Prolongation de la rétention administrative : enjeux de nationalité et d’obstruction à l’éloignement.

·

·

Prolongation de la rétention administrative : enjeux de nationalité et d’obstruction à l’éloignement.

L’Essentiel : L’affaire concerne Monsieur [G] [E], ressortissant marocain, soumis à une obligation de quitter le territoire français et à une rétention administrative. Le Préfet du Pas-de-Calais a demandé une prolongation de cette rétention, invoquant des éléments d’obstruction. Cependant, l’avocat de Monsieur [G] [E] a contesté cette demande, arguant qu’aucune obstruction n’avait été constatée récemment. Le juge a examiné les déclarations de l’intéressé, qui affirmait sa nationalité algérienne, et a conclu que cela ne constituait pas un acte d’obstruction. La demande de prolongation a été rejetée, ordonnant la remise en liberté de Monsieur [G] [E].

Contexte Juridique

L’affaire se déroule dans le cadre de l’application de l’article R. 213-12-2 du code de l’organisation judiciaire et des dispositions du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile, notamment les articles L. 741-1 et suivants. Elle implique un ressortissant marocain et un ressortissant algérien, tous deux ayant fait l’objet de décisions administratives concernant leur séjour en France.

Décisions Administratives

Monsieur [G] [E], de nationalité marocaine, a reçu une obligation de quitter le territoire français, notifiée le 13 janvier 2024, ainsi qu’un arrêté de placement en rétention administrative pour quatre jours, prononcé le 18 octobre 2024. Ce dernier a été notifié à l’intéressé le même jour.

Prolongation de la Rétention

Le 31 décembre 2024, le Préfet du Pas-de-Calais a demandé une prolongation de la rétention administrative au-delà de la période initiale, justifiant cette demande par des éléments d’obstruction à l’exécution de la décision d’éloignement. Plusieurs prolongations avaient déjà été accordées, portant la durée de rétention à un total de plusieurs semaines.

Observations des Parties

L’avocat de la Préfecture a soutenu la demande de prolongation, arguant que l’intéressé avait refusé d’être présenté aux autorités consulaires algériennes et avait utilisé un alias. En revanche, l’avocat de Monsieur [G] [E] a contesté la prolongation, affirmant qu’il n’y avait pas eu d’obstruction dans les quinze derniers jours et que le maintien en rétention n’était pas justifié.

Déclarations de l’Intéressé

Monsieur [G] [E] a affirmé sa nationalité algérienne et a déclaré qu’il n’avait jamais été informé de la nécessité de contacter un consulat. Il a insisté sur le fait qu’il avait toujours déclaré être algérien.

Motifs de la Décision

Le juge a examiné les circonstances entourant la demande de prolongation. Il a conclu que la déclaration de nationalité algérienne de l’intéressé ne constituait pas un acte d’obstruction, car il avait toujours affirmé cette nationalité depuis le début de sa garde à vue. De plus, la Préfecture n’a pas fourni de preuves d’obstruction dans les quinze jours précédents.

Conclusion de la Décision

La demande de prolongation de la rétention administrative a été rejetée. Monsieur [G] [E] a été ordonné de être remis en liberté dans les vingt-quatre heures suivant la notification de la décision au Procureur de la République. Il a été informé de son obligation de quitter le territoire national et des droits qui lui sont reconnus pendant cette période.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de prolongation de la rétention administrative selon le Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile ?

La prolongation de la rétention administrative est régie par l’article L. 742-5 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile (CESEDA). Cet article stipule que, à titre exceptionnel, le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut être saisi pour prolonger le maintien en rétention au-delà de la durée maximale prévue à l’article L. 742-4, lorsque certaines conditions sont remplies dans les quinze derniers jours.

Ces conditions incluent :

1. **Obstruction à l’exécution de la décision d’éloignement** : L’étranger a fait obstruction à l’exécution de la décision d’éloignement.

2. **Demande de protection** : L’étranger a présenté une demande de protection contre l’éloignement ou une demande d’asile dans le but de faire échec à la décision d’éloignement.

3. **Documents de voyage** : La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat, et il est établi que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public. Si le juge ordonne la prolongation, celle-ci court à compter de l’expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période maximale de quinze jours.

Quels sont les droits de l’étranger pendant la rétention administrative ?

Les droits de l’étranger pendant la rétention administrative sont précisés dans les articles L. 743-9 et L. 743-24 du CESEDA. Ces articles rappellent que l’étranger a le droit d’être informé de ses droits pendant la rétention et des possibilités de recours contre les décisions le concernant.

En particulier, l’article L. 743-9 stipule que l’étranger doit être informé des droits qui lui sont reconnus pendant la rétention, notamment :

– Le droit d’être assisté par un avocat.
– Le droit d’être informé des délais de recours.
– Le droit de faire valoir ses observations.

