Prolongation de la rétention : enjeux de sécurité et d’obstruction à l’éloignement.

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Prolongation de la rétention : enjeux de sécurité et d’obstruction à l’éloignement.

L’Essentiel : La procédure engagée en vertu du CESEDA a conduit à un arrêté d’obligation de quitter le territoire national pour Monsieur [L] [D] le 16 octobre 2024. Ce dernier, tunisien résidant en France depuis 2020, a exprimé des craintes pour sa sécurité en Tunisie. Malgré son appel, le magistrat a ordonné son maintien en rétention, considérant qu’il avait fait obstruction à l’éloignement en refusant d’embarquer. De plus, son passé judiciaire, marqué par une condamnation pour violence aggravée, a été jugé comme une menace pour l’ordre public, justifiant ainsi la confirmation de l’ordonnance de rétention.

Procédure et moyens

La procédure a été engagée en vertu des articles L 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). Le 16 octobre 2024, la PREFECTURE DES BOUCHES DU RHONE a pris un arrêté d’obligation de quitter le territoire national, notifié le 17 octobre 2024. Ce même jour, une décision de placement en rétention a également été notifiée. Le 31 décembre 2024, un magistrat a ordonné le maintien de Monsieur [L] [D] dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire. Monsieur [L] [D] a interjeté appel de cette décision le même jour.

Déclarations de Monsieur [L] [D]

Monsieur [L] [D] a comparu en audience, assisté d’un interprète en langue arabe. Il a déclaré être tunisien, résider en France depuis 2020, et travailler au noir dans le secteur de l’isolation. Il a exprimé des craintes pour sa sécurité en Tunisie, mentionnant l’assassinat de son cousin par des islamistes. Son avocate a soutenu que les conditions requises par l’article L 742-5 du CESEDA n’étaient pas remplies, notamment l’absence de menace dans les quinze jours suivant la prolongation et l’absence d’obstruction à l’exécution de la mesure d’éloignement.

Absence de comparution de la préfecture

Le représentant de la préfecture a été convoqué à l’audience mais n’a pas comparu. Cela a soulevé des questions sur la défense de la préfecture dans cette affaire.

Motifs de la décision

Selon l’article L742-5 du CESEDA, le magistrat peut prolonger la rétention si certaines conditions sont remplies. Il a été établi que Monsieur [L] [D] a fait obstruction à l’exécution de la décision d’éloignement en refusant d’embarquer sur un vol à destination de la Tunisie le 29 décembre 2024. De plus, il représente une menace pour l’ordre public, ayant été condamné à deux ans d’emprisonnement pour des faits de violence aggravée en juillet 2023.

Conditions d’assignation à résidence

L’assignation à résidence peut être ordonnée si l’étranger dispose de garanties de représentation. Cependant, Monsieur [L] [D] a récemment refusé d’embarquer et ne démontre pas de liens stables en France, ce qui a conduit à la confirmation de l’ordonnance de maintien en rétention.

Confirmation de l’ordonnance

La décision a été rendue publiquement, confirmant l’ordonnance du magistrat du 31 décembre 2024. Les parties ont été informées de leur droit de se pourvoir en cassation dans un délai de deux mois à compter de la notification de cette ordonnance.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de prolongation de la rétention administrative selon l’article L742-5 du CESEDA ?

L’article L742-5 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) stipule que, à titre exceptionnel, le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut être saisi pour prolonger le maintien en rétention au-delà de la durée maximale prévue à l’article L742-4, lorsque certaines conditions sont remplies dans les quinze derniers jours.

Ces conditions sont les suivantes :

1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ;

2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement :

a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L. 631-3 ;

b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;

3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé, et il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.

L’étranger est maintenu en rétention jusqu’à ce que le juge ait statué. Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d’une durée maximale de quinze jours.

Quelles sont les implications de l’obstruction à l’exécution de la décision d’éloignement ?

L’obstruction à l’exécution de la décision d’éloignement est un élément clé pour justifier la prolongation de la rétention administrative. Selon l’article L742-5, si l’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement, cela constitue une des conditions permettant au magistrat de prolonger la rétention.

Dans le cas de Monsieur [L] [D], il a été constaté qu’il a refusé d’embarquer sur un vol à destination de la Tunisie le 29 décembre 2024. Ce refus est considéré comme une obstruction à l’exécution de la décision d’éloignement, ce qui justifie la prolongation de sa rétention.

Il est important de noter que cette obstruction doit être constatée dans les quinze jours suivant la décision de prolongation.

