Prolongation de la rétention administrative : enjeux de l’ordre public et droits des étrangers.

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Prolongation de la rétention administrative : enjeux de l’ordre public et droits des étrangers.

L’Essentiel : Monsieur [W] [Y], ressortissant tunisien, a été soumis à une obligation de quitter le territoire français, prononcée le 9 septembre 2024. Placé en rétention administrative le 2 novembre 2024, sa détention a été prolongée par la Préfète de l’Aisne pour des raisons administratives. L’avocat de Monsieur [W] a soulevé des préoccupations concernant sa santé et a demandé un accès médical. Le juge, après examen, a conclu que les motifs de prolongation n’étaient pas justifiés, notamment en raison de l’absence de menace pour l’ordre public. La demande de prolongation a donc été rejetée, ordonnant sa libération sous 24 heures.

Contexte Juridique

L’affaire concerne Monsieur [W] [Y], un ressortissant tunisien, né le 25 juin 1995, qui a été soumis à une obligation de quitter le territoire français. Cette décision a été prononcée le 9 septembre 2024 par le Préfet des Yvelines, interdisant son retour en France. Par la suite, il a été placé en rétention administrative pour une durée initiale de quatre jours, à compter du 2 novembre 2024, par la Préfète de l’Aisne.

Prolongation de la Rétention Administrative

Le 31 décembre 2024, la Préfète de l’Aisne a demandé une prolongation de la rétention de Monsieur [W] [Y] au-delà de la période initiale, invoquant des raisons administratives. Cette demande a été accompagnée de plusieurs prolongations successives, portant la durée totale de la rétention à un maximum de 15 jours supplémentaires, conformément aux articles L.743-9 et L. 743-24 du Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile.

Observations de l’Avocat

L’avocat de Monsieur [W] [Y], Me Orsane Broisin, a exprimé qu’il n’y avait pas de problème dans la procédure suivie par l’administration. Cependant, il a mentionné que son client avait des problèmes de santé et souhaitait être vu par un médecin à l’extérieur de la rétention. L’intéressé a également demandé à être assisté d’un avocat pour traiter son dossier médical.

Motifs de la Décision Judiciaire

Le juge a examiné les motifs de prolongation de la rétention, en se basant sur l’article L. 742-5 du CESEDA. Il a noté que la simple poursuite pour violation de domicile ne suffisait pas à établir une menace pour l’ordre public. De plus, il n’y avait pas d’éléments concrets indiquant que le laissez-passer consulaire serait délivré rapidement, ce qui a conduit à la conclusion que les conditions pour prolonger la rétention n’étaient pas réunies.

Décision Finale

En conséquence, la demande de prolongation de la rétention administrative a été rejetée. Monsieur [W] [Y] a été ordonné de retrouver sa liberté dans un délai de vingt-quatre heures suivant la notification de la décision au Procureur de la République. Il a été informé de son obligation de quitter le territoire national et des droits qui lui sont accordés pendant cette période.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de prolongation de la rétention administrative selon le Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile ?

La prolongation de la rétention administrative est régie par l’article L. 742-5 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile (CESEDA). Cet article stipule que, à titre exceptionnel, le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut être saisi pour prolonger le maintien en rétention au-delà de la durée maximale prévue à l’article L. 742-4, lorsque certaines conditions sont remplies dans les quinze derniers jours.

Ces conditions incluent :

1. **Obstruction à l’exécution de la décision d’éloignement** : L’étranger a fait obstruction à l’exécution de la décision d’éloignement.

2. **Demande de protection** : L’étranger a présenté une demande de protection contre l’éloignement ou une demande d’asile dans le but d’échapper à la décision d’éloignement.

3. **Documents de voyage** : La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat.

Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public. Si le juge ordonne la prolongation, celle-ci est limitée à une durée maximale de quinze jours.

Il est important de noter que la prolongation de la rétention ne peut excéder quatre-vingt-dix jours au total, si les circonstances justifiant la prolongation se reproduisent.

Quels sont les droits de l’étranger en rétention administrative ?

Les droits de l’étranger en rétention administrative sont précisés dans les articles L. 743-9 et L. 743-24 du CESEDA. Ces articles stipulent que l’étranger a le droit d’être informé de ses droits pendant la rétention, notamment :

– **Assistance d’un avocat** : L’étranger a le droit d’être assisté d’un avocat de son choix ou d’un avocat commis d’office.

– **Information sur les recours** : L’étranger doit être informé des possibilités et des délais de recours contre toutes les décisions le concernant.

– **Accès à des soins médicaux** : L’étranger a le droit de demander à être vu par un médecin, surtout s’il signale des problèmes de santé.

Ces droits sont essentiels pour garantir que l’étranger puisse contester la légalité de sa rétention et obtenir l’assistance nécessaire pour sa situation personnelle.

Comment la menace à l’ordre public est-elle appréciée dans le cadre de la rétention administrative ?

L’appréciation de la menace à l’ordre public dans le cadre de la rétention administrative est encadrée par l’article L. 742-5 du CESEDA. Cet article précise que la menace doit être évaluée de manière concrète, en tenant compte d’un faisceau d’indices qui établissent la réalité des faits, leur gravité, la récurrence et l’actualité de la menace.

Il est important de noter que la simple commission d’une infraction pénale ne suffit pas à établir qu’un individu constitue une menace pour l’ordre public.

Dans le cas de Monsieur [W] [Y], bien qu’il ait été placé en garde-à-vue pour des faits de violation de domicile, cela ne constitue pas en soi une menace pour l’ordre public.

Aucun élément objectif ne permet de conclure que la délivrance du laissez-passer consulaire interviendrait à bref délai, ce qui signifie que les conditions pour prolonger la rétention ne sont pas réunies.

Quelles sont les conséquences de la décision de rejet de la demande de prolongation de la rétention ?

La décision de rejet de la demande de prolongation de la rétention administrative a plusieurs conséquences importantes. Selon l’ordonnance rendue, Monsieur [W] [Y] doit être remis en liberté dans un délai de vingt-quatre heures suivant la notification de la décision au Procureur de la République.

Cette remise en liberté est conditionnée par le fait qu’aucune autre décision contraire ne soit prise par le magistrat.

De plus, l’intéressé est informé qu’il est maintenu à la disposition de la justice pendant ce délai de vingt-quatre heures, ce qui lui permet de contacter un avocat, un tiers, de rencontrer un médecin et de s’alimenter.

Il est également rappelé à l’intéressé qu’il a l’obligation de quitter le territoire national, ce qui signifie qu’il doit se conformer aux décisions administratives qui le concernent, même après sa remise en liberté.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Au nom du Peuple Français

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOULOGNE SUR MER

ORDONNANCE STATUANT SUR UNE DEMANDE DE PROLONGATION DE RETENTION

MINUTE: 25/7
Appel des causes le 01 Janvier 2025 à 10h00 en visioconférence
Divétrangers
N° étrN° RG 24/05856 – N° Portalis DBZ3-W-B7I-76CSS

Nous, Mme DESWARTE Anne, Vice-Présidente au Tribunal judiciaire de BOULOGNE SUR MER, juge chargé du contrôle des mesures restrictives et privatives de libertés en droit des étrangers, assistée de Madame Alicia WALLET, Greffier, statuant en application des articles L.742-1, L.743-4, L.743-6 à L.743-8, L. 743-20 et L. 743-24 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile;

Vu l’article R. 213-12-2 du code de l’organisation judiciaire ;

Vu le Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile notamment en ses articles L. 741-1 et suivants ;

Monsieur [W] [Y]
de nationalité Tunisienne
né le 25 Juin 1995 à [Localité 4] (TUNISIE), a fait l’objet :

– d’une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, fixant le pays de destination de la reconduite, lui faisant interdiction de retour sur le territoire français prononcée le 09 septembre 2024 par M. PREFET DES YVELINES, qui lui a été notifié le jour même à 16 heures 40.
– d’un arrêté ordonnant son placement en rétention administrative pour une durée de quatre jours, prononcée le 02 novembre 2024 par Mme PREFETE DE L’AISNE, qui lui a été notifié le 02 novembre 2024 à 15 heures 00.

Par requête du 31 Décembre 2024, arrivée par courrier électronique à 10 heures 05 Mme PREFETE DE L’AISNE invoquant devoir maintenir l’intéressé au-delà de QUATRE JOURS, prolongé par un délai de VINGT-SIX JOURS selon l’ordonnance du 06 novembre 2024, prolongé par un délai de TRENTE JOURS selon l’ordonnance du 02 décembre 2024, demande l’autorisation de prolonger ce délai pour une durée de QUINZE JOURS maximum.

En application des articles L.743-9 et L. 743-24 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile il a été rappelé à l’intéressé, assisté de Me Orsane BROISIN, avocat au Barreau de BOULOGNE-SUR-MER et commis d’office, les droits qui lui sont reconnus pendant la rétention et a été informé des possibilités et des délais de recours contre toutes les décisions le concernant ; qu’il a été entendu en ses observations

Me Orsane BROISIN entendue en ses observations : Je n’ai pas vu de problème dans la procédure. L’administration a fait des diligences. Monsieur m’a signalé un certain nombre de problèmes de santé. Je lui ai indiqué de saisir le médecin. Je n’ai pas d’élément médicaux sur son état de santé mais il m’a indiqué avoir dit à plusieurs reprises avoir des problèmes de santé. Son état de santé justifierait d’être vu à l’extérieur.

L’intéressé déclare : Je souhaite être assisté d’un avocat. Je veux sortir pour me rapprocher de mes médecins. Mon dossier médical est très long. L’avocat a eu mon dossier.

MOTIFS

Selon l’article L. 742-5 du CESEDA, à titre exceptionnel, le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L. 742-4, lorsqu’une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours:
1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ;
2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement :
a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L. 631-3 ;
b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.
L’étranger est maintenu en rétention jusqu’à ce que le juge ait statué.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d’une durée maximale de quinze jours.
Si l’une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l’avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas quatre-vingt-dix jours.

S’agissant de la menace à l’ordre public, elle impose, compte tenu du caractère dérogatoire et exceptionnel de cette prolongatIon, une vigilence sur les conditions retenues pour qualifier ladite menace. Elle a pour objectif manifeste de prévenir pour l’avenir les agissements dangereux commis par des personnes en situation irrégulière sur le territoire national. Elle doit faire l’objet d’une appréciation in concreto au regard d’un faisceau d’indices permettant d’établir la réalité des faits, leur gravité, la récurrence et l’actualité de la menace selon le comportement de l’intéressé. La commission d’une infraction pénale n’est pas de nature à elle seule à établir que le comportement de l’intéressé présenterait une menace pour l’ordre public.

En l’espèce, il résulte de la procédure que l’intéressé a été placé en garde-à-vue le 01 novembre 2024 pour des faits de violation de domicile, faits ayant donné lieu à une convocation en vue d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Pour autant, il ne peut se déduire de cette seule décision de poursuite que l’intéressé constituerait une menace à l’ordre public, que s’il est connu du fichier automatisé des empreintes digitales pour divers faits, il sera observé qu’aucune décision de poursuite n’a été prise les concernant de sorte que seuls doit être pris en considération, les seuls faits de violation de domicile du 01 novembre 2024 qui s’avère insuffisant à caractériser une menace. Par ailleurs, aucun élément objectif de la procédure ne permet de conclure que le laissez-passer consulaire sollicité auprès des autorités tunisiennes interviendrait à bref délai. Les conditions de l’article précité ne sons pas réunies.

PAR CES MOTIFS

REJETONS la demande de prolongation de maintien en rétention administrative de Mme PREFETE DE L’AISNE

ORDONNONS que Monsieur [W] [Y] soit remis en liberté à l’expiration d’un délai de vingt quatre heures suivant la Notification à Monsieur le Procureur de la République de [Localité 2] de la présente ordonnance sauf dispositions contraires prises par ce magistrat.

INFORMONS Monsieur [W] [Y] qu’il est maintenu à la disposition de la justice pendant un délai de vingt quatre heures à compter de la notification de la présente ordonnance au procureur de la République et le cas échéant, jusqu’à ce qu’il soit statué sur l’effet suspensif de l’appel ou la décision au fond, que pendant ce délai il peut contacter un avocat, un tiers, rencontrer un médecin et s’alimenter.

RAPPELONS à l’intéressé qu’il a l’obligation de quitter le territoire national.

NOTIFIONS sur le champ la présente ordonnance par mail au CRA pour remise à l’intéressé qui, en émargeant ci-après, atteste avoir reçu copie et avisons l’intéressé de la possibilité de faire appel, devant le Premier Président de la Cour d’Appel ou son délégué, de la présente ordonnance dans les vingt quatre heures de son prononcé ; l’informons que la déclaration d’appel doit être motivée et peut être transmise par tout moyen (notamment par mail via la boîte structurelle : [Courriel 3] ) au greffe de la Cour d’Appel de DOUAI (numéro de FAX du greffe de la Cour d’Appel: [XXXXXXXX01]) ; lui indiquons que seul l’appel formé par le ministère public peut être déclaré suspensif par le Premier Président de la Cour d’Appel ou son délégué.

L’avocat, Le Greffier, Le Juge,

décision rendue à 12h03
Ordonnance transmise ce jour à Mme PREFETE DE L’AISNE
Ordonnance transmise au Tribunal administratif de LILLE
N° étrN° RG 24/05856 – N° Portalis DBZ3-W-B7I-76CSS
En cas de remise en liberté : Ordonnance notifiée à Monsieur le procureur de la République à

Décision notifiée à …h…

L’intéressé,


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