L’article L. 743-24 précise que l’étranger doit être informé des décisions qui le concernent et des voies de recours possibles. Cela inclut la possibilité de contester la prolongation de la rétention administrative.

Quelles sont les conséquences d’une déclaration de nationalité algérienne par l’intéressé ?

La déclaration de nationalité algérienne par l’intéressé a des implications importantes dans le cadre de la rétention administrative. Selon l’analyse des faits, cette déclaration ne constitue pas un acte d’obstruction, car l’intéressé s’est déclaré de nationalité algérienne dès son placement en garde-à-vue.

L’article L. 742-5 du CESEDA mentionne que pour qu’il y ait prolongation de la rétention, il doit y avoir obstruction à l’exécution de la décision d’éloignement. Dans ce cas, la préfecture n’a pas pu prouver qu’il y avait eu un acte positif d’obstruction dans les quinze derniers jours.

De plus, la préfecture n’a pas démontré qu’un laissez-passer consulaire serait délivré à bref délai, ce qui est une condition nécessaire pour justifier la prolongation de la rétention. Par conséquent, la déclaration de nationalité algérienne ne justifie pas la prolongation de la rétention administrative.

Quelles sont les implications de la décision de rejet de la demande de prolongation de la rétention ?

La décision de rejet de la demande de prolongation de la rétention administrative a plusieurs implications. Tout d’abord, elle entraîne la remise en liberté de l’intéressé, Monsieur [G] [E], à l’expiration d’un délai de vingt-quatre heures suivant la notification de l’ordonnance au procureur de la République.

Cette décision signifie également que l’intéressé ne peut plus être maintenu en rétention administrative au-delà de la période initiale, sauf si de nouvelles circonstances justifient une telle mesure. L’ordonnance précise que l’intéressé est maintenu à la disposition de la justice pendant un délai de vingt-quatre heures, ce qui lui permet de contacter un avocat, un tiers, ou de rencontrer un médecin.

Enfin, la décision rappelle à l’intéressé son obligation de quitter le territoire national, ce qui signifie qu’il doit prendre les mesures nécessaires pour se conformer à cette obligation, même s’il est remis en liberté.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Au nom du Peuple Français

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOULOGNE SUR MER

ORDONNANCE STATUANT SUR UNE DEMANDE DE PROLONGATION DE RETENTION

MINUTE: 25/6
Appel des causes le 01 Janvier 2025 à 10h00 en visioconférence
Divétrangers
N° étrN° RG 24/05858 – N° Portalis DBZ3-W-B7I-76CSV

Nous, Mme DESWARTE Anne, Vice-Présidente au Tribunal judiciaire de BOULOGNE SUR MER, juge chargé du contrôle des mesures restrictives et privatives de libertés en droit des étrangers, assistée de Madame Alicia WALLET, Greffier, statuant en application des articles L.742-1, L.743-4, L.743-6 à L.743-8, L. 743-20 et L. 743-24 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile;

Vu l’article R. 213-12-2 du code de l’organisation judiciaire ;

En présence de [T] [F], interprète en langue arabe, serment préalablement prêté ;

En présence de Maître Guillaume SAUDUBRAY représentant de M. PREFET DU PAS-DE-CALAIS ;

Vu le Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile notamment en ses articles L. 741-1 et suivants ;

Monsieur [G] [E]
de nationalité Marocaine
né le 14 Février 2000 à [Localité 2] (MAROC),
Alias [D] [Z]
de nationalité algérienne
né le 13 janvier 1999 à [Localité 4] (ALGERIE)

a fait l’objet :

– d’une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, fixant le pays de destination de la reconduite, lui faisant interdiction de retour sur le territoire français prononcée le13 janvier 2024 par M. PREFET DU PAS-DE-CALAIS , qui lui a été notifié le 13 janvier 2024 à 13 heures 50.
– d’un arrêté ordonnant son placement en rétention administrative pour une durée de quatre jours, prononcée le 18 octobre 2024 par M. PREFET DU PAS-DE-CALAIS , qui lui a été notifié le 18 octobre 2024 à 16 heures 35.

Par requête du 31 Décembre 2024, arrivée par courrier électronique à 11 heures 38 M. PREFET DU PAS-DE-CALAIS invoquant devoir maintenir l’intéressé au-delà de QUATRE JOURS, prolongé par un délai de VINGT-SIX JOURS selon l’ordonnance du 21 octobre 2024, prolongé par un délai de TRENTE JOURS selon l’ordonnance du 17 novembre 2024, prolongé par un délai de QUINZE JOURS selon l’ordonnance du 18 décembre 2024, demande l’autorisation de prolonger ce délai pour une durée de QUINZE JOURS maximum.

En application des articles L.743-9 et L. 743-24 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile il a été rappelé à l’intéressé, assisté de Me Orsane BROISIN, avocat au Barreau de BOULOGNE-SUR-MER et commis d’office, les droits qui lui sont reconnus pendant la rétention et a été informé des possibilités et des délais de recours contre toutes les décisions le concernant ; qu’il a été entendu en ses observations

L’avocat de la Préfecture entendu en ses observations : Je sollicite la prolongation de la rétention administrative de l’intéressé. 4ème prolongation. Signalement article 40. Il a refusé d’être préenté aux autorités consulaires algériennes en octobre et également le 06 décembre. Monsieur use d’un alias et à l’audience, il a dit être algérien alors qu’il avait toujours déclaré être marocain. Le MAROC a indiqué ne pas reconnaître l’intéressé comme étant ressortissant marocain. Obstruction caractérisée.

Me Orsane BROISIN entendue en ses observations : S’il n’y a pas d’obstruction dans les 15 derniers jours et pas de laissez-passer, le maintien n’est pas justifié. Nous ne sommes pas en début de rétention, je sollicite ma remise en liberté.

L’intéressé déclare : Je souhaite être assisté d’un avocat. Je me déclare de nationalité algérienne. J’ai toujours dit être algérien. À tous les juges, j’ai dit être algérien et personne ne m’a dit d’aller voir un consulat depuis les 15 derniers jours.

MOTIFS

Selon l’article L. 742-5 du CESEDA, à titre exceptionnel, le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L. 742-4, lorsqu’une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours:
1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ;
2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement :
a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L. 631-3 ;
b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.
L’étranger est maintenu en rétention jusqu’à ce que le juge ait statué.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d’une durée maximale de quinze jours.
Si l’une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l’avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas quatre-vingt-dix jours.

En l’espèce, si Monsieur [G] [E] se déclare à l’audience de nationalité algérienne, cette déclaration ne serait constituer un acte d’obstruction en ce que l’intéressé s’est déclaré de nationalité algérienne dès son placement en garde-à-vue et que c’est cette nationalité qui a été reprise dans l’ordonnance du juge des libertés et de la détention du 18 décembre 2024 ainsi que dans l’ordonnance de la Cour d’appel en date du 19 décembre 2024.

Il ne s’agit en aucun cas d’un fait nouveau.

La préfecture ne se prévaut par ailleurs d’aucun acte positif d’obstruction commis par l’intéressé dans les 15 derniers jours. Il ne se déduit pas des éléments objectifs du dossier qu’un quelconque laissez-passer consulaire interviendrait à bref délai. En conséquence, la demande de prolongation sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

REJETONS la demande de prolongation de maintien en rétention administrative de M. PREFET DU PAS-DE-CALAIS

ORDONNONS que Monsieur [G] [E] soit remis en liberté à l’expiration d’un délai de vingt quatre heures suivant la Notification à Monsieur le Procureur de la République de BOULOGNE SUR MER de la présente ordonnance sauf dispositions contraires prises par ce magistrat.

INFORMONS Monsieur [G] [E] qu’il est maintenu à la disposition de la justice pendant un délai de vingt quatre heures à compter de la notification de la présente ordonnance au procureur de la République et le cas échéant, jusqu’à ce qu’il soit statué sur l’effet suspensif de l’appel ou la décision au fond, que pendant ce délai il peut contacter un avocat, un tiers, rencontrer un médecin et s’alimenter.

RAPPELONS à l’intéressé qu’il a l’obligation de quitter le territoire national.

NOTIFIONS sur le champ la présente ordonnance par mail au CRA pour remise à l’intéressé qui, en émargeant ci-après, atteste avoir reçu copie et avisons l’intéressé de la possibilité de faire appel, devant le Premier Président de la Cour d’Appel ou son délégué, de la présente ordonnance dans les vingt quatre heures de son prononcé ; l’informons que la déclaration d’appel doit être motivée et peut être transmise par tout moyen (notamment par mail via la boîte structurelle : [Courriel 3] ) au greffe de la Cour d’Appel de DOUAI (numéro de FAX du greffe de la Cour d’Appel: [XXXXXXXX01].) ; lui indiquons que seul l’appel formé par le ministère public peut être déclaré suspensif par le Premier Président de la Cour d’Appel ou son délégué.

L’avocat de la Préfecture, L’avocat, Le Greffier, Le Juge,

décision rendue à 12h03
Ordonnance transmise ce jour à M. PREFET DU PAS-DE-CALAIS
Ordonnance transmise au Tribunal administratif de LILLE
N° étrN° RG 24/05858 – N° Portalis DBZ3-W-B7I-76CSV
En cas de remise en liberté : Ordonnance notifiée à Monsieur le procureur de la République à

Décision notifiée à …h…

L’intéressé, L’interprète,


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon