Prolongation de la rétention administrative : enjeux de régularité et d’exécution des mesures d’éloignement.

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Prolongation de la rétention administrative : enjeux de régularité et d’exécution des mesures d’éloignement.

L’Essentiel : Le PREFET DU HAUT-RHIN a prononcé le placement en rétention de Monsieur [I] [L], de nationalité algérienne, pour quatre jours, notifié le 2 décembre 2024. Le 6 décembre, le Juge a ordonné le maintien de la rétention jusqu’au 31 décembre 2024. Par la suite, le Préfet a requis une prolongation de 30 jours, justifiée par le non-respect des obligations de quitter le territoire. Monsieur [I], sans documents ni ressources, s’est opposé à cette demande lors de l’audience. Finalement, la prolongation de sa rétention a été ordonnée jusqu’au 30 janvier 2025 inclus.

Placement en rétention

Le PREFET DU HAUT-RHIN a prononcé le placement en rétention de Monsieur [I] [L], de nationalité algérienne, pour une durée de quatre jours, notifiée le 2 décembre 2024.

Décision du Juge

Le 6 décembre 2024, le Juge du Tribunal judiciaire a ordonné le maintien de la rétention de la personne jusqu’au 31 décembre 2024 inclus.

Demande de prolongation

Le PREFET DU HAUT-RHIN a ensuite requis une prolongation de la rétention administrative pour une période de 30 jours, en se basant sur les articles du Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile.

Débats et oppositions

Lors de l’audience, le Préfet a demandé la prolongation, tandis que Monsieur [I] s’est opposé à cette demande, assisté de son avocat. Le Procureur de la République n’était pas présent.

Régularité de la requête

Aucun moyen n’a été soulevé pour contester la régularité de la requête préfectorale, qui a été déclarée régulière et recevable.

Historique de la situation de Monsieur [I]

Monsieur [I] est entré en France en 2011 sans justification. Il a reçu une obligation de quitter le territoire en mai 2023, qu’il n’a pas respectée, et a été transféré vers la Suisse, d’où il est revenu en France sept mois plus tard sans justification.

Absence de documents et de ressources

Monsieur [I] ne possède ni passeport valide ni document d’identité, et ne justifie pas d’une adresse stable. Il n’exerce aucune activité professionnelle et ne dispose d’aucune ressource légale.

Justification de la prolongation

La prolongation de la rétention est justifiée par le non-respect des obligations de quitter le territoire et le risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement.

Démarches des autorités préfectorales

Les autorités ont entrepris des démarches pour son éloignement, ayant obtenu un vol et un laissez-passer consulaire, mais Monsieur [I] a refusé de se rendre à l’aéroport, entravant ainsi son éloignement.

Décision finale

Il a été ordonné la prolongation de la rétention administrative de Monsieur [I] pour une durée maximale de 30 jours, à compter du 1er janvier 2025 jusqu’au 30 janvier 2025 inclus.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de prolongation de la rétention administrative selon le Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile ?

La prolongation de la rétention administrative est régie par l’article L.742-4 du Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile. Cet article stipule que le juge des libertés et de la détention peut être saisi d’une demande de prolongation de la rétention au-delà du délai de trente jours depuis le placement en rétention dans les cas suivants :

1° En cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public ;

2° Lorsque l’impossibilité d’exécuter la décision d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement ;

3° Lorsque la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison :

a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l’exécution de la décision d’éloignement ;

b) de l’absence de moyens de transport.

Ainsi, pour justifier une prolongation, il est nécessaire de démontrer l’une de ces conditions, ce qui a été fait dans le cas de Monsieur [I] [L].

Quels sont les droits de l’intéressé en matière de contestation de la rétention administrative ?

L’article L.743-3 du même code précise que l’intéressé a le droit de contester la mesure de rétention administrative. Il peut saisir le juge des libertés et de la détention pour faire valoir ses droits.

L’article L.743-3 stipule que :

« L’étranger placé en rétention administrative peut, à tout moment, saisir le juge des libertés et de la détention pour contester la légalité de sa rétention. »

De plus, l’article R.743-1 précise que l’intéressé doit être informé de ses droits, notamment le droit de faire appel de la décision de prolongation de la rétention.

Il est également important de noter que le recours n’est pas suspensif, ce qui signifie que la rétention peut continuer pendant que l’appel est examiné.

Quelles sont les conséquences de la non-exécution d’une obligation de quitter le territoire ?

L’article L.741-1 du Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile établit que l’étranger qui ne respecte pas une obligation de quitter le territoire peut faire l’objet de mesures de rétention administrative.

Cet article précise que :

« L’étranger qui fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français peut être placé en rétention administrative dans les conditions prévues par le présent code. »

Dans le cas de Monsieur [I], il a fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire en date du 09 mai 2023, qu’il n’a pas exécutée.

Cette non-exécution, combinée à son maintien irrégulier sur le territoire français, justifie la demande de prolongation de la rétention administrative, car il existe un risque qu’il se soustraie à la décision d’éloignement.

Quelles sont les implications de l’absence de documents d’identité pour l’étranger en rétention ?

L’article L.742-10 du Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile stipule que l’absence de documents d’identité peut constituer un motif de prolongation de la rétention administrative.

Cet article indique que :

« L’absence de documents d’identité valides peut justifier le maintien en rétention d’un étranger, lorsque cela empêche l’exécution de la décision d’éloignement. »

Dans le cas de Monsieur [I], il ne dispose ni d’un passeport authentique et valide, ni d’un document d’identité, ce qui complique l’exécution de son éloignement.

Cette situation renforce la légitimité de la prolongation de sa rétention, car elle empêche les autorités de procéder à son éloignement dans des délais raisonnables.

Quelles sont les obligations de l’administration en matière de rétention administrative ?

L’article R.743-1 du Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile impose à l’administration de justifier de l’accomplissement de démarches suffisantes pour organiser l’éloignement de l’étranger.

Cet article précise que :

« L’administration doit démontrer qu’elle a pris toutes les mesures nécessaires pour procéder à l’éloignement de l’étranger, y compris la demande de documents de voyage et l’organisation de moyens de transport. »

Dans le cas de Monsieur [I], les autorités préfectorales ont justifié avoir sollicité un vol et obtenu un laissez-passer consulaire, ce qui montre qu’elles ont respecté leurs obligations.

Cependant, l’intéressé a refusé de se rendre à l’aéroport, ce qui constitue un obstacle à son éloignement et justifie la prolongation de sa rétention.

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE METZ

Carole PAUTREL

service du juge des libertes et de la detention

N° RG 24/03064 – N° Portalis DBZJ-W-B7I-LDC2

Minute n°2025/4

ORDONNANCE DE
PROLONGATION DE LA RÉTENTION

2ème SAISINE : 30 JOURS
Le 01 Janvier 2025,

Nous, Carole PAUTREL, magistrat du siège au Tribunal judiciaire de METZ, assistée de Emilie BALLUT, Greffier, statuant en audience publique au Palais de Justice,

Vu la décision du PREFET DU HAUT-RHIN prononçant le placement en rétention pour une durée de quatre jours de la personne identifiée en l’état comme étant :

[L] [I]
né le 06 Janvier 1991 à [Localité 1] (ALGERIE)
de nationalité Algérienne

Notifiée à l’intéressé le :
2 décembre 2024
à
16:00

Vu la décision du Juge du Tribunal judiciaire en date du 6 décembre 2024 ordonnant le maintien de la personne retenue ;
jusqu’au
31 décembre 2024
inclus

Vu la requête du PREFET DU HAUT-RHIN en prolongation de la rétention administrative de la personne pour une période de 30 jours ;

Vu les articles L.741-1, L.742-1, L.742-4 à L.742-7, L.742-10, L.743-3 à L.743-17, R.743-1 et suivants du Code de l’Entrée et de Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile ;

Vu les débats qui se sont tenus à l’audience de ce jour et au cours de laquelle :

– le Préfet, représenté par son avocat, a sollicité la prolongation de la rétention administrative pour une période de 30 jours ;

– la personne retenue, assistée de Maître Nedjoua HALIL, avocat, s’est opposée à la demande de prolongation de la rétention administrative ;

– le Procureur de la République n’était pas présent malgré avis régulier ;

Vu les pièces versées aux débats ;

MOTIFS
Attendu qu’aucun moyen n’est soulevé aux fins de contester la régularité et la recevabilité de la requête préfectorale ;

Qu’il y a donc lieu de la déclarer régulière et recevable ;

Attendu qu’il est sollicité une deuxième prolongation de 30 jours du maintien en rétention sur le fondement de l’article L. 742-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Attendu que selon les dispositions de l’article L.742-4 du Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile, le juge des libertés et de la détention peut être à nouveau saisi d’une demande de prolongation de la rétention au-delà du délai de trente jours depuis le placement en rétention,
« 1° En cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public ;
2° Lorsque l’impossibilité d’exécuter la décision d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement ;
3° Lorsque la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison :
a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l’exécution de la décision d’éloignement ;
b) de l’absence de moyens de transport » ;

L’étude du dossier administratif de Monsieur [I] [L] révèle qu’il serait rentré en France en 2011 selon ses déclarations, sans en justifier.

Il a fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire en date du 09 mai 2023 par le préfet du Var, mesure qu’il n’a pas exécutée, outre le fait qu’il n’a pas non plus respecté les obligations de pointage issues d’une précédente assignation à résidence dont il avait fait l’objet le 27 juin 2023.

Il a ensuite fait l’objet d’un arrêté de transfert vers la Suisse dans le cadre des accords Dublin, et a été éloigné le 12 février 2024. Cependant, Monsieur [I] est revenu en France 7 mois après son éloignement, et, s’il déclare avoir quitté la Suisse à la demande des autorités suisses, il n’est aucunement en capacité de le justifier.

Surtout, il ressort du dossier que M. [I] a en fait retiré sa demande d’asile en Suisse, et n’a effectué aucune démarche afin de régulariser sa situation sur le territoire français.

Monsieur [I] [L] ne dispose ni d’un passeport authentique et valide, ni d’un document d’identité.

En outre, il ne justifie pas d’une adresse effective et stable sur le territoire puisque, s’il déclare résider, le week-end, chez madame [K] [G] à [Localité 2], et la semaine, en Suisse, il ne le justifie pas.

De même, s’il dit avoir une fille avec Madame [J] [H] et un fils avec une autre personne, aucun justificatif n’est produit.

Par ailleurs, il n’exerce aucune activité professionnelle déclarée sur le territoire et ne dispose d’aucune ressource légale.

Ainsi, dès lors qu’il n’a pas exécuté la précédente mesure d’éloignement prise à son encontre et n’a pas respecté ses obligations de pointage issues de l’assignation à résidence dont il a fait l’objet, qu’il s’est maintenu irrégulièrement sur le territoire français, sans effectuer aucune démarche pour régulariser sa situation, il s’ensuit que la mesure de prolongation apparaît justifiée, dès lors qu’il existe un risque qu’il se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l’objet et ne présente donc pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement et aucune autre mesure n’apparaît suffisante à garantir efficacement l’exécution effective de cette décision.

Enfin, les autorités préfectorales justifient de l’accomplissement de démarches suffisantes, dès lors que l’intéressé a été reconnu le 24 février 2024 par les autorités algériennes comme étant l’un de leurs ressortissants, qu’un vol a été sollicité dès le 02 décembre 2024 auprès de la direction centrale de la police aux frontières, qu’un vol a été obtenu le 30 décembre 2024 ainsi qu’un laissez-passer consulaire le 20 décembre 2024. Or, l’intéressé a refusé catégoriquement de sortir de sa chambre afin de se rendre à l’aéroport de [3] faisant ainsi obstacle à son éloignement. Une nouvelle demande de vol a été faite dès le 30 décembre 2024, l’autorité préfectorale étant en attente d’une réponse sur ce point.

Attendu en conséquence qu’il convient d’ordonner la prolongation du maintien en rétention administrative de l’intéressé pour une durée de 30 jours supplémentaires ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et en premier ressort, par ordonnance réputée contradictoire et assortie de l’exécution provisoire,

DÉCLARONS régulière et recevable la requête préfectorale ;

ORDONNONS la prolongation du maintien de Monsieur [L] [I] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire, pour une durée maximale de 30 jours :

à compter du
1 janvier 2025
inclus

jusqu’au
30 janvier 2025
inclus

INFORMONS l’intéressé que la présente décision est susceptible d’appel dans le délai de 24 heures à compter de ce jour par acte motivé devant le Premier Président de la Cour d’Appel de Metz et que le recours n’est pas suspensif.

LE GREFFIER
LE PRESIDENT

Reçu notification et copie de la présente ordonnance le 01 Janvier 2025 à .

L’INTÉRESSÉ L’AVOCAT LE REPRÉSENTANT DE LA PRÉFECTURE

Copie de la présente décision est transmise au procureur de la République, au Tribunal Administratif de Nancy et à la Cour d’Appel de Metz, service JLD, pour information.


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