Prolongation de la rétention administrative : enjeux de la légalité et de l’ordre public.

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Prolongation de la rétention administrative : enjeux de la légalité et de l’ordre public.

L’Essentiel : Le 14 octobre 2024, [S] [W] a été placé en rétention, décision prolongée par le juge des libertés. Le 27 décembre, le préfet de Savoie a demandé une dernière prolongation de quinze jours, accordée le 28 décembre. [S] [W] a interjeté appel le 30 décembre, soutenant que les critères du CESEDA n’étaient pas respectés. Lors de l’audience du 31 décembre, son avocat a plaidé pour sa libération, tandis que le préfet a demandé la confirmation de l’ordonnance. Le juge a jugé l’appel recevable et a confirmé la prolongation, considérant que la rétention était justifiée par des menaces à l’ordre public.

Placement en rétention

Le 14 octobre 2024, l’autorité administrative a décidé de placer [S] [W] en rétention dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire. Cette décision a été suivie de plusieurs prolongations de la rétention, ordonnées par le juge des libertés et de la détention, pour des durées successives de vingt-huit, trente et quinze jours, confirmées en appel à plusieurs reprises.

Demande de prolongation exceptionnelle

Le 27 décembre 2024, le préfet de Savoie a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon pour demander une dernière prolongation exceptionnelle de la rétention de [S] [W] pour une durée de quinze jours. Le juge a accédé à cette demande par ordonnance rendue le 28 décembre 2024.

Appel de [S] [W]

[S] [W] a interjeté appel de l’ordonnance le 30 décembre 2024, arguant que les critères définis par le CESEDA n’étaient pas réunis et que l’autorité administrative n’avait pas prouvé la délivrance rapide d’un document de voyage. Il a demandé l’infirmation de l’ordonnance et sa remise en liberté.

Audience et plaidoiries

Les parties ont été convoquées à l’audience du 31 décembre 2024. [S] [W] a comparu avec un interprète et son avocat. Le conseil de [S] [W] a plaidé en faveur de la requête d’appel, tandis que le préfet de Savoie a demandé la confirmation de l’ordonnance.

Recevabilité de l’appel

L’appel de [S] [W] a été déclaré recevable, conformément aux dispositions des articles du CESEDA.

Analyse du bien-fondé de la requête

Le juge a rappelé que la rétention ne peut être maintenue que le temps strictement nécessaire à l’éloignement de l’étranger. Il a examiné les conditions de prolongation de la rétention, en tenant compte des arguments du conseil de [S] [W] et des justifications fournies par l’autorité administrative concernant l’absence de documents d’identité et de voyage de l’intéressé.

Diligences de l’administration

L’autorité administrative a démontré avoir effectué des démarches auprès des autorités consulaires tunisiennes pour obtenir les documents nécessaires à l’éloignement de [S] [W]. Les recherches effectuées auprès d’Interpol ont confirmé sa nationalité tunisienne et son identité.

Menace pour l’ordre public

Le casier judiciaire de [S] [W] a révélé des condamnations pour des faits de violation de domicile et d’autres infractions, ce qui a été considéré comme une menace pour l’ordre public.

Confirmation de l’ordonnance

En conséquence, le juge a confirmé l’ordonnance de prolongation de la rétention, considérant que les conditions légales étaient remplies et que la situation de [S] [W] justifiait la mesure.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la recevabilité de l’appel

L’appel de [S] [W] a été jugé recevable conformément aux dispositions des articles L. 743-21, R. 743-10 et R. 743-11 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).

Ces articles précisent les conditions de forme et de délai pour interjeter appel d’une décision relative à la rétention administrative.

L’article L. 743-21 stipule que « l’étranger peut faire appel de la décision du juge des libertés et de la détention dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision. »

Les articles R. 743-10 et R. 743-11 détaillent les modalités de cette procédure, notamment la nécessité de déposer une déclaration au greffe.

Ainsi, l’appel a été effectué dans les formes et délais légaux, ce qui le rend recevable.

Sur le bien-fondé de la requête

L’article L. 741-3 du CESEDA précise que « un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que le temps strictement nécessaire à son départ et que l’administration doit exercer toute diligence à cet effet. »

De plus, l’article L. 742-5 énonce les conditions dans lesquelles le juge des libertés et de la détention peut être saisi pour prolonger la rétention au-delà de la durée maximale.

Il est stipulé que « à titre exceptionnel, le juge peut être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L. 742-4, lorsqu’une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours : »

1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ;

2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement, une demande de protection ou d’asile ;

3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat, et il est établi que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.

Dans le cas présent, l’autorité administrative a justifié la prolongation de la rétention en démontrant que [S] [W] était dépourvu de documents d’identité et de voyage, et que sa nationalité tunisienne avait été confirmée par Interpol.

Les diligences effectuées par l’administration, notamment les demandes auprès des autorités consulaires, montrent que la délivrance d’un laissez-passer doit intervenir à bref délai.

En outre, le casier judiciaire de [S] [W] révèle des condamnations pour des faits graves, ce qui constitue une menace pour l’ordre public.

Ainsi, les conditions de l’article L. 742-5 sont réunies, justifiant la confirmation de l’ordonnance de prolongation de la rétention.