Ainsi, la cour a conclu que les conditions pour une quatrième prolongation du placement en centre de rétention étaient réunies, en raison de l’obstruction manifeste de l’étranger.

Quelles sont les conditions pour l’assignation à résidence selon l’article L743-13 du CESEDA ?

L’article L743-13 du CESEDA précise que le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut ordonner l’assignation à résidence de l’étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives.

Pour que cette mesure soit ordonnée, plusieurs conditions doivent être remplies :

1. L’étranger doit remettre à un service de police ou à une unité de gendarmerie l’original de son passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d’un récépissé.

2. Ce récépissé doit valoir justification de l’identité et mentionner la décision d’éloignement en instance d’exécution.

3. Si l’étranger s’est préalablement soustrait à l’exécution d’une décision d’éloignement, l’assignation à résidence doit faire l’objet d’une motivation spéciale.

De plus, selon l’article L741-3 du CESEDA, un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ.

Dans le cas de Monsieur [L] [D], il a récemment refusé d’embarquer sur un vol à destination de la Tunisie, ce qui soulève des doutes quant à sa capacité à respecter les conditions d’une assignation à résidence.

Ainsi, l’ordonnance de maintien en rétention a été confirmée, car les éléments de la procédure ne laissaient pas apparaître un risque de non-exécution de la mesure d’éloignement.

Quelles sont les voies de recours possibles contre l’ordonnance de maintien en rétention ?

Selon les dispositions légales, les parties ont la possibilité de se pourvoir en cassation contre l’ordonnance rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention.

Le délai pour former ce pourvoi est de deux mois à compter de la notification de l’ordonnance.

Le pourvoi doit être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation et doit être signé par un avocat au Conseil d’État ou de la Cour de cassation.

Cette voie de recours permet aux parties de contester la décision de maintien en rétention, en soulevant des arguments juridiques ou des irrégularités dans la procédure.

Il est essentiel que les parties soient informées de leurs droits et des procédures à suivre pour garantir un accès effectif à la justice.

Dans le cas présent, Monsieur [L] [D] a été informé de cette possibilité de recours, ce qui lui permet de faire valoir ses droits dans le cadre de la procédure d’éloignement.

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative

ORDONNANCE

DU 01 JANVIER 2025

N° RG 24/02165 – N° Portalis DBVB-V-B7I-BOFMQ

Copie conforme

délivrée le 01 Janvier 2025 par courriel à :

-l’avocat

-le préfet

-le CRA

-le JLD/TJ

-le retenu

-le MP

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention de [Localité 5] en date du 31 Décembre 2024 à 10H25.

APPELANT

Monsieur [L] [D]

né le 19 Avril 1988 à [Localité 6]

de nationalité Tunisienne

 

Comparant en visioconférence depuis le centre de rétention administrative de [Localité 5] en application des dispositions de la loi n°2024-42 du 26 janvier 2024.

Assisté de Maître Claudie HUBERT,

avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, commis d’office.

et de Madame [I] [O], interprète en langue arabe , inscrite sur la liste des experts de la cour d’appel d’Aix-en-Provence.

INTIMÉ

PREFECTURE DES BOUCHES DU RHONE

Avisé et non représenté

MINISTÈRE PUBLIC

Avisé, non représenté

******

DÉBATS

L’affaire a été débattue en audience publique le 01 Janvier 2025 devant Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère à la cour d’appel déléguée par le premier président par ordonnance, assistée de M. Corentin MILLOT, Greffier,

ORDONNANCE

Par décision réputée contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 01 Janvier 2025 à 12h30 ,

Signée par Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère et Madame Carla D’AGOSTINO, Greffier,

PROCÉDURE ET MOYENS

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) ;

Vu l’arrêté portant obligation de quitter le territoire national pris le 16 octobre 2024 par la PREFECTURE DES BOUCHES DU RHONE , notifié le 17 octobre 2024 à 10h45 ;

Vu la décision de placement en rétention prise le 16 octobre 2024 par la PREFECTURE DES BOUCHES DU RHONE notifiée le 17 octobre 2024 à 10h45 ;

Vu l’ordonnance du 31 Décembre 2024 rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention décidant le maintien de Monsieur [L] [D] dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire ;

Vu l’appel interjeté le 31 Décembre 2024 à 11h51 par Monsieur [L] [D] ;

Monsieur [L] [D] a comparu et a été entendu en ses explications en présence de Madame [I] [O], interprète en langue arabe, inscrite sur la liste des experts de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence ; il déclare être tunisien, être en France depuis 2020, être hébergé par un ami à [Localité 8], travailler au noir dans le secteur de l’isolation. Il précise craindre pour sa sécurité en tunisie, son cousin ayant été assassiné par des islamistes.

