Prolongation de la rétention administrative : enjeux de l’éloignement et de la protection des droits individuels.

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Prolongation de la rétention administrative : enjeux de l’éloignement et de la protection des droits individuels.

L’Essentiel : M. [H] [J], né le 6 avril 2006 en Tunisie, a reçu un arrêté préfectoral le 18 octobre 2024, lui ordonnant de quitter la France, et a été placé en rétention administrative. Après plusieurs prolongations, un magistrat a confirmé la rétention, soulignant que M. [H] [J] représentait une menace pour l’ordre public en raison de sa condamnation pour vols aggravés et transport d’armes. Bien que son appel ait été jugé recevable, la cour a maintenu l’ordonnance initiale, considérant que les conditions de rétention étaient remplies. M. [H] [J] a exprimé son souhait de rejoindre sa mère en Italie.

Arrêté préfectoral et placement en rétention

M. [H] [J], né le 6 avril 2006 à [Localité 2] et de nationalité tunisienne, a reçu un arrêté préfectoral le 18 octobre 2024, lui ordonnant de quitter le territoire français. Ce même jour, il a été placé en rétention administrative.

Prolongations de la rétention

Le 22 octobre 2024, un magistrat du tribunal judiciaire de Nîmes a prolongé la rétention de M. [H] [J] pour une première période de 26 jours. Par la suite, une deuxième prolongation de 30 jours a été accordée, suivie d’une troisième prolongation de 15 jours le 17 décembre 2024. Enfin, le 1er janvier 2025, une quatrième prolongation de 15 jours a été ordonnée à la demande du Préfet des Alpes-Maritimes.

Appel de l’ordonnance

M. [H] [J] a interjeté appel de l’ordonnance du 1er janvier 2025 le 2 janvier 2025. Lors de l’audience, il a exprimé son souhait de rejoindre sa mère en Italie et a affirmé qu’il ne retournerait pas en France. Il a également signalé qu’il n’avait pas eu de nouvelles du consulat tunisien.

Arguments de la défense

L’avocat de M. [H] [J] a plaidé pour la levée de la rétention, soutenant que les conditions pour prolonger la mesure n’étaient pas remplies. Le Préfet des Alpes-Maritimes n’était pas présent à l’audience.

Recevabilité de l’appel

L’appel interjeté par M. [H] [J] a été jugé recevable, car il a été effectué dans les délais légaux conformément aux dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers.

Analyse des motifs de rétention

Le juge a examiné les motifs de prolongation de la rétention. Bien que la préfecture n’ait pas prouvé que la délivrance des documents de voyage interviendrait rapidement, il a été noté que M. [H] [J] avait été condamné à un an d’emprisonnement pour des faits de vols aggravés et transport d’armes, ce qui constitue une menace pour l’ordre public.

Décision finale

La cour a confirmé l’ordonnance de prolongation de la rétention, statuant que les conditions de maintien en rétention étaient remplies. L’appel a été déclaré recevable, mais l’ordonnance initiale a été confirmée dans toutes ses dispositions.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la recevabilité de l’appel

L’appel interjeté par Monsieur [H] [J] le 2 janvier 2025 à 10 heures 59 est jugé recevable.

Cette recevabilité est fondée sur les dispositions des articles L. 743-21, R. 743-10 et R. 743-11 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

L’article L. 743-21 précise que « l’appel est recevable contre les décisions du juge des libertés et de la détention relatives à la rétention administrative ».

De plus, les articles R. 743-10 et R. 743-11 établissent les modalités de notification et de délai pour interjeter appel, garantissant ainsi le respect des droits de l’individu concerné.

Ainsi, l’appel a été effectué dans les délais légaux, ce qui le rend recevable.

Sur le fond de la prolongation de la rétention

La prolongation de la rétention administrative de Monsieur [H] [J] est régie par l’article L. 742-5 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Cet article stipule que « à titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L. 742-4 lorsque l’une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours :

1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement,

2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement :

a) une demande de protection contre l’éloignement,

b) ou une demande d’asile,

3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé.

L’étranger est maintenu en rétention jusqu’à ce que le juge ait statué.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d’une durée maximale de quinze jours.

Il est également précisé que si l’une des circonstances mentionnées survient au cours de la prolongation exceptionnelle, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions.

Cependant, dans le cas présent, la préfecture des Alpes-Maritimes n’a pas établi que la délivrance des documents de voyage interviendrait à bref délai.

Monsieur [H] [J] a confirmé qu’il n’avait eu aucun contact avec le consulat tunisien, ce qui remet en question la légitimité de la prolongation de sa rétention.

Sur la nécessité du maintien en rétention

L’article L. 741-3 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile stipule que « un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration exerce toute diligence à cet effet ».

Il appartient donc au juge judiciaire d’apprécier la nécessité du maintien en rétention.

Dans le cas de Monsieur [H] [J], bien qu’il ait été condamné pour des faits de vols aggravés et transport d’armes, ce qui pourrait justifier une menace à l’ordre public, il est essentiel de considérer si la rétention est toujours nécessaire.

La préfecture n’a pas prouvé que les conditions pour prolonger la rétention étaient remplies, notamment en ce qui concerne la délivrance des documents de voyage.

Ainsi, la décision de maintenir Monsieur [H] [J] en rétention pourrait être contestée sur la base de l’absence de diligence de l’administration pour assurer son départ.

En conclusion, bien que la nature des faits commis par Monsieur [H] [J] puisse justifier une certaine mesure de rétention, les conditions légales pour prolonger cette rétention ne sont pas remplies, ce qui pourrait conduire à une remise en liberté.

Ordonnance N°06

N° RG 25/00004 – N° Portalis DBVH-V-B7J-JN5G

Recours c/ déci TJ Nîmes

01 janvier 2025

[J]

C/

LE PREFET DES ALPES-MARITIMES

COUR D’APPEL DE NÎMES

Cabinet du Premier Président

Ordonnance du 03 JANVIER 2025

(Au titre des articles L. 742-4 et L 742-5 du CESEDA)

Nous, M. André LIEGEON, Conseiller à la Cour d’Appel de Nîmes, désigné par le Premier Président de la Cour d’Appel de Nîmes pour statuer sur les appels des ordonnances du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Nîmes en charge du contentieux de la rétention administrative, rendues en application des dispositions des articles L 742-1 et suivants du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit de l’Asile (CESEDA), assisté de Mme Céline DELCOURT, Greffière,

Vu l’arrêté préfectoral ordonnant une obligation de quitter le territoire français en date du 18 octobre 2024 notifié le même jour, ayant donné lieu à une décision de placement en rétention en date du 18 octobre 2024, notifiée le même jour à 10 heures 15 concernant :

M. [H] [J]

né le 06 Avril 2006 à [Localité 2]

de nationalité Tunisienne

Vu l’ordonnance en date du 22 octobre 2024 rendue par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Nîmes en charge du contentieux de la rétention administrative portant prolongation du maintien en rétention administrative de la personne désignée ci-dessus ;

Vu la requête reçue au greffe du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Nîmes en charge du contentieux de la rétention administrative le 31 décembre 2024 à 08 heures 21, enregistrée sous le N°RG 24/06003 présentée par M. le Préfet des Alpes-Maritimes ;

Vu l’ordonnance rendue le 01 Janvier 2025 à 15 heures 04 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Nîmes en charge du contentieux de la rétention administrative sur quatrième prolongation, à titre exceptionnel qui a :

* Déclaré la requête recevable ;

* Ordonné pour une durée maximale de 15 jours commençant à l’expiration du précédent délai de 15 jours déjà accordé, le maintien dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire, de M. [H] [J] ;

* Dit que la mesure de rétention prendra fin à l’expiration d’un délai de 15 jours à compter du 01 janvier 2025 à 10 heures 15 ;

Vu l’appel de cette ordonnance interjeté par Monsieur [H] [J] le 02 Janvier 2025 à 10 heures 59 ;

Vu l’absence du Ministère Public près la Cour d’appel de Nîmes régulièrement avisé ;

Vu l’absence du Préfet des Alpes-Maritimes, régulièrement convoqué ;

Vu l’assistance de Monsieur [I] [W] interprète en langue arabe inscrit sur la liste des experts de la cour d’appel de Nîmes ;

Vu la comparution de Monsieur [H] [J], régulièrement convoqué;

Vu la présence de Me Jean faustin KAMDEM, avocat de Monsieur [H] [J] qui a été entendu en sa plaidoirie ;

MOTIFS

Monsieur [H] [J] a fait l’objet d’un arrêté préfectoral lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai en date du 18 octobre 2024 qui lui a été notifié le même jour.

Il a été placé en rétention administrative et sur requêtes de la préfecture, sa rétention a été prolongée une première fois pour une durée de 26 jours (ordonnance du 22 octobre 2024) puis une deuxième fois pour une durée de 30 jours.

Une troisième prolongation a été ordonnée par ce même magistrat pour une nouvelle période de 15 jours, selon décision du 17 décembre 2024.

Sur requête du Préfet des Alpes Maritimes du 31 décembre 2024, le Juge des libertés et de la détention de Nîmes a ordonné une quatrième prolongation de cette rétention pour 15 jours, et ce par ordonnance du 1er janvier 2025.

Monsieur [H] [J] a relevé appel de cette ordonnance le 2 janvier 2024 à 10 heures 59.

A l’audience, il demande la levée de la rétention. Il expose qu’il voudrait rejoindre sa mère en Italie et précise qu’il ne reviendra pas en France. Il ajoute qu’il n’a aucune nouvelle du consulat tunisien. Il ajoute avoir été amené au CRA après sa levée d’écrou.

Son avocat conclut au non renouvellement de la mesure de rétention administrative en faisant valoir qu’aucune des conditions requises pour une prolongation de la mesure n’est remplie.

Le Préfet des Alpes Maritimes n’est pas représenté à l’audience.

SUR LA RECEVABILITE DE L’APPEL

L’appel interjeté le 2 janvier 202 à 10 heures 59 par Monsieur [H] [J] à l’encontre de l’ordonnance rendue le 1er janvier 2025 a été relevé dans les délais légaux et conformément aux dispositions des articles L. 743-21, R. 743-10 et R. 743-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Il est donc recevable.

SUR LE FOND

L’article L. 742-5 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile en son alinéa 5 dispose que,

« à titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L.742-4 lorsqu’une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours :

1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement,

2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement :

a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 9° de l’article L.611-3 ou du 5° de l’article L.631-3,

b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L.754-1 et L.754-3,

3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

L’étranger est maintenu en rétention jusqu’à ce que le juge ait statué.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d’une durée maximale de quinze jours.

Si l’une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application du huitième alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n’excède pas alors quatre-vingt-dix jours. »  

Ces dispositions doivent s’articuler avec celles de l’article L.741-3 du même code, selon lesquelles il appartient au juge judiciaire d’apprécier la nécessité du maintien en rétention et de mettre fin à la rétention administrative, lorsque les circonstances de droit ou de fait le justifient : « « Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration exerce toute diligence à cet effet. »

Il est constant qu’il appartient à la préfecture d’établir que la délivrance des documents de voyage interviendra à bref délai. Or dans le cas présent, la préfecture des Alpes Maritimes ne rapporte pas cette preuve. A cet égard, il sera observé qu’il ressort de sa requête qu’elle a encore relancé les autorités consulaires tunisiennes les 16 et 30 décembre 2024, sans succès. En outre, Monsieur [H] [J] confirme à l’audience qu’il n’a eu aucun contact avec celle-ci. Aussi, ce motif pour une prolongation ne peut être retenu.

En revanche, il importe de relever que Monsieur [H] [J] a été condamné le 18 avril 2024 par le tribunal correctionnel de Nice à la peine d’un an d’emprisonnement pour des faits de vols aggravés et transport d’armes, et a été écroué du 18 avril 2024 au 18 octobre 2024. La nature des faits ainsi que le quantum et la nature de la peine prononcée permettent de caractériser la persistance d’une menace à l’ordre public.

L’ordonnance déférée sera donc confirmée.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort,

Vu l’article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,

Vu les articles L.741-1, L742-1 à L743-9 ; R741-3 et R.743-1 à L.743-19 et L.743-21 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Vu le décret n° 2024-799 du 2 juillet 2024 pris pour l’application du titre VII de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, relatif à la simplification des règles du contentieux ;

CONSTATANT qu’aucune salle d’audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité immédiate du lieu de rétention n’est disponible pour l’audience de ce jour ;

DECLARONS recevable l’appel interjeté par Monsieur [H] [J] ;

CONFIRMONS l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;

RAPPELONS que, conformément à l’article R.743-20 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile, les intéressés peuvent former un pourvoi en cassation par lettre recommandée avec accusé de réception dans les deux mois de la notification de la présente décision à la Cour de cassation [Adresse 1].

Fait à la Cour d’Appel de Nîmes,

Le 03 Janvier 2025 à

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

‘ Notification de la présente ordonnance a été donnée ce jour au Centre de rétention administrative de Nîmes à M. [H] [J], par l’intermédiaire d’un interprète en langue arabe.

Le à H

Signature du retenu

Copie de cette ordonnance remise, ce jour, par courriel à :

Monsieur [H] [J], pour notification par le CRA,

Me Jean faustin KAMDEM, avocat,

Le Préfet des Alpes-Maritimes,

Le Directeur du CRA de Nîmes,

Le Ministère Public près la Cour d’Appel de Nîmes,

Le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Nîmes.


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