N° RG 24/09901 – N° Portalis DBVX-V-B7I-QC34

Nom du ressortissant :

[S] [W]

[W]

C/

PREFET DE LA SAVOIE

COUR D’APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 31 DECEMBRE 2024

statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers

Nous, Florence PAPIN, présidente de chambre à la cour d’appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 16 décembre 2024 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d’entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d’asile,

Assistée de Céline DESPLANCHES, greffier,

En l’absence du ministère public,

En audience publique du 31 Décembre 2024 dans la procédure suivie entre :

APPELANT :

M. [S] [W]

né le 08 Octobre 1999 à [Localité 3] ( TUNISIE)

de nationalité Tunisienne

Actuellement retenu au CRA 1

comparant assisté de Maître Cécile LEBEAUX, avocat au barreau de LYON, commis d’office et avec le concours de Monsieur [Y] [M], interprète en langue Arabe, inscrit sur la liste CESEDA, ayant prêté serment à l’audience.

ET

INTIME :

M. LE PREFET DE LA SAVOIE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 1]

non comparant, régulièrement avisé, représenté par Maître Eddy PERRIN, avocat au barreau de LYON substituant Me Jean-Paul TOMASI, avocat au barreau de LYON

Avons mis l’affaire en délibéré au 31 Décembre 2024 à 15h15 et à cette date et heure prononcé l’ordonnance dont la teneur suit :

FAITS ET PROCÉDURE

Par décision du 14 octobre 2024, l’autorité administrative a ordonné le placement de [S] [W] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire.

Par ordonnances des 18 octobre 2024 confirmée en appel le 20 octobre 2024, 13 novembre 2024 et 13 décembre 2024 confirmée en appel le 15 décembre 2024, le juge des libertés et de la détention a prolongé la rétention administrative de [S] [W] pour des durées successives de vingt-huit, trente et quinze jours.

Suivant requête du 27 décembre 2024, le préfet de Savoie a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner une dernière prolongation exceptionnelle de la rétention pour une durée de quinze jours.

Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon, dans son ordonnance du 28 décembre 2024 rendue à 11 heures 50 a fait droit à cette requête.

[S] [W] a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration au greffe le 30 décembre 2024 à 8 heures 18 en faisant valoir qu’aucun des critères définis par le CESEDA n’est réuni et que l’autorité administrative n’établit pas la délivrance à bref délai d’un document de voyage.

[S] [W] a demandé l’infirmation de l’ordonnance déférée et sa remise en liberté.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l’audience du 31 décembre 2024 à 10 heures 30.

[S] [W] a comparu et a été assisté M.[Y] d’un interprète et de son avocat.

Le conseil de [S] [W] a été entendu en sa plaidoirie pour soutenir les termes de la requête d’appel.

Le préfet de Savoie, représenté par son conseil, a demandé la confirmation de l’ordonnance déférée.

[S] [W] a eu la parole en dernier.

MOTIVATION

Sur la recevabilité de l’appel

Attendu que l’appel de [S] [W] relevé dans les formes et délais légaux prévus par les dispositions des articles L. 743-21, R. 743-10 et R. 743-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) est déclaré recevable ; 

Sur le bien-fondé de la requête

Attendu que l’article L. 741-3 du CESEDA rappelle qu’un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que le temps strictement nécessaire à son départ et que l’administration doit exercer toute diligence à cet effet ;

Attendu que l’article L. 742-5 du même code dispose que «A titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L. 742-4, lorsqu’une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours :

1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ;

2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement :

a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L. 631-3 ;

b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;

3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.

(…)

Si l’une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l’avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas quatre-vingt-dix jours.» 

Attendu que le conseil de [S] [W] soutient devant la cour que les conditions de ce texte ne sont pas réunies en ce que sa situation ne répond aux conditions de la quatrième prolongation, qu’aucune contestation n’avait été relevée devant le premier juge ;

Attendu que l’autorité administrative fait valoir dans sa requête et justifie que :

– l’intéressé est dépourvu de document d’identité et de voyage,

-que sa nationalité tunisienne et son identité ont été confirmées par des recherches effectuées auprès d’Interpol [Localité 4],

-qu’elle a été diligente dans ses demandes auprès des autorités consulaires tunisiennes ( le 15 octobre 2024: demande de laissez-passer, le 28 octobre 2024, transmission d’un relevé d’empreintes digitales, et d’un jeu de photographies, relances des 8 novembre, 12 et 26 décembre 2024, demande de routing auprès du ministère de l’intérieur le 26 décembre 2024)

Elle ajoute que sa présence sur le territoire national constitue une menace pour l’ordre public.

Attendu que [S] [W] ne précise pas en quoi les conditions de l’article L. 742-5 du CESEDA ne sont pas réunies alors que l’intéressé étant dépourvu de document d’identité et de voyage, la préfecture a dû solliciter les autorités consulaires tunisiennes et que la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé, les recherches effectuées auprès d’Interpol [Localité 4] confirmant sa nationalité tunisienne ainsi que son identité réelle.

Dès lors au vu des diligences effectuées et des recherches auprès d’Interpol, il est établi que la délivrance d’un laissez-passer doit intervenir à bref délai.

En outre, il résulte du casier judiciaire de l’intéressé sous l’alias non contesté de [T] [B] qu’il a été condamné pour des faits de violation de domicile (introduction dans le domicile d’autrui à l’aide de manoeuvres, menace, voies de fait ou contrainte) à la peine de 6 mois d’emprisonnement, le 27 avril 2022, par le tribunal correctionnel de Versailles et est connu des services de police ayant fait l’objet de signalisations pour des faits de recel de vol, de vol en réunion, de vente à la sauvette, de transport, détention et offre de stupéfiants et constitue de ce fait une menace pour l’ordre public,

Qu’en conséquence, l’ordonnance entreprise est confirmée ;

PAR CES MOTIFS

Déclarons recevable l’appel formé par [S] [W],

Confirmons l’ordonnance déférée.

Le greffier, Présidente de chambre,

Céline DESPLANCHES Florence PAPIN


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