Évaluation des obligations financières dans le cadre d’une liquidation et des droits des associés.

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Évaluation des obligations financières dans le cadre d’une liquidation et des droits des associés.

L’Essentiel : La SCI MANUIA 988, constituée le 29 novembre 2007 par Mme [P] et M. [V], a été confrontée à une liquidation judiciaire suite à la situation de Mme [P] en 2017. Malgré une demande de remboursement du liquidateur en 2018, la SCI n’a pas répondu. En 2020, une évaluation a révélé un solde créditeur de 43 876 966 francs CFP pour Mme [P]. Après plusieurs procédures, le tribunal a finalement condamné la SCI à payer cette somme, avec intérêts, tout en rejetant d’autres demandes et en la condamnant aux dépens.

Constitution de la SCI MANUIA 988

Par acte du 29 novembre 2007, Mme [M] [P] et son frère M. [V] [P] ont constitué la SCI MANUIA 988, avec Mme [P] détenant 106 parts sur 200 et M. [V] 94 parts. Cette société civile immobilière est propriétaire d’un bien immobilier situé au Mont-Dore.

Liquidation judiciaire de Mme [P]

Le 24 avril 2017, le tribunal mixte de commerce de Nouméa a prononcé la liquidation judiciaire de Mme [P], qui détenait deux patentes. La SELARL Mary-Laure Gastaud a été désignée comme liquidateur judiciaire.

Demande de remboursement par le liquidateur

Le 7 novembre 2018, le liquidateur a demandé à la SCI MANUIA 988 de fournir des documents comptables concernant le compte courant d’associé de Mme [P] et de procéder à son remboursement, mais cette demande est restée sans réponse.

Évaluation des parts sociales

Le 24 juillet 2020, un expert a été désigné pour évaluer les parts sociales de Mme [P]. Selon le rapport, elle avait un solde créditeur de 43 876 966 francs CFP au 30 septembre 2020.

Mise en demeure et requête judiciaire

Le 3 janvier 2022, le liquidateur a mis en demeure Mme [P] de payer la somme due. Le 17 août 2023, la SELARL Mary-Laure Gastaud a introduit une requête au tribunal pour condamner la SCI MANUIA 988 à payer cette somme, avec intérêts et dépens.

Réponse de la SCI MANUIA 988

Dans ses conclusions du 1er mars 2023, la SCI MANUIA 988 a demandé au tribunal de déclarer irrecevables les demandes du liquidateur, de débouter ce dernier et de condamner la SELARL Mary-Laure Gastaud aux dépens.

Ordonnance de clôture et réouverture des débats

Le 9 mars 2023, une ordonnance de clôture a été rendue, mais le tribunal a ordonné la réouverture des débats le 6 février 2024, renvoyant l’affaire à l’audience de mise en état du 25 avril 2024.

Prescription de l’action en remboursement

Le tribunal a constaté que le délai de prescription pour l’action en remboursement ne courait qu’à partir de la demande de remboursement faite par le liquidateur, qui a eu lieu le 4 décembre 2018, soit moins de cinq ans avant l’introduction de l’instance.

Irrecevabilité de la demande

La SCI MANUIA 988 a soutenu que la demande était irrecevable en raison d’une procédure non respectée, mais le tribunal a jugé que les dispositions invoquées ne s’appliquaient pas à la société, qui n’exerçait pas d’activité économique.

Créance et délai de grâce

Le liquidateur a justifié le principe et le montant de la créance de Mme [P], et le tribunal a décidé d’accorder la demande de remboursement, sans octroyer de délai de grâce au débiteur.

Décision finale du tribunal

Le tribunal a condamné la SCI MANUIA 988 à payer 43 873 335 francs CFP à la SELARL Mary-Laure Gastaud, avec intérêts au taux légal à compter du 7 novembre 2018, tout en rejetant les autres demandes et en condamnant la SCI aux dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription

La question de la prescription est soulevée par la SCI MANUIA 988, qui argue que l’action en remboursement du solde créditeur du compte courant d’associé est prescrite.

Selon l’article 2224 du code civil de la Nouvelle-Calédonie :

“Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.”

Il est important de noter que le délai de prescription ne commence à courir qu’à partir du moment où l’associé cédant demande effectivement le remboursement.

Dans cette affaire, le liquidateur judiciaire a demandé le remboursement par lettre recommandée le 4 décembre 2018, ce qui est moins de cinq ans avant l’introduction de l’instance.

Ainsi, la fin de non-recevoir tirée de la prescription ne peut être accueillie, car l’action a été engagée dans le délai légal.

Sur l’irrecevabilité de la demande

La SCI MANUIA 988 soutient que la demande du liquidateur est irrecevable en raison du non-respect de la procédure prévue à l’article L. 612-5 du code de commerce de Nouvelle-Calédonie.

Cet article stipule :

“Le représentant légal ou, s’il en existe un, le commissaire aux comptes d’une personne morale de droit privé non commerçante ayant une activité économique ou d’une association visée à l’article L. 612-4 présente à l’organe délibérant ou, en l’absence d’organe délibérant, joint aux documents communiqués aux adhérents un rapport sur les conventions passées directement ou par personne interposée entre la personne morale et l’un de ses administrateurs ou l’une des personnes assurant un rôle de mandataire social.”

Cependant, il n’a pas été prouvé que la SCI MANUIA 988 exerçait une activité économique, étant donné qu’elle se limite à la propriété d’un unique studio mis en location.

Par conséquent, les dispositions de l’article L. 612-5 ne s’appliquent pas, et le moyen tiré de l’irrecevabilité doit être écarté.

Sur la créance et le délai de grâce

Le liquidateur judiciaire a produit des pièces justifiant le principe et le montant de la créance de Mme [P].

Il est donc fondé à demander le remboursement de la somme de 43 873 335 francs CFP, avec intérêts au taux légal.

En ce qui concerne la demande de délai de grâce, la situation du débiteur ne justifie pas un tel octroi.

Le tribunal a donc décidé de faire droit à la demande du liquidateur, sans accorder de délai de grâce.

Sur les autres demandes

Enfin, le tribunal a jugé équitable de mettre les dépens à la charge de la SCI MANUIA 988.

Ainsi, le jugement a été prononcé en faveur du liquidateur judiciaire, condamnant la SCI à payer la somme due, tout en rejetant les autres demandes.

Cette décision a été rendue publiquement et mise à disposition au greffe, conformément aux règles de procédure.

Rôle général
des affaires civiles
N° RG 22/00584 – N° Portalis DB37-W-B7G-FNIT

JUGEMENT N°24/

Notification le : 31 décembre 2024

Copie certifiée conforme revêtue de la formule exécutoire + CCC – SELARL ML GASTAUD agissant en qualité de mandataire liquidateur de Mme [M] [P]
CCC – Maître Séverine BEAUMEL de la SELARL BEAUMEL SELARL D’AVOCAT
Copie dossier
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE NOUMEA

JUGEMENT DU 31 DECEMBRE 2024

PARTIES EN CAUSE

DEMANDERESSE

SELARL MARY-LAURE GASTAUD
Société d’Exercice Libéral à Responsabilité Limitée immatriculée au RCS de Nouméa sous le numéro B 592 279 dont le siège social est sis 1 bis boulevard extérieur, rue Auguste Mercier, Immeuble Le Fortin, BP 3420, 98846 NOUMEA CEDEX, représentée par sa gérante en exercice, ès qualités de mandataire liquidateur de Mme [M] [P], désignée à cette fonction par jugement du tribunal mixte de commerce de Nouméa en date du 24 AVRIL 2017

non comparante mais concluante en personne,

d’une part,

DEFENDERESSE

S.C.I. MANUIA 988
Société Civile Immobilière immatriculée au immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NOUMEA sous le numéro 592 279 dont le siège social est situé Bâtiment M1, 1 rue Henri Dubuisson, BP 13866, 98803 NOUMEA CEDEX, représentée par son gérant en exercice

non comparante, représentée par Maître Séverine BEAUMEL de la SELARL BEAUMEL SELARL D’AVOCAT, société d’avocats au barreau de NOUMEA

d’autre part,

COMPOSITION du Tribunal :

PRÉSIDENT : Luc BRIAND, Vice-Président du Tribunal de Première Instance de NOUMÉA,

GREFFIERE lors des débats : Christèle ROUMY

Débats à l’audience publique du 16 Décembre 2024, date à laquelle le Président a informé les parties que la décision serait remise avec le dossier au greffe de la juridiction pour l’audience du 31 Décembre 2024 conformément aux dispositions de l’article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

JUGEMENT contradictoire rendu publiquement par remise au greffe avec le dossier pour l’audience du 31 Décembre 2024 et signé par le président et la greffière, Christèle ROUMY, présente lors de la remise.

EXPOSE DES FAITS :

Par acte du 29 novembre 2007 enregistré le 3 décembre suivant, Mme [M] [P] a constitué avec son frère M. [V] [P] la SCI MANUIA 988, dont elle possède 106 parts sociales sur 200, son frère en possédant 94.

Cette SCI est propriétaire d’un bien immobilier situé sur la commune du Mont-Dore.

Par jugement du 24 avril 2017, le tribunal mixte de commerce de Nouméa a prononcé la liquidation judiciaire de Mme [P], titulaire en son nom personnel de deux patentes (garderie et travaux de comptabilité) et désigné la SELARL Mary-Laure Gastaud en qualité de liquidateur judiciaire.

Par courrier du 7 novembre 2018, le liquidateur a demandé à la SCI MANUIA 988 de lui faire parvenir tout document comptable attestant la valeur du compte courant d’associé de Mme [P], et de procéder à son remboursement. Cette demande est restée sans réponse.

Par ordonnance de référé en date du 24 juillet 2020, le président du tribunal de première instance a désigné, sur le fondement de l’article 1843-4 du code civil de la Nouvelle-calédonie, un expert aux fins de procéder à l’évaluation des parts sociales détenues par Mme [P].

Selon le rapport de l’expert et les comptes de l’exercice clôturé le 30 septembre 2020, Mme [P] était titulaire d’un solde créditeur de 43 876 966 francs CFP.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 3 janvier 2022, le liquidateur judiciaire a mis en demeure Mme [P] de lui payer cette somme.

Par requête introductive d’instance en date du 17 août 2023, la SELARL Mary-Laure GASTAUD demande au tribunal de :
– condamner la SCI MANUIA 988 à lui payer la somme de 43 873 335 francs CFP, avec intérêts au taux légal à compter du 7 novembre 2018,
– débouter la SCI MANUIA 988 de ses demandes,
– condamner la SCI MANUIA 988 aux dépens.

Elle soutient que le remboursement qu’elle demande s’impose dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire.

En réplique, dans ses conclusions datées du 1er mars 2023, la SCI MANUIA 988 demande au tribunal de :
– déclarer irrecevable les demandes, à tout le moins celles formées pour les apports en compte courant d’associés réalisés avant le 28 février 2017,
– dans tous les cas, débouter la SELARL Mary-Laure Gastaud, en sa qualité de liquidateur judiciaire, de ses demandes,
– condamner la SELARL Mary-Laure Gastaud, en sa qualité de liquidateur judiciaire, à lui payer une somme de 367 500 francs CFP au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
– condamner la SELARL Mary-Laure Gastaud, en sa qualité de liquidateur judiciaire, aux dépens, avec application des dispositions de l’article 699 du même code.

Elle soutient que les demandes sont irrecevables et qu’en tout état de cause les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 mars 2023. Par jugement du 6 février 2024, le tribunal a ordonné la réouverture des débats et renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état du 25 avril 2024.

Les débats ont été clos par ordonnance du 25 avril 2024.

SUR CE :

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription :

Aux termes de l’article 2224 du code civil de la Nouvelle-Calédonie : “ Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. ”

Le délai de prescription de l’action en remboursement du solde créditeur du compte courant d’associé ne court qu’à compter du jour où l’associé cédant en demande le remboursement, ce qui le rend exigible.

En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que le liquidateur judiciaire de Mme [P] a demandé à la SCI MANUIA 988 le remboursement du solde courant d’associé de cette associée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception remise le 4 décembre 2018, soit moins de cinq ans avant l’introduction de la présente instance.

La fin de non-recevoir tirée de la prescription de la présente action en remboursement ne peut donc être accueillie.

Sur l’irrecevabilité de la demande :

La SCI MANUIA 988 soutient que la demande est irrecevable, faute d’avoir respecté la procédure prévue à l’article L. 612-5 du code de commerce de Nouvelle-Calédonie.

Aux termes de cet article : “ Le représentant légal ou, s’il en existe un, le commissaire aux comptes d’une personne morale de droit privé non commerçante ayant une activité économique ou d’une association visée à l’article L. 612-4 présente à l’organe délibérant ou, en l’absence d’organe délibérant, joint aux documents communiqués aux adhérents un rapport sur les conventions passées directement ou par personne interposée entre la personne morale et l’un de ses administrateurs ou l’une des personnes assurant un rôle de mandataire social. / Il est de même des conventions passées entre cette personne morale et une autre personne morale dont un associé indéfiniment responsable, un gérant, un administrateur, le directeur général, un directeur général délégué, un membre du directoire ou du conseil de surveillance, un actionnaire disposant d’une fraction des droits de vote supérieure à 10 % est simultanément administrateur ou assure un rôle de mandataire social de ladite personne morale. / L’organe délibérant statue sur ce rapport. (…) ”.

Toutefois, il n’est pas rapporté la preuve que la SCI MANUIA 988, dont l’activité se borne, selon les écritures mêmes de cette société civile immobilière, à être propriétaire d’un unique studio mis en location, exerçait une activité économique.

Par suite, elle n’est pas fondée à soutenir que les dispositions de l’article L. 612-5 précitées lui étaient applicable.

Le moyen tiré de l’irrecevabilité doit donc être écarté.

Sur la créance et le délai de grâce :

Le liquidateur judiciaire justifie, par les pièces qu’il produit, du principe et du montant de la créance de Mme [P]. Il sera donc fait droit à sa demande, y compris s’agissant de l’application du taux d’intérêt au taux légal.

Enfin, la situation du débiteur ne justifie pas l’octroi d’un délai de grâce.

Sur les autres demandes :

Il est équitable de mettre les dépens à la charge de la SCI MANUIA 988.

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, par jugement contradictoire, en premier ressort, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe :

CONDAMNE la SCI MANUIA 988 à payer à la SELARL Mary-Laure GASTAUD, en sa qualité de mandataire liquidateur de Mme [M] [P], la somme de quarante-trois millions huit cent soixante-treize mille trois cent trente-cinq (43 873 335) francs CFP avc intérêt au taux légal à compter du 7 novembre 2018 ;

REJETTE les autres demandes ;

CONDAMNE la SCI MANUIA 988 aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé par mise à disposition au greffe de la juridiction les jour, mois et an ci-dessus.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT


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