Prolongation de la rétention administrative : enjeux de légalité et de droits fondamentaux.

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Prolongation de la rétention administrative : enjeux de légalité et de droits fondamentaux.

L’Essentiel : M. X, né le 8 janvier 1995 en Algérie, est actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 1]. Le 6 novembre 2023, le tribunal judiciaire de Reims a prononcé une interdiction du territoire français à son encontre pour 5 ans. Placé en rétention administrative le 23 décembre 2024, M. X a vu sa situation prolongée par le préfet de l’Aube. Son appel, interjeté le 28 décembre 2024, a été jugé recevable, mais le tribunal a confirmé la légalité de sa rétention, rejetant ses arguments sur l’irrégularité de la procédure et ses droits d’accès.

Identification de M. X

M. X, né le 8 janvier 1995 à [Localité 2] en Algérie, est de nationalité algérienne et est actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 1].

Jugement et interdiction de territoire

Le 6 novembre 2023, le tribunal judiciaire de Reims a prononcé une interdiction du territoire français à l’encontre de M. X pour une durée de 5 ans, en tant que peine complémentaire.

Placement en rétention administrative

Le 23 décembre 2024, M. X a été placé en rétention administrative par le préfet de l’Aube, avec notification faite à l’intéressé le même jour à 11h19.

Prolongation de la rétention

Le 26 décembre 2024, le préfet de l’Aube a demandé la prolongation de la rétention administrative de M. X pour 26 jours, requête reçue au greffe du tribunal le même jour.

Ordonnance du juge des libertés

Le 27 décembre 2024, le juge des libertés et de la détention a déclaré la requête du préfet recevable et a ordonné la prolongation de la rétention de M. X pour 26 jours, à compter du 27 décembre 2024.

Appel de M. X

M. X a interjeté appel de cette ordonnance le 28 décembre 2024, par voie électronique, et a été informé de l’audience prévue.

Comparution et défense

Lors de l’audience, M. X a été entendu par visioconférence avec l’assistance d’un interprète, et son avocat a présenté des observations en sa faveur.

Recevabilité de l’appel

L’appel de M. X a été jugé recevable, ayant été formé dans le délai imparti par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Cadre légal de la rétention

Le tribunal a rejeté l’argument de M. X concernant l’absence de cadre légal pour sa privation de liberté, confirmant que la procédure de rétention avait été respectée.

Exercice des droits en rétention

Le tribunal a également rejeté les allégations selon lesquelles M. X n’aurait pas eu accès à ses droits, notant que ceux-ci avaient été dûment notifiés.

Irregularité de la requête de prolongation

Les arguments de M. X concernant l’irrégularité de la requête de prolongation ont été rejetés, le signataire ayant reçu une délégation de signature valide.

Confirmation de la prolongation de la rétention

Le tribunal a confirmé la prolongation de la rétention administrative, M. X ne remplissant pas les conditions pour une assignation à résidence.

Décision finale

L’appel de M. X a été déclaré recevable en la forme, mais rejeté au fond, confirmant l’ordonnance du juge des libertés et de la détention. Les droits de M. X pendant la rétention lui ont été rappelés.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la recevabilité de l’appel

L’appel de M. X se disant [I] [N] est déclaré recevable car il a été formé dans le délai prévu par l’article R. 743-10 du Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile (CESEDA).

Cet article stipule que :

« L’appel est formé dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision. »

Dans le cas présent, l’appel a été interjeté le 28 décembre 2024, soit dans le délai imparti, ce qui le rend recevable.

Sur l’absence de cadre légal pour la privation de liberté

M. X soutient que la phase antérieure à son placement en rétention administrative est dépourvue de cadre légal. Cependant, le juge des libertés a rappelé que plusieurs éléments de la procédure indiquent que M. X a bien été placé en rétention administrative.

L’article L. 551-1 du CESEDA précise que :

« La rétention administrative est une mesure de privation de liberté qui ne peut être ordonnée que dans les conditions prévues par la loi. »

Dans ce cas, il a été établi que M. X a été conduit sous escorte vers le local de rétention administrative, et qu’il a signé un procès-verbal de transfert, confirmant ainsi la légalité de la procédure.

Sur l’absence d’exercice effectif des droits au LRA

Le conseil de M. X affirme que son client n’a pas eu accès à ses droits jusqu’au 27 décembre 2024. Toutefois, le procès-verbal de notification des droits, signé le 23 décembre 2024, indique que les droits prévus aux articles R. 744-26 et R. 744-21 du CESEDA ont été notifiés.

Ces articles stipulent que :

« La personne retenue doit être informée de ses droits, notamment le droit de faire prévenir les autorités consulaires et de bénéficier d’une assistance juridique. »

Il est également noté que M. X a renoncé à son droit de faire prévenir les autorités consulaires, rendant ainsi ce grief inopérant.

Sur l’irrégularité de la requête

M. X conteste la compétence de la personne ayant signé la requête de prolongation de la rétention. Cependant, il est établi que Madame [W] [V] avait reçu une délégation de signature valide.

L’article R. 741-1 du CESEDA précise que :

« La demande de prolongation de la rétention administrative est signée par l’autorité compétente. »

La délégation de signature est suffisante pour prouver la compétence de la signataire,

COUR D’APPEL DE COLMAR

SERVICE DES RETENTIONS ADMINISTRATIVES

N° RG 24/04438 – N° Portalis DBVW-V-B7I-IN2E

N° de minute : 494/24

ORDONNANCE

Nous, Peggy HEINRICH, à la Cour d’Appel de Colmar, agissant par délégation de la première présidente, assistée de Manon GAMB, greffier ;

Dans l’affaire concernant :

M. X se disant [I] [N]

né le 08 Janvier 1995 à [Localité 2] (ALGERIE)

de nationalité algérienne

Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 1]

VU les articles L.141-2 et L.141-3, L.251-1 à L.261-1, L.611-1 à L.614-19, L.711-2, L.721-3 à L.722-8, L.732-8 à L.733-16, L.741-1 à L.744-17, L.751-9 à L.754-1, L761-8, R.741-1, R.744-16, R.761-5 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile (CESEDA) ;

VU le jugement rendu le 6 novembre 2023 par chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Reims prononçant à l’encontre de M. X se disant [I] [N] une interdiction du territoire français pour une durée de 5 ans, à titre de peine complémentaire ;

VU la décision de placement en rétention administrative prise le 23 décembre 2024 par M LE PREFET DE L’AUBE à l’encontre de M. X se disant [I] [N], notifiée à l’intéressé le même jour à 11h19 ;

VU la requête de M LE PREFET DE L’AUBE datée du 26 décembre 2024, reçue le même jour à 13h47 au greffe du tribunal, tendant à la prolongation de la rétention administrative pour une durée de 26 jours de M. X se disant [I] [N] ;

VU l’ordonnance rendue le 27 Décembre 2024 à 12h03 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg, déclarant la requête de M LE PREFET DE L’AUBE recevable et la procédure régulière, rejetant le moyen soulevé in limine litis, et ordonnant la prolongation de la rétention de M. X se disant [I] [N] au centre de rétention de [Localité 1], ou dans tout autre centre ne dépendant pas de l’administration pénitentiaire, pour une durée de 26 jours à compter du 27 décembre 2024 ;

VU l’appel de cette ordonnance interjeté par M. X se disant [I] [N] par voie électronique reçue au greffe de la Cour le 28 Décembre 2024 à 11h43 ;

VU les avis d’audience délivrés le 28 décembre 2024 à l’intéressé, à Maître Vincent MERRIEN, avocat de permanence, à la SELARL CENTAURE AVOCATS, à [M] [P], interprète en langue arabe assermenté, à M LE PREFET DE L’AUBE et à M. Le Procureur Général ;

Le représentant de M. M LE PREFET DE L’AUBE, intimé, dûment informé de l’heure de l’audience par courrier électronique du 28 décembre 2024, n’a pas comparu, mais a fait parvenir des conclusions en date du 30 décembre 2024, qui ont été communiquées au conseil de la personne retenue.

Après avoir entendu M. X se disant [I] [N] en ses déclarations par visioconférence et par l’intermédiaire de [M] [P], interprète en langue arabe assermenté, Maître Vincent MERRIEN, avocat au barreau de COLMAR, commis d’office, en ses observations pour le retenu, et à nouveau l’appelant qui a eu la parole en dernier.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur quoi

– sur la recevabilité de l’appel

L’appel de [I] [N], à l’encontre de l’ordonnance rendue le 27 décembre 2024 à 12h03 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg, interjeté le 28 décembre 2024 à 11h43, est recevable pour avoir été formé dans le délai prévu a l’article R 743-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile .

Il sera donc déclaré recevable.

– sur l’absence de cadre légal pour la privation de liberté depuis la sortie d’écrou jusqu’au transfert au CRA de [Localité 1]

Dans son acte d’appel, [I] [N] soutient que la phase antérieure à son placement en centre de rétention administrative est dépourvue de cadre légal dans la mesure où il résulte de la procédure qu’il aurait été pris en charge par la brigade de gendarmerie de [Localité 4] et que rien ne permet de penser qu’il aurait été placé dans un local de rétention administrative ou en garde à vue.

Néanmoins, comme l’a justement rappelé le juge des libertés et de la détention dans l’ordonnance contestée, il résulte de la procédure que :

-figure à la procédure un mail de Mme [R], cheffe du bureau d’éloignement et de l’asile, qui informe lapréfecture de l’Aube du transfert de la personne retenue vers le local de rétention administrative de [Localité 5],

– que le parquet de Troyes a été avisé du placement en LRA de M. [N], et non d’une quelconque garde à vue,

– toute la procédure de gendarmerie fait état du placement en rétention administrative de l’intéressé . Celui-ci a été conduit sous escorte par la compagnie de gendarmerie de [Localité 3] vers le local de rétention administrative, M. [N] ayant d’ailleurs signé le procès-verbal de transfert qui fait expressément référence aux droits de la personne retenue.

Le moyen soulévé doit donc être rejeté.

– Sur l’absence d’exercice effetcif des droits au LRA.

Le conseil de [I] [N] soutient que la personne retenue n’a pas eu accès à ses droits jusqu’au 27 décembre 2024, les 25 et 26 décembre étant fériés.

Il ressort cependant du procès-verbal de notification des droits établi par la brigade de [Localité 6], signé le 23 décembre 2024 par M. [I] [N], que les droits prévus aux articles R 744-26 et R 744-21 du CESEDA ont bien été notifiés à l’intéressé.

Il ressort de ce même procès-verbal que l’intéressé a expressément renoncé à son droit de faire prévenir les autorités consulaires de son pays, de sorte que le grief soulevé sur l’absence de communication des coordonnées du consulat est inopérant.

Par ailleurs, les coordonnées de l’association du local de rétention administrative de [Localité 5] lui ont bien été communiquées, celui-ci ayant été immédiatement informé qu’il serait ensuite conduit sous escorte en ce local de rétention administrative. Ce grief ne peut dès lors pas davantage être retenu.

Par ailleurs, il ne ressort aucunement de la lecture du procès-verbal de débat contradictoire qui s’est tenu devant le juge des libertés et de la détention que [I] [N] n’a pas été en mesure d’exercer l’ensemble de ses droits à son arrivée au centre de rétention administrative.

Ce moyen doit donc être rejeté.

– sur l’irrégularité de la requête

Monsieur [I] [N] fait valoir qu’il appartient au juge judiciaire de vérifier que la personne ayant signé la requête en prolongation était bien compétente pour le faire, donc titulaire d’une délégation de signature, mais également de ce que la mention des empêchements éventuels des autres délégataires de signature figurait bien dans l’acte.

Il résulte des pièces de procédure (recueil des actes administratifs de la préfecture de l’Aube du 28 novembre 2024) que Madame [W] [V], signataire de la demande de prolongation du placement en rétention administrative du 26 décembre 2024, a régulièrement reçu délégation de signature publiée pour ce faire, la mention d’empêchements éventuels des autres délégataires de signature n’étant pas prévue par les textes.

De surcroît, la signature du délégataire emporte preuve d’indisponibilité des signataires de premier rang.

Ce moyen sera donc rejeté.

– sur la prolongation de la mesure de placement en rétention administrative

N’ayant pas remis préalablement à un service de police ou de gendarmerie un passeport en cours de validité, [I] [N] ne remplit pas les conditions d’une assignation à résidence résultant des dispositions de l’article L743-13 du CESEDA, ne présentant pas en outre de garanties de représentation effectives à défaut de justifier d’un domicile fixe et certain sur le territoire français. Ainsi, c’est par juste motif que le Juge des Libertés et de la Détention de STRASBOURG a décidé de la prolongation de la rétention administrative de l’intéressé.

En conséquence, la prolongation de la rétention administrative de [I] [N] est confirmée.

PAR CES MOTIFS :

DÉCLARONS l’appel de M. X se disant [I] [N] recevable en la forme ;

au fond, le REJETONS ;

CONFIRMONS l’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg, statuant en qualité de magistrat du siège, le 27 Décembre 2024 ;

RAPPELONS à l’intéressé les droits qui lui sont reconnus pendant la rétention :

– il peut demander l’assistance d’un interprète, d’un conseil ainsi que d’un médecin,

– il peut communiquer avec son consulat et avec une personne de son choix ;

DISONS avoir informé M. X se disant [I] [N] des possibilités et délais de recours contre les décisions le concernant.

Prononcé à Colmar, en audience publique, le 30 Décembre 2024 à 10h30, en présence de

– l’intéressé par visio-conférence

– Maître Vincent MERRIEN, conseil de M. X se disant [I] [N]

– de l’interprète, lequel a traduit la présente décision à l’intéressé lors de son prononcé.

Le greffier, Le président,

reçu notification et copie de la présente,

le 30 Décembre 2024 à 10h30

l’avocat de l’intéressé

Maître Vincent MERRIEN

l’intéressé

M. X se disant [I] [N]

par visioconférence

l’interprète

M. [P]

l’avocat de la préfecture

Me MOREL

non comparante

EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :

– pour information : l’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition,

– le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d’attente ou en rétention et au ministère public,

– le délai du pourvoi en cassation est de deux mois à compter du jour de la notification de la décision, ce délai étant augmenté de deux mois lorsque l’auteur du pourvoi demeure à l’étranger,

– le pourvoi en cassation doit être formé par déclaration au Greffe de la Cour de cassation qui doit être obligatoirement faite par un avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