Isolement psychiatrique : enjeux de légalité et de protection des droits des patients

·

·

Isolement psychiatrique : enjeux de légalité et de protection des droits des patients

L’Essentiel : M. [C] a été admis en soins psychiatriques sans consentement suite à une décision du tribunal correctionnel de Paris pour incendie volontaire et menaces. Le 23 décembre 2024, il a été placé à l’isolement par le docteur [I] en raison de menaces de mort et d’un risque d’hétéro-agressivité. Cette mesure a été prolongée judiciairement le 27 décembre, malgré l’appel de son conseil, qui contestait la motivation et l’information des proches. Le ministère public a soutenu la confirmation de l’ordonnance, et le magistrat a validé la décision le 28 décembre, laissant les dépens à la charge de l’État.

Admission en soins psychiatriques

M. [C] a été admis en soins psychiatriques sans consentement suite à une décision d’irresponsabilité pénale du tribunal correctionnel de Paris, en date du 12 décembre 2024, pour des faits d’incendie volontaire en récidive et menaces. Cette admission a été effectuée par ordonnance séparée conformément à la législation en vigueur.

Placement à l’isolement

Le 23 décembre 2024, M. [C] a été placé à l’isolement par le docteur [I], qui a justifié cette décision par des motifs tels que des menaces de mort, des menaces hétéroagressives, ainsi qu’un risque d’imprévisibilité et de passage à l’acte hétéroagressif.

Procédure judiciaire

La mesure d’isolement a été prolongée judiciairement, avec une ordonnance rendue le 27 décembre 2024 par le juge, suite à une requête du directeur de l’hôpital. Le 28 décembre 2024, le conseil de M. [C] a interjeté appel de cette ordonnance, arguant de l’absence de renouvellement au-delà du 25 décembre, d’une motivation insuffisante des renouvellements, et du défaut d’information d’un membre de la famille.

Observations du ministère public

Le ministère public a transmis des observations écrites le 28 décembre 2024, concluant à la confirmation de l’ordonnance contestée.

Réglementation sur l’isolement

Selon l’article L.3222-5-1 du code de la santé publique, l’isolement et la contention doivent être des mesures de dernier recours, prises pour prévenir un dommage immédiat ou imminent. Ces mesures doivent être motivées par un psychiatre et faire l’objet d’une surveillance stricte.

Évaluations médicales

Les documents du dossier montrent que la mesure d’isolement a été régulièrement évaluée, avec des décisions médicales prises le 26 décembre 2024, attestant de la continuité des évaluations cliniques requises.

Motivation des décisions

La décision initiale du 23 décembre 2024 a été motivée par des éléments tels que des menaces de mort et un risque d’hétéro-agressivité. Les décisions ultérieures ont également été justifiées par des troubles du comportement et un déni de la pathologie.

Information des proches

Il n’a pas été prouvé qu’un membre de la famille de M. [C] était joignable ou aurait pu être informé des mesures prises, malgré les démarches entreprises pour les tenir informés.

Décision finale

Le magistrat délégué a confirmé l’ordonnance critiquée, laissant les dépens à la charge de l’État. La décision a été rendue le 28 décembre 2024, et les parties ont été informées des voies de recours possibles, notamment le pourvoi en cassation.

Q/R juridiques soulevées :

Sur l’absence de décisions de renouvellement de l’isolement au-delà du 25 décembre à 18h

Les pièces du dossier attestent que depuis le 23 décembre 2024, la mesure d’isolement du patient a fait l’objet de décisions et évaluations médicales à une fréquence satisfaisant aux règles prescrites, à savoir deux évaluations cliniques par 24 heures.

En particulier, deux décisions médicales d’isolement du 26 décembre à 9h30 et à 15 heures, signées par le docteur [E] [O], figurent au dossier, contrairement à ce qu’indique la déclaration d’appel. Le moyen manque donc en fait.

L’article L.3222-5-1 du Code de la santé publique précise que l’isolement ne peut être prolongé que dans des conditions strictes, notamment par des évaluations régulières.

Ainsi, la procédure a été respectée, et les décisions de renouvellement étaient bien documentées et conformes aux exigences légales.

