Usufruit et obligations d’information : enjeux de gestion successorale et de préservation des biens.

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Usufruit et obligations d’information : enjeux de gestion successorale et de préservation des biens.

L’Essentiel : Mme [V] [N] a hérité de l’usufruit des biens de son défunt époux, M. [G]. Ses enfants, [E] [L] et [X] [L], ont contesté sa gestion, demandant la communication d’un état des valeurs mobilières et l’extinction de l’usufruit, invoquant un manque d’entretien et une dilapidation des biens. En réponse, Mme [N] a rejeté ces accusations et a demandé une indemnisation. Le tribunal a ordonné la production d’un nouvel inventaire des biens mobiliers et a suspendu la demande d’extinction de l’usufruit, en attendant les justificatifs requis. Une audience ultérieure a été programmée pour examiner l’affaire.

Contexte familial et succession

Mme [V] [N] a eu deux enfants, [E] [L] et [X] [L], issus de son premier mariage. Elle s’est ensuite mariée avec M. [B] [G], qui a adopté ses enfants. M. [G] est décédé le 9 juillet 2013, laissant son épouse et ses deux enfants comme héritiers. Dans le cadre de la succession, Mme [N] a hérité de l’usufruit de l’ensemble des biens, y compris des biens immobiliers et mobiliers.

Demande des enfants

Le 19 juillet 2023, [E] [L] et [X] [L] ont introduit une requête au tribunal, demandant la communication d’un état des valeurs mobilières de la succession, l’extinction de l’usufruit de Mme [N], ainsi qu’une indemnisation de 150 000 francs CFP chacun. Ils justifient leur demande par un manque d’entretien des biens immobiliers et une dilapidation des biens mobiliers, attribuant à Mme [N] une gestion défaillante de son patrimoine.

Réponse de Mme [N]

En réponse, Mme [V] [N] [G] a demandé le rejet des demandes des enfants et a réclamé une indemnisation de 150 000 francs CFP à leur encontre. Elle conteste les accusations des requérants, affirmant que leurs arguments ne sont pas fondés.

État des biens immobiliers

Mme [N] a présenté un mandat de gestion d’immeubles et des factures d’entretien pour prouver qu’elle a respecté son obligation d’information concernant les biens immobiliers. Un constat d’huissier a également été produit, décrivant l’état d’un des immeubles. Cela a été jugé suffisant pour répondre aux exigences d’information des nu-propriétaires.

Biens mobiliers et demande d’inventaire

Concernant les biens mobiliers, les requérants ont le droit de demander un état des valeurs mobilières, car leurs précédentes demandes sont restées sans réponse. Le tribunal a ordonné la production d’un nouvel inventaire des biens mobiliers et des justificatifs de leur conservation.

Demande d’extinction de l’usufruit

La demande d’extinction de l’usufruit a été suspendue, en attendant la production de l’état des valeurs mobilières. Selon le code civil, l’usufruit peut cesser en cas d’abus de jouissance ou de négligence dans l’entretien des biens.

Décision du tribunal

Le tribunal a ordonné à Mme [N] de fournir un état actualisé des valeurs mobilières dans un délai de trois mois, sous peine d’astreinte. Il a également renvoyé l’examen de l’affaire à une audience ultérieure et a réservé les autres demandes, y compris celles relatives aux dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les obligations de l’usufruitier en matière d’information envers le nu-propriétaire ?

L’article 578 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie stipule que :

« L’usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d’en conserver la substance. »

Cet article précise que l’usufruitier doit non seulement jouir des biens, mais également en préserver la substance.

En cas de demande du nu-propriétaire, l’usufruitier a l’obligation de transmettre toutes les informations concernant la substance et la valeur des biens.

Dans le cas présent, Mme [N] [G] a produit un mandat de gestion et des factures d’entretien, ce qui démontre qu’elle a respecté son obligation d’information concernant les biens immobiliers.

Cependant, pour les biens mobiliers, les requérants ont le droit de demander un état des valeurs mobilières, car leurs demandes sont restées sans réponse.

Ainsi, la communication d’un nouvel inventaire des biens est justifiée et doit être effectuée dans les conditions fixées par le jugement.

Quelles sont les conditions d’extinction de l’usufruit selon le code civil ?

L’article 618 du code civil de la Nouvelle-Calédonie énonce que :

« L’usufruit peut aussi cesser par l’abus que l’usufruitier fait de sa jouissance, soit en commettant des dégradations sur le fonds, soit en le laissant dépérir faute d’entretien. »

Cet article établit que l’usufruit peut être éteint si l’usufruitier abuse de son droit, notamment par des dégradations ou un manque d’entretien.

Les créanciers de l’usufruitier peuvent également intervenir pour protéger leurs droits, et les juges ont la possibilité de prononcer l’extinction de l’usufruit en fonction de la gravité des circonstances.

Dans cette affaire, les requérants soutiennent que Mme [N] [G] a mal géré les biens, justifiant ainsi leur demande d’extinction de l’usufruit.

Cependant, le tribunal a décidé de surseoir à statuer sur cette demande, en attendant la production d’un état des valeurs mobilières, ce qui montre l’importance de la transparence dans la gestion des biens.

Quelles sont les implications des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ?

L’article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie prévoit que :

« La partie qui succombe dans ses prétentions peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés par elle pour la défense de ses droits. »

Cet article permet à une partie de demander le remboursement des frais engagés dans le cadre d’une procédure judiciaire.

Dans le cas présent, les deux parties ont formulé des demandes au titre de l’article 700, ce qui montre que chacune estime avoir des raisons légitimes de réclamer des frais.

Cependant, le tribunal a décidé de surseoir à statuer sur cette question, ce qui signifie qu’il n’a pas encore pris de décision sur l’attribution des frais.

Cette décision souligne l’importance de résoudre d’abord les questions de fond avant de se prononcer sur les frais de justice.

Ainsi, les implications de l’article 700 restent en suspens jusqu’à ce que le tribunal ait statué sur les demandes principales.

Rôle général
des affaires civiles
N° RG 23/01860 – N° Portalis DB37-W-B7H-FW2X

JUGEMENT N°24/

Notification le : 30 décembre 2024

Copie certifiée conforme – SARL DESWARTE CALMET-CHAUCHAT AVOCATS
CCC – SARL BARBARA CAUCHOIS
Copie boite d’archive
Copie dossier
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE NOUMEA

JUGEMENT DU 30 DECEMBRE 2024

PARTIES EN CAUSE

DEMANDEURS

1- [E] [L]
de nationalité française
née le 10 Juin 1971 à [Localité 4]
demeurant [Adresse 1]

2- [X] [L]
de nationalité française
né le 14 Septembre 1969 à [Localité 4]
demeurant [Adresse 6]

tous deux non comparants, représentés par :
leur avocat postulant, Maître Martin CALMET de la SARL DESWARTE CALMET-CHAUCHAT AVOCATS, société d’avocats au barreau de NOUMEA
et par leur avocat plaidant, Maître Morgane DESWARTE, avocate au barreau de la Drôme
d’une part,

DEFENDERESSE

[V] [N] veuve [G]
née le 01 Mars 1948 à [Localité 3]
domiciliée [Adresse 2]

comparante, représentée par Maître Barbara CAUCHOIS de la SARL BARBARA CAUCHOIS, société d’avocats au barreau de NOUMEA

d’autre part,

COMPOSITION du Tribunal :

PRÉSIDENT : Luc BRIAND, Vice-Président du Tribunal de Première Instance de NOUMÉA,

GREFFIERE lors des débats : Véronique CHAUME

Débats à l’audience publique du 04 Novembre 2024, date à laquelle le Président a informé les parties que la décision serait remise avec le dossier au greffe de la juridiction pour l’audience du 30 Décembre 2024 conformément aux dispositions de l’article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

JUGEMENT contradictoire rendu publiquement par remise au greffe avec le dossier pour l’audience du 30 Décembre 2024 et signé par le président et la greffière, Christèle ROUMY, présente lors de la remise.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :

Mme [V] [N] a eu deux enfants de son premier mariage : [E] [L] et [X] [L].
Mme [N] s’est, par la suite, mariée avec M. [B] [G], lequel a adopté en la forme simple [E] et [X] [L].
M. [G] est décédé le 9 juillet 2013 à [Localité 5], laissant pour lui succéder son épouse et ses deux enfants.

Dans le cadre de la succession de M. [G], Mme [V] [N] a été rendue bénéficiaire de l’usufruit de la totalité des biens composant cette succession, dont notamment la moitié d’un bien immobilier situé dans le quartier de Ouémo, à [Localité 5], et un immeuble situé [Adresse 7], dans cette même ville, outre des biens mobiliers.

