Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Nanterre
Thématique : Prescription et charge de la preuve : enjeux d’une action en réparation des préjudices.
→ RésuméContexte de l’AffaireMonsieur [J] a assigné la société 2B Patrimoine et son assureur, la société CGPA, devant le tribunal judiciaire de Nanterre le 19 juillet 2023. Il réclame des dommages et intérêts pour divers préjudices, incluant une somme de 24 250 euros pour réparation intégrale, ainsi que d’autres montants pour perte de chance, préjudice financier et moral. Demandes des DéfenderessesLe 13 décembre 2023, les sociétés 2B Patrimoine et CGPA ont contesté l’action de Monsieur [J], arguant que celle-ci était prescrite. Elles ont demandé le rejet de toutes les demandes de Monsieur [J] et ont sollicité des dommages et intérêts à son encontre pour abus de procédure. Arguments de Monsieur [J]En réponse, Monsieur [J] a soutenu que les défenderesses n’avaient pas prouvé la prescription de l’action. Il a affirmé que le point de départ de la prescription était la découverte de son dommage, survenue à la fin de l’année 2020, et a demandé des dommages et intérêts pour ce qu’il considère comme une intention dilatoire de la part des défenderesses. Désistement des DéfenderessesLe 4 décembre 2024, les sociétés 2B Patrimoine et CGPA ont décidé de se désister de leur demande de fin de non-recevoir liée à la prescription, tout en maintenant leur position sur le rejet des demandes de Monsieur [J]. Elles ont justifié ce revirement par un changement de jurisprudence. Décision du Juge de la Mise en ÉtatLe juge a pris acte du désistement des défenderesses concernant la prescription et a rejeté la demande de dommages et intérêts de Monsieur [J]. Il a également condamné les sociétés 2B Patrimoine et CGPA à verser 1 800 euros à Monsieur [J] pour les frais irrépétibles, ainsi qu’à supporter les dépens de l’incident. Prochaines ÉtapesL’affaire a été renvoyée à une audience de mise en état électronique prévue pour le 13 mars 2025, où des conclusions au fond seront présentées. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTERRE
6ème Chambre
ORDONNANCE DE MISE EN ETAT
Rendue le 03 Janvier 2025
N° RG 23/06597 – N° Portalis DB3R-W-B7H-YTIT
N° Minute : 24/
AFFAIRE
[X] [J]
C/
Société 2B PATRIMOINE, Société CGPA
Copies délivrées le :
A l’audience du 10 Décembre 2024,
Nous, Louise ESTEVE, Juge de la mise en état assistée de Sylvie CHARRON, Greffier ;
DEMANDEUR
Monsieur [X] [J]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représenté par Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0326
DEFENDERESSES
Société 2B PATRIMOINE
[Adresse 1]
[Localité 6]
Société CGPA
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentées par Maître Arnaud PERICARD de la SELARL ARMA, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : B0036
ORDONNANCE
Par décision publique, rendue en premier ressort, contradictoire susceptible d’appel dans les conditions de l’article 795 du code de procédure civile, et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats.
Les avocats des parties ont été entendus en leurs explications, l’affaire a été ensuite mise en délibéré et renvoyée pour ordonnance.
Avons rendu la décision suivante :
La société 2B Patrimoine, conseillère en investissements financiers, a orienté Monsieur [X] [J] vers un placement dénommé « Bio C Bon » (formule « BCBB RENDEMENT »), souscrit par l’intermédiaire de la société 2B Patrimoine en date du 2 septembre 2014 pour un montant de 25 000 euros. Il s’agit de la souscription de 1 250 actions de la société Essor Biologique.
Concomitamment à cette souscription, Monsieur [J] a signé un pacte d’actionnaires aux termes duquel la société Bio C Bon s’est engagée à lui racheter ses titres à échéance à un montant déterminé, suivant les modalités du produit BCBB. Monsieur [J] a renoncé dans le même temps au rachat annuel de ses titres.
Ce placement consiste à apporter des fonds au Groupe Bio C Bon dans le cadre exclusif d’une participation en capital dans une société non cotée, pour bénéficier d’une part d’un rendement annuel contractuel de 7% et, d’autre part, d’un « éventuel bonus » fonction du nombre d’ouverture de magasins Bio C Bon, cette fois à une échéance de cinq années.
Au terme de ces cinq années de détention des actions de la société Essor Biologique, Monsieur [J] a levé l’option. La valorisation de son placement a atteint la somme de 33 750 euros.
Un contrat de cession de titres lui a été transmis. Le cessionnaire est la société Essor Biologique. Le prix de cession stipulé est à hauteur de la valorisation des actions, à savoir 33 750 euros. La société Marne et Finance, actionnaire de la société Bio C Bon, n’a jamais retourné le contrat de cession des actions signé.
Par courrier du 20 avril 2020, la société 2B Patrimoine a informé Monsieur [J] de l’absence d’informations concernant le contrat de cession de la société Marne et Finance et des difficultés des magasins Bio C Bon.
Le Groupe Bio C Bon a fait l’objet d’une liquidation judiciaire en date du 2 novembre 2020.
La société Essor Biologique dont Monsieur [J] est actionnaire n’était pas incluse dans le périmètre de cette procédure collective. Son Président Monsieur [T] [F] a procédé en mai 2022 à une déclaration de cessation totale d’activité de cette société avec effet au 1er janvier 2022.
Monsieur [T] [F] et Monsieur [T] [B], dirigeants de Bio C Bon sont poursuivis pour pratiques commerciales trompeuses par le procureur de la République de Paris.
Par courrier du 26 août 2022, Monsieur [J] a reproché à la société 2B Patrimoine de lui avoir recommandé le produit « BCBB RENDEMENT » en dépit de son défaut de régulation et d’une multiplication de mécanismes manifestement trompeurs le faisant regarder ab initio comme un placement hasardeux à déconseiller à tout investisseur. La société 2B Patrimoine n’a pas donné suite ce courrier.
Par acte d’huissier en date du 19 juillet 2023, Monsieur [J] a fait assigner la société 2B Patrimoine et la société CGPA, assureur de la société 2B Patrimoine, devant le tribunal judiciaire de Nanterre aux fins de :
Condamner la société 2B Patrimoine à verser à Monsieur [X] [J] la somme de 24 250 euros à titre de dommages et intérêts en réparation intégrale de son préjudice ;A défaut, condamner la société 2B Patrimoine à verser à Monsieur [X] [J] la somme de 23 750 euros en réparation de la perte de chance de ne pas être engagée dans un placement aussi hasardeux ;Condamner la société 2B Patrimoine à verser à Monsieur [X] [J] la somme de 3 375 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier accessoire d’immobilisation du capital ;Condamner la société 2B Patrimoine à verser à Monsieur [X] [J] la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;Condamner la société CGPA à garantir l’ensemble des condamnations financières prononcées au bénéfice de Monsieur [J] sous déduction de la franchise contractuelle prévue à la police d’assurance ;Condamner in solidum la société 2B Patrimoine et la société CGPA aux entiers dépens ;Condamner in solidum la société 2B Patrimoine et la société CGPA à payer Monsieur [J] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.Par conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 13 décembre 2023, les sociétés 2B Patrimoine et CGPA sollicitent du juge de la mise en état de :
Juger que l’action du demandeur est prescrite ;Débouter le demandeur de l’ensemble de ses demandes à l’encontre des sociétés 2B Patrimoine et CGPA ;Condamner Monsieur [J] à payer à la société 2B Patrimoine et à la société CGPA la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.Au soutien de la fin de non-recevoir soulevée, les défenderesses estiment que l’action en justice de Monsieur [J] est prescrite, sur le fondement de l’article 122 du code de procédure civile et de l’article 2224 du code civil. Elles soutiennent que le dommage allégué par Monsieur [J] résulte d’un manquement à une obligation d’information précontractuelle de conseil et de mise en garde qui s’analyse comme la perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses. Dans ces conditions, elles considèrent que le dommage se manifeste lors de la conclusion du contrat qui est le point de départ du délai de prescription. Elles soutiennent que par exception, le point de départ de la prescription peut être reporté au jour où le demandeur a eu connaissance de son dommage mais que la charge de la preuve pèse alors sur le demandeur, qui ne la rapporte pas en l’espèce.
Par conclusions en réponse à l’incident notifiées le 24 novembre 2024, Monsieur [J] sollicite du juge de la mise en état de :
Rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la société 2B Patrimoine et la société CGPA ;Condamner in solidum la société 2B Patrimoine et la société CGPA à payer à Monsieur [X] [J] une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de l’abus et du caractère dilatoire de l’incident ;Condamner in solidum la société 2B Patrimoine et la société CGPA aux dépens ;Condamner in solidum la société 2B Patrimoine et la société CGPA à payer à Monsieur [X] [J] une somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 code de procédure civile.Au soutien de sa demande de rejet des prétentions adverses, Monsieur [J] estime que les défenderesses ne rapportent pas la charge de la preuve la prescription de l’action, sur le fondement des articles 1353 et 2224 du code civil. Il ajoute que le point de départ de la prescription est la date de découverte du dommage, ce qui est la découverte de la liquidation judiciaire de la société Bio C bon à la fin de l’année 2020.
Au soutien de sa demande de dommages et intérêts, Monsieur [J] estime que les défenderesses ont attendu la veille de l’audience de mise en état pour soulever une fin de non-recevoir, ce qu’il analyse comme une intention dilatoire cherchant à le décourager, sur le fondement de l’article 123 du code de procédure civile et 1240 du code civil.
Par dernières conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 04 décembre 2024, les sociétés 2B Patrimoine et CGPA sollicitent du juge de la mise en état de :
Prendre acte que les sociétés 2B Patrimoine et CGPA se désistent de leur fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action de Monsieur [J] ;Débouter Monsieur [J] de sa demande de condamnation des sociétés 2B Patrimoine et CGPA au versement de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 123 du code de procédure civile ;Débouter Monsieur [J] de sa demande de condamnation des sociétés 2B Patrimoine et CGPA au versement de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;Renvoyer l’affaire à une date ultérieure pour les conclusions en défense des sociétés 2BG Patrimoine et CGPA.Au soutien de ses demandes, les sociétés 2B Patrimoine et CGPA soutiennent que leur demande initiale de fin de non-recevoir tirée de la prescription était légitime mais qu’en raison d’un revirement de jurisprudence opéré par la Cour de cassation en date des 27 mars et 03 juillet 2024, elles souhaitent se désister de leur demande. Elles sollicitent le rejet des demandes indemnitaires adverses sur le fondement de la légitimité de leur incident.
L’affaire était mise en délibéré au 03 janvier 2025.
PAR CES MOTIFS,
Le juge de la mise en état, statuant publiquement, par ordonnance contradictoire et susceptible d’appel dans les conditions de l’article 795 du code de procédure civile, mis à disposition au greffe,
CONSTATONS le désistement de la société 2B Patrimoine et de la société CGPA de leur incident fondé sur la prescription de l’action ;
REJETONS la demande de dommages et intérêts formée par Monsieur [X] [J] ;
CONDAMNONS in solidum la société 2B Patrimoine et la société CGPA à payer à Monsieur [X] [J] la somme de 1 800 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNONS in solidum la société 2B Patrimoine et la société CGPA aux dépens de l’incident ;
RENVOYONS l’affaire à l’audience de mise en état électronique du 13 mars 2025 à 9h30 pour conclusions au fond en défense.
signée par Louise ESTEVE, Magistrat, chargée de la mise en état, et par Sylvie CHARRON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER
LE JUGE DE LA MISE EN ETAT
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