, à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d’autrui.

Si le litige au fond peut n’être qu’éventuel, la mesure sollicitée doit toutefois reposer sur des faits précis, objectifs et vérifiables, qui permettent de projeter ce litige futur comme plausible et crédible.

À cet égard, si le demandeur à la mesure d’instruction n’a pas à démontrer la réalité des faits qu’il allègue, il doit justifier d’éléments rendant crédibles ses suppositions, ne relevant pas de la simple hypothèse, en lien avec un litige potentiel futur dont l’objet et le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction, la mesure demandée devant être pertinente et utile.

Une mesure ne peut être ordonnée que si elle est légalement admissible et qu’elle ne cause pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de l’auteur des propos, à son droit à la protection de ses données personnelles, garantis par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ainsi qu’à son droit à la liberté d’expression, garanti par l’article 10 de la même convention.

A ce stade de la procédure, et dans le cadre d’une demande de communication fondée sur l’article 145 du code de procédure civile, le juge des référés n’a pas à qualifier pénalement les faits dont se plaignent les requérants, mais doit s’assurer de la suffisance d’éléments objectifs pour envisager un procès pénal sur la base de la qualification qu’ils invoquent.

Aux termes de l’article L 34-1 du code des postes et des communications électroniques (version en vigueur depuis le 31 juillet 2021 – Modifié par LOI n°2021-998 du 30 juillet 2021) :

« I. – Le présent article s’applique au traitement des données à caractère personnel dans le cadre de la fourniture au public de services de communications électroniques ; il s’applique notamment aux réseaux qui prennent en charge les dispositifs de collecte de données et d’identification.

II. – […].

II bis.- Les opérateurs de communications électroniques sont tenus de conserver :

1° Pour les besoins des procédures pénales, de la prévention des menaces contre la sécurité publique et de la sauvegarde de la sécurité nationale, les informations relatives à l’identité civile de l’utilisateur, jusqu’à l’expiration d’un délai de cinq ans à compter de la fin de validité de son contrat ;

2° Pour les mêmes finalités que celles énoncées au 1° du présent II bis, les autres informations fournies par l’utilisateur lors de la souscription d’un contrat ou de la création d’un compte ainsi que les informations relatives au paiement, jusqu’à l’expiration d’un délai d’un an à compter de la fin de validité de son contrat ou de la clôture de son compte ;

3° Pour les besoins de la lutte contre la criminalité et la délinquance grave, de la prévention des menaces graves contre la sécurité publique et de la sauvegarde de la sécurité nationale, les données techniques permettant d’identifier la source de la connexion ou celles relatives aux équipements terminaux utilisés, jusqu’à l’expiration d’un délai d’un an à compter de la connexion ou de l’utilisation des équipements terminaux.
[…].

Aux termes de l’article R10-13 du code des postes et des communications électroniques (version en vigueur depuis le 21 octobre 2021 – Modifié par Décret n°2021-1361 du 20 octobre 2021) :

« I.-Les informations relatives à l’identité civile de l’utilisateur, au sens du 1° du II bis de l’article L. 34-1, que les opérateurs de communications électroniques sont tenus de conserver, sont :
1° Les nom et prénom, la date et le lieu de naissance pour une personne physique ou la raison sociale, ainsi que les nom, prénom, date et lieu de naissance de la personne agissant en son nom, lorsque le compte est ouvert au nom d’une personne morale ;
2° La ou les adresses postales associées ;
3° La ou les adresses de courrier électronique de l’utilisateur et du ou des comptes associés le cas échéant ;
4° Le ou les numéros de téléphone.

II.- Les autres informations fournies par l’utilisateur lors de la souscription d’un contrat ou de la création d’un compte, mentionnées au 2° du II bis de l’article L. 34-1, que les opérateurs de communications électroniques sont tenus de conserver, sont :
1° L’identifiant utilisé ;
2° Le ou les pseudonymes utilisés ;
3° Les données destinées à permettre à l’utilisateur de vérifier son mot de passe ou de le modifier, le cas échéant par l’intermédiaire d’un double système d’identification de l’utilisateur, dans leur dernière version mise à jour.

III.-Les informations relatives au paiement mentionnées au 2° du II bis de l’article L. 34-1, que les opérateurs de communications électroniques sont tenus de conserver, pour chaque opération de paiement, lorsque la souscription du contrat ou la création du compte est payante, sont :
1° Le type de paiement utilisé ;
2° La référence du paiement ;
3° Le montant ;
4° La date, l’heure et le lieu en cas de transaction physique.