Par requête introductive d’instance signifiée à personne le 19 juillet 2023, et suivant leurs conclusions du 20 août 2024, [E] [L] et [X] [L] demandent au tribunal de :
avant dire droit, ordonner la communication, par Mme [N] [G], d’un état des valeurs mobilières relevant de la succession, sous astreinte,à titre principal, prononcer l’extinction de l’usufruit dont bénéficie Mme [N] [G] dans la succession de M. [G],condamner Mme [N] [G] à leur payer une somme de 150 000 francs CFP chacun au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,condamner Mme [N] [G] aux dépens.
A l’appui de leurs demandes, ils soutiennent pour l’essentiel que les biens immobiliers sont insuffisamment entretenus et que les biens mobiliers ont été dilapidés. Ils font valoir que le comportement de Mme [N] [G], marqué par des carences dans la gestion de son patrimoine, justifie que soit prononcée l’extinction de son usufruit.

En réplique, Mme [V] [N] [G] demande au tribunal de rejeter les demandes des requérants et de condamner ceux-ci à lui payer une somme de 150 000 francs CFP au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, outre les dépens.

Elle soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Les débats ont été clos par ordonnance du 25 avril 2024.

SUR CE :

Sur la demande de communication d’informations :

Aux termes de l’article 578 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie : « L’usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d’en conserver la substance »

Si le nu-propriétaire et l’usufruitier sont titulaires de droits réels distincts sur un même bien, l’usufruitier a l’obligation de transmettre au nu-propriétaire toutes informations sur la substance et la valeur de ce bien si le nu-propriétaire en fait la demande.

En l’espèce, dans le cadre de la présente procédure, Mme [N] [G] a produit un mandat de gestion d’immeubles conclu en 2007 par son mari, dont elle justifie du renouvellement jusqu’à ce jour, ainsi que de nombreuses factures d’entretien et de réparation des biens immobiliers en cause pour la période allant de 2018 à 2023. Elle produit également un constat d’huissier établi le 18 octobre 2023, qui dresse une description précise de l’immeuble situé [Adresse 7], à [Localité 5].
Par la production de ces éléments, Mme [N] [G] a suffisamment rempli son obligation d’information des nu propriétaires s’agissant des biens immobiliers.

S’agissant en revanche des biens mobiliers, les requérants, dont les demandes adressées à Mme [N] [G] sont restées sans réponse, sont fondés à demander la production d’un état des valeurs mobilières relevant de la succession de M. [G], sous la forme d’un nouvel inventaire des biens soumis à inventaire dans le cadre de la succession et de justificatifs de la conservation des fonds légués ou de leur réemploi. Cette communication s’effectuera dans les conditions fixées au dispositif de ce jugement.

Sur la demande d’extinction de l’usufruit :

Aux termes de l’article 618 du code civil de la Nouvelle-Calédonie : « L’usufruit peut aussi cesser par l’abus que l’usufruitier fait de sa jouissance, soit en commettant des dégradations sur le fonds, soit en le laissant dépérir faute d’entretien. / Les créanciers de l’usufruitier peuvent intervenir dans les contestations pour la conservation de leurs droits ; ils peuvent offrir la réparation des dégradations commises et des garanties pour l’avenir. / Les juges peuvent, suivant la gravité des circonstances, ou prononcer l’extinction absolue de l’usufruit, ou n’ordonner la rentrée du propriétaire dans la jouissance de l’objet qui en est grevé, que sous la charge de payer annuellement à l’usufruitier, ou à ses ayants cause, une somme déterminée, jusqu’à l’instant où l’usufruit aurait dû cesser. »

Il y a lieu de sursoir à statuer sur la demande d’extinction de l’usufruit formée par les requérants, dans l’attente de la production par Mme [N] [G] d’un état des valeurs mobilières relevant de la succession de M. [G].

Sur les autres demandes :

Compte tenu de la décision, il y a lieu de surseoir à statuer sur l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie et de réserver les dépens.

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, statuant avant dire droit, par jugement contradictoire, en premier ressort, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe,

ORDONNE à Mme [V] [N] [G] de communiquer à Mme [E] [L] et M. [X] [L] un état actualisé des valeurs mobilières relevant de la succession de M. [G], sous la forme d’un nouvel inventaire des biens soumis à inventaire dans le cadre de la succession et de justificatifs de la conservation des fonds légués ou de leur réemploi ;

DIT que cette communication devra intervenir dans un délai de trois mois suivant la signification du présent jugement, sous astreinte de 2 000 (deux mille) francs CFP par jour de retard ;

REVOQUE l’ordonnance de clôture et renvoie l’examen de l’affaire à l’audience de mise en état du 26 juin 2025 à 9h00 ;

SURSOIT à statuer sur l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie ;

RESERVE les dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé par mise à disposition au greffe de la juridiction les jour, mois et an ci-dessus.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT


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