Droits linguistiques et accès à la communication en rétention administrative

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Droits linguistiques et accès à la communication en rétention administrative

L’Essentiel : Le Tribunal Correctionnel de Nice a prononcé, le 16 septembre 2024, une interdiction de territoire de 5 ans à l’encontre de Monsieur [M] [L], suite à des faits de menace de mort et tentative de vol. Le 28 décembre 2024, un arrêté préfectoral a ordonné son expulsion, et il a été placé en rétention. Lors de son audition, Monsieur [M] [L] a exprimé son souhait de quitter la France pour l’Italie, mais a signalé des difficultés de compréhension en français. Son avocat a contesté l’absence d’interprète, mais le tribunal a jugé que ses droits n’avaient pas été atteints.

Procédure et moyens

Le dossier se fonde sur les articles L 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). Le Tribunal Correctionnel de Nice a prononcé, le 16 septembre 2024, une interdiction du territoire national de 5 ans à l’encontre de Monsieur [M] [L]. Un arrêté du Préfet des Alpes-Maritimes, daté du 28 décembre 2024, a été notifié le même jour, ordonnant l’exécution de cette interdiction. Ce jour-là, Monsieur [M] [L] a également été placé en rétention, une décision notifiée à 9h50. Le 1er janvier 2025, un magistrat a décidé de maintenir Monsieur [M] [L] dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire. Un appel a été interjeté par Monsieur [M] [L] le 2 janvier 2025.

Déclarations de Monsieur [M] [L]

Lors de son audition, Monsieur [M] [L] a exprimé son désir de quitter la France pour rejoindre sa famille en Italie, affirmant qu’il avait été en détention pour une bagarre. Il a mentionné qu’il avait des contacts en Tunisie, mais a également indiqué qu’il ne comprenait pas toujours les mots en français, n’ayant pas eu d’interprète lors de l’audience. Son avocat a soulevé l’absence d’assistance d’un interprète durant la première instance, malgré sa présence dans les procédures antérieures, et a demandé l’infirmation de l’ordonnance de rétention.

Motifs de la décision

L’appel contre l’ordonnance de rétention a été jugé recevable, sans irrégularités apparentes. Concernant le droit à un interprète, il a été établi que Monsieur [M] [L] n’en avait pas bénéficié lors de la notification de la mesure d’éloignement. Bien qu’un interprète ait été désigné lors de son audience au tribunal correctionnel, cela n’était pas à sa demande. Les éléments du dossier indiquent qu’il pouvait s’exprimer en français, et le magistrat a noté que la demande d’interprète avait été faite tardivement, un jour férié rendant difficile l’organisation de l’audience. Ainsi, il n’a pas été prouvé qu’il y ait eu atteinte à ses droits.

Accès au téléphone

Monsieur [M] [L] a reçu un téléphone portable en bon état le 28 décembre 2024, mais a ensuite déclaré qu’il ne fonctionnait plus. Une note de service a rapporté qu’il avait brisé son téléphone en le jetant au sol. Par conséquent, il a été conclu que la perte d’accès à un téléphone était due à son propre comportement, et le moyen a été rejeté.

Contexte judiciaire

Monsieur [M] [L] a été condamné le 16 septembre 2024 à une interdiction de territoire pour 5 ans pour des faits de menace de mort, tentative de vol et outrage à un dépositaire de l’autorité publique. Sa fiche pénale ne justifie pas d’une résidence permanente en France, et il a refusé de fournir des documents d’identité valides. Il a également été noté qu’il s’était soustrait à une précédente mesure d’éloignement. Malgré une mesure de libération sous contrainte, celle-ci n’a pas pu être exécutée. Le tribunal a donc jugé légitime le maintien de Monsieur [M] [L] en rétention.

Conclusion

La décision du magistrat pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention a été confirmée. Les parties ont été informées de leur droit de se pourvoir en cassation dans un délai de deux mois suivant la notification de cette ordonnance.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le droit à un interprète pour un étranger en rétention ?

