Prolongation de la rétention administrative : enjeux de l’éloignement et de l’ordre public.

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Prolongation de la rétention administrative : enjeux de l’éloignement et de l’ordre public.

L’Essentiel : M. [E] [K], né en Tunisie, a été placé en rétention administrative par le Préfet du Morbihan après une obligation de quitter le territoire français, suite à son arrestation pour violence et possession de stupéfiants. Malgré ses contestations, le juge a prolongé sa rétention à plusieurs reprises. En appel, M. [E] [K] a soutenu que la Préfecture n’avait pas justifié ses démarches pour son éloignement. Cependant, la Cour a confirmé la décision, estimant que la Préfecture avait accompli les diligences nécessaires et que M. [E] [K] représentait une menace pour l’ordre public, prolongeant ainsi sa rétention de 15 jours.

Contexte de l’affaire

M. [E] [K], né le 16 juin 1997 en Tunisie, a été placé en rétention administrative par le Préfet du Morbihan suite à une obligation de quitter le territoire français. Cette décision a été notifiée le 30 octobre 2024, après que M. [E] [K] ait été arrêté pour des faits de violence et de possession de stupéfiants.

Procédures judiciaires

M. [E] [K] a contesté son placement en rétention en déposant une requête. Le juge des libertés et de la détention a prolongé sa rétention à plusieurs reprises, d’abord pour 26 jours, puis pour 30 jours, et enfin pour 15 jours supplémentaires à partir du 29 décembre 2024. Chaque prolongation a été confirmée par le tribunal.

Appel de M. [E] [K]

Le 31 décembre 2024, M. [E] [K] a formé appel de l’ordonnance du 30 décembre, arguant que la Préfecture n’avait pas justifié ses diligences pour assurer son éloignement et qu’il ne représentait pas une menace pour l’ordre public. L’audience s’est tenue sans avocat en raison de l’absence de permanence durant les congés de fin d’année.

Arguments de la Préfecture

Le représentant de la Préfecture a soutenu que toutes les diligences nécessaires avaient été effectuées, notamment des relances aux autorités tunisiennes pour obtenir un laissez-passer. Il a également souligné que M. [E] [K] avait été impliqué dans des incidents violents pendant sa rétention, justifiant ainsi la prolongation de sa détention.

Décision de la Cour

La Cour a déclaré l’appel recevable et a confirmé l’ordonnance du magistrat du tribunal judiciaire de Rennes. Elle a estimé que la Préfecture avait bien accompli les diligences requises et que M. [E] [K] constituait une menace pour l’ordre public, justifiant ainsi la prolongation de sa rétention administrative.

Conclusion

La décision de prolonger la rétention de M. [E] [K] a été maintenue pour une durée maximale de 15 jours, et les dépens ont été laissés à la charge du trésor public. L’ordonnance est susceptible d’un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant sa notification.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de la rétention administrative selon le CESEDA ?

La rétention administrative d’un étranger est régie par l’article L741-3 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). Cet article stipule que :

« Un étranger ne peut être placé en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ et l’administration exerce toute diligence à cet effet. L’administration doit justifier de l’accomplissement des diligences réalisées en vue de la mise à exécution de la mesure d’éloignement. »

Dans le cas de M. [E] [K], il a été placé en rétention administrative le 30 octobre 2024, suite à une obligation de quitter le territoire français.

Il est important de noter que le Préfet a saisi les autorités consulaires de Tunisie dès le placement en rétention, et a relancé ces autorités à plusieurs reprises.

Ainsi, toutes les diligences nécessaires ont été effectuées par l’administration, conformément aux exigences de l’article L741-3.

L’administration ne peut être tenue responsable des délais de réponse des autorités consulaires, en raison du principe de souveraineté des États.

Quels sont les critères pour prolonger la rétention administrative ?

