Contrôle judiciaire des mesures de soins psychiatriques et respect des droits des patients

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Contrôle judiciaire des mesures de soins psychiatriques et respect des droits des patients

L’Essentiel : Madame [K] [E], hospitalisée au CHS de [Localité 8], a interjeté appel le 27 décembre 2024 de l’ordonnance autorisant la poursuite de son hospitalisation. Lors de l’audience du 2 janvier 2025, son avocate a contesté la légalité de l’arrêté préfectoral du 16 décembre, arguant que le certificat médical n’était pas valide. Le 31 décembre, un nouvel arrêté a modifié la mesure, ordonnant des soins sans consentement. La cour a finalement déclaré l’appel sans objet, en raison de l’arrêté du 31 décembre, mettant fin à l’hospitalisation complète, et a laissé les dépens à la charge de l’État.

Parties en cause

Madame [K] [E], née le 18 février 1977 à [Localité 9], est actuellement hospitalisée au CHS de [Localité 8]. Elle est représentée par Me Hermine ELPHEGE, avocat au barreau de Besançon. Les intimés dans cette affaire incluent Monsieur le Préfet, Monsieur le Directeur du CHS de [Localité 8], et le Procureur Général.

Ordonnance du juge des libertés

Le 26 décembre 2024, le juge des libertés et de la détention de [Localité 6] a autorisé la poursuite de l’hospitalisation complète de Mme [K] [E] suite à un arrêté préfectoral du 16 décembre 2024. Cet arrêté a été pris dans le cadre d’un contrôle systématique de la mesure d’hospitalisation, conformément à l’article L.3211-12-1-I 3° du code de la santé publique.

Appel de Mme [K] [E]

Le 27 décembre 2024, Mme [K] [E] a interjeté appel de l’ordonnance autorisant la poursuite de son hospitalisation. Les parties ont été convoquées à une audience le 2 janvier 2025, où le procureur général a requis la confirmation de l’ordonnance.

Incidence de l’arrêté préfectoral

Le 31 décembre 2024, un nouvel arrêté préfectoral a ordonné la poursuite des soins sans consentement de Mme [K] [E] sous un programme de soins, modifiant ainsi la nature de la mesure. Le préfet a maintenu sa demande de soins, tandis que l’avocate de Mme [K] [E] a contesté la légalité de l’arrêté du 16 décembre, arguant que le certificat médical n’émanait pas du médecin en charge.

Audience et arguments

Lors de l’audience, Mme [K] [E] était absente, mais son avocate a soulevé l’irrégularité de la mesure, en se basant sur le fait que le certificat médical du 16 décembre n’était pas valide. Elle a conclu que le juge n’aurait pas dû autoriser la poursuite des soins sous le régime de l’hospitalisation complète.

Motifs de la décision

Selon le code de la santé publique, l’hospitalisation complète nécessite deux certificats médicaux et doit être justifiée par l’impossibilité de consentement et la nécessité de soins immédiats. L’article L. 3211-12-1 impose également un contrôle judiciaire dans les douze jours suivant l’admission. Le juge des libertés et de la détention doit statuer sur la demande de mainlevée de la mesure de soins psychiatriques sans consentement.

Conclusion de la cour

La cour a constaté que l’appel de Mme [K] [E] était devenu sans objet en raison de l’arrêté du 31 décembre 2024, qui a mis fin à l’hospitalisation complète. Par conséquent, l’appel a été déclaré sans objet, et les dépens ont été laissés à la charge de l’État.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions requises pour l’hospitalisation complète d’une personne atteinte de troubles mentaux selon le Code de la santé publique ?

Selon l’article L.3212-1 du Code de la santé publique, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l’objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d’un établissement que lorsque deux conditions sont réunies :

1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;

2° Son état mental impose des soins immédiats, assortis soit d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d’une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° de l’article L.3211-2-1.

Ces conditions visent à protéger les droits des patients tout en garantissant la nécessité de soins appropriés.

Quel est le rôle du juge des libertés et de la détention dans le cadre de l’hospitalisation complète ?

L’article L.3211-12-1 du Code de la santé publique stipule que l’hospitalisation complète d’un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention ait statué sur cette mesure avant l’expiration d’un délai de douze jours.

Ce délai commence à compter de l’admission prononcée en application des chapitres II ou III du présent titre ou de la décision modifiant la forme de la prise en charge du patient.

Le juge est saisi dans un délai de huit jours à compter de cette admission, ce qui garantit un contrôle judiciaire sur la privation de liberté liée à l’hospitalisation.

Quelles sont les implications d’une modification de la mesure de soins, comme le passage d’une hospitalisation complète à un programme de soins ?

L’article L.3211-12-3 précise que le juge des libertés et de la détention, saisi en application de l’article L.3211-12-1, peut statuer par une même décision si un recours a été formé sur le fondement de l’article L.3211-12.

Cela signifie qu’une modification de la mesure de soins, comme le passage d’une hospitalisation complète à un programme de soins, nécessite une demande expresse de mainlevée de la mesure de soins sans consentement.

Cette demande doit être fondée sur l’article L.3211-12, permettant au juge de se prononcer sur la nouvelle mesure de soins.

Quels sont les effets d’une décision préfectorale ordonnant la poursuite des soins sans consentement ?

La décision préfectorale ordonnant la poursuite des soins sans consentement, comme celle du 31 décembre 2024, met fin à la mesure d’hospitalisation complète.

Dans ce cas, l’appel interjeté contre l’ordonnance du juge des libertés et de la détention devient sans objet, car la situation juridique du patient a changé.

L’article L.3211-12-1 impose que le juge des libertés et de la détention ne puisse statuer que sur la mesure d’hospitalisation complète, excluant ainsi le programme de soins, sauf demande expresse de mainlevée.

Quelles sont les conséquences d’une irrégularité dans la procédure d’hospitalisation complète ?

L’irrégularité dans la procédure, comme le fait que le certificat médical nécessaire à la modification de la prise en charge ne provienne pas d’un psychiatre participant à la prise en charge, peut être soulevée par le conseil du patient.

Cependant, si aucune demande de mainlevée de la mesure de soins n’est introduite, le juge ne peut pas se prononcer sur cette irrégularité.

L’article L.3211-11 impose que le certificat médical soit établi par un psychiatre en charge, et toute violation de cette exigence peut affecter la légalité de la mesure d’hospitalisation.

COUR D’APPEL DE BESANÇON

[Adresse 1]

[Localité 2]

N° de rôle : N° RG 24/00094 – N° Portalis DBVG-V-B7I-E3DO

Ordonnance N° 25/

du 02 Janvier 2025

La première présidente, statuant en matière de procédure judiciaire de mainlevée ou de contrôle des mesures de soins psychiatriques, conformément aux articles L. 3211-12-12 et L. 3211-12-4 du code de la santé publique ;

ORDONNANCE

A l’audience publique du 02 Janvier 2025 sise au Palais de Justice de BESANÇON,

Monsieur Cédric Saunier, délégataire de Madame la Première Présidente par ordonnance en date du 8 août 2024, assisté de Mme Leila Zait, greffier, a rendu l’ordonnance dont la teneur suit, après débats à l’audience du même jour, concernant :

PARTIES EN CAUSE :

Madame [K] [E]

née le 18 Février 1977 à [Localité 9]

Actuellement hospitalisée au CHS de [Localité 8]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Hermine ELPHEGE, avocat au barreau de BESANCON

APPELANT

ET :

MONSIEUR LE PREFET

[Adresse 5]

[Localité 2]

MONSIEUR LE DIRECTEUR DU CHS DE [Localité 8]

[Adresse 10]

[Localité 3]

PROCUREUR GENERAL

COUR D’APPEL

[Adresse 1]

[Localité 2]

INTIMES

Par ordonnance du 26 décembre 2024, le juge des libertés et de la détention de [Localité 6], saisi sur requête du directeur du préfet du [Localité 7] du 23 décembre précédent dans le cadre du contrôle systématique de la mesure dans les douze jours en vertu des dispositions de l’article L.3211-12-1-I 3° du code de la santé publique, a autorisé la poursuite de la mesure d’hospitalisation complète de Mme [K] [E] suite à l’arrêté préfectoral portant réintégration en hospitalisation complète du 16 décembre 2024 au sein du centre hospitalier spécialisé de [Localité 8].

Par déclaration enregistrée au greffe le 27 décembre 2024, Mme [K] [E] a interjeté appel de ladite ordonnance.

Les parties ainsi que le directeur de l’établissement ont été convoqués à l’audience du 02 janvier 2025.

Mme le procureur général, par un avis écrit daté du 27 décembre 2024, a requis la confirmation de l’ordonnance critiquée. Cet avis a été mis à la disposition des parties.

Interrogés sur l’incidence sur l’objet de la demande de l’arrêté préfectoral du 31 décembre 2024 par lequel la poursuite des soins sans consentement de Mme [K] [E] a été ordonnée sous le régime d’un programme de soins, et non en hospitalisation complète :

– le préfet du [Localité 7] a, par courriel du même jour, indiqué maintenir sa demande de maintien ‘de la mesure de soins’ sous la forme du programme de soins ;

– Me Hermine Elphege, conseil de Mme [K] [E], a fait valoir que même si la nature de la mesure de soins a été modifiée, il appartient au juge des libertés et de la détention de statuer sur la demande de main-levée de celle-ci, que l’arrêté du 16 décembre 2024 portant réintégration en hospitalisation complète n’est pas motivé conformément à la loi et que le certificat médical du 16 décembre 2024 sur lequel est basée la décision de réintégration n’émane pas du médecin psychiatre en charge des soins.

L’audience s’est tenue au siège de la juridiction, en audience publique.

Le Ministère public étant absent à l’audience, il a été fait lecture de son avis écrit.

Mme [K] [E] était absente à l’audience et n’a donc pu être entendue.

Son avocate, présente, a soulevé l’irrégularité de la mesure au regard du seul moyen tiré du fait que le psychiatre ayant établi le certificat médical du 16 décembre 2024 sur lequel est basée la décision de réintégration n’est pas celui en charge des soins, concluant au fait que le juge des libertés et de la détention n’aurait pas dû autoriser la poursuite des soins sous le régime de l’hospitalisation complète.

Le conseil de Mme [K] [E] a eu la parole en dernier.

Motifs de la décision

Aux termes de l’article L. 3212-1 du code de la santé publique, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l’objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d’un établissement mentionné à l’article L. 3222-1 du même code que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies aux termes de deux certificats médicaux circonstanciés datant de moins de quinze jours :

1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;

2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d’une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° de l’article L. 3211-2-1.

L’article L. 3212-3 du même code permet au directeur d’un établissement mentionné à l’article L. 3222-1, à titre exceptionnel et en cas d’urgence, lorsqu’il existe un risque grave d’atteinte à l’intégrité du malade, de prononcer à la demande d’un tiers l’admission en soins psychiatriques d’une personne malade au vu d’un seul certificat médical émanant, le cas échéant, d’un médecin exerçant dans l’établissement. Dans ce cas, les certificats médicaux mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 3211-2-2 sont établis par deux psychiatres distincts.

Selon l’article L. 3211-12-1 du même code, l’hospitalisation complète d’un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention ait statué sur cette mesure avant l’expiration d’un délai de douze jours à compter soit de l’admission prononcée en application des chapitres II ou III du présent titre ou de l’article L. 3214-3 du même code, soit de la décision modifiant la forme de la prise en charge du patient et procédant à son hospitalisation complète en application, respectivement, du dernier alinéa de l’article L. 3212-4 ou du III de l’article L. 3213-3.

Le juge des libertés et de la détention est alors saisi dans un délai de huit jours à compter de cette admission.

L’article L. 3211-12 du code précité permet notamment au patient de saisir le juge des libertés et de la détention d’une demande de mainlevée d’une mesure de soins psychiatriques sans consentement.

L’article L. 3211-12-3 précise que le juge des libertés et de la détention saisi en application de l’article L. 3211-12-1 peut, si un recours a été formé sur le fondement de l’article L. 3211-12, statuer par une même décision suivant la procédure prévue au même article L. 3211-12-1.

En application de ces dispositions, le contrôle obligatoire dévolu au juge des libertés et de la détention, fondé sur l’article L. 3211-12-1 et justifié par la privation de liberté liée à une mesure de soins psychiatriques sous le régime de l’hospitalisation complète, s’exerce sur cette seule mesure à l’exclusion du programme de soins sauf à opérer une requalification de ce programme en hospitalisation complète en considération des conséquences des soins dispensés sur la liberté d’aller et venir.

Seule une demande expresse de mainlevée de la mesure de soins sans consentement fondée sur l’article L. 3211-12, dont la Cour de cassation estime qu’elle peut être formée en appel suite à la substitution d’une mesure d’hospitalisation complète par un programme de soins, permet à la cour de se prononcer, dans les conditions prévues par l’article L. 3211-12-3, sur la mesure de programme de soins qui a remplacé l’hospitalisation complète décidée initialement.

En l’espèce, une telle demande de mainlevée de la mesure de soins sans consentement ne peut en tout état de cause résulter des pièces antérieures à la décision préfectorale du 31 décembre 2024 ordonnant la poursuite des soins hors hospitalisation complète, notamment de l’acte d’appel de Mme [K] [E].

Par ailleurs, aucune demande de mainlevée de la mesure de soins susceptible de relever de l’article L. 3211-12 n’a été introduite par son conseil, laquelle s’est limitée :

– d’une part à faire état du principe selon lequel le premier président est tenu de statuer sur une telle demande si elle est formulée dans le cadre de l’appel relatif à une ordonnance autorisant la poursuite de soins psychiatriques sans consentement sous la forme d’une mesure d’hospitalisation complète ;

– d’autre part à soutenir l’irrégularité de l’arrêté de réintégration en hospitalisation complète du 16 décembre 2024 au motif de la violation de l’article L. 3211-11 imposant que le certificat médical nécessaire à la modification de la prise en charge émane d’un psychiatre participant à ladite prise en charge.

Dès lors, le conseiller délégataire de Mme la première présidente n’est saisi d’aucune demande tendant à la mainlevée de la mesure de soins psychiatriques sans consentement au sens de l’article L. 3211-12 du code de la santé publique.

En considération de la décision préfectorale du 31 décembre 2024 ordonnant la poursuite des soins sans consentement de Mme [K] [E] sous le régime d’un programme de soins, mettant fin au régime de l’hospitalisation complète, l’appel interjeté à l’encontre de l’ordonnance rendue le 26 décembre 2024 par le juge des libertés et de la détention de [Localité 6], saisi dans le cadre du contrôle systématique de la mesure d’hospitalisation complète dans les douze jours en vertu de l’article L. 3211-12-1 du même code, est donc sans objet.

PAR CES MOTIFS

Le magistrat délégataire de Mme la première présidente de la cour d’appel de Besançon, par ordonnance réputée contradictoire rendue après débats en audience publique, en dernier ressort, non susceptible d’opposition :

Vu les articles L. 3211-1 à L. 3211-13, L. 3212-1 à L. 3212-12 et R. 3211-17 et suivants du code de la santé publique ;

Constate que l’appel formé par Mme [K] [E] contre l’ordonnance rendue le 26 décembre 2024 par le juge des libertés et de la détention de [Localité 6] est devenu sans objet suite à l’arrêté rendu le 31 décembre 2024 par le préfet du [Localité 7] mettant fin à la mesure de soins psychiatriques sous la forme d’une hospitalisation complète.

Laisse les dépens à la charge de l’Etat.

Ainsi fait et jugé à [Localité 6], le 02 Janvier 2025.

Le Greffier, Le Premier Président,

par délégation,


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