En vertu de l’article R 743-6 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), il est stipulé que :

« Le juge nomme un interprète si l’étranger ne parle pas suffisamment la langue française. »

Dans le cas de Monsieur [M] [L], il a été constaté qu’il n’a pas bénéficié d’un interprète lors de la notification de la mesure d’éloignement et du placement en rétention.

Il a signé les documents présentés sans assistance, et il est mentionné qu’il ne formulait aucune observation à son arrivée au centre de rétention administrative (CRA).

De plus, lors de son audience devant le tribunal correctionnel, un interprète a été désigné, mais cela n’était ni à sa demande ni à celle de son avocat.

La fiche pénale indique que sa langue principale est le français, et une fiche d’incident montre qu’il peut s’exprimer en français sans aide.

Ainsi, le magistrat a noté que la demande d’interprète était intervenue tardivement, et l’organisation de l’audience n’a pas permis d’en faire appel.

Enfin, lors de l’audience devant la cour, Monsieur [M] [L] s’est exprimé en français de manière compréhensible, ce qui a conduit à la conclusion qu’il n’y a pas eu atteinte à ses droits.

Quelles sont les dispositions concernant l’accès au téléphone pour un étranger en rétention ?

Selon l’article L 744-4 alinéa 1 du CESEDA, il est précisé que :

« L’étranger placé en rétention est informé dans les meilleurs délais qu’il bénéficie, dans le lieu de rétention, du droit de demander l’assistance d’un interprète, d’un conseil et d’un médecin, et qu’il peut communiquer avec son consulat et toute personne de son choix. Ces informations lui sont communiquées dans une langue qu’il comprend. »

Dans le cas de Monsieur [M] [L], il a reçu un téléphone portable en bon état le 28 décembre 2024.

Cependant, il a ensuite déclaré que son téléphone ne fonctionnait plus et a exigé un autre appareil.

Il a été constaté qu’il a lui-même endommagé son téléphone en le jetant au sol, ce qui a conduit à la conclusion que le défaut d’accès à un téléphone était de sa propre responsabilité.

Ainsi, la preuve du défaut d’accès à un téléphone n’a pas été rapportée, et le moyen a été rejeté.

Quels sont les motifs de la condamnation de Monsieur [M] [L] ?

Monsieur [M] [L] a été condamné par le tribunal correctionnel de Nice le 16 septembre 2024 à une interdiction du territoire national pour une durée de 5 ans pour des faits de :

– Menace de mort ou d’atteinte aux biens, dangereuse pour les personnes à l’encontre d’un dépositaire de l’autorité publique,
– Tentative de vol,
– Outrage à une personne dépositaire de l’autorité publique.

Sa fiche pénale indique une adresse qui n’est pas justifiée par des éléments probants, ce qui signifie qu’il ne prouve pas une résidence effective et permanente en France.

De plus, il ne présente aucun document d’identité valide et a refusé de fournir des informations sur son identité, se présentant sous différentes identités.

Il s’est également soustrait à une précédente mesure d’éloignement, ce qui a conduit à la décision de maintenir sa rétention.

Le tribunal a donc confirmé la nécessité de conduire à terme la procédure d’éloignement, justifiant ainsi le maintien de Monsieur [M] [L] dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire.

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative

ORDONNANCE

DU 03 JANVIER 2025

N° RG 25/00009 – N° Portalis DBVB-V-B7J-BOFQZ

Copie conforme

délivrée le 03 Janvier 2025 par courriel à :

-l’avocat

-le préfet

-le CRA

-le JLD/TJ

-le retenu

-le MP

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention de Nice en date du 01 Janvier 2025 à 13H50.

APPELANT

Monsieur [M] [L]

né le 23 Août 2004 à [Localité 6] (TUNISIE)

de nationalité Tunisienne

 

Comparant en visioconférence depuis le centre de rétention administrative de [Localité 5] en application des dispositions de la loi n°2024-42 du 26 janvier 2024.

Assisté de Maître Aziza DRIDI, avocate au barreau de GRASSE, choisie et de Madame [B] [H], interprète en langue arabe , inscrite sur la liste des experts de la cour d’appel d’Aix-en-Provence.

INTIMÉ

Monsieur le PRÉFET DES ALPES-MARITIMES

Domicilié Centre administratif départemental des Alpes-Maritimes

[Adresse 3] – [Localité 2]

Non comparant, valablement avisé

MINISTÈRE PUBLIC

Avisé, non représenté

******

DÉBATS

L’affaire a été débattue en audience publique le 03 Janvier 2025 devant Madame Joëlle TORMOS, Conseiller à la cour d’appel déléguée par le premier président par ordonnance, assistée de Monsieur Nicolas FAVARD, Greffier,

ORDONNANCE

Par décision réputée contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 03 Janvier 2025 à 18h10,

Signée par Madame Joëlle TORMOS, Conseiller et Monsieur Nicolas FAVARD, Greffier,

PROCÉDURE ET MOYENS

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) ;

Vu la condamnation prononcée par le Tribunal Correctionel de Nice en date du 16 septembre 2024, ordonnant une interdiction du territoire national pour une durée de 5 ans ;

Vu l’arrêté portant exécution d’une interdiction judiciaire du territoire pris par le Préfet des Alpes-Maritimes en date du 28 décembre 2024, notifié le même jour à 9h50

Vu la décision de placement en rétention prise le 28 décembre 2024 par le PRÉFET DES ALPES-MARITIMES notifiée le même jour à 9h50;

Vu l’ordonnance du 01 Janvier 2025 rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention décidant le maintien de Monsieur [M] [L] dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire ;

Vu l’appel interjeté le 02 Janvier 2025 à 12H08 par Monsieur [M] [L] ;

Monsieur [M] [L] a comparu et a été entendu en ses explications ; il déclare :

‘Je comprends, je veux quitter la France même une heure. Des fois je comprend pas beaucoup les mots. (Sans interprète). Je ne suis pas arrivé en 2019

Je suis revenu j’ai passé en déténtion pour une bagarre. Je veux quitter la France pour aller en italie ma famille va me payer le voyage.

Sur votre question javais mon téléphone pas cassé. j’ai pas de chargeur c’est tout. (Sans interprète) Avec interprète => oui j’ai eu contact avec le forum réfugier

J’ai mes tantes maternelles mes cousins et mes cousines en tunisie.

Son avocat a été régulièrement entendu ; elle conclut que son client n’a pas eu l’assistance d’un interprète lors de l’audience de première instance alors qu’il en avait bénéficié tout au long de la procédure administrative et devant le tribunal correctionnel, que le juge des libertés et de la détention a refusé de lui en désigner un en dépit d’une demande formelle adressée au greffe ; qu’il n’a pas bénéficier de son droit de communication n’ayant pas eu de téléphone en état de marche mis à sa disposition. Elle demande que l’ordonnance soit infirmée et la mainlevée de la rétention.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La recevabilité de l’appel contre l’ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention n’est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d’irrégularité.

Sur le droit à un interprète :

En vertu de l’article R 743-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile,

le juge nomme un interprète si l’étranger ne parle pas suffisamment la langue

française.

Il résulte des éléments du dossier que l’intéressé n’a pas bénéficié lors de la notification de la mesure d’éloignement et du placement en rétention d’un interprète, qu’il a signé les documents présentés au fin de notification, qu’il est mentionné sur le formulaire d’observation lors de son arrivée au CRA ‘je ne formule aucune observation’ , qu’à son arrivée au CRA la ligne ‘interprète’ est renseignée d’un NON.

Lors de sa comparution devant le tribunal correctionnel le 16 septembre 2024 le président de l’audience constatant que [M] [L] ne ‘parlait pas suffisamment la langue française’ a désigné un interprète, cependant ce n’était ni à sa demande ni à celle de son conseil;

la fiche pénale de [M] [L] mentionne que sa langue parlée principale est le français par ailleurs la fiche d’incident rédigée le 30 décembre 2024 par le brigadier chef en poste au CRA montre que [M] [L] peut s’exprimer en français sans l’aide d’un interprète.

S’agissant de l’audience devant le juge des libertés et de la détention, il convient de relever que le magistrat a noté que la demande d’interprète était intervenue le jour de l’audience à 00h22 et que l’organisation de l’audience n’avait pas permis d efaire appel à un interprète, la cour ajoute qu’il s’agissait d’un jour férié impliquant une activité réduite pour les auxilliaires d ejustice tels que les interprètes ;

Enfin à l’audience devant la cour [M] [L] s’est exprimé en français de façon compréhensible et a pu répondre aux questions posées, le recours à l’interprète se faisant ponctuellement sans pour autant s’avérer indispensable.

Dans ces conditions, [M] [L] ne justifie d’aucune atteinte à ses droits.

Le moyen sera donc rejeté.

Sur le moyen tiré du défaut d’accès au téléphone

Selon les dispositions de l’article L744-4 alinéa 1 du CESEDA, ‘L’étranger placé en rétention est informé dans les meilleurs délais qu’il bénéficie, dans le lieu de rétention, du droit de demander l’assistance d’un interprète, d’un conseil et d’un médecin, et qu’il peut communiquer avec son consulat et toute personne de son choix. Ces informations lui sont communiquées dans une langue qu’il comprend.’

Il résulte de la procédure (fiche CRA) que [M] [L] s’est vu remettre le 28 décembre 2024, un téléphone portable par le centre de rétention il est mentionné que ce dernier était en ‘bon’ état. Une mention de service établie le 30 décembre 2024 indique que ‘le retenu [L] nous informe que son téléphone portable ne fonctionne plus et qu’il en exige un autre. Allons voir dans notre stock et constatons qu’il n’y a plus de téléphone portable disponible…ce dernier se met à hurler et exige un téléphone immédiatement. Il se dirige vers la cour de promenade et jette violemment son téléphone portable à terre, ce dernier explose.’ :

Il se déduit de ces éléments que c’est par le seul fait de [M] [L] que ce dernier n’a plus eu accès à son téléphone.

La preuve du défaut d’accès à un téléphone n’est donc pas rapportée. Le moyen sera rejeté.

Sur le fond :

[M] [L] par jugement en date du 16/09/2024 prononcé par le tribunal

correctionnel de Nice a été condamné a une interdiction du territoire national pour une durée de 5 ans pour des fairs de:

– menace de mort, ou d’atteinte aux biens, dangereuse pour Ies personnes à I’encontre d’un dépositaire de I’autorité publique,

– tentative de vol,

– outrage a une personne dépositaire de I’autorité publique ;

Sa fiche pénale indique une adresse [Adresse 4], [Localité 1], qui n’est justifiée par aucun élément probant et qu’ainsi, il ne justifie pas d’une résidence effective et permanente dans un local affecté a son habitation principale sur le territoire francais.

[M] [L] ne présente aucun documents d’identité ou de voyage en cours de validité, il a refusé de communiquer Ies renseignements permettant d’établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou il a communiqué des renseignements inexacts; En effet il est connu sous différentes identités : [L] [M], [F] [L], [R] [X] ou encore [X] [K] [D].

[M] [L] s’est soustrait à une précédente mesure d’éIoignement prise le 22/12/2022

notifée le 22/12/2022, par la prefecture des Alpes-Maritimes. Il se maintient donc depuis deux ans sur le territoire français sans avoir entrepris de démarches pour régulariser sa situation.

[M] [L] a bénéficié d’une mesure de libération sous contrainte prononcée par le juge d’application des peines de Nice le 29 novembre 2024, cette mesure n’a pu être exécutée; I

Tenant compte de la nécessité de conduire à son terme la procedure de mise à exécution de l’interdiction judiciaire du territoire francais prononcée, c’est à bon droit que le premier juge a ordonné le maintien de [M] [L] dans les locaux ne relevant pas d el’administration judiciaire.

L’ordonnance entreprise sera en conséquence confirmée.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par décision Par décision réputée contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,

Confirmons l’ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention en date du 01 Janvier 2025.

Les parties sont avisées qu’elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d’Etat ou de la Cour de cassation.

Le greffier Le président

Reçu et pris connaissance le :

Monsieur [M] [L]

Assisté d’un interprète


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