La prolongation de la rétention administrative est encadrée par l’article L742-5 du CESEDA, qui précise que :

« À titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut être saisi pour prolonger une troisième et quatrième fois la rétention d’une personne étrangère au-delà de la durée maximale de rétention de 60 jours lorsqu’une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours :

1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ;

2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement :

a) une demande de protection contre l’éloignement ;

b) ou une demande d’asile ;

3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai. »

Dans le cas de M. [E] [K], il a été constaté qu’il constituait une menace pour l’ordre public, ayant été condamné pour des faits graves et ayant jeté des projectiles en direction des forces de police.

Ces éléments justifient la prolongation de sa rétention administrative, conformément aux critères établis par l’article L742-5.

Quelles sont les conséquences de l’absence d’un avocat lors de l’audience ?

L’absence d’un avocat lors de l’audience a été examinée dans le cadre des circonstances particulières de l’affaire. En effet, il a été noté que :

« Compte tenu des circonstances insurmontables liées à l’absence de toute désignation par l’ordre des avocats, l’audience s’est tenue sans avocat, la présence de celui-ci n’étant pas obligatoire. M. [E] [K] n’a pas sollicité de renvoi. Aucun grief ne saurait être tiré de cette absence liée à des motifs insurmontables. »

Cela signifie que, même si la présence d’un avocat est généralement souhaitable, son absence ne constitue pas nécessairement un motif d’annulation de la procédure, surtout lorsque les circonstances échappent à la volonté de l’intéressé.

Dans ce cas, M. [E] [K] n’a pas demandé de report de l’audience, ce qui renforce la validité de la procédure engagée.

Comment la décision de prolongation de la rétention a-t-elle été justifiée ?

La décision de prolongation de la rétention administrative de M. [E] [K] a été justifiée par plusieurs éléments, notamment :

1. Les diligences effectuées par l’administration pour assurer son éloignement, conformément à l’article L741-3 du CESEDA.

2. La constatation d’une menace pour l’ordre public, en vertu de l’article L742-5, en raison de son comportement violent et de ses antécédents judiciaires.

Le juge a donc estimé que la prolongation de la rétention administrative était justifiée, en tenant compte des perspectives réelles d’éloignement à bref délai et des éléments de dangerosité présentés par M. [E] [K].

Ainsi, la décision du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rennes a été confirmée, permettant la prolongation de la rétention pour une durée maximale de 15 jours.

COUR D’APPEL DE RENNES

N° 25/1

N° RG 25/00002 – N° Portalis DBVL-V-B7I-VQFF

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

articles L 741-10 et suivants du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

Nous, Aude BURESI, Présidente de chambre à la cour d’appel de RENNES, déléguée par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, assisté de Elwenn DARNET, greffière,

Statuant sur l’appel formé le 31 Décembre 2024 à 16 heures 21 par :

M. [E] [K]

né le 16 Juin 1997 à [Localité 1] (TUNISIE)

de nationalité Tunisienne

d’une ordonnance rendue le 30 Décembre 2024 à 16 heures 54 par le magistrat en charge des rétentions administratives du Tribunal judiciaire de RENNES qui a ordonné la prolongation du maintien de M. [E] [K] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour une durée maximale de 15 jours à compter du 29 décembre 2024 à 24 heures ;

En présence de [Y] [W], secrétaire administratif, mini d’un pouvoir, représentant la PREFECTURE DU MORBIHAN, dûment convoquée,

En l’absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur Cécile LEINGRE, avocat général, ayant fait connaître son avis par écrit déposé le 1er janvier 2025 à 14 heures 17 lequel a été mis à disposition des parties.

En l’absence de [E] [K],

Après avoir entendu en audience publique le 01 Janvier 2025 à 18 H 00 le représentant du préfet en ses observations,

Avons mis l’affaire en délibéré et ce jour, avons statué comme suit :

Par arrêté du 29 octobre 2024 notifié le 30 octobre 2024 à monsieur [E] [K], monsieur le Préfet du Morbihan a fait obligation à monsieur [E] [K] de quitter le territoire français.

Par arrêté du 30 octobre 2024 notifié à monsieur [E] [K] le 30 octobre 2024 monsieur le Préfet du Morbihan a placé monsieur [E] [K] en rétention dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire.

Monsieur [E] [K] a déposé une requête à l’encontre de l’arrêté de placement en rétention administrative.

Par requête motivée du 2 novembre 2024 reçue le 4 novembre 2024 à 10h28 au greffe du tribunal judiciaire de Rennes, monsieur le Préfet du Morbihan a saisi le juge des libertés et de la détention en charge des rétentions administratives du tribunal judiciaire de Rermes d’une demande de prolongation de la rétention.

Par ordonnance du 4 novembre 2024, le juge des libertés et de la détention en charge des rétentions administratives du Tribunal Judiciaire de Rennes a ordonné la prolongation du maintien de monsieur [E] [K] dans les locaux non pénitentiaires pour un délai maximum de VINGT SIX JOURS à compter du 3 novembre 2024 à 24h00.

Cette ordonnance a été confirmée le 5 novembre 2024.

Par ordonnance du 29 novembre 2024, le juge des libertés et de la détention en charge des rétentions administratives du Tribunal Judiciaire de Rennes a ordonné la prolongation du maintien de monsieur [E] [K] dans les locaux non pénitentiaires pour un délai maximum de TRENTE JOURS à compter du 29 novembre 2024 à 24h00

Cette ordonnance a été confirmée le 3 décembre 2024.

Par requête motivée en date du 29 décembre 2024, reçue le 29 décembre 2024 à 14h17 au greffe du tribunal de Rennes, le représentant du préfet de MORBIHAN a saisi le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rennes d’une nouvelle demande de prolongation pour une durée de 15 jours de la rétention administrative de Monsieur [E] [K].

Par ordonnance rendue le 30 décembre 2024 à 16h54, le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rennes a ordonné la prolongation du maintien de Monsieur [E] [K] en rétention dans les locaux non pénitentiaires pour un délai maximum de 15 jours à compter du 29 décembre 2024 à 24h00.

Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 31 décembre 2024 à 16h21, Monsieur [E] [K] a formé appel de cette ordonnance. L’appelant fait valoir, au soutien de sa demande d’infirmation de la décision entreprise l’absence de justificatifs des diligences de la Préfecture propres à assurer son éloignement et l’absence de menace à l’ordre public.

Le procureur général, suivant avis écrit du 1er janvier 2025 sollicite la confirmation de la décision entreprise.

M. [E] [K] était non comparant à l’audience.

Aucun avocat ne s’est présenté, l’ordre des avocats ayant avisé qu’en raison des nombreux congés de fin d’année, aucune permanence n’avait pu être mise en place le 1er janvier 2025.

Le représentant de la Préfecture du Morbihan sollicite aux termes de son mémoire d’appel, la confirmation de l’ordonnance entreprise. Il indique avoir justifié des diligences de la préfecture par l’envoi d’un mail de relance aux autorités tunisiennes le 23 décembre 2024.

Concernant la menace d’atteinte à l’ordre public, il souligne que de jurisprudence constante si l’appréciation n’a pas été écartée lors de la première prolongation, ce motif ne peut être contesté à ce stade de la procédure. Il ajoute que M. [E] [K] a fait l’objet d’un rapport de comportement au CRA (jet de projectiles)

SUR QUOI :

L’appel est recevable pour avoir été formé dans les formes et délais prescrits.

Sur l’absence d’un avocat

Compte tenu des circonstances insurmontables liées à l’absence de toute désignation par l’ordre des avocats, l’audience s’est tenue sans avocat, la présence de celui-ci n’étant pas obligatoire. M. [E] [K] n’a pas sollicité de renvoi. Aucun grief ne saurait être tiré de cette absence liée à des motifs insurmontables.

Sur le moyen tiré de l’insuffisance des diligences de la préfecture

Monsieur [K] soutient que la préfecture n’a pas accompli toutes les diligences utiles aux fins de mettre en ‘uvre la mesure d’éloignement.

Aux termes de l’article L741-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), un étranger ne peut être placé en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ et l’administration exerce toute diligence à cet effet. L’administration doit justifier de l’accomplissement des diligences réalisées en vue de la mise à exécution de la mesure d’éloignement.

En l’espèce, Monsieur [K] a été placé en rétention administrative le 30 octobre 2024 à l’issue de sa garde à vue, sur le fondement d’une obligation de quitter sans délai le territoire français. Il ressort de la procédure que le Préfet a saisi dès le 30 octobre 2024, les autorités consulaires de Tunisie, pays dont l’intéressé est ressortissant. En effet, M. [E] [K] a bien remis son passeport, mais celui-ci étant périmé, la délivrance d’un laisser-passer s’avère nécessaire.

Les autorités préfectorales ont relancé les autorités consulaires tunisiennes le 25 novembre 2024 puis le 23 décembre 2024.

Il s’ensuit que toutes les diligences ont bien été effectuées par le Préfet dans la mise en ‘uvre de la mesure d’éloignement. En effet, une demande de laissez- passer a été opérée dès le placement en rétention administrative de Monsieur [K] puis réitéré à deux reprises. Les modalités pratiques des échanges consécutifs à la saisine des autorités consulaires peuvent ensuite différer selon les situations et les pays selon les accords en vigueur.

Dans ces circonstances, conformément aux prescriptions de l’article L 741-3, toutes les diligences nécessaires ont été réalisées par l’autorité préfectorale, avec une demande de laissez- passer consulaire en cours. Il est établi de manière constante que l’administration Préfectorale ne peut être tenue pour responsable du temps jugé nécessaire par les autorités consulaires pour répondre à ses sollicitations, le principe de souveraineté des Etats faisant en effet obstacle au contrôle d’une autorité étrangère par une institution française.

Ce moyen ne saurait ainsi prospérer.

Sur le risque de menace pour l’ordre public

Il résulte des dispositions de l’article L. 742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile qu’à titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut être saisi pour prolonger une troisième et quatrième fois la rétention d’une personne étrangère au-delà de la durée maximale de rétention de 60 jours lorsqu’une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours :

1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ;

2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement :

a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 9° de l’article L. 611-3 ou du 5° de l’article L. 631-3;

b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;

3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.

Monsieur [E] [K] a été condamné le 1er juin 2023 par le Tribunal correctionnel de Lorient, confirmé par la Cour d’appel de Rennes le 22 septembre 2023 à un emprisonnement délictuel de 18 mois dont 6 avec sursis simple et interdiction de séjour sur la commune d’Auray pendant 5 ans pour des faits d’acquisition, détention, transport et offre ou cession non autorisée de stupéfiants. Il avait été placé en garde à vue le 29 octobre 2024 pour des faits de violence avec usage ou menace d’une arme, vol en réunion et violation d’une interdiction de paraître.

Il a jeté des projectiles en direction des effectifs de police pendant son séjour en rétention administrative.

Par ailleurs, par décision du 6 novembre 2024, la présente Cour d’appel saisi de l’appel d’une prolongation de rétention a d’ores et déjà considéré que M. [E] [K] constituait bien une réelle et actuelle menace pour l’ordre public.

Compte tenu des perspectives réelles d’éloignement à bref délai de M. [E] [K], c’est à bon droit que la requête entreprise a été accueillie par le premier juge et il y a lieu d’ordonner la prolongation de la rétention administrative de Monsieur [E] [K] à compter du 30 décembre 2024, pour une période d’un délai maximum de 15 jours dans des locaux non pénitentiaires.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement,

Déclarons l’appel recevable,

Confirmons l’ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rennes en date du 30 décembre 2024,

Laissons les dépens à la charge du trésor public,

Fait à Rennes, le 01 Janvier 2025 à 19h10

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION, LE PRESIDENT,

Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à [E] [K], à son avocat et au préfet

Le Greffier,

Cette ordonnance est susceptible d’un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général.

Le Greffier


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