Sur l’absence de motivation des décisions sur l’isolement

En l’espèce, la décision initiale du 23 décembre 2024 à 18h, signée par le docteur [I], est motivée au regard des éléments suivants : « menaces de mort, menaces hétéroagressives; imprévisibilité, risque de passage à l’acte hétéroagressif. »

Les autres décisions rendues, notamment le 26 décembre 2024, mentionnent que le patient présente des troubles du comportement marqués par un risque d’hétéro-agressivité, des menaces de mort et une imprévisibilité, auxquels s’ajoute un déni de la pathologie.

L’article L.3222-5-1 impose que les décisions soient motivées pour justifier l’isolement.

En conséquence, les décisions sont motivées et la présente mesure d’isolement n’est pas disproportionnée mais justifiée par la nécessité de prévenir un dommage imminent pour le patient ou autrui.

Sur l’information des proches

Il ne ressort ni des éléments du dossier ni de la déclaration d’appel qu’un membre de la famille serait joignable ou aurait pu être informé, alors même que les décisions médicales mentionnent que des démarches ont été entreprises pour informer la famille.

L’article L.3222-5-1 stipule que le médecin doit informer un membre de la famille du patient, en priorité son conjoint ou une personne susceptible d’agir dans son intérêt, dans le respect de la volonté du patient et du secret médical.

M. [C] ne démontre pas quelle atteinte serait portée à ses droits, ce qui affaiblit son argumentation.

Ainsi, les obligations d’information ont été respectées dans la mesure du possible, et les décisions prises étaient conformes aux exigences légales.

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 12

SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT

MESURE D’ISOLEMENT ET DE CONTENTION

ORDONNANCE DU 28 DECEMBRE 2024

(n° 724 , 4 pages)

N° du répertoire général : N° RG 24/00724 – N° Portalis 35L7-V-B7I-CKQZY

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 27 Décembre 2024 – Tribunal Judiciaire de CRÉTEIL (Magistrat du siège) – RG n° 24/05728

COMPOSITION

Béatrice BAUDIMENT, conseillère à la cour d’appel, agissant sur délégation du Premier Président de la cour d’appel de Paris,

assistée d’Apinajaa THEVARANJAN, greffière lors des débats et du prononcé de la décision

APPELANT

Monsieur [H] [C]

Né le 28 mars 1994 à [Localité 3]

demeurant [Adresse 2]

Informé le 28 décembre 2024 à 11h48, de la possibilité de faire valoir ses observations, en application des dispositions de l’article R3211-38 du code de la santé publique et son conseil Me Corinne VAILLANT, avocat choisi au barreau de Paris, informé le 28 décembre 2024 à 11h48, et ayant transmis son avis au greffe par courriel le 28 décembre 2024 à 13h44 ;

INTIMÉ

M. LE DIRECTEUR DE L’HOPITAL DE [Localité 4]

demeurant [Adresse 1]

Informé le 28 décembre 2024 à 11h48, de la possibilité de faire valoir ses observations, en application des dispositions de l’article R3211-38 du code de la santé publique ;

LE MINISTERE PUBLIC

Représenté par Madame Florence LIFCHITZ, avocate générale,

Informé le 28 décembre 2024 à 11h48, de la possibilité de faire connaître son avis, en application des dispositions de l’article 431al2 du code de procédure civile, et ayant transmis son avis au greffe par courriel le 28 décembre 2024 à 12h 53;

FAITS ET PROCÉDURE

M. [C] a été admis en soins psychiatriques sans consentement à la suite d’une décision d’irresponsabilité pénale du tribunal correctionnel de Paris du 12 décembre 2024 (pour des faits d’incendie volontaire en récidive et menaces) et par ordonnance séparée dans les conditions prévues par la loi.

Il a été placé à l’isolement le 23 décembre 2024 à 18h par le docteur [I], qui a mentionné comme motif « menaces de mort, menaces hétéroagressives.; imprévisibilité, risque de passage à l’acte hétéroagressif.».

Outre les décisions médicales, la mesure s’est poursuivie judiciairement, en dernier lieu, sur le fondement d’une ordonnance du 27 décembre 2024 à 13h15 rendue par le juge saisi par une requête du directeur de l’hôpital du 26 décembre précédent.

Pour courriel du 28 décembre 2024 à 10h24 le conseil de l’intéressé a interjeté appel de cette ordonnance. Il est soutenu que la levée doit être ordonnée en raison de :

– l’absence de renouvellement au delà du 25 décembre à 18h ;

– l’insuffisante motivation des renouvellements ;

– le défaut d’information d’un membre de la famille.

Le patient n’a pas souhaité être entendu ; Son conseil a indiqué maintenir les moyens soulevés et sollicité l’infirmation de l’ordonnance critiquée.

Vu les observations écrites du ministère public, transmises le 28 décembre 2024, concluant à la confirmation de l’ordonnance.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il résulte de l’article L.3222-5-1 du code de la santé publique que l’isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours pour des patients en hospitalisation complète sans consentement.

Le texte de cet article prévoit notamment qu’il ne « peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision motivée d’un psychiatre et uniquement de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque après évaluation du patient. Leur mise en ouvre doit faire l’objet d’une surveillance stricte, somatique et psychiatrique, confiée par l’établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et tracée dans le dossier médical.

La mesure d’isolement est prise pour une durée maximale de douze heures. Si l’état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée, dans les conditions et selon les modalités prévues au premier alinéa du présent I, dans la limite d’une durée totale de quarante-huit heures, et fait l’objet de deux évaluations par vingt-quatre heures.

La mesure de contention est prise dans le cadre d’une mesure d’isolement pour une durée maximale de six heures. Si l’état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée, dans les conditions et selon les modalités prévues au même premier alinéa, dans la limite d’une durée totale de vingt-quatre heures, et fait l’objet de deux évaluations par douze heures.

II. – A titre exceptionnel, le médecin peut renouveler, au-delà des durées totales prévues au I, les mesures d’isolement et de contention, dans le respect des conditions prévues au même I. Le directeur de l’établissement informe sans délai le juge des libertés et de la détention du renouvellement de ces mesures. Le juge des libertés et de la détention peut se saisir d’office pour y mettre fin. Le médecin informe du renouvellement de ces mesures au moins un membre de la famille du patient, en priorité son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité ou son concubin, ou une personne susceptible d’agir dans son intérêt dès lors qu’une telle personne est identifiée, dans le respect de la volonté du patient et du secret médical.

Le directeur de l’établissement saisit le juge des libertés et de la détention avant l’expiration de la soixante-douzième heure d’isolement ou de la quarante-huitième heure de contention, si l’état de santé du patient rend nécessaire le renouvellement de la mesure au-delà de ces durées.

Le juge des libertés et de la détention statue dans un délai de vingt-quatre heures à compter du terme des durées prévues au deuxième alinéa du présent II.

Si les conditions prévues au I ne sont plus réunies, il ordonne la mainlevée de la mesure. Dans ce cas, aucune nouvelle mesure ne peut être prise avant l’expiration d’un délai de quarante-huit heures à compter de la mainlevée de la mesure, sauf survenance d’éléments nouveaux dans la situation du patient qui rendent impossibles d’autres modalités de prise en charge permettant d’assurer sa sécurité ou celle d’autrui. Le directeur de l’établissement informe sans délai le juge des libertés et de la détention, qui peut se saisir d’office pour mettre fin à la nouvelle mesure.

Si les conditions prévues au même I sont toujours réunies, le juge des libertés et de la détention autorise le maintien de la mesure d’isolement ou de contention. Dans ce cas, le médecin peut la renouveler dans les conditions prévues audit I et aux deux premiers alinéas du présent II. Toutefois, si le renouvellement d’une mesure d’isolement est encore nécessaire après deux décisions de maintien prises par le juge des libertés et de la détention, celui-ci est saisi au moins vingt-quatre heures avant l’expiration d’un délai de sept jours à compter de sa précédente décision et le médecin informe du renouvellement de ces mesures au moins un membre de la famille du patient, en priorité son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité ou son concubin, ou une personne susceptible d’agir dans son intérêt dès lors qu’une telle personne est identifiée, dans le respect de la volonté du patient et du secret médical. Le juge des libertés et de la détention statue avant l’expiration de ce délai de sept jours. Le cas échéant, il est à nouveau saisi au moins vingt-quatre heures avant l’expiration de chaque nouveau délai de sept jours et statue dans les mêmes conditions. Le médecin réitère l’information susmentionnée lors de chaque saisine du juge des libertés et de la détention.

Pour l’application des deux premiers alinéas du présent II, lorsqu’une mesure d’isolement ou de contention est prise moins de quarante-huit heures après qu’une précédente mesure d’isolement ou de contention a pris fin, sa durée s’ajoute à celle des mesures d’isolement ou de contention qui la précèdent.Les mêmes deux premiers alinéas s’appliquent lorsque le médecin prend plusieurs mesures dont la durée cumulée sur une période de quinze jours atteint les durées prévues auxdits deux premiers alinéas.

Les mesures d’isolement et de contention peuvent également faire l’objet d’un contrôle par le juge des libertés et de la détention en application du IV de l’article L. 3211-12-1. »

La procédure juridictionnelle sur les mesures d’isolement et de contention est prévue aux articles R3211-31 à R3211-45 du CSP.

Sur l’absence de décisions de renouvellement de l’isolement au delà du 25 décembre à 18h

Les pièces du dossiers attestent que depuis le 23 décembre 2024, la mesure d’isolement du patient a fait l’objet de décisions et évaluations médicales à une fréquence satisfaisant aux règles prescrites, à savoir deux évaluations cliniques par 24 heures.

En particulier, deux décisions médicales d’isolement du 26 décembre à 9h30, et à 15 heures, signées par le docteur [E] [O] figurent au dossier, contrairement à ce qu’indique la déclaration d’appel. Le moyen manque donc en fait.

– Sur l’absence de motivation des décisions sur l’isolement

En l’espèce la décision initiale du 23 décembre 2024 à 18h, signée par le docteur [I], est motivée au regard des éléments suivants : « menaces de mort, menaces hétéroagressives; imprévisibilité, risque de passage à l’acte hétéroagressif. ».

Les autres décisions rendues, notamment le 26 décembre 2024 mentionnent que le patient présente des troubles du comportement marqué par un risque d’hétéro-agressivité, des menaces de mort et une imprévisibilité auxquels s’ajoute un déni de la pathologie.

En conséquence, les décisions sont motivées et la présente mesure d’isolement n’est pas disproportionnée mais justifiée par la nécessité de prévenir un dommage imminent pour le patient ou autrui.

– Sur l’information des proches

Il ne ressort ni des éléments du dossier ni de la déclaration d’appel qu’un membre de la famille serait joignable ou aurait pu être informé, alors même que les décisions médicales mentionnent que des démarches ont été entreprises pour informer la famille et que M. [C] ne démontre pas quelle atteinte serait portée à ses droits.

PAR CES MOTIFS

Le magistrat délégué du premier président, statuant dans le cadre de la procédure écrite sans audience en dernier ressort, publiquement, par décision réputée contradictoire et mise à disposition au greffe,

CONFIRME l’ordonnance critiquée

LAISSE les dépens à la charge de l’Etat.

Le magistrat délégataire du premier président de la cour d’appel, statuant sans débat.

Ainsi fait, jugé le 28 DÉCEMBRE 2024 à 16h00

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DÉLÉGATAIRE

Notification ou avis fait à :

X patient à l’hôpital

ou/et ‘ par LRAR à son domicile

X avocat du patient

X directeur de l’hôpital

‘ tiers par LS

‘ préfet de police

‘ avocat du préfet

‘ tuteur / curateur par LRAR

X Parquet près la cour d’appel de Paris

AVIS IMPORTANTS :

Je vous informe qu’en application de l’article R.3211-23 du code de la santé publique, cette ordonnance n’est pas susceptible d’opposition. La seule voie de recours ouverte aux parties est le pourvoi en cassation . Il doit être introduit dans le délai de 2 mois à compter de la présente notification, par l’intermédiaire d’un avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation.

Le pourvoi en cassation est une voie extraordinaire de recours qui exclut un nouvel examen des faits ; il a seulement pour objet de faire vérifier par la Cour de Cassation si la décision rendue est conforme aux textes législatifs en vigueur.

Ce délai est augmenté d’un mois pour les personnes qui demeurent dans un département ou territoire d’outre-mer et de deux mois pour celles qui demeurent à l’étranger.

RE’U NOTIFICATION LE :

SIGNATURE DU PATIENT :


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon