Modification des règles de répartition des charges en copropriété : enjeux et contestations.

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Modification des règles de répartition des charges en copropriété : enjeux et contestations.

L’Essentiel : Madame [D] [U] et Monsieur [S] [U], copropriétaires d’un bien immobilier à [Localité 8], ont vu leurs charges de chauffage augmenter de manière significative suite à une résolution adoptée en mai 2003. Face à l’inaction du syndicat des copropriétaires, ils ont engagé une procédure judiciaire en septembre 2024, demandant l’application de cette résolution. Le tribunal a statué en leur faveur, ordonnant au syndic CLARDIM de missionner un géomètre-expert et imposant une astreinte de 150 euros par jour en cas de non-exécution. De plus, le syndicat a été condamné à verser 2 500 euros pour couvrir les frais de procédure.

Contexte de l’affaire

Madame [D] [U] et Monsieur [S] [U] sont copropriétaires d’un bien immobilier en indivision, hérité de leurs parents, situé au deuxième étage d’un immeuble à [Localité 8]. En mai 2003, une assemblée générale des copropriétaires a voté à l’unanimité une résolution modifiant la répartition des frais de chauffage, passant d’une base de surface chauffée à une base de surface habitable.

Évolution des charges de chauffage

Depuis l’adoption de cette résolution, la répartition des tantièmes pour les charges de chauffage des consorts [U] a considérablement augmenté, passant de 537 à 2 205. En mai et août 2024, les consorts [U] ont demandé des justifications au syndicat des copropriétaires concernant cette augmentation, mais leurs mises en demeure sont restées sans réponse.

Procédure judiciaire engagée

Face à l’inaction du syndicat, les consorts [U] ont introduit une action en référé en septembre 2024, demandant au tribunal d’ordonner au syndic CLARDIM de respecter la résolution de l’assemblée générale de 2003, notamment en missionnant un géomètre-expert pour établir une nouvelle grille de répartition des charges de chauffage. Ils ont également demandé une astreinte en cas de non-exécution.

Réponses du syndicat des copropriétaires

Le syndicat des copropriétaires a contesté les demandes des consorts [U], arguant que la résolution de 2003 n’avait pas été adoptée à l’unanimité, car certains copropriétaires étaient absents. Il a également demandé des dommages et intérêts pour procédure abusive à l’encontre des consorts [U].

Décision du tribunal

Le tribunal a statué en faveur des consorts [U], enjoignant le syndic CLARDIM à exécuter la résolution de 2003 et à missionner un géomètre-expert. Une astreinte de 150 euros par jour a été imposée en cas de retard dans l’exécution. En revanche, la demande de provision pour répétition de l’indu a été rejetée, le tribunal considérant qu’il existait une contestation sérieuse sur ce point.

Conséquences financières

Le tribunal a également condamné le syndicat des copropriétaires et le syndic à verser 2 500 euros aux consorts [U] pour couvrir les frais de procédure. La décision a été rendue exécutoire immédiatement, permettant ainsi aux consorts [U] de faire valoir leurs droits sans délai supplémentaire.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de validité d’une résolution d’assemblée générale en matière de copropriété ?

La validité d’une résolution d’assemblée générale en matière de copropriété est régie par plusieurs articles de la loi du 10 juillet 1965.

L’article 11 de cette loi stipule que « la répartition des charges ne peut être modifiée qu’à l’unanimité des copropriétaires ». Cela signifie que toute modification des règles de répartition des charges doit être approuvée par tous les copropriétaires présents ou représentés lors de l’assemblée générale.

De plus, l’article 42 précise que « les actions qui ont pour objet de contester les décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants, dans un délai de deux mois à compter de la notification desdites décisions qui leur est faite à la diligence du syndic ».

Ainsi, si une résolution n’est pas contestée dans ce délai, elle est considérée comme applicable, même si elle a été votée à une majorité insuffisante.

Dans le cas présent, la résolution n°16 adoptée le 26 mai 2003 a été votée à l’unanimité des copropriétaires présents, mais pas de l’ensemble des copropriétaires. Cependant, les consorts [U] n’ont pas contesté cette résolution dans le délai imparti, ce qui la rend applicable.

Quelles sont les obligations du syndic en matière d’exécution des décisions de l’assemblée générale ?

Les obligations du syndic en matière d’exécution des décisions de l’assemblée générale sont clairement définies par la loi du 10 juillet 1965.

L’article 17 de cette loi stipule que « les décisions du syndicat sont prises en assemblée générale des copropriétaires ; leur exécution est confiée à un syndic placé éventuellement sous le contrôle d’un conseil syndical ».

Cela signifie que le syndic a le devoir d’exécuter les décisions prises par l’assemblée générale, y compris celles relatives à la répartition des charges.

L’article 18 précise également que « le syndic est chargé, dans les conditions qui seront éventuellement définies par le décret prévu à l’article 47 ci-dessous, d’assurer l’exécution des dispositions du règlement de copropriété et des délibérations de l’assemblée générale ».

Dans le litige en question, le syndic CLARDIM a été condamné à exécuter la résolution n°16 de l’assemblée générale du 26 mai 2003, ce qui inclut la mission d’un géomètre-expert pour établir une nouvelle grille de répartition des charges de chauffage.

Quelles sont les conséquences d’une contestation tardive d’une résolution d’assemblée générale ?

La contestation tardive d’une résolution d’assemblée générale a des conséquences importantes, notamment en ce qui concerne la validité de la décision contestée.

Selon l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965, les copropriétaires opposants doivent introduire leur action dans un délai de deux mois à compter de la notification des décisions.

Si ce délai n’est pas respecté, la décision devient définitive et doit être exécutée. Cela signifie que les copropriétaires qui n’ont pas contesté dans le délai imparti ne peuvent plus remettre en cause la validité de la résolution.

Dans le cas présent, bien que les consorts [U] aient contesté la répartition des charges, ils n’ont pas agi dans le délai de deux mois après la notification de la résolution. Par conséquent, la résolution n°16 est devenue applicable, et ils ne peuvent plus contester sa validité.

Quelles sont les conditions pour obtenir une provision au titre de la répétition de l’indu ?

Pour obtenir une provision au titre de la répétition de l’indu, plusieurs conditions doivent être remplies, conformément à l’article 835 du code de procédure civile.

Cet article stipule que « dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire ».

Il est donc nécessaire que l’obligation sur laquelle repose la demande de provision soit non sérieusement contestable.

En outre, l’article 1302-2 du code civil précise que « celui qui par erreur ou sous la contrainte a acquitté la dette d’autrui peut agir en restitution contre le créancier ».

Dans le litige en question, les consorts [U] ont demandé une provision pour les charges indûment payées, mais le tribunal a estimé qu’il existait une contestation sérieuse concernant la répartition des charges, ce qui a conduit à rejeter leur demande de provision.

Quelles sont les conséquences d’une procédure abusive en matière de copropriété ?

La procédure abusive en matière de copropriété peut entraîner des sanctions pour le copropriétaire qui agit de manière dilatoire ou injustifiée.

L’article 32-1 du code de procédure civile prévoit que « celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un montant maximal de 10 000 euros, ainsi qu’à verser des dommages et intérêts à la partie adverse qui justifie d’un préjudice ».

L’exercice d’une action en justice est un droit, mais il peut être considéré comme abusif si l’action est intentée avec malice, mauvaise foi ou erreur grossière.

Dans le cas présent, le tribunal a rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formulée par le syndicat des copropriétaires, considérant que les consorts [U] n’avaient pas abusé de leur droit d’agir en justice, car une partie de leurs demandes avait été accueillie.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

N° RG 24/56573 – N° Portalis 352J-W-B7I-C5WOC

N° : 2

Assignation du :
24 Septembre 2024

[1]

[1] 2 copies exécutoires
délivrées le :

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 31 décembre 2024

par Cristina APETROAIE, Juge au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Estelle FRANTZ, Greffier.
DEMANDEURS

Monsieur [S] [U]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 5]

Madame [D] [U]
[Adresse 1]
[Localité 7]

représentés par Maître Thomas GARROS, avocat au barreau de PARIS – C1730

DEFENDERESSES

S.D.C. [Adresse 4], représenté par son syndic en exercice CLARDIM
[Adresse 3]
[Localité 6]

représenté par Maître Denis BARGEAU, avocat au barreau de PARIS – #C1313

S.A.R.L. CLARDIM
[Adresse 3]
[Localité 6]

non représentée

DÉBATS

A l’audience du 22 Novembre 2024, tenue publiquement, présidée par Cristina APETROAIE, Juge, assistée de Estelle FRANTZ, Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties,

EXPOSE DU LITIGE

Madame [D] [U] et Monsieur [S] [U] sont propriétaires en indivision depuis le décès de leurs parents d’un lot principal d’habitation situé au deuxième étage d’un immeuble, situé [Adresse 4], à [Localité 8], soumis au statut de la copropriété.

Le 26 mai 2003, les copropriétaires réunis en assemblée générale ont voté une résolution, adoptée à l’unanimité, relative à la modification de l’article 38 du règlement de copropriété et aux frais de chauffage répartis en fonction de la surface de chaque lot en lieu et place de la surface chauffée.

Depuis l’assemblée générale, la répartition des tantièmes appliqués aux consorts [U] concernant les charges de chauffage a évolué, passant de 537 à 2 205.

Les 6 mai 2024 et 2 août 2024, les consorts [U], contestant le nombre de tantièmes attribués à leurs parents depuis le 26 mai 2003, ont mis en demeure le syndicat des copropriétaires de leur adresser les documents justifiant un appel de 2 205 tantièmes en charge de chauffage et l’ordre de service adressé à un géomètre-expert conformément à la résolution de l’assemblée générale du 26 mai 2003.

C’est dans ces conditions, les mises en demeure étant restées infructueuses, que les consorts [U] ont, par exploit délivré le 24 septembre 2024, fait citer le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 4] et la société CLARDIM, devant le président de ce tribunal, statuant en référé, au visa de l’article 835 du code de procédure civile, L.131-1 du code des procédures civiles d’exécution, des articles de la loi du 10 juillet 1965 et les articles 1240 et 1241 du code civil, aux fins de :
Condamner le syndic CLARDIM à faire toutes diligences conformément à la résolution n°16 de l’assemblée générale du 26 mai 2023. Ces diligences sont les suivantes : Missionner un géomètre-expert pour déterminer la surface habitable des lots principaux et en conséquence qu’il produise une nouvelle grille de répartition des charges de chauffage ;Missionner un notaire aux fins de publication du règlement modifié avec la nouvelle répartition des charges de chauffage ;Qu’il signe tous actes nécessaires à la régularisation de la résolution n°16.
Assortir de cette condamnation d’une astreinte de 200 euros par jour en cas d’inexécution à compter de la signification de la décision à intervenir et jusqu’à ce que diligences soient faites,Condamner le syndicat des copropriétaires à prendre en charge l’intégralité des coûts nécessaires à l’opération, comme prévu dans la résolution n°16 susvisée, Appliquer à compter de la signification de la décision à intervenir les 537 tantièmes appliquées précédemment aux demandeurs en lieu et place des 2 205 concernant les charges communes de chauffage jusqu’à la publication du règlement modifié,Condamner in solidum le syndicat des copropriétaires et le syndic à une provision de 28 060,75 euros correspondant à la répétition de l’indu,Condamner in solidum le syndicat des copropriétaires et le syndic au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
A l’audience du 22 novembre 2024, les consorts [U] ont maintenu leurs demandes formulées dans leur acte introductif d’instance.

Dans leurs conclusions déposées et soutenues à l’audience, les demandeurs sollicitent du tribunal de débouter le syndicat des copropriétaires de l’ensemble de ses demandes et, à titre subsidiaire, dans le cas où il n’y aurait pas lieu à référé sur la demande de condamnation au titre de la répétition de l’indu, de renvoyer l’affaire pour qu’il soit statuer au fond conformément aux dispositions de l’article 837 du code de procédure civile.

En réponse, par des conclusions déposées et soutenues à l’audience, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] sollicite de débouter les consorts [U] de l’ensemble de leurs demandes et de condamner solidairement Monsieur [S] [U] et Madame [D] [U] :
A verser au syndicat des copropriétaires du [Adresse 4], représenté par son syndic en exercice, le cabinet CLARDIM, une somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée,A payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 4], représenté par son syndic en exercice, le cabinet CLARDIM, la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Bien que régulièrement assignée en sa qualité de représentant légal du syndicat des copropriétaires et en son nom propre, la société CLARDIM n’a pas constitué avocat et n’a pas comparu.

Conformément aux dispositions de l’article 446-1 du code de procédure civile, il est renvoyé à l’acte introductif d’instance et aux écritures déposées et développées oralement à l’audience pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande d’injonction principale

Les requérants fondent leurs demandes sur les dispositions de l’article 835, alinéa 2 du code de procédure civile, dont il résulte que dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

En vertu de l’article de l’article 17 de la loi du 10 juillet 1965 dans sa version applicable à la date où la résolution de l’assemblée générale litigieuse a été adoptée, « les décisions du syndicat sont prises en assemblée générale des copropriétaires ; leur exécution est confiée à un syndic placé éventuellement sous le contrôle d’un conseil syndical ».

L’article 18 de la loi du 10 juillet 1965 dispose également qu’« indépendamment des pouvoirs qui lui sont conférés par d’autres dispositions de la présente loi ou par une délibération spéciale de l’assemblée générale, le syndic est chargé, dans les conditions qui seront éventuellement définies par le décret prévu à l’article 47 ci-dessous :
– d’assurer l’exécution des dispositions du règlement de copropriété et des délibérations de l’assemblée générale ; »

L’article 11 de loi précise que « la répartition des charges ne peut être modifiée qu’à l’unanimité des copropriétaires ».

Par ailleurs, l’article 42 de ladite loi précise, en son deuxième alinéa, que « les actions qui ont pour objet de contester les décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants, dans un délai de deux mois à compter de la notification desdites décisions qui leur est faite à la diligence du syndic, dans un délai de deux mois à compter de la tenue de l’assemblée générale. Sauf en cas d’urgence, l’exécution par le syndic des travaux décidés par l’assemblée générale en application des articles 25 et 26 est suspendue jusqu’à l’expiration du délai mentionné à la première phrase du présent alinéa. ».

Le défendeur soutient qu’il existe une contestation sérieuse s’opposant à ce qu’il soit fait droit aux demandes des requérants, aux motifs que la résolution n°16 de l’assemblée générale du 26 mai 2003 n’a pas été votée à la bonne majorité, cette dernière n’ayant pas été votée à l’unanimité en l’absence de deux copropriétaires, ce qui fait obstacle à son application. Il ajoute qu’un géomètre a par ailleurs déjà été mandaté pour un passage le 6 novembre 2024 afin d’établir une grille de charge de chauffage au volume chauffé selon la surface annoncée sur les plans de copropriété.

En réponse, les requérants rappellent qu’une résolution dont il n’a pas été demandé annulation dans le délai de deux mois de rigueur, à compter de la notification du procès-verbal d’assemblée générale, ne peut être remise en cause et doit s’appliquer.

En l’espèce, la résolution n°16 de l’assemblée générale du 26 mai 2003, approuvée à l’unanimité, indique que l’assemblée générale, après en avoir délibéré, approuve la modification de l’article 38 du règlement de copropriété ainsi rédigé : « les frais de chauffage seront répartis entre les copropriétaires en fonction de la surface habitable de chaque lot principal ». Elle ajoute que « l’assemblée missionne le cabinet G&J Saulais pour régulariser la situation à compter de la date de l’assemblée générale, en liaison avec le notaire désigné par la syndic ».

Il convient de relever que la feuille de présence de l’assemblée générale qui s’est tenue le 16 mai 2003 fait apparaitre « la présence effective ou par représentation de 11 copropriétaires réunissant ensemble 7713/10000èmes de copropriété » et que trois copropriétaires sont mentionnés comme étant absents, non représentés. Il est donc établi que la résolution, adoptée à l’unanimité des copropriétaires présents ou représentés, n’a pas été votée à l‘unanimité de l’ensemble des copropriétaires comme elle aurait dû l’être selon les dispositions de l’article 11 de la loi du 10 juillet 1965 dans la mesure où elle avait vocation à modifier les frais de chauffage répartis en fonction de la surface de chaque lot en lieu et place de la surface de chauffe.

Le défendeur ne justifie cependant pas que cette résolution ait fait l’objet d’une contestation dans un délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal, de sorte qu’elle devait être exécutée, l’écoulement du délai de recours en contestation interdisant toute contestation ultérieure de la régularité de la décision.

Il est ainsi inopérant de soutenir que la résolution votée à une mauvaise majorité a été remise à l’ordre du jour de deux autres assemblées générales ultérieures puisqu’en l’absence de contestation elle se trouvait d’ores et déjà applicable. En outre, il ressort des procès-verbaux des assemblées générales des 8 juin 2004 et 20 septembre 2006 qu’aucun vote modifiant la résolution n°16 du 26 mai 2003 n’est intervenu.

Enfin, il convient de constater que la résolution adoptée le 26 mai 2003 a néanmoins produit des effets envers les consorts [U] puisque la répartition de leurs charges de chauffage a été modifiée, ces derniers se voyant appliquer des tantièmes à hauteur de 537 pour les charges de chauffage du 1er octobre au 31 décembre 2002 selon le décompte de provisions sur charges du quatrième trimestre 2002, puis de 2 205 tantièmes l’année suivante selon le décompte arrêté au 31 décembre 2003.

Dès lors, il convient de prononcer une injonction à l’encontre du syndic CLARDIM afin que ce dernier rende applicable la résolution de l’assemblée générale du 26 mai 2003.

Le défendeur soutient en outre que les consorts [U] sont irrecevables à solliciter la nomination d’un géomètre expert dans la mesure où ils se sont abstenus de voter une proposition similaire lors de l’assemblée générale du 3 juillet 2024.

Il convient cependant de relever que la proposition examinée à l’ordre du jour de cette assemblée concernait un « devis sollicité auprès d’un géomètre et/ou du thermicien spécialisé afin de contrôler et/ou recalculer les surfaces de chauffe de chaque appartement », contrevenant ainsi avec les dispositions de la résolution adoptée et applicable depuis le 26 mai 2003 instaurant une répartition en fonction de la surface habitable en lieu et place de la surface de chauffe.

En outre, il convient de relever que le défendeur ne verse aucun justificatif permettant de constater, avec l’évidence requise en référé, qu’un géomètre est intervenu et qu’une nouvelle clef de répartition « charges chauffage » a été mise en place.

En conséquence, il sera fait droit à la demande des consorts [U] et il y a lieu, conformément à ce qui a été adopté par l’assemblée générale des copropriétaires du 26 mai 2003, d’enjoindre le syndic à missionner un expert géomètre-expert, ainsi qu’un notaire.

Par ailleurs, au regard de la date lointaine de la résolution adoptée par l’assemblée générale en 2003 et du refus du syndicat des copropriétaires, malgré deux mises en demeure, de faire application de cette résolution, il y a lieu d’assortir l’injonction d’une astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard à compter de la signification de la présente ordonnance pour une durée de trois mois.

Sur la demande de provision

Les requérants sollicitent la condamnation des défendeurs au paiement d’une provision au visa de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile et au titre de la répétition de l’indu, constitué par les charges indument payées depuis 21 ans, et estimée à 28 060,75 euros. A titre subsidiaire, ils demandent à ce que le dossier soit renvoyé au fond, au visa de l’article 837 du code de procédure civile, l’urgence étant caractérisée en l’espèce par la nécessité de voir cesser le paiement des charges indues.

En vertu de l’article 1302-2 du code civil, celui qui par erreur ou sous la contrainte a acquitté la dette d’autrui peut agir en restitution contre le créancier. La restitution peut aussi être demandée à celui dont la dette a été acquittée par erreur.

Par ailleurs, en application des dispositions de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, l’octroi d’une provision suppose le constat préalable par le juge de l’existence d’une obligation non sérieusement contestable au titre de laquelle la provision est demandée. Cette condition intervient à un double titre : elle ne peut être ordonnée que si l’obligation sur laquelle elle repose n’est pas sérieusement contestable et ne peut l’être qu’à hauteur du montant non sérieusement contestable de cette obligation, qui peut d’ailleurs correspondre à la totalité de l’obligation.

Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l’un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n’apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

Le défendeur, pour s’opposer à cette demande, fait valoir que la nouvelle répartition a été votée irrégulièrement lors de l’assemblée générale du 26 mai 2003 et que Monsieur [H] [U] a voté l’approbation des comptes pour l’exercice 2019, puis s’est abstenu pour l’approbation des comptes lors de l’assemblée générale du 1er juin 2021.

Au cas présent, il convient de constater que, bien qu’aucune pièce du dossier ne permette de justifier la modification de la répartition des charges des consorts [U] depuis 2003 et ainsi les sommes versées à ce titre depuis cette date, aucun élément ne permet d’établir, avec l’évidence requise en référé, la répartition des charges telle qu’elle doit découler de l’application de la résolution de l’assemblée générale du 26 mai 2003 dans la mesure où il reviendra au géomètre-expert, missionné à cette fin, de déterminer la surface habitable des lots principaux et d’établir en conséquence une grille de répartition de charges de chauffage. De plus, il convient de relever que les pièces versées à la procédure, notamment les procès-verbaux d’assemblée générale, font état d’une approbation des comptes des exercices couvrant les années 2003, 2005, 2007 et 2019 par Monsieur [H] [U].

En conséquence et dans ces conditions, il y a lieu de constater que la demande de provision au titre de la répétition de l’indu des consorts [U] se heurte à une contestation sérieuse, et de dire qu’il n’y a pas lieu à référé de ce chef.

En outre, en l’absence d’urgence caractérisée, il n’y a pas non plus lieu de faire application de l’article 837 du code de procédure civile et les requérants seront déboutés de leur demande tendant au renvoi de l’affaire devant le juge du fond.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

En application des articles 32-1 du code de procédure civile et 1240 du code civil, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un montant maximal de 10 000 euros, ainsi qu’à verser des dommages et intérêts à la partie adverse qui justifie d’un préjudice.

L’exercice d’une action en justice constitue en principe un droit qui ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équivalant au dol.

Au cas présent, dès lors qu’il a été fait en partie droit aux demandes formulées par les consorts [U], il ne saurait être considéré qu’ils ont abusé de leur droit d’agir en justice à l’encontre du syndicat des copropriétaires.

La demande de condamnation des demandeurs au paiement de la somme de 2 000 euros sera, en conséquence, rejetée.

Sur les demandes accessoires

En vertu des articles 696 et 700 du code de procédure civile, il n’apparaît pas inéquitable de condamner in solidum les défendeurs, qui succombent à l’instance, à verser aux requérants la somme de 2 500 euros au titre des frais de procédure ainsi qu’aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par ordonnance réputée contradictoire en premier ressort,

Enjoignons la S.A.R.L. CLARDIM, en sa qualité de syndic de l’immeuble situé [Adresse 4], à [Localité 8], à faire exécuter, aux frais du syndicat des copropriétaires dudit immeuble, la résolution n°16 de l’assemblée générale du 26 mai 2003 en accomplissant tous les actes de régularisation nécessaires et à :
Missionner un géomètre-expert pour déterminer la surface habitable des lots principaux et produire une nouvelle grille de répartition des charges de chauffage,Missionner un notaire aux fins de publication du règlement modifié avec la nouvelle répartition des charges de chauffage ;
Disons que la S.A.R.L. CLARDIM, en sa qualité de syndic de l’immeuble situé [Adresse 4], à [Localité 8], sera redevable d’une astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard passé un délai de 15 jours suivant la signification de la présente décision, pendant une durée de trois mois ;

Disons n’y a voir lieu à référé sur la demande de provision au titre de la répétition de l’indu ;

Rejetons la demande des consorts [U] tendant à renvoyer l’affaire devant le juge du fond du tribunal judiciaire en application de l’article 837 du code de procédure civile ;

Rejetons la demande du syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] au titre de la procédure abusive ;

Disons n’y avoir lieu à référé pour le surplus des demandes ;

Condamnons in solidum le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] et la S.A.R.L. CLARDIM, en sa qualité de syndic de l’immeuble situé [Adresse 4], à [Localité 8], à verser aux consorts [U] la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons in solidum le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] et la S.A.R.L. CLARDIM, en sa qualité de syndic de l’immeuble situé [Adresse 4], à [Localité 8], aux entiers dépens ;

Rappelons que la présente ordonnance bénéficie de plein droit de l’exécution provisoire.

Fait à Paris le 31 décembre 2024

Le Greffier, Le Président,

Estelle FRANTZ Cristina APETROAIE

Décision préparée avec le concours de [T] [I], juriste-assistante.


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