Rétention administrative et garanties de représentation : enjeux de légalité et de droits fondamentaux.

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Rétention administrative et garanties de représentation : enjeux de légalité et de droits fondamentaux.

L’Essentiel : Le 24 mai 2019, la cour d’assises des Alpes Maritimes a prononcé une interdiction définitive du territoire national à l’encontre de Monsieur [G] [U]. Le 24 décembre 2024, le préfet des Bouches-du-Rhône a décidé de le placer en rétention, une décision notifiée deux jours plus tard. Monsieur [G] [U] a interjeté appel, arguant que la rétention était illégale et violait les droits de l’enfant. L’absence du représentant de la préfecture lors de l’audience a soulevé des questions sur la défense des intérêts administratifs. Malgré ses arguments, la décision de rétention a été confirmée, considérée comme conforme à la légalité externe.

Contexte Juridique

Les articles L 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) encadrent les procédures relatives à l’éloignement des étrangers. Dans cette affaire, une décision de la cour d’assises des Alpes Maritimes a prononcé une interdiction définitive du territoire national à l’encontre de Monsieur [G] [U] le 24 mai 2019.

Placement en Rétention

Le 24 décembre 2024, le préfet des Bouches-du-Rhône a décidé de placer Monsieur [G] [U] en rétention, une décision notifiée le 26 décembre 2024. Un magistrat a ensuite ordonné le maintien de l’intéressé dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire.

Appel de la Décision

Monsieur [G] [U] a interjeté appel de cette décision le 30 décembre 2024. Lors de son audition, il a déclaré avoir une adresse chez un cousin et posséder un passeport non valide. Il a également mentionné qu’il contribuait à l’entretien d’un enfant né en France.

Arguments de la Défense

L’avocat de Monsieur [G] [U] a soutenu que la décision de rétention manquait de légalité tant externe qu’interne, qu’elle ne respectait pas le principe de proportionnalité et qu’elle violait les droits de l’enfant. Il a également fait valoir que la loi ne stipule pas qu’un passeport valide soit requis pour les autorités.

Absence du Représentant de la Préfecture

Le représentant de la préfecture n’était pas présent lors de l’audience, ce qui a soulevé des questions sur la défense des intérêts de l’administration.

Recevabilité de l’Appel

La recevabilité de l’appel n’a pas été contestée, et le dossier ne présente pas d’irrégularités. La décision de placement en rétention a été examinée sous l’angle de sa légalité externe.

Légalité Externe de la Décision

Le préfet a motivé sa décision en se basant sur la condamnation de Monsieur [G] [U] pour des faits criminels graves, considérant qu’il constituait une menace pour l’ordre public. Il a également noté que l’intéressé ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes.

Examen de la Situation Personnelle

Le préfet a indiqué que Monsieur [G] [U] n’avait pas fourni d’observations sur sa situation personnelle, ce qui a conduit à écarter les arguments concernant l’absence d’examen individuel de sa situation.

Durée de la Rétention

La durée de la rétention a été jugée nécessaire pour garantir l’éloignement de Monsieur [G] [U], et la décision a été considérée conforme aux exigences de la légalité externe.

Légalité Interne de la Décision

Les critiques concernant l’erreur d’appréciation des garanties de représentation et la disproportion de la mesure de rétention ont été rejetées. La présence de Monsieur [G] [U] sur le territoire français a été jugée comme une menace pour l’ordre public.

Violation des Droits de l’Enfant

Monsieur [G] [U] a affirmé contribuer à l’entretien d’un enfant, mais n’a pas prouvé l’existence de liens familiaux réguliers. L’absence de preuves tangibles a conduit à conclure que les droits de l’enfant n’avaient pas été violés.

Confirmation de l’Ordonnance

L’ordonnance du magistrat a été confirmée, et les parties ont été informées de leur droit de se pourvoir en cassation dans un délai de deux mois.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de légalité externe du placement en rétention administrative selon le CESEDA ?

La légalité externe du placement en rétention administrative est régie par l’article L. 741-6 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). Cet article stipule que :

« Les décisions de placement en rétention doivent être motivées en fait et en droit. Le préfet doit indiquer de manière suffisamment caractérisée par les éléments de l’espèce les circonstances de fait qui ont motivé sa décision de placement en rétention. »

Dans le cas présent, le préfet a justifié sa décision en se basant sur la condamnation de l’intéressé par la Cour d’Assises, qui a ordonné une interdiction définitive du territoire français.

Il a également mentionné que l’étranger ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes, notamment en raison de l’absence d’un passeport valide et d’une adresse de résidence effective.

Ces éléments sont cruciaux pour établir la légalité externe de la décision de rétention, car ils démontrent que le préfet a pris en compte la situation personnelle de l’intéressé et a motivé sa décision conformément aux exigences légales.

Quelles sont les implications de la légalité interne concernant la mesure de rétention ?

La légalité interne de la mesure de rétention se concentre sur l’appréciation des garanties de représentation et la proportionnalité de la mesure. L’article L. 552-4 du CESEDA précise que :

« L’étranger qui fait l’objet d’une mesure d’éloignement doit justifier de garanties de représentation effectives. »

Dans cette affaire, l’intéressé a contesté la mesure de rétention en arguant qu’il avait des liens familiaux en France, mais il n’a pas fourni de preuves suffisantes pour établir une résidence effective.

L’attestation d’hébergement et la simple déclaration d’adresse chez un cousin n’ont pas été jugées suffisantes pour prouver qu’il ne se soustrairait pas à la mesure d’éloignement.

De plus, la décision d’interdiction définitive du territoire national, qui a autorité de chose jugée, a été considérée comme une base légale solide pour maintenir la rétention.

Ainsi, le juge a conclu qu’il n’y avait pas d’erreur manifeste d’appréciation concernant la menace pour l’ordre public, ce qui renforce la légalité interne de la mesure de rétention.

Comment la décision de rétention respecte-t-elle les droits de l’enfant selon la CEDH ?

La question des droits de l’enfant est abordée dans l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) et l’article 3-1 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant.

L’article 8 de la CEDH stipule que :

« Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. »

Dans le cas présent, l’intéressé a affirmé contribuer à l’entretien d’un enfant, mais il n’a pas prouvé l’existence de liens familiaux réguliers.

Aucune preuve n’a été fournie pour démontrer qu’il avait l’accord de la mère de l’enfant ou qu’il avait une autorité légale sur celui-ci.

Le simple versement d’une contribution financière ne suffit pas à établir des liens familiaux effectifs.

Ainsi, le tribunal a conclu que le préfet n’avait pas méconnu les droits de l’enfant, car il n’était pas établi que la mesure de rétention portait atteinte à la vie familiale de l’intéressé de manière disproportionnée.

En conséquence, la décision de rétention a été confirmée, respectant ainsi les exigences des droits de l’enfant tout en tenant compte des circonstances particulières de l’affaire.

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative

ORDONNANCE

DU 31 DÉCEMBRE 2024

N° RG 24/02156 – N° Portalis DBVB-V-B7I-BOFJZ

Copie conforme

délivrée le 31 Décembre 2024 par courriel à :

-l’avocat

-le préfet

-le CRA

-le JLD/TJ

-le retenu

-le MP

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention de [Localité 3] en date du 30 Décembre 2024 à 14H10.

APPELANT

Monsieur [G] [U]

né le 08 Juillet 1984 à [Localité 2] (99)

de nationalité Tunisienne

 

Comparant en visioconférence depuis le centre de rétention administrative de [Localité 3] en application des dispositions de la loi n°2024-42 du 26 janvier 2024.

Assisté de Maître Vianney FOULON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, commis d’office.

INTIMÉ

Monsieur LE PRÉFET DES BOUCHES-DU-RHÔNE

domicilié Direction des Migrations, de l’Intégration et de la Nationalité

[Adresse 4] – [Localité 1]

Avisé et non représenté

MINISTÈRE PUBLIC

Avisé, non représenté

******

DÉBATS

L’affaire a été débattue en audience publique le 31 Décembre 2024 devant Mme Françoise BEL, Présidente de chambre à la cour d’appel déléguée par le premier président par ordonnance, assistée M. Nicolas FAVARD, Greffier,

ORDONNANCE

Réputée contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 31 Décembre 2024 à 14h05,

Signée par Mme Françoise BEL, Présidente de chambre et M. Nicolas FAVARD, Greffier,

PROCÉDURE ET MOYENS

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) ;

Vu la décision de la cour d’assises du département des Alpes Maritimes en date du 24 mai 2019 portant interdiction définitive du territoire national;

Vu la décision de placement en rétention prise le 24 décembre 2024 par LE PRÉFET DES BOUCHES-DU-RHÔNE notifiée le 26 décembre 2024 à 09H27;

Vu l’ordonnance du 30 décembre 2024 rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention décidant le maintien de Monsieur [G] [U] dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire ;

Vu l’appel interjeté le 30 décembre 2024 à 14H59 par Monsieur [G] [U] ;

Monsieur [G] [U] a comparu et a été entendu en ses explications ; il déclare avoir une adresse chez un cousin, être titulaire d’un passeport qui n’est plus en cours de validité , régler les parties civiles et contribuer à l’entretien d’un enfant né sur le territoire français.

Son avocat a été régulièrement entendu ; il conclut selon mémoire d’appel, à l’absence de légalité externe net interne de la décision administrative, à la méconnaissance de la proportionnalité de la décision de rétention à la situation personnelle, à la violation des droits de l’enfant. Il fait valoir que les dispositions légales ne prévoient pas qu’un passeport en cours de validité soit remis aux autorités.

Le représentant de la préfecture est absent.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La recevabilité de l’appel contre l’ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention n’est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d’irrégularité.

Sur la légalité externe:

Selon les dispositions de l’art. L. 741-6 du CESEDA, les décisions de placement en rétention doivent être motivées en fait et en droit.

Le préfet doit indiquer de manière suffisamment caractérisée par les éléments de l’espèce les circonstances de fait qui ont motivé sa décision de placement en rétention. Elles tiennent généralement au fait que l’étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes propres à prévenir le risque qu’il ne se soustraie à la mesure.

En l’espèce, le préfet vise la condamnation prononcée par la Cour d’Assises du Var en date du 02/03/2020 ordonnant une interdiction définitive du territoire français du ressortissant tunisien.

Il mentionne que l’étranger a été condamné le O2/O3/2020 par la Cour d’Assises du Var pour des faits de viol commis par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité et violence suivi d’incapacité n’excédant pas 8 jours par une personne ayant ou ayant été conjoint concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, constitue une menace pour l’ordre public, ce qui constitue des éléments tirés de la situation personnelle de l’intéressé contrairement à ce qui est soutenu.

Le préfet ajoute que l’intéressé ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, ne présentant notamment pas un passeport en cours de validité et ne justifiant pas d’un lieu de résidence effectif, étant précisé qu’il déclare vouloir résider en Italie à sa levée d’écrou.

S’agissant du grief tiré du défaut d’examen individuel et sérieux de la situation, le préfet mentionne que l’intéressé n’a pas formulé d’observation sur sa situation personnelle, en sorte que le moyen est nécessairement écarté.

Il se déduit des mentions de la décision de placement en centre de rétention administrative que la motivation de l’acte retrace suffisamment les motifs positifs de fait et de droit qui ont guidé l’administration pour prendre sa décision, eu égard aux éléments portés à sa connaissance au moment de la prise de décision.

Ainsi en concluant qu’il n’existe aucune perspective raisonnable d’exécution volontaire de la mesure d’éloignement, ni de départ immédiat du territoire, avant le 25 janvier 2025, à la nécessité absolue de maintenir l’intéressé dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire, pendant le temps strictement nécessaire à son départ, la décision critiquée ne méconnaît pas les exigences de la légalité externe.

Le moyen est rejeté.

Sur la légalité interne:

– l’erreur d’appréciation des garanties de représentation et le caractère disproportionné du placement en rétention:

L’intéressé , sous couvert de la critique de la mesure de rétention, conteste en réalité la mesure d’éloignement (résultant de l’interdiction définitive du territoire français prononcé par l’arrêt de la Cour d’assises), cette critique n’entrant pas dans la compétence du juge de la rétention.

Or il ne résulte pas de la décision du préfet que l’intéressé a justifié de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de soustraction à la mesure d’éloignement , la mention d’une déclaration d’adresse chez un cousin lors de l’ incarcération, étant insuffisante à caractériser une résidence effective, l’attestation d’hébergement n’établissant pas les liens familiaux, le contrat de bail n’étant pas produit ni un justificatif de l’acquittement des loyers, et qu’il a remis préalablement à un service de police ou de gendarmerie un passeport en cours de validité en application de l’article L.552-4 du Ceseda, ce qui n’est pas contesté.

En l’absence de réunion des conditions précitées le juge ne peut ordonner l’assignation à résidence.

La durée de la rétention administrative ne peut être utilement comparée avec la décision d’interdiction définitive du territoire national, décision ayant autorité de chose jugée.

En conséquence il n’est pas démontré d’erreur d’appréciation et de caractère disproportionné de la mesure de rétention.

-l’erreur manifeste d’appréciation de la menace pour l’ordre public : contrairement à ce que soutient l’intéressé, sa présence sur le territoire français alors qu’il a été condam né par une Cour d’assises pour des faits criminels d’une extrême gravité perpétrés sur sa conjointe, condamnation assortie d’une interdiction définitive du territoire national à titre de mesure de sécurité, sa présence effective sur le territoire national constitue effectivement une menace pour l’ordre public .

Le moyen est rejeté.

Sur la violation combinée de l’article 8 de la CEDH et de l’article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant:

L’intéressé se prévaut d’une contribution qu’il verse pour l’enfant, depuis le 5 octobre 2020, mais n’établit pas pour autant entretenir avec lui des liens réguliers démontrant la réalité d’une vie familiale; il ne justifie pas de l’accord de la mère de l’enfant, aucun courrier de celle-ci n’étant produit pour en attester, ou d’une décision de justice lui conférant une autorité sur l’enfant, et de l’effectivité des liens prétendus, le seul versement d’une contribution étant insuffisante à le rapporter.

En conséquence il n’est pas établit que le préfet a méconnu les dispositions précitées.

L’ordonnance entreprise est confirmée.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par décision réputée contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,

Confirmons l’ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention en date du 30 décembre 2024.

Les parties sont avisées qu’elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d’Etat ou de la Cour de cassation.

Le greffier Le président

Reçu et pris connaissance le :

Monsieur [G] [U]

Assisté d’un interprète


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