IV.-Les données techniques permettant d’identifier la source de la connexion ou celles relatives aux équipements terminaux utilisés, mentionnées au 3° du II bis de l’article L. 34-1, que les opérateurs de communications électroniques sont tenus de conserver, sont :
1° L’adresse IP attribuée à la source de la connexion et le port associé ;
2° Le numéro d’identifiant de l’utilisateur ;
3° Le numéro d’identification du terminal ;
4° Le numéro de téléphone à l’origine de la communication

[…]. »

L’Essentiel : M. [M] [C] a déposé une plainte en septembre 2024, affirmant avoir reçu des messages haineux sur le réseau social X, émis par un utilisateur anonyme. Ces messages incluaient des menaces visant son fils mineur. Le 31 octobre 2024, M. [M] [C] et Mme [K] [L] ont assigné TWITTER INTERNATIONAL UNLIMITED COMPANY pour obtenir l’identité de l’auteur. Le tribunal a reconnu un motif légitime pour cette demande, considérant les propos comme des menaces de mort. Il a ordonné à TWITTER de communiquer les données d’identification dans un délai de 10 jours, tout en rejetant les demandes d’astreinte et d’indemnisation.
Résumé de l’affaire :

Contexte de l’affaire

M. [M] [C] a déposé une plainte en septembre 2024, affirmant avoir été la cible de messages haineux et violents sur le réseau social X, émis par un utilisateur anonyme sous le compte « [Courriel 1] ». Ces messages incluaient des menaces visant également son fils mineur, [J] [C]. M. [M] [C] considère que ces propos peuvent être qualifiés de menaces de mort et souhaite identifier l’auteur pour engager des poursuites judiciaires.

Procédure judiciaire engagée

Le 31 octobre 2024, M. [M] [C] et Mme [K] [L] ont assigné la société TWITTER INTERNATIONAL UNLIMITED COMPANY devant le tribunal judiciaire de Paris, demandant la communication des données d’identification de l’auteur des messages. Ils ont également requis des informations techniques sur les connexions utilisées pour accéder au compte et créer les contenus litigieux. L’audience initiale a été renvoyée au 28 novembre 2024, puis plaidée le 12 décembre 2024.

Demandes des requérants

Les requérants ont demandé au tribunal d’ordonner à TWITTER de fournir les données d’identification de l’utilisateur du compte « [Courriel 1] », ainsi que des informations sur les ports de connexion, les horaires des connexions et l’adresse IP. Ils ont également demandé une astreinte de 1.000 euros par jour de retard et une indemnisation de 4.000 euros pour couvrir leurs frais de justice.

Réponse de la défenderesse

TWITTER INTERNATIONAL UNLIMITED COMPANY a contesté les demandes, demandant le rejet de la communication des données. Elle a soutenu que les messages ne constituaient pas des menaces de mort et que les informations demandées dépassaient ce qui était légalement communicable. La société a également demandé que les frais soient à la charge des requérants.

Analyse du tribunal

Le tribunal a examiné la légitimité de la demande de communication des données, en se basant sur l’article 145 du code de procédure civile. Il a conclu qu’il existait un motif légitime pour la recherche de l’identité de l’auteur des messages, considérant que les propos pouvaient relever de menaces de mort. Le tribunal a également noté que les faits allégués étaient suffisamment graves pour justifier une procédure pénale.

Décision du tribunal

Le tribunal a ordonné à TWITTER INTERNATIONAL UNLIMITED COMPANY de communiquer les données d’identification demandées dans un délai de 10 jours, y compris l’horodatage exact des connexions. Les demandes d’astreinte et d’indemnisation ont été rejetées, chaque partie conservant la charge de ses propres frais. La décision a été rendue exécutoire de plein droit.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions pour obtenir une mesure d’instruction en référé selon l’article 145 du code de procédure civile ?

L’article 145 du code de procédure civile stipule que :

« S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé. »

Pour qu’une mesure d’instruction soit ordonnée, plusieurs conditions doivent être remplies :

1. **Absence de procès devant le juge du fond** : La mesure doit être sollicitée avant qu’un procès ne soit engagé.

2. **Motif légitime** : Le demandeur doit justifier d’un motif légitime pour obtenir la mesure d’instruction.

3. **Intérêt probatoire** : L’intérêt probatoire du demandeur doit être apprécié au regard de la mesure sollicitée et des intérêts du défendeur.

4. **Nature légalement admissible** : La mesure demandée doit être légalement admissible et ne pas porter atteinte aux droits d’autrui.

Il est également précisé que le juge des référés n’a pas à qualifier pénalement les faits, mais doit s’assurer de l’existence d’éléments objectifs permettant d’envisager un procès.

Comment l’article 222-17 du code pénal s’applique-t-il aux menaces de mort ?

L’article 222-17 du code pénal dispose que :

« La menace de commettre un crime ou un délit contre les personnes dont la tentative est punissable est punie de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende lorsqu’elle est, soit réitérée, soit matérialisée par un écrit, une image ou tout autre objet.

La peine est portée à trois ans d’emprisonnement et à 45 000 euros d’amende s’il s’agit d’une menace de mort. »

Cet article établit une distinction entre les menaces générales et celles spécifiquement qualifiées de menaces de mort.

Dans le cas présent, les messages litigieux évoquent des actes de vengeance et des violences graves, ce qui pourrait justifier une qualification pénale sous l’article 222-17.

Bien que les messages ne contiennent pas explicitement une menace de mort, les références à des actes violents et à des duels à mort peuvent être interprétées comme des menaces de mort, justifiant ainsi une action pénale.

Quelles sont les obligations des opérateurs de communications électroniques selon l’article L 34-1 du code des postes et des communications électroniques ?

L’article L 34-1 du code des postes et des communications électroniques précise que :

« I. – Le présent article s’applique au traitement des données à caractère personnel dans le cadre de la fourniture au public de services de communications électroniques ; il s’applique notamment aux réseaux qui prennent en charge les dispositifs de collecte de données et d’identification.

II bis.- Les opérateurs de communications électroniques sont tenus de conserver :

1° Pour les besoins des procédures pénales, de la prévention des menaces contre la sécurité publique et de la sauvegarde de la sécurité nationale, les informations relatives à l’identité civile de l’utilisateur, jusqu’à l’expiration d’un délai de cinq ans à compter de la fin de validité de son contrat ;

2° Pour les mêmes finalités, les autres informations fournies par l’utilisateur lors de la souscription d’un contrat ou de la création d’un compte, ainsi que les informations relatives au paiement, jusqu’à l’expiration d’un délai d’un an à compter de la fin de validité de son contrat ou de la clôture de son compte. »

Ces obligations impliquent que les opérateurs doivent conserver les données d’identification des utilisateurs pour une durée déterminée, afin de permettre leur identification dans le cadre de procédures pénales.

Cela inclut les informations relatives à l’identité civile, aux paiements, et aux données techniques permettant d’identifier la source de la connexion.

Quelles sont les implications de la décision concernant la communication des données techniques ?

La décision de communication des données techniques repose sur l’article R 10-13 du code des postes et des communications électroniques, qui stipule que :

« I.-Les informations relatives à l’identité civile de l’utilisateur, que les opérateurs de communications électroniques sont tenus de conserver, sont :

1° Les nom et prénom, la date et le lieu de naissance pour une personne physique ou la raison sociale, ainsi que les nom, prénom, date et lieu de naissance de la personne agissant en son nom, lorsque le compte est ouvert au nom d’une personne morale ;

2° La ou les adresses postales associées ;

3° La ou les adresses de courrier électronique de l’utilisateur et du ou des comptes associés le cas échéant ;

4° Le ou les numéros de téléphone. »

La décision ordonne à la société TWITTER INTERNATIONAL UNLIMITED COMPANY de communiquer les données d’identification, y compris les données techniques permettant d’identifier la source de la connexion.

Cela est justifié par la nécessité de prouver l’existence d’une infraction pénale, en l’occurrence des menaces de mort.

Les données doivent être utilisées uniquement dans le cadre de la procédure pénale envisagée, garantissant ainsi le respect des droits des parties impliquées.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

N° RG 24/57566 – N° Portalis 352J-W-B7I-C6EAK

N° : 1/MM

Assignation du :
31 Octobre 2024

[1]

[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le:

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 31 décembre 2024

par Fanny LAINÉ, Première vice-présidente adjointe au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Minas MAKRIS, Faisant fonction de Greffier.
DEMANDEURS

Monsieur [M] [C], agissant en son nom personnel et en qualité de représentant légal de son fils mineur, Monsieur [J] [C]
[Adresse 2]
[Localité 3]

représenté par Maître Romain DARRIERE de la SELEURL ROMAIN DARRIERE, avocats au barreau de PARIS – #D1753

Madame [K] [L],agissant en qualité de représentante légale de son fils mineur, Monsieur [J] [C],
[Adresse 2]
[Localité 3]

représentée par Maître Romain DARRIERE de la SELEURL ROMAIN DARRIERE, avocats au barreau de PARIS – #D1753

DEFENDERESSE

Société TWITTER INTERNATIONAL UNLIMITED COMPANY
[Adresse 6] [Localité 5]
[Localité 5], IRLANDE

représentée par Me Karim BEYLOUNI, avocat au barreau de PARIS – #J0098

DÉBATS

A l’audience du 12 Décembre 2024, tenue publiquement, présidée par Fanny LAINÉ, Première vice-présidente adjointe, assistée de Flore MARIGNY, Faisant fonction de Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties,

M. [M] [C] soutient avoir été victime de plusieurs messages haineux et violents déposés sur le réseau X, en septembre 2024, par un auteur anonyme titulaire du compte « [Courriel 1] », certains messages visant également son fils mineur [J] [C]. Il considère que ces propos peuvent recevoir la qualification pénale de menaces de mort. Il souhaite pouvoir poursuivre l’auteur de ces messages devant le tribunal correctionnel, et par conséquent dans un premier temps l’identifier.

C’est dans ces conditions que par acte en date du 31 octobre 2024, M. [M] [C], en son nom personnel et en qualité de représentant légal de son fils mineur [J] [C], et Mme [K] [L], en qualité de représentante légale de son fils mineur [J] [C], ont attrait la société TWITTER INTERNATIONAL UNLIMITED COMPANY devant le Président du tribunal judiciaire de Paris, statuant en référé, aux fins de voir:

– ordonner à la société TWITTER INTERNATIONAL UNLIMITED COMPANY de leur communiquer, dans un délai de 8 jours à compter de la notification de l’ordonnance à intervenir, les données d’identification visées aux articles 2 à 5 du Décret n°2021-1362 du 20 octobre 2021, de nature à permettre l’identification du titulaire du compte « [Courriel 1] », accessible à l’URL indiquée et à l’origine des contenus litigieux accessibles aux adresses indiquées
– ordonner en outre la communication des ports sources de connexion utilisés pour l’accès au compte et pour la création des contenus litigieux, les horaires et fuseaux horaires exacts des connexions, ainsi que l’adresse IP de destination de ces connexions
– juger que chacune des parties conservera la charge de ses propres frais et dépens.

À l’audience du 28 novembre 2024 un renvoi a été ordonné à la demande des requérants, ayant reçu les conclusions de la défenderesse la veille de l’audience.

L’affaire a été plaidée à l’audience du 12 décembre 2024.

M. [M] [C] et Mme [K] [L] ont sollicité que le juge :
– ordonne à la société TWITTER INTERNATIONAL UNLIMITED COMPANY de leur communiquer, dans un délai de 8 jours à compter de la notification de l’ordonnance à intervenir, les données d’identification visées aux articles 2 à 5 du Décret n°2021-1362 du 20 octobre 2021, de nature à permettre l’identification du titulaire du compte « [Courriel 1] », accessible à l’URL indiquée et à l’origine de contenus litigieux accessibles aux adresses indiquées

– ordonne en outre la communication des ports sources de connexion utilisés pour l’accès au compte et pour la création des contenus litigieux, les horaires et fuseaux horaires exacts des connexions, ainsi que l’adresse IP de destination de ces connexions
– assortisse cette obligation de communiquer d’une astreinte de 1.000 euros par jour de retard, pendant une durée de 60 jours, en se réservant la liquidation de l’astreinte
– condamne la société TWITTER INTERNATIONAL UNLIMITED COMPANY à leur payer la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par conclusion soutenues oralement la société TWITTER INTERNATIONAL UNLIMITED COMPANY a demandé :
– À titre principal
o Le débouté de la demande de communication
o Le rejet de l’ensemble des demandes
– À titre subsidiaire
o Le débouté de la demande de communication des données visées à l’article 5 du décret du 20 octobre 2021, et plus précisément « les données techniques permettant d’identifier la source de la connexion ou celles relatives aux équipements terminaux utilisés » qui comprennent mais ne sont pas limités à « l’adresse IP »
o Le débouté de la demande de communication des « ports sources de connexion utilisés pour l’accès au compte et pour la création des contenus litigieux, les horaires et fuseaux horaires exacts des connexions, ainsi que l’adresse IP de destination de ces connexions »
o La limitation des données communiquées aux informations sur l’identité civile de l’utilisateur visées par l’article 2 dudit décret, fournies par l’utilisateur lors de la création d’un compte visées à l’article 3 du décret, et relatives au paiement visées par l’article 4 du décret, dans la limite de celles collectées et en la possession de TWITTER INTERNATIONAL
o L’injonction de réserver l’usage des données ainsi obtenues à des poursuites pénales, à l’exception de toute poursuite civile
– En tout état de cause
o Le débouté de la demande d’astreinte
o Le débouté des demandes au titre des frais irrépétibles et aux dépens
o La charge des frais et des dépens à chaque partie.

Conformément à l’article 446-1 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions des parties, il est renvoyé à l’assignation introductive d’instance et aux écritures déposées et développées oralement à l’audience.

La décision a été mise en délibéré au 31 décembre 2024, date de la présente ordonnance.

MOTIFS

Sur la demande principale :

Selon l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé.

L’obtention de telles mesures est subordonnée à plusieurs conditions : l’absence de procès devant le juge du fond, l’existence d’un motif légitime, l’intérêt probatoire du demandeur – apprécié notamment au regard de la mesure sollicitée et des intérêts du défendeur – et la nature légalement admissible de la mesure demandée.

La mesure sollicitée n’implique pas d’examen de la responsabilité des parties ou des chances de succès du procès susceptible d’être ultérieurement engagé. Il suffit que soit constatée l’éventualité d’un procès dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée, à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d’autrui.

Si le litige au fond peut n’être qu’éventuel, la mesure sollicitée doit toutefois reposer sur des faits précis, objectifs et vérifiables, qui permettent de projeter ce litige futur comme plausible et crédible.

À cet égard, si le demandeur à la mesure d’instruction n’a pas à démontrer la réalité des faits qu’il allègue, il doit justifier d’éléments rendant crédibles ses suppositions, ne relevant pas de la simple hypothèse, en lien avec un litige potentiel futur dont l’objet et le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction, la mesure demandée devant être pertinente et utile.

Il convient néanmoins de rappeler qu’une mesure ne peut être ordonnée que si elle est légalement admissible et qu’elle ne cause pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de l’auteur des propos, à son droit à la protection de ses données personnelles, garantis par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ainsi qu’à son droit à la liberté d’expression, garanti par l’article 10 de la même convention.

– Sur le motif légitime :

Les requérants soutiennent que les messages litigieux postés le 10 septembre 2024 peuvent être qualifiés de menaces de mort, et qu’ils ont ainsi un motif légitime de solliciter une mesure d’instruction.

La défenderesse soutient au contraire que la demande est dépourvue de motif légitime dans la mesure où les messages ne contiennent expressément aucune menace de mort à l’encontre du requérant ou de son fils, les moyens de la vengeance évoquée n’étant pas suffisamment explicites, et ne pourraient caractériser au plus que des menaces de violences, faits contraventionnels.

En l’espèce, il ressort des éléments de la procédure que suite à une photographie de M. [C] diffusée sur le réseau TWITTER, un utilisateur interpellait le 10 septembre 2024 un certain « [Z] », en l’incitant à se venger de M. [C] dans ces termes « en 2016 ??? [Z] tu peux te venger là ».

Le 10 septembre 2024 un certain « [Courriel 1] » a publié en réponse plusieurs commentaires dont les messages suivants :

– « mais même aujourd’hui je me venge si je le croise. J’ai juste pas encore trouvé l’adresse et les horaires de l’école maternelle de son fils de pute »
– « il s’y attend pas, il m’a oublié. Je vais revenir me venger sur la nouvelle génération comme Yhwach avec Yamamoto »
– « tqt pas, d’abord je m’occupe de lui puis je défis son fils de 6ans en 1v1 ».

Il convient de rappeler qu’à ce stade de la procédure, et dans le cadre d’une demande de communication fondée sur l’article 145 du code de procédure civile, le juge des référés n’a pas à qualifier pénalement les faits dont se plaignent les requérants, mais doit s’assurer de la suffisance d’éléments objectifs pour envisager un procès pénal sur la base de la qualification qu’ils invoquent.

Contrairement à ce que soutient la société TWITTER INTERNATIONAL UNLIMITED COMPANY, les propos extraits des messages litigieux, dont la réalité n’est pas contestée, peuvent ressortir de la qualification pénale du délit de menaces de morts prévu par l’article 222-17 du code pénal qui dispose que « la menace de commettre un crime ou un délit contre les personnes dont la tentative est punissable est punie de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende lorsqu’elle est, soit réitérée, soit matérialisée par un écrit, une image ou tout autre objet.
La peine est portée à trois ans d’emprisonnement et à 45 000 euros d’amende s’il s’agit d’une menace de mort. »

Les messages litigieux évoquent des actes de vengeance, contre le requérant et contre « la nouvelle génération » à savoir son fils scolarisé en école maternelle, dont l’auteur des messages indique rechercher l’adresse et les horaires, et des actes de violences graves. L’auteur anonyme évoque un « 1v1 » soit un duel, et la référence à « Yhwach » et « Yamamoto » renvoie à un animé japonais dans lequel les deux personnages se vengent l’un de l’autre, l’un tuant finalement son ennemi, de façon extrêmement violente. Ainsi si l’auteur des messages n’évoque pas expressément vouloir tuer le requérant et/ou son fils, il se réfère, à plusieurs reprises, à des actes de vengeances violents et invoque une référence « littéraire » ayant trait à un duel à mort. Il n’y a pas lieu dans le cadre de cette procédure de qualifier pénalement les faits de menaces de mort, mais un tel débat pourra légitimement se poser devant le juge correctionnel.

Au regard de tout ce qui précède, il existe bien à ce stade de la procédure un procès pénal en germe non manifestement voué à l’échec. M. [M] [C] et Mme [K] [L] justifient en conséquence d’un intérêt légitime à rechercher l’identité de l’auteur des messages litigieux, en vue d’engager une action au fond contre lui au titre des infractions qu’ils dénoncent.

– Sur la nature légalement admissible des mesures sollicitées :

Aux termes de l’article L 34-1 du code des postes et des communications électroniques (version en vigueur depuis le 31 juillet 2021 – Modifié par LOI n°2021-998 du 30 juillet 2021) :

« I. – Le présent article s’applique au traitement des données à caractère personnel dans le cadre de la fourniture au public de services de communications électroniques ; il s’applique notamment aux réseaux qui prennent en charge les dispositifs de collecte de données et d’identification.

II. – […].

II bis.- Les opérateurs de communications électroniques sont tenus de conserver :

1° Pour les besoins des procédures pénales, de la prévention des menaces contre la sécurité publique et de la sauvegarde de la sécurité nationale, les informations relatives à l’identité civile de l’utilisateur, jusqu’à l’expiration d’un délai de cinq ans à compter de la fin de validité de son contrat ;

2° Pour les mêmes finalités que celles énoncées au 1° du présent II bis, les autres informations fournies par l’utilisateur lors de la souscription d’un contrat ou de la création d’un compte ainsi que les informations relatives au paiement, jusqu’à l’expiration d’un délai d’un an à compter de la fin de validité de son contrat ou de la clôture de son compte ;

3° Pour les besoins de la lutte contre la criminalité et la délinquance grave, de la prévention des menaces graves contre la sécurité publique et de la sauvegarde de la sécurité nationale, les données techniques permettant d’identifier la source de la connexion ou celles relatives aux équipements terminaux utilisés, jusqu’à l’expiration d’un délai d’un an à compter de la connexion ou de l’utilisation des équipements terminaux.
[…].

Aux termes de l’article R10-13 du code des postes et des communications électroniques (version en vigueur depuis le 21 octobre 2021 – Modifié par Décret n°2021-1361 du 20 octobre 2021) :

« I.-Les informations relatives à l’identité civile de l’utilisateur, au sens du 1° du II bis de l’article L. 34-1, que les opérateurs de communications électroniques sont tenus de conserver, sont :
1° Les nom et prénom, la date et le lieu de naissance pour une personne physique ou la raison sociale, ainsi que les nom, prénom, date et lieu de naissance de la personne agissant en son nom, lorsque le compte est ouvert au nom d’une personne morale ;
2° La ou les adresses postales associées ;
3° La ou les adresses de courrier électronique de l’utilisateur et du ou des comptes associés le cas échéant ;
4° Le ou les numéros de téléphone.

II.- Les autres informations fournies par l’utilisateur lors de la souscription d’un contrat ou de la création d’un compte, mentionnées au 2° du II bis de l’article L. 34-1, que les opérateurs de communications électroniques sont tenus de conserver, sont :
1° L’identifiant utilisé ;
2° Le ou les pseudonymes utilisés ;
3° Les données destinées à permettre à l’utilisateur de vérifier son mot de passe ou de le modifier, le cas échéant par l’intermédiaire d’un double système d’identification de l’utilisateur, dans leur dernière version mise à jour.

III.-Les informations relatives au paiement mentionnées au 2° du II bis de l’article L. 34-1, que les opérateurs de communications électroniques sont tenus de conserver, pour chaque opération de paiement, lorsque la souscription du contrat ou la création du compte est payante, sont :
1° Le type de paiement utilisé ;
2° La référence du paiement ;
3° Le montant ;
4° La date, l’heure et le lieu en cas de transaction physique.

IV.-Les données techniques permettant d’identifier la source de la connexion ou celles relatives aux équipements terminaux utilisés, mentionnées au 3° du II bis de l’article L. 34-1, que les opérateurs de communications électroniques sont tenus de conserver, sont :
1° L’adresse IP attribuée à la source de la connexion et le port associé ;
2° Le numéro d’identifiant de l’utilisateur ;
3° Le numéro d’identification du terminal ;
4° Le numéro de téléphone à l’origine de la communication

[…]. »

Ainsi, en application de ces textes, les hébergeurs sont tenus de conserver, pour les besoins de toutes les procédures pénales, les informations relatives à l’identité civile de l’utilisateur, les autres informations fournies par l’utilisateur lors de la souscription d’un contrat ou de la création d’un compte et les informations relatives au paiement, les premières pendant cinq ans et les autres pendant un an à compter de la fin de validité du contrat ou de la clôture du compte. Le contenu de ces informations est précisé par les I, II et III de l’article R 10-13 précité.

En outre, mais uniquement pour les besoins de la lutte contre la criminalité et la délinquance grave, de la prévention des menaces graves contre la sécurité publique et de la sauvegarde de la sécurité nationale, les hébergeurs sont tenus de conserver, pendant un an, les données techniques permettant d’identifier la source de la connexion ou celles relatives aux équipements terminaux utilisés. Le contenu de ces données est précisé par le IV de l’article R 10-13 précité.

En l’espèce, il convient de rappeler que les faits visés par les demandeurs sont susceptibles de constituer le délit de menace de mort, et que les contenus litigieux datent du 10 septembre 2024, soit il y a moins d’un an. Par ailleurs la société TWITTER INTERNATIONAL UNLIMITED COMPANY ne conteste pas sa qualité d’hébergeur des contenus.

Il s’agit donc des besoins d’une procédure pénale, justifiant la communication des données d’identification dans le cadre prévu par l’article L 34-1 II bis 1° et 2° du code des postes et des communications électroniques. Compte-tenu des besoins probatoires des requérants, doivent donc être communiquées les informations relatives à l’identité civile de l’utilisateur, les autres informations fournies par l’utilisateur lors de la souscription d’un contrat ou de la création d’un compte, et le cas échéant les informations relatives au paiement, telles que prévues par l’article R 13-10 I, II et III du même code.

S’agissant de la demande de communication des données techniques permettant d’identifier la source de la connexion ou celles relatives aux équipements terminaux utilisés, il ne peut y être fait droit que si la procédure pénale envisagée relève de « la délinquance grave » (en effet en tout état de cause la procédure envisagée ne relève ni de faits pouvant recevoir une qualification criminelle, ni de « la prévention des menaces graves contre la sécurité publique et de la sauvegarde de la sécurité nationale »).

Au vu des pièces produites et des arguments échangés, contrairement à ce que soutient la société TWITTER INTERNATIONAL UNLIMITED COMPANY, il apparaît que les faits que les demandeurs entendent poursuivre relèvent de la délinquance grave.
En effet l’infraction de menace de mort est un délit grave, relevant des atteintes à l’intégrité physique ou psychique de la personne, puni d’une peine d’emprisonnement de 3 ans.
De plus la commission de ces faits, s’ils sont établis, est manifestement facilitée par l’utilisation des réseaux qui assure à l’auteur du message la publicité rapide qu’il recherche, tout en lui assurant anonymat et donc possiblement irresponsabilité. La multiplication des propos haineux et menaçants sur les réseaux, qui se propagent vite et sans filtre, facilite les intimidations et les cabales de toute sorte qui peuvent aboutir à des issues tragiques.
Enfin il convient de rappeler que les menaces alléguées sont commises à l’encontre d’un père et de son fils mineur, enfant scolarisé en maternelle.

Dès lors, il convient de faire droit à la demande de communication des données techniques permettant d’identifier la source de la connexion ou celles relatives aux équipements terminaux utilisés, telles que prévues par l’article R 13-10 IV du code des postes et des communications électroniques.

Les demandeurs formulent en outre une demande complémentaire de communication :
– des ports sources de connexion utilisés pour l’accès au compte et pour la création des contenus litigieux
– des horaires et fuseaux horaires exacts des connexions
– l’adresse IP de destination de ces connexions.

Les demandeurs indiquent au soutien de ces demandes que les fournisseurs d’accès à internet ont besoin de ces informations complémentaires pour identifier les titulaires des adresses IP désormais « nattées/mutualisées », c’est-à-dire utilisées simultanément par plusieurs abonnés.
Ils produisent des courriers, l’un de FREE du 20 juin 2024, l’un de SFR du 14 juin 2024 et un autre d’ORANGE du 27 juin 2024, qui indiquent ne pas pouvoir procéder à l’identification demandée sans ces informations complémentaires (dans une affaire distincte).

La société TWITTER INTERNATIONAL UNLIMITED COMPANY s’oppose à ces demandes en indiquant que seules les données listées par l’article R13-10 précité peuvent être communiquées, selon les hypothèses, sans aucune interprétation extensive possible.
Elle précise notamment que la date, l’horaire et la durée des communications sont des données prévues uniquement dans le cadre de l’article 6 du décret du 20 octobre 2021 (soit l’article R 10-13 V qui liste les données de trafic et de localisation, mentionnées par l’article L34-1 III), communicables seulement pour « des motifs tenant à la sauvegarde de la sécurité nationale ».

Il est exact que seules les données énumérées par la loi et le règlement peuvent être légalement conservées par les hébergeurs, et donc communiquées, sur autorisation judiciaire. Le juge ne peut autoriser la communication d’une donnée non prévue par les textes applicables.

Pour autant, et sans débat sur les types de données légalement communicables, tout juge doit s’assurer du caractère exécutable de sa décision, et le cas échéant apporter les précisions nécessaires à l’exécution de sa décision, et partant à l’application de la loi.

En l’espèce :
– s’agissant de la demande relative aux « ports sources de connexion utilisés pour l’accès au compte et pour la création des contenus litigieux », il convient de relever que l’article R 13-10 IV prévoit déjà la communication de « 1° L’adresse IP attribuée à la source de la connexion et le port associé », de telle sorte qu’il n’y a pas lieu d’enjoindre une communication supplémentaire
– s’agissant de la demande relative à « l’adresse IP de destination de ces connexions », la demande n’apparaît pas suffisamment précise ni justifiée. Elle sera rejetée
– s’agissant de la demande relative aux « horaires et fuseaux horaires exacts des connexions », il s’agit d’une donnée différente de celle prévue par l’article R 13-10 V, article effectivement non applicable au cas d’espèce, qui vise des communications, et non seulement des connexions.
Les réponses des opérateurs produites par les demandeurs démontrent que la précision de l’horaire exact de la connexion est une nécessite technique pour parvenir à identifier l’utilisateur de l’adresse IP en raison de l’utilisation désormais généralisée d’adresses IP « nattées » c’est-à-dire mutualisées pour plusieurs utilisateurs. Or la date et l’heure de la création des contenus litigieux sont déjà connus, puisque mentionnés sur les contenus. Il convient donc de demander au défendeur de préciser en plus la seconde à laquelle les contenus ont été publiés, ainsi que le fuseau horaire, données techniques qui ne sont pas des données à caractère personnel qui permettraient d’obtenir des informations précises sur le mode de vie des utilisateurs, mais qui serviront bien uniquement à l’identification de l’émetteur du contenu litigieux, finalité du texte applicable.

Il sera donc enjoint à la société TWITTER INTERNATIONAL UNLIMITED COMPANY de communiquer à M. [M] [C] et Mme [K] [L], pour les besoins de la procédure pénale qu’ils entendent initier, l’ensemble des données d’identification en sa possession, telles que visées à l’article R.l0-13 I. II. III. et IV. du Code des postes et des communications électroniques, permettant d’identifier le titulaire du compte « [Courriel 1] », et toute personne ayant contribué à la création des contenus litigieux accessibles aux adresses indiquées dans le dispositif.
Cette communication devra comprendre l’horodatage exact, à la seconde près, et le fuseau horaire de connexion des adresses IP utilisées pour les publications des contenus litigieux.

Il sera laissé à la société TWITTER INTERNATIONAL UNLIMITED COMPANY un délai de 10 jours pour s’exécuter, sans que la nécessité de prononcer une astreinte soit justifiée.

Une fois transmises, ces données ne devront pas être utilisées à d’autres fins que celles pour lesquelles leur communication est ici ordonnée.

Sur les demandes accessoires :

Compte-tenu du contexte procédural de ce dossier fondé sur l’article 145 du code de procédure civile, chacune des parties conservera la charge de ses frais et dépens.

Les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile seront donc rejetées.

PAR CES MOTIFS :

Statuant en référé, par remise au greffe le jour du délibéré, après débats en audience publique, par décision contradictoire et en premier ressort ;

Faisons droit à la demande de communication de données d’identification pour les besoins des poursuites pénales envisagées,

Enjoignons à la société TWITTER INTERNATIONAL UNLIMITED COMPANY de communiquer, dans un délai maximum de 10 jours à compter de la notification de la présente décision, à M. [M] [C], en son nom personnel et en qualité de représentant légal de son fils mineur [J] [C], et à Mme [K] [L], en qualité de représentante légale de son fils mineur [J] [C], l’ensemble des données d’identification en sa possession, telles que visées à l’article R.l0-13 I. II. III. et IV du Code des postes et des communications électroniques, comprenant l’horodatage exact, à la seconde près, et le fuseau horaire de connexion des adresses IP utilisées pour les publications des contenus litigieux, permettant d’identifier
– le titulaire du compte « [Courriel 1] », accessible à l’adresse URL suivante :

https://x.com/[Courriel 4]

– et toute personne ayant contribué à la création des contenus litigieux accessibles aux adresses suivantes :

https://x.com/[Courriel 4]/status/1833462491671638452?s=46&t=336aozkjzo4m8pr
7F7I4OA

https://x.com/[Courriel 4]/status/1833463754274570420?s=46&t=336aozkjzo4m8pr
7F7I4OA

https://x.com/[Courriel 4]/status/1833464561459961931?s=46&t=336aozkjzo4m8pr
7F7I4OA ;

Disons n’y avoir lieu au prononcé d’une astreinte ;

Rejetons les demandes plus amples ou contraires ;

Rejetons les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile ;

Disons que chaque partie conservera la charge de ses dépens ;

Rappelons que la présente ordonnance est exécutoire de plein droit

Fait à Paris le 31 décembre 2024

Le Greffier, Le Président,

Minas MAKRIS Fanny LAINÉ


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