Son avocate a été régulièrement entendue . Elle conclut à la méconnaissance des conditions de fond requises par l’article L 742-5 du CESEDA (absence de menace dans les 15 derniers jours suivant la prolongation, absence d’obstruction à l’exécution d’office de la mesure d’éloignement)

Le représentant de la préfecture a été convoqué à l’audience et n’a pas comparu.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Selon l’article L742-5 du CESEDA :A titre exceptionnel, le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L. 742-4, lorsqu’une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours :

1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ;

2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement :

a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L. 631-3 ;

b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;

3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.

L’étranger est maintenu en rétention jusqu’à ce que le juge ait statué.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d’une durée maximale de quinze jours.

Si l’une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l’avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas quatre-vingt-dix jours.

Sur la recevabilité de l’appel :

La recevabilité de l’appel contre l’ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention n’est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d’irrégularité.

Sur la réunion des conditions autorisant quatrième prolongation du placement en centre de rétention administrative

Contrairement à ce que soutient l’étranger, il a bien fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement et cette situation est apparue dans les quinze derniers jours. Il a en effet refusé d’embarquer le 29 décembre 2024 sur un vol à destination de la Tunisie.

En outre, M. [D] représente toujours actuellement une menace pour l’ordre public, , ayant été très lourdement condamné par le tribunal correctionnel de Marseille le 6 juillet 2023 à une peine de deux années d’emprisonnement pour des faits de violence aggravée. Si les faits et la condamnation datent de 2023, la cour relève la gravité de la peine, laquelle tient compte de la personnalité de l’auteur et des circonstances de l’infraction (article 132-24 du code pénal).

Les conditions autorisant une quatrième prolongation du placement en centre de rétention sont réunies.

Sur l’assignation à résidence :

Selon les dispositions de l’article L743-13 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile, dans sa version en vigueur depuis le 1er septembre 2024, ‘le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut ordonner l’assignation à résidence de l’étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives.

L’assignation à résidence ne peut être ordonnée par le juge qu’après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d’un récépissé valant justification de l’identité et sur lequel est portée la mention de la décision d’éloignement en instance d’exécution.

Lorsque l’étranger s’est préalablement soustrait à l’exécution d’une décision mentionnée à l’article L. 700-1, à l’exception de son 4°, l’assignation à résidence fait l’objet d’une motivation spéciale..’

Aux termes des dispositions de l’article L741-3 du CESEDA, ‘Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration exerce toute diligence à cet effet.’

L’appréciation de l’opportunité d’accorder cette mesure, qui ne saurait non plus être automatique, suppose que les éléments de la procédure ne laissent pas apparaître un risque de non exécution de la mesure d’éloignement.M. [D] a tout récemment refusé d’embarquer sur un vol à destination de la Tunisie le 29 décembre 2024 et ne démontre pas des attaches matérielles ou affectives laissant supposer qu’il dispose d’une résidence stable.

Aussi, l’ordonnance querellée sera confirmée.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par décision Par décision réputée contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,

Confirmons l’ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention en date du 31 Décembre 2024.

Les parties sont avisées qu’elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d’Etat ou de la Cour de cassation.

Le greffier Le président

Reçu et pris connaissance le :

Monsieur [L] [D]

Assisté d’un interprète

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-11, Rétentions Administratives

[Adresse 7]

Téléphone : [XXXXXXXX02] – [XXXXXXXX03] – [XXXXXXXX01]

Courriel : [Courriel 4]

Aix-en-Provence, le 01 Janvier 2025

À

– PREFECTURE DES BOUCHES DU RHONE

– Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de [Localité 5]

– Monsieur le procureur général

– Monsieur le greffier du Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE

– Maître Claudie HUBERT

NOTIFICATION D’UNE ORDONNANCE

J’ai l’honneur de vous notifier l’ordonnance ci-jointe rendue le 01 Janvier 2025, suite à l’appel interjeté par :

Monsieur [L] [D]

né le 19 Avril 1988 à [Localité 6]

de nationalité Tunisienne

Je vous remercie de m’accuser réception du présent envoi.

Le greffier,

VOIE DE RECOURS

Nous prions Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de bien vouloir indiquer au retenu qu’il peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation.


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