Hospitalisation sous contrainte : enjeux de consentement et évaluation des troubles mentaux

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Hospitalisation sous contrainte : enjeux de consentement et évaluation des troubles mentaux

L’Essentiel : Monsieur [Y] [F] a été admis en soins psychiatriques le 11 décembre 2024, à la demande de son épouse, suite à un certificat médical du Docteur [J]. Ce dernier a constaté des troubles empêchant Monsieur [F] d’exprimer son consentement, recommandant une hospitalisation sous contrainte. Le directeur du centre hospitalier a confirmé cette décision, et des certificats ultérieurs ont validé la nécessité de l’hospitalisation. Le 17 décembre, le tribunal judiciaire de Nantes a été saisi pour statuer sur cette mesure, autorisée par ordonnance le 19 décembre. Monsieur [F] a interjeté appel, contestant la décision et la pertinence de son traitement.

Admission en soins psychiatriques

Le 11 décembre 2024, Monsieur [Y] [F] a été admis en soins psychiatriques à la demande de son épouse, suite à un certificat médical du Docteur [J] qui a constaté des troubles empêchant Monsieur [F] d’exprimer son consentement. Le médecin a recommandé une hospitalisation sous contrainte.

Décisions d’hospitalisation

Le directeur du centre hospitalier spécialisé de [Localité 3] a décidé le 11 décembre 2024 d’une hospitalisation complète pour Monsieur [F]. Des certificats médicaux ultérieurs, le 12 et le 14 décembre, ont confirmé la nécessité de maintenir cette hospitalisation.

Saisine du tribunal judiciaire

Le 17 décembre 2024, le directeur de l’hôpital a saisi le tribunal judiciaire de Nantes pour statuer sur l’hospitalisation complète de Monsieur [F]. Le magistrat a autorisé la poursuite de cette mesure par ordonnance du 19 décembre 2024.

Appel de Monsieur [F]

Monsieur [F] a interjeté appel de l’ordonnance le 27 décembre 2024, soutenant que la décision de son épouse était liée à des désaccords sur sa pratique religieuse. Il a reconnu sa pathologie maniaco-dépressive mais a contesté l’adéquation de son traitement.

Arguments de la défense

Le conseil de Monsieur [F] a demandé la mainlevée de l’hospitalisation, arguant que les certificats médicaux ne justifiaient pas suffisamment le maintien de la mesure.

Évaluation des troubles mentaux

Les certificats médicaux ont décrit des troubles du comportement et un état mental ne permettant pas le consentement aux soins. Malgré une amélioration, des symptômes persistants ont été notés, justifiant la nécessité de l’hospitalisation.

Décision finale

Le tribunal a confirmé que l’état mental de Monsieur [F] nécessitait des soins immédiats et une surveillance médicale constante. Les conditions légales pour la poursuite de l’hospitalisation étaient réunies, et la décision initiale a été maintenue.

Conséquences financières

Les dépens liés à la procédure ont été laissés à la charge du trésor public.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la recevabilité de l’appel

L’article R. 3211-18 du Code de la santé publique stipule que « le délai d’appel est de dix jours à compter de la notification de l’ordonnance ».

En l’espèce, Monsieur [Y] [F] a interjeté appel le 27 décembre 2024, soit dans le délai imparti.

De plus, l’article R. 3211-19 précise que « le premier président ou son délégué est saisi par une déclaration d’appel motivée transmise par tout moyen au greffe de la cour d’appel et la déclaration est enregistrée avec mention de la date et de l’heure ».

Monsieur [F] a respecté cette procédure, rendant son appel régulier en la forme et donc recevable.

Sur le fond de l’hospitalisation sous contrainte

L’article L. 3212-1 du Code de la santé publique énonce que « une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l’objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d’un établissement mentionné à l’article L. 3222-1 que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ; 2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d’une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° de l’article L. 3211-2-1 ».

Dans le cas présent, les certificats médicaux établis par les médecins traitants de Monsieur [F] indiquent clairement que son état mental ne lui permet pas d’exprimer un consentement éclairé.

Le certificat médical initial fait état de troubles du comportement et de propos délirants, tandis que le certificat de 72 heures souligne la persistance de ces troubles malgré le traitement.

Ainsi, les conditions légales pour la poursuite de l’hospitalisation sous contrainte sont réunies, justifiant la décision de maintenir cette mesure.

Sur la nécessité de la poursuite des soins psychiatriques

L’article L. 3212-1 I du Code de la santé publique précise que le juge doit se prononcer sur le bien-fondé de la mesure d’hospitalisation en se basant sur les certificats médicaux fournis, sans substituer son appréciation à celle des médecins.

Les certificats médicaux indiquent que Monsieur [F] présente des symptômes de troubles mentaux persistants, même après traitement.

Le certificat de situation du 31 décembre 2024 mentionne des comportements désorganisés et une dénégation de la pathologie, ce qui souligne la nécessité de soins continus.

Le risque de rupture des soins en cas de mainlevée de la mesure est également souligné par le médecin, ce qui renforce l’argument en faveur de la poursuite de l’hospitalisation.

Sur les dépens

Concernant les dépens, il est stipulé que « les dépens seront laissés à la charge du trésor public ».

Cette disposition est conforme aux règles de procédure civile, qui prévoient que les frais liés à la procédure soient pris en charge par l’État dans le cadre des contentieux relatifs aux hospitalisations sous contrainte.

Ainsi, la décision de laisser les dépens à la charge du trésor public est justifiée et conforme à la législation en vigueur.

COUR D’APPEL DE RENNES

N° 25/003

N° RG 24/00683 – N° Portalis DBVL-V-B7I-VP6A

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

article L 3211-12-4 du code de la santé publique

Gwenola VELMANS, conseiller à la cour d’appel de RENNES, déléguée par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur l’article L 3211-12-4 du code de la santé publique, assistée de Eric LOISELEUR, greffier placé,

Statuant sur l’appel formé le 27 Décembre 2024 par :

M. [Y] [F]

né le 05 Septembre 1949 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 2]

actuellement hospitalisé au Centre Hospitalier [4] de [Localité 3]

ayant pour avocat Me Aude-Emmanuelle CAMBONI, avocat au barreau de RENNES

d’une ordonnance rendue le 19 Décembre 2024 par le magistrat en charge des hospitalisations sous contrainte du tribunal judiciaire de NANTES qui a ordonné le maintien deson hospitalisation complète ;

En présence de [Y] [F], régulièrement avisé de la date de l’audience, assisté de Me Aude-Emmanuelle CAMBONI, avocat

En l’absence du tiers demandeur, Mme [O] [F], régulièrement avisée, ayant adressé un courrier le 30 Décembre 2024, lequel a été mis à disposition des parties,

En l’absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur FICHOT, avocat général, ayant fait connaître son avis par écrit déposé le 27 Décembre 2024, lequel a été mis à disposition des parties,

En l’absence du représentant de l’établissement de soins, régulièrement avisé, ayant adressé un certificat de situation le 30 Décembre 2024, lequel a été mis à disposition des parties,

Après avoir entendu en audience publique le 02 Janvier 2025 à 11H00 l’appelant et son avocat en leurs observations,

A mis l’affaire en délibéré et ce jour par mise à disposition au greffe, a rendu la décision suivante :

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 11 décembre 2024, Monsieur [Y] [F] a été admis en soins psychiatriques à la demande de son épouse au vu d’un certificat médical établi le même jour à 11 h 30 par le Docteur [J], psychiatre, n’exerçant pas dans l’établissement d’accueil, qui fait état de la présence de troubles chez Monsieur [F] ne lui permettant pas d’exprimer un consentement. Le médecin a estimé que son hospitalisation devait être assortie d’une mesure de contrainte.

Par une décision du 11 décembre 2024 du directeur du centre hospitalier spécialisé de [Localité 3] (44), Monsieur [Y] [F] a été admis en soins psychiatriques sous la forme d’une hospitalisation complète.

Le certificat médical des 24 heures établi le 12 décembre 2024 à 11 h 00 par le Dr [I] et le certificat médical des 72 heures établi le 14 décembre 2024 à 10 h 30 par le Dr [P], ont préconisé la poursuite de l’hospitalisation complète.

Par décision du 14 décembre 2024, le directeur du centre hospitalier spécialisé de [Localité 3] a maintenu les soins psychiatriques de Monsieur [Y] [F] sous la forme d’une hospitalisation complète. .

Le certificat médical de saisine du magistrat en charge du contentieux des hospitalisations sous contrainte établi le 17 décembre 2024 par le Dr [P] a décrit des troubles du jugement évidents ne permettant pas pour le moment d’envisager des soins à domicile. Le médecin a estimé que l’observation devait se poursuivre et que les soins psychiatriques à la demande d’un tiers en urgnece devaient être maintenus.

Par requête reçue au greffe le 17 décembre 2024, le directeur de l’hôpital du centre hospitalier spécialisé de [Localité 3] a saisi le tribunal judiciaire de Nantes afin qu’il soit statué sur la mesure d’hospitalisation complète.

Par ordonnance en date du 19 décembre 2024, le magistrat en charge du contentieux des hospitalisations sous contrainte du tribunal judiciaire de Nantes, a autorisé la poursuite de l’hospitalisation complète.

Monsieur [Y] [F] a interjeté appel de l’ordonnance du 19 décembre 2024 par lettre simple adressée au greffe de la cour d’appel de Rennes le 27 décembre 2024.

Le ministère public a sollicité la confirmation de la mesure.

A l’audience du 2 janvier 2025, Monsieur [F] a indiqué que la décision de son épouse était la conséquence de l’opposition de celle-ci quant à sa pratique religieuse. Il a reconnu être atteint d’une pathologie maniaco-dépressive, mais a estimé que le traitement lourd qui lui était administré, n’était pas adapté. Il a maintenu sa demande de mainlevée de la mesure d’hospitalisation sous contrainte à temps complet.

Le conseil de Monsieur [F] a sollicité la mainlevée de la mesure au motif que les conditions du maintien de la mesure d’hospitalisation sous contrainte n’étaient pas suffisament caractérisées dans le certificat de 72 heures et le certificat de situation du 31 décembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l’appel :

Aux termes de l’article R. 3211-18 du Code de la santé publique, le délai d’appel est de dix jours à compter de la notification de l’ordonnance.

Selon l’article R. 3211-19 dudit Code, le premier président ou son délégué est saisi par une déclaration d’appel motivée transmise par tout moyen au greffe de la cour d’appel et la déclaration est enregistrée avec mention de la date et de l’heure.

En l’espèce, Monsieur [Y] [F] a formé le 27 décembre 2024, un appel de la décision du magistrat en charge du contentieux des hospitalisations sous contrainte du tribunal judiciaire de Nantes du 19 décembre 2024.

Cet appel, régulier en la forme, sera donc déclaré recevable.

Sur le fond :

Aux termes du I de l’article L. 3212-1 du Code de la santé publique, « une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l’objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d’un établissement mentionné à l’article L. 3222-1 du même code que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ; 2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d’une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° de l’article L. 3211-2-1 ».

Il convient de rappeler, qu’en application de l’article L. 3212-1 I du Code de la santé publique, le juge statue sur le bien fondé de la mesure et sur la poursuite de l’hospitalisation complète au regard des certificats médicaux qui lui sont communiqués, sans substituer sa propre appréciation des troubles psychiques du patient et de son consentement aux soins, à celle des médecins.

En l’espèce, il ressort du certificat médical initial que Monsieur [Y] [F] a été adressé au urgences par son médecin traitant dans un contexte de trouble du comportement au domicile et propos délirants de tonalité mystique, qu’à l’entretien, le contact était altéré par des éléments dissociatifs et une réticence signant l’envahissement psychique sous-jacent.

Le certificat médical de 24 heures rappelle que Monsieur [F] était suivi pour trouble bipolaire. Le médecin évoque un contact étrange et dissocié avec éviction du contact occulaire et attitude figée, un déni de toute difficulté ou trouble présent ou passé, une position de refus des soins revendiquante.

Il est également noté des moments de barrage évocateurs de troubles du cours de la pensée et possiblement d’attitudes d’écoute avec déni de toute hallucination, la tenue de propos mystiques à l’équipe soignante avec ponctuation des phrases par des prières, une absence d’effraction délirante mais un hermétisme. Il était enfin conlu à un état psychique ne permettant pas un consentement aux soins et un ajustement du traitement.

Le certificat médical de 72 heures note que le patient se présente tête baissée, semblant inconfortable dans la croisée des regards, qu’il minimise tous les éléments ayant conduit à son hospitalisation et multiplie les rationalisations autour de la décision d’hospitalisation semblant ne vouloir donner aucune prise à la relation, que tout est lisse et inaccessible. S’il est relevé qu’il semble moins envahi depuis son arrivée par des prières moins rapprochées et moins de bizzareries comportementales, le traitement étant bien pris, le médecin note néanmoins que l’observation doit se poursuivre et que la mesure doit être maintenue.

L’existence d’une pathologie maniaco-dépressive ancienne n’est pas contestée par Monsieur [F], et ce dernier certificat décrit un comportement de sa part caractérisant la persistance de troubles mentaux malgré la prise d’un traitement, et la nécessité de poursuivre les soins psychiatriques à la demande d’un tiers bien que soit noté une amélioration de son état.

Le certificat de situation établi le 31 décembre 2024, s’il mentionne une amélioration du comportement de Monsieur [F] notamment quant à son discours, relève néanmoins des symptômes de la lignée maniaque avec une tendance à l’hyperactivité improductive voire franchement désorganisée telle que activité de rangements et déplacements d’objets répétitives, besoin d’étayage pour accomplir les gestes du quotidien de fait d’une tendance à la dispersion psychique et de troubles dysexecutifs, ainsi que des épisodes de jeûn au cours desquels Monsieur [F] distribue ses aliments aux autres patients.

Il est enfin noté qu’il dénie le caractère pathologique de ses troubles et rationnalise systématiquement ce qu’on peut lui renvoyer, projetant sur son épouse et son médecin traitant, la responsabilité de son hospitalistaion, et qu’il accepte son traitement sans aucune adhésion néanmoins.

La persistance des troubles mentaux est donc carractérisée, et il résulte non seulement de ce certificat médical mais également des propos tenus à l’audience par Monsieur [F], que s’il prend son traitement, il le juge néanmoins indapté et n’y adhère donc pas réellement.

Il existe donc ainsi que l’indique le Docteur [I] un risque de rupture des soins dans l’hypothèse d’une mainlevée de la mesure, contraire aux intérêts du patient, alors que son traitement a été récemment modifié et est en cours d’ajustement.

Ainsi, il résulte suffisamment de ce qui précède que l’état mental de Monsieur [Y] [F] imposait des soins immédiats assortis d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, que ses troubles rendaient impossible son consentement; à ce jour l’état de santé mentale de l’intéressé n’étant pas stabilisé malgré une amélioration, la mesure d’hospitalisation sous contrainte demeure nécessaire.

Les conditions légales posées par l’article L. 3212-1 du Code de la santé publique pour la poursuite de l’hospitalisation se trouvant réunies, la décision déférée sera confirmée.

Sur les dépens :

Les dépens seront laissés à la charge du trésor public.

PAR CES MOTIFS

Gwenola VELMANS, conseiller, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, en matière de contentieux des soins et hospitalisations sous contrainte,

Reçoit Monsieur [Y] [F] en son appel,

Confirme l’ordonnance entreprise,

Laisse les dépens à la charge du trésor public.

Fait à Rennes, le 03 Janvier 2025 à 14H00

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION,Gwenola VELMANS,

Notification de la présente ordonnnance a été faite ce jour à [Y] [F] , à son avocat, au CH et ARS/tiers demandeur/curateur-tuteur

Le greffier,

Cette ordonnance est susceptible d’un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général, PR et magistrat en charge des hospitalisations sous contrainte

Le greffier


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