Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Meaux
Thématique : Responsabilité du vendeur face aux vices cachés d’un véhicule automobile
→ RésuméAcquisition du véhiculeMme [F] [C] [T] [L] a acheté un véhicule neuf CITROËN C4 le 27 novembre 2009 pour un montant de 17 519,50 €. La livraison a eu lieu le 5 janvier 2010, et le constructeur a recommandé un entretien tous les 30 000 km ou tous les 2 ans, ainsi que le remplacement des bougies d’allumage à 60 000 km. Problèmes rencontrésLe 14 février 2018, Mme [C] [T] [L] a signalé un problème sur l’autoroute, avec l’apparition d’un voyant d’alerte « système antipollution défaillant » et une perte de puissance. Le véhicule a été entreposé au GARAGE CHAPUIS CITROËN à partir du 1er juin 2018, où les réparations ont été estimées à 3 600,72 € TTC. Expertise et conclusionsL’expert mandaté par l’assurance a attribué les problèmes à un défaut d’entretien, en raison du non-remplacement des bougies à 60 000 km. Les entretiens avaient été réalisés jusqu’à 50 000 km par le vendeur, puis par d’autres garages. Une expertise judiciaire a été ordonnée, révélant un vice de conception du véhicule, entraînant l’assignation de la SAS AUTOMOBILES CITROËN. Demandes d’indemnisationMme [C] [T] [L] a assigné les sociétés GARAGE DE L’ALMA SAGA et AUTOMOBILES CITROËN pour obtenir une indemnisation, incluant des montants pour préjudice de jouissance, réparations, primes d’assurance et frais de gardiennage. Elle a également demandé des intérêts au taux légal et la condamnation des défendeurs aux dépens. Arguments des défendeursLe GARAGE DE L’ALMA SAGA a demandé le déboutement de Mme [C] [T] [L], arguant qu’elle était responsable de l’absence de changement des bougies et de l’utilisation prolongée du véhicule malgré le voyant d’alerte. La SAS AUTOMOBILES CITROËN a contesté l’existence d’un vice caché, affirmant que la panne était due à un défaut de bougie et à l’usage prolongé du véhicule. Rapport d’expertise judiciaireL’expert judiciaire a conclu que les dommages étaient dus à un défaut de conception du moteur, et non à un problème d’entretien. Il a précisé que le véhicule était impropre à l’usage et que les défauts étaient connus du constructeur. L’absence de changement des bougies n’a pas été considérée comme une faute ayant contribué aux dommages. Décision du tribunalLe tribunal a reconnu l’existence d’un vice caché au moment de la vente, condamnant in solidum les sociétés GARAGE DE L’ALMA SAGA et AUTOMOBILES CITROËN à indemniser Mme [C] [T] [L] pour les réparations et la perte de jouissance. Les frais de gardiennage seront remboursés sur présentation de factures acquittées. Les défendeurs ont également été condamnés aux dépens et à verser des frais irrépétibles à Mme [C] [T] [L]. |
– N° RG 23/02190 – N° Portalis DB2Y-W-B7H-CDCI7
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MEAUX
1ERE CHAMBRE
Date de l’ordonnance de
clôture : 07 octobre 2024
Minute n° 24/1061
N° RG 23/02190 – N° Portalis DB2Y-W-B7H-CDCI7
Le
CCC : dossier
FE :
Me BERTAULT
Me BOUILLON
Me BARETY
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUGEMENT DU TRENTE ET UN DECEMBRE DEUX MIL VINGT QUATRE
PARTIES EN CAUSE
DEMANDERESSE
Madame [F] [C] [T] [L]
[Adresse 3]
[Localité 6]
représentée par Maître Solène BERTAULT de la SELARL LEMYS AVOCATS, avocats au barreau de MEAUX, avocats postulant, Maître Simon VICAT de la SELARL AVK ASSOCIES, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocats plaidant
DEFENDERESSES
S.A.S. SAGA GARAGE DE L’ALMA
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Maître Philippe BOUILLON de la SCP ATALLAH COLIN MICHEL VERDOT ET AUTRES, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant
S.A.AUTOMOBILES CITROËN,
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Me Nicolas BARETY, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats et du délibéré :
Président : M. BATIONO, Premier Vice-Président
Assesseurs: Mme VISBECQ, Juge
M. NOIROT, Juge
Jugement rédigé par : M. NOIROT, Juge
DEBATS
A l’audience publique du 21 Novembre 2024
GREFFIER
Lors des débats et du délibéré : Mme BOUBEKER, Greffière
– N° RG 23/02190 – N° Portalis DB2Y-W-B7H-CDCI7
JUGEMENT
contradictoire, mis à disposition du public par le greffe le jour du délibéré, et après prorogation du délibéré initialement prévu au 19 décembre 2024, M. BATIONO, Président, ayant signé la minute avec Mme BOUBEKER, Greffière ;
*******************
EXPOSE DU LITIGE
Mme [F] [C] [T] [L] a acquis le 27 novembre 2009 un véhicule neuf CITROËN C4 immatriculé [Immatriculation 7] auprès du garage CITROEN DE L’ALMA-SAGA au prix net de 17519,50 €. Elle en a pris livraison et le véhicule a été mis en circulation le 5 janvier 2010.
Le constructeur préconise pour ce véhicule un entretien tous les 30.000 kms ou 2 ans au premier des deux termes échus et le remplacement des bougies d’allumage à 60.000 kms.
Le 14 février 2018, Mme [C] [T] [L] a rencontré des problèmes avec le véhicule sur l’autoroute, le voyant d’alerte « système antipollution défaillant » s’affichant, suivi d’une perte de puissance.
Le véhicule a été entreposé à compter du 1er juin 2018 au GARAGE CHAPUIS CITROËN (PUY-DE-DÔME) qui chiffrait les réparations à 3600,72 € TTC.
L’expert conseil diligenté par l’assurance GMF de Mme [C] [T] [L] a conclu à un problème de bougies consécutif d’un défaut d’entretien faute de changement à 60000 km. Les entretiens avaient été effectués jusqu’à 50000 km auprès du vendeur la société GARAGE DE L’ALMA SAGA, puis dans le réseau SPEEDY puis en décembre 2017 à nouveau auprès du vendeur.
Par ordonnance de référé du 11 janvier 2021, M. [M] a été désigné aux fins d’expertise judiciaire. Etaient assignées la société GARAGE DE L’ALMA SAGA, la société GARAGE CHAPUIS et la SAS SPEEDY France. En cours d’expertise, l’expert a identifié que le problème provenait d’un vice de conception du véhicule, de sorte que la SAS AUTOMOBILES CITROEN a été assignée le 13 décembre 2021 en ordonnance commune par la société GARAGE DE L’ALMA SAGA et que par ordonnance du 11 avril 2021 les opérations d’expertise judiciaire lui ont été rendues communes. L’expert judiciaire a déposé son rapport le 14 novembre 2022.
Par actes de commissaire de justice des 26 avril 2023 et 3 mai 2023, Mme [C] [T] [L] a fait assigner la SAS GARAGE DE L’ALMA SAGA et la SAS AUTOMOBILES CITROEN devant le tribunal judiciaire de MEAUX aux fins d’indemnisation.
Par ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 1er août 2024, Mme [C] [T] [L] demande au tribunal de :
« Vu les articles 1641 et suivants du Code Civil,
Vu les articles 1217 et suivants du Code Civil,
Vu la jurisprudence citée,
Vu les pièces,
CONDAMNER la société (CITROEN) GARAGE DE L’ALMA-SAGA et la société AUTOMOBILES CITROËN, solidairement, et à tout le moins in solidum, à payer et porter à Madame [C] [T] [L] les sommes suivantes :
• 36 500 € au titre du préjudice de jouissance et d’immobilisation au 14 février 2023, sauf à parfaire jusqu’à complet règlement des sommes permettant de réparer le véhicule et de régler les frais de gardiennage réclamés par la société GARAGE CITROËN CHAPUIS,
• 3 600, 72 € TTC au titre des réparations du véhicule, sauf à parfaire,
• 1 225, 28 € au titre de la moitié des primes d’assurance payés, sauf à parfaire jusqu’à complet règlement des sommes permettant de réparer le véhicule et de régler les frais de gardiennage réclamés par la société GARAGE CITROËN CHAPUIS,
• 42 660 € au titre des frais de gardiennage au 2 avril 2024, sauf à parfaire jusqu’au jour de la récupération de véhicule,
Le tout, avec intérêts au taux légal, outre capitalisation, à compter à compter de l’assignation.
A titre infiniment subsidiaire, si le Tribunal devait considérer, par impossible, que le défaut de changement des bougies est la cause de l’avarie,
CONDAMNER la société CITROEN DE L’ALMA-SAGA à payer et porter 99% sommes susvisées au titre de la perte de chance subie par Madame [C] [T] [L], le tout, avec intérêts au taux légal, outre capitalisation, à compter de l’assignation.
En tout état de cause
DEBOUTER la société (CITROEN) GARAGE DE L’ALMA-SAGA et la société AUTOMOBILES CITROËN de l’ensemble de leurs conclusions, demandes, fins et prétentions,
CONDAMNER in solidum la société (CITROEN) GARAGE DE L’ALMA-SAGA et la société AUTOMOBILES CITROËN à payer et porter à Madame [C] [T] [L] la somme de 8 000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
CONDAMNER les défenderesses aux entiers dépens, mais également à supporter le coût des droits proportionnels,
PRONONCER l’exécution provisoire de la décision à intervenir ».
Mme [C] [T] [L] expose notamment que :
– l’expert a conclu que « l’ensemble des éléments ci-dessus nous amène à confirmer que l’ensemble des désordres sont imputables en totalité à un défaut de la conception de la mécanique » ;
– son action est fondée sur la garantie des vices cachés ;
– le vendeur professionnel est présumé connaître les vices cachés ;
– l’expertise initiale de M. [I], expert conseil, n’est pas une expertise judiciaire ;
– l’expert judiciaire a bien conclu que le changement des bougies était indifférent et que les dommages survenus se seraient produits en toute hypothèse du fait du vice de conception ;
– le problème soulevé par l’expert judiciaire est connu du constructeur ;
– les défendeurs ne demandent pas de contre-expertise, de sorte que leurs moyens ne sont que de pure opportunité ;
– si l’expert judiciaire propose une réparation, c’est que celle-ci permet de remédier au défaut de conception ;
– le défaut de conception, générant un encrassement du moteur, était nécessairement caché pour un acquéreur profane ;
– depuis l’avarie, le véhicule est impropre à son usage et en gardiennage au garage CITROEN CHAPUIS ;
– si elle avait su qu’elle achetait un véhicule atteint d’un vice rendant la panne inéluctable, elle ne l’aurait pas acquis ;
– le trou de fusion de la soupape a été provoqué immédiatement, dès la perte de puissance et l’apparition du voyant, les 321 km parcourus ensuite pour rejoindre un garagiste CITROEN étant indifférents ;
– ces kilomètres parcourus pour rejoindre un garagiste n’ont pas augmenté l’assiette des réparations, l’expert judiciaire énonçant que le changement du joint de culasse est indispensable en cas de casse de soupape ;
– c’est la soupape d’échappement qui s’est percée sur l’autoroute, entrainant une perte de puissance ;
– si le défaut de conception n’avait pas été présent, les kilomètres supplémentaires parcourus auraient été indifférents ;
– elle n’a commis aucune faute à l’origine de l’avarie et son comportement post-avarie n’a pas accru le coût des réparations ;
– l’expert judiciaire a clairement établi que l’entretien du véhicule était sans lien de causalité avec l’avarie rencontrée ;
– l’expert conseil a en outre conclu que le GARAGE DE L’ALMA était responsable de ne pas l’avoir informée de la nécessité de changer les bougies à 60000 km ;
– son préjudice de perte de jouissance depuis le 14 février 2018 s’élève à 20 € par jour, soit 36500 € ;
– l’immobilisation de son véhicule suffit à constituer son préjudice sans nécessité de produire une facture au titre d’un véhicule de remplacement ;
– le GARAGE CITROEN CHAPUIS a émis le 7 juin 2018 un devis de 3600,72 € TTC au titre des frais de réparation, retenu par l’expert sous réserve d’actualisation ;
– la demande de réparation n’est pas en contradiction avec le vice de conception allégué, car elle peut y remédier ;
– elle a payé des primes d’assurance obligatoire pour un véhicule qui ne peut circuler ;
– le garage CITROEN CHAPUIS lui a facturé des frais de gardiennage à hauteur de 20 € par jour et lui réclamait au 2 avril 2024 la somme de 42660 € à ce titre, étant précisé qu’à défaut de leur paiement le garagiste peut lui opposer son droit de rétention ;
– elle n’est pas tenue de produire des factures acquittées pour être indemnisée des frais de gardiennage qui constituent une dette ;
– la facture définitive des frais de gardiennage ne sera établie que lorsque le véhicule sera récupéré ;
– si le tribunal devait considérer que les bougies sont la cause de l’avarie, alors la responsabilité en incomberait au garage CITROEN DE L’ALMA SAGA en charge de l’entretien et qui n’a pas changé les bougies lors de l’entretien du 24 décembre 2017 alors que le véhicule avait parcouru 81018 km, soit plus des 60000 km recommandés ;
– cela fait 6 ans qu’elle est privée de son véhicule et doit financer des frais de procédures longues et onéreuses.
Par ses dernières conclusions au fond notifiées par le RPVA le 4 juillet 2024, la SAS GARAGE DE L’ALMA SAGA demande au tribunal de :
« Vu les articles 1641 et suivants du code civil,
Vu les articles 9 et 246 du code de procédure civile,
Vu les articles 1103 et suivants et 1217 et suivants du code civil,
A titre principal,
– Débouter Madame [F] [C] [T] [L] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
A titre subsidiaire,
– Condamner Automobiles Citroën SA à garantir Société Automobile du Garage de l’Alma SAS de l’intégralité des condamnations prononcées au profit de Madame [C] [T] [L], en ce compris celles au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens ;
– Juger Madame [C] [T] [L] responsable de l’intégralité de son préjudice subi ;
A titre très subsidiaire,
– Limiter le montant du préjudice subi par Madame [C] [T] [L] compte tenu de la faute qu’elle a commise ;
En toute hypothèse,
– Condamner Madame [F] [C] [T] [L] à payer à Société Automobile du Garage de l’Alma SAS la somme de 8.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner la partie succombant aux entiers dépens ».
La SAS GARAGE DE L’ALMA SAGA expose notamment que :
– jusqu’à 50000 km, l’entretien du véhicule lui a été confié conformément au contrat de service souscrit lors de l’acquisition du véhicule, puis il a été confié au réseau SPEEDY, avant de lui être à nouveau confié avec un kilométrage de 81018 km ;
– le 14 février 2018, Mme [C] [T] [L] a continué de rouler 321 km malgré l’affichage du voyant « système antipollution défaillant » jusqu’à ce que le véhicule subisse une perte de puissance et tombe en panne à [Localité 8] (19) en arrivant au garage CITROEN LACHAUD qui a diagnostiqué une défaillance des bougies d’allumage ;
– le 3 mars 20218 Mme [C] [T] [L] a fait enlever son véhicule par le garage CITROEN CHAPUIS qui a diagnostiqué la casse d’une soupape et établi un devis de 3600, 72 € TTC ;
– la GMF, assureur de Mme [C] [T] [L], a missionné M. [I] aux fins d’expertise automobile qui a conclu que le non-respect de la préconisation du constructeur concernant le remplacement des bougies à 60000 km était imputable au propriétaire du véhicule ;
– l’expert judiciaire a écarté tout manquement des professionnels dans l’entretien du véhicule et imputé l’avarie à un défaut inhérent à la conception du moteur CITROEN équipant le véhicule ;
– il est incohérent de réparer un véhicule dont le moteur est affecté d’un vice de conception ;
– Mme [C] [T] [L] a roulé 321 km malgré l’affichage du voyant « système antipollution défaillant » jusqu’à ce que le moteur s’arrête définitivement ;
– l’expert judiciaire n’a pu examiner les bougies d’allumage du véhicule égarées depuis 2019 par le garage CHAPUIS choisi par Mme [C] [T] [L] ;
– le « prétendu défaut de conception du moteur (VTI valve timing injection) (…) demeure au stade d’une simple assertion de l’expert judiciaire » ;
– la charge de la preuve repose sur l’acquéreur et les conclusions du rapport d’expertise judiciaire ne constituent pas cette preuve ;
– le tribunal n’est pas lié par le rapport d’expertise judiciaire ;
– l’expert judiciaire expose que le véhicule aurait dû être stoppé dès l’apparition de la première alerte et son utilisation durant 321 km supplémentaires a aggravé les dommages ;
– un trou de fusion sur la soupape d’un cylindre trouve son origine dans la formation d’arcs électriques anormaux provenant d’une bougie d’allumage défaillante ;
– la disparition des bougies d’allumage du moteur du véhicule automobile Citroën C4 immatriculé [Immatriculation 7] a interdit d’identifier l’origine de la pièce cause du trou de fusion constaté sur la soupape d’un cylindre ;
– l’expert conseil M. [I] a considéré que la panne avait pour cause le non-remplacement des bougies à 60000 km tel que préconisé par le constructeur et que seule la propriétaire du véhicule en était responsable ;
– la disparition des bougies a empêché d’explorer l’hypothèse d’un défaut de fabrication de la bougie d’allumage ou de vérifier le fait que les bougies installées au jour de l’avarie étaient bien celles d’origine et par conséquent de la compatibilité des bougies installées au jour de l’avarie avec le moteur ;
– il ne peut être écartée l’hypothèse plausible du remplacement des bougies d’origine hors l’intervention d’un garagiste professionnel ;
– le défaut de conception du moteur soulevé par l’expert judiciaire ne repose que sur son affirmation faute de produire les notes internes à CITROEN évoquées par l’expert judiciaire ;
– durant plus de 80000 km, Mme [C] [T] [L] ne s’est pas plainte d’une surconsommation d’huile ou de carburant ou encore de l’allumage du voyant « système antipollution défaillant » ;
– en continuant de rouler 321 km après l’allumage du voyant d’alerte, Mme [C] [T] [L] a commis une faute contribuant à son propre préjudice et justifiant la réduction de son droit à indemnisation ;
– Sur les 5 années de préjudice de jouissance et d’immobilisation dont se prévaut Mme [C] [T] [L], plus de la moitié sont imputables à sa seule inertie ;
– Madame [C] [T] [L] a attendu le 28 mars 2019, 13 mois après la panne du 14 février 2018, pour déclarer un sinistre à son assureur de protection juridique et octobre 2020, en possession du rapport [I] du 17 juin 2019, et 32 mois après, pour introduire une procédure de référés aux fins d’une mission d’expertise ;
– les 31146,23 € TTC demandés au titre des frais de gardiennage correspondent à une facture du garage Chapuis du 2 septembre 2022 qui n’a pas été prise en compte par l’expert judiciaire et ne figure pas dans les annexes du rapport d’expertise ;
– les frais de gardiennage facturés à hauteur de 20 € par jour correspondent à ceux pratiqués en zone urbaine et non rurale là où est entreposé le véhicule et Mme [C] [T] [L] ne justifie pas les avoir acquittés ;
– Mme [C] [T] [L] est responsable du défaut de remplacement des bougies et de la perte des bougies installées au jour de l’avarie ;
– Mme [C] [T] [L] ne prouve pas son préjudice de jouissance ;
– le constructeur Automobiles Citroën avec qui elle est liée par un contrat de distribution automobile doit la garantir de toute condamnation ;
– ni le Garage Chapuis, responsable de la perte des bougies d’allumage équipant le véhicule le 14 février 2018, ni Speedy France, ayant entretenu le véhicule lors du passage du seuil des 60000 km, pourtant présents aux opérations d’expertise judiciaire, n’ont été attraits dans la présente instance.
Par ses dernières écritures notifiées par le RPVA le 30 janvier 2024, la SAS AUTOMOBILES CITROEN demande au tribunal de :
« Vu l’article 1641 et suivants du code civil,
Vu l’article 9 du code de procédure civile,
Juger que Madame [C] [T] [L] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de l’existence et de la cause d’un vice caché antérieur à la première mise en circulation du véhicule,
En conséquence,
Débouter Madame [C] [T] [L] de l’ensemble de ses demandes à toutes fins qu’elles comportent,
Débouter la société AUTOMOBILES DU GARAGE DE L’ALMA de l’ensemble de ses demandes à toutes fins qu’elles comportent,
A titre très subsidiaire,
Juger que Madame [C] [T] [L] ne rapporte pas la preuve des préjudices invoqués,
En conséquence,
La débouter de ses demandes.
Condamner Madame [C] [T] [L] à verser à AUTOMOBILES CITROEN la somme de 1.500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamner Madame [C] [T] [L] en tous les dépens dont distraction au profit de Maître, Avocat, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ».
La SAS AUTOMOBILES CITROEN expose notamment que :
– l’expert conseil a imputé l’avarie au non-remplacement des bougies à 60000 km ;
– elle a vivement contesté les conclusions du rapport d’expertise judiciaire, le vice de conception du moteur soulevé par ce dernier ne reposant sur aucun élément ;
– les faits montrent que la défaillance moteur était la conséquence du défaut d’une bougie ;
– l’état d’encrassement de la chambre de combustion était normal compte tenu du kilométrage du véhicule ;
– aucune consommation anormale d’huile n’avait été constatée ;
– l’affirmation de l’expert d’après laquelle les désordres « sont la conséquence de défauts de conception et de problématiques d’étanchéité moteur et de très probable consommation anormale d’huile moteur » est dénuée de fondement et n’est étayée d’aucun élément objectif ;
– l’expert a concédé que l’utilisation du véhicule pendant 321 kms avec le défaut voyant moteur allumé avait contribué à aggraver les dommages ;
– Mme [C] [T] [L] ne prouve pas l’existence d’un vice caché ;
– l’expert conseil de l’assurance de Mme [C] [T] [L] n’a pas constaté que l’encrassement était anormal et n’a pas fait état d’un défaut de conception qui serait connu de tous ;
– les conclusions de l’expert judiciaire sont incohérentes ;
– l’expert conseil a relevé que l’origine de l’avarie était un dysfonctionnement du système d’allumage, donc des bougies, qui a provoqué un phénomène anormal d’arcs électriques générant la fusion de la tulipe de la soupape ;
– si le constructeur préconise le remplacement des bougies d’allumage à 60.000 km, c’est bien parce qu’au-delà elles sont susceptibles de ne plus remplir correctement leur rôle et d’engendrer des dysfonctionnements du système d’allumage ;
– la cause de la panne est doublement imputable à Mme [C] [T] [L] puisqu’elle n’a pas fait changer les bougies à 60000 kms et a continué de rouler pendant 321 kms « après avoir été informé de ratés de combustion par l’affichage d’un voyant d’alerte au tableau de bord » ;
– l’expert judiciaire reconnaît que si les bougies avaient été remplacées dès la première alerte, cela aurait permis d’éviter la destruction de la soupape ;
– les deux rapports d’expertise sont contradictoires et tous les deux ont été soumis à la discussion des parties ;
– le tribunal n’est pas lié par le rapport d’expertise judiciaire et le défaut de changement des bougies à 60000 kms constitue un élément objectif contrairement aux assertions de l’expert judiciaire ;
– subsidiairement, la réparation sera limitée au coût du changement de 4 bougies, soit 57,94 €, Mme [C] [T] [L] ayant commis une faute en continuant de rouler malgré le voyant allumé ;
– Mme [C] [T] [L] ne justifie pas du coût du remplacement de son véhicule et donc du préjudice de jouissance qu’elle allègue, outre qu’elle est seule responsable de ce préjudice en ayant continué de rouler 321 kms voyant d’alerte allumé ;
– Mme [C] [T] [L] a fait preuve d’inertie durant plus de 2 ans ;
– il appartenait à Mme [C] [T] [L] de suspendre son assurance automobile durant la période d’immobilisation de son véhicule, outre que l’immobilisation du véhicule est exclusivement due à la faute de Mme [C] [T] [L] ;
– la pièce produite par Mme [C] [T] [L] au titre des frais de gardiennage n’est pas une facture, mais une estimation, aucun frais de gardiennage n’ayant été facturé, ils ne le seront peut-être pas, de sorte que ce poste de préjudice est éventuel et n’est donc pas indemnisable.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières écritures susvisées des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 octobre 2024.
L’affaire a été évoquée à l’audience des plaidoiries du 21 novembre 2024 et mise en délibéré au 19 décembre 2024, prorogé au 31 décembre 2024.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,
DIT que le véhicule CITROEN C4 immatriculé [Immatriculation 7] acquis par Mme [C] [T] [L] le 27 novembre 2009 auprès de la société GARAGE DE L’ALMA SAGA et livré le 5 janvier 2010 était atteint d’un vice caché au jour de la vente et que ce vice existait au jour antérieur de la vente du véhicule par la société AUTOMOBILES CITROEN à son distributeur la société GARAGE DE L’ALMA SAGA ;
DIT que Mme [C] [T] [L] n’a commis aucune faute en lien de causalité avec l’avarie du véhicule et ses préjudices subséquents ;
CONDAMNE in solidum les sociétés GARAGE DE L’ALMA SAGA et AUTOMOBILES CITROEN à payer à Mme [C] [T] [L] les sommes suivantes avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement et leur capitalisation annuelle à défaut de paiement dans l’année :
– 3600,72 € à titre de réduction du prix correspondant au coût des réparations,
– 12375 € à titre d’indemnisation du préjudice de perte de jouissance du véhicule immobilisé depuis le 14 février 2018 ;
REJETTE le surplus de demande notamment quant aux frais d’assurance du véhicule ;
CONDAMNE in solidum les sociétés GARAGE DE L’ALMA SAGA et AUTOMOBILES CITROEN à payer les frais de gardiennage du véhicule depuis le 1er juin 2018 facturés par le garage CHAPUIS CITROEN, sur présentation par Mme [C] [T] [L] d’une facture acquittée ;
CONDAMNE in solidum les sociétés GARAGE DE L’ALMA SAGA et AUTOMOBILES CITROEN aux dépens de l’instance comprenant le coût de l’expertise judiciaire ;
CONDAMNE in solidum les sociétés GARAGE DE L’ALMA SAGA et AUTOMOBILES CITROEN à payer 5000 € à Mme [C] [T] [L] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société AUTOMOBILES CITROEN à garantir la société GARAGE DE L’ALMA SAGA de toutes les condamnations précitées prononcées à son encontre ;
RAPPELLE que l’exécution provisoire du présent jugement est de droit.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT
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