Cour d’appel d’aix-en-provence, 3 janvier 2025, RG n° 25/00015
Cour d’appel d’aix-en-provence, 3 janvier 2025, RG n° 25/00015

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel d’Aix-en-Provence

Thématique : Irrégularités dans la notification des droits et leurs conséquences sur les mesures de rétention

Résumé

Contexte Juridique

Les articles L 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) encadrent la procédure d’éloignement et de rétention des étrangers en situation irrégulière. Dans ce cadre, un arrêté a été pris le 20 août 2024 par le préfet du Var, imposant à Monsieur [Z] [P] l’obligation de quitter le territoire national.

Placement en Rétention

Le 29 décembre 2024, le préfet du Var a décidé de placer Monsieur [Z] [P] en rétention, une décision notifiée le même jour. Le 2 janvier 2025, un magistrat a ordonné le maintien de Monsieur [Z] [P] dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire, suite à un contrôle des mesures d’éloignement.

Déclarations de Monsieur [Z] [P]

Lors de son audition, Monsieur [Z] [P] a exprimé son besoin d’un interprète et a expliqué son parcours. Originaire de Tunisie, il est venu en France pour améliorer sa situation, a été marié à une Française et a des enfants en France. Il a mentionné des difficultés dans ses démarches administratives, notamment pour le renouvellement de son passeport.

Arguments de la Défense

L’avocate de Monsieur [Z] [P], Me Domnine ANDRE, a soulevé plusieurs points. Elle a contesté la recevabilité de la requête préfectorale, arguant qu’elle n’était pas accompagnée des pièces justificatives nécessaires. Elle a également signalé un défaut de notification des droits, précisant que ceux-ci n’avaient été notifiés que le lendemain de son placement en garde à vue, soit 10 heures après le début de celle-ci.

Irregularité de la Garde à Vue

La garde à vue de Monsieur [Z] [P] a été jugée irrégulière en raison de la notification tardive de ses droits. Bien qu’il ait été placé en garde à vue le 28 décembre 2024, ses droits n’ont été notifiés que le 29 décembre à 10h, soit 15h30 après le début de la mesure. Les circonstances de son état d’ébriété n’ont pas justifié ce retard, car aucune vérification de son état de compréhension n’a été effectuée durant cette période.

Décision du Tribunal

En raison de l’irrégularité de la garde à vue, la procédure préalable au placement en rétention a également été jugée irrégulière. Par conséquent, l’ordonnance du magistrat a été infirmée. Monsieur [Z] [P] a été rappelé à l’obligation de quitter le territoire, avec une interdiction de retour pendant un an. Les parties ont été informées de leur droit de se pourvoir en cassation dans un délai de deux mois.

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative

ORDONNANCE

DU 03 JANVIER 2025

N° RG 25/00015 – N° Portalis DBVB-V-B7J-BOFSX

Copie conforme

délivrée le 03 Janvier 2025 par courriel à :

-l’avocat

-le préfet

-le CRA

-le JLD/TJ

-le retenu

-le MP

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention de Marseille en date du 02 Janvier 2025 à 10H50.

APPELANT

Monsieur [Z] [P]

né le 21 Juillet 1984 à [Localité 3] -TUNISIE)

de nationalité Tunisienne

 

Comparant en visioconférence depuis le centre de rétention administrative de [Localité 2] en application des dispositions de la loi n°2024-42 du 26 janvier 2024.

Assisté de Maître Domnine ANDRE, avocate au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, commise d’office.

et de Madame [T] [R], interprète en langue arabe , inscrite sur la liste des experts de la cour d’appel d’Aix-en-Provence.

INTIMÉ

MONSIEUR LE PRÉFET DU VAR,

domicilié [Adresse 1]

Avisé et non représenté

MINISTÈRE PUBLIC

Avisé, non représenté

******

DÉBATS

L’affaire a été débattue en audience publique le 03 Janvier 2025 devant Mme Nathalie FEVRE, Présidente de chambre à la cour d’appel déléguée par le premier président par ordonnance, assistée de Mme Carla D’AGOSTINO, greffière lors de l’audience,

ORDONNANCE

Par décision réputée contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 03 Janvier 2025 à 19h30,

Signée par Mme Nathalie FEVRE, Présidente de chambre et Monsieur Nicolas FAVARD , greffier lors du prononcé ;

PROCÉDURE ET MOYENS

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) ;

Vu l’arrêté portant obligation de quitter le territoire national pris le 20 août 2024 par le PREFET DU VAR , notifié le même jour à 17h30 ;

Vu la décision de placement en rétention prise le 29 décembre 2024 par le PRÉFET DU VAR notifiée le même jour à 17h31 ;

Vu l’ordonnance du 02 Janvier 2025 rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention décidant le maintien de Monsieur [Z] [P] dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire ;

Vu l’appel interjeté le 03 Janvier 2025 à 17H17 par Monsieur [Z] [P] ;

Monsieur [Z] [P] a comparu et a été entendu en ses explications ; il déclare

Oui j’ai besoin d’un interprète. Je m’appelle [P] [Z], je suis né le 21.07.1984 à [Localité 3] en Tunisie. Je suis venu en France pour améliorer ma situation. J’ai commencé à faire des démarches. J’ai eu des embrouilles avec mon ex. Je me suis marié en 2015. Je suis revenu en Tunisie en 2016. Je suis revenu à nouveau pour améliorer ma situation. Il y a beaucoup de documents à donner pour régulariser ma situation. Oui, j’ai des enfants en France. J’ai un fils. Je suis revenu depuis 2 ans en France. J’ai fait une demande de renouvellement de mon passeport. C’est pas facile pour faire les démarches.

Me Domnine ANDRE est entendue en sa plaidoirie :

– Irrecevabilité de la requête préfectorale sur le fondement de l’article R744-2 du CESEDA : La requête doit être motivée et accompagnée des pièces justificatives utiles. Les diligences consulaires doivent y figurer. La copie du registre ne mentionne aucune diligence consulaire qui doit intervenir dès le début de la rétention.

– Défaut de notification des droits L611-1-1 du CESEDA : En l’espèce, monsieur a été placé en GAV à 17h35. Ses droits ne lui ont été notifiés que le lendemain. Soit 10h après le début de GAV (63-1 CPP). On nous dit que monsieur était en état d’ébriété . Le PV indique qu’il sent l’alcool, qu’il refuse de se soumettre à un test d’alcoolémie. Mais il n’y a pas d’éléments objectifs qui viennent corroborer ces constatations.

– Monsieur n’a pas de passeport. Il a été marié à une française. Il a eu un fils. Il veut régulariser sa situation.

Le retenu a eu la parole en dernier : Je n’ai rien à ajouter. Je demande une chance pour faire le nécessaire.

Le préfet du Var n’était pas représenté.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par décision Par décision réputée contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,

Infirmons l’ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention du tribunal judiciaire de Marseille en date du 02 Janvier 2025.

Rappelons à monsieur [Z] [P] qu’il doit quitter le territoire en exécution d’une décision du préfet du Var en date du 20 août 2024 avec interdiction de retour pendant 1 an

Les parties sont avisées qu’elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d’Etat ou de la Cour de cassation.

Le greffier Le président

Reçu et pris connaissance le :

Monsieur [Z] [P]

Assisté d’un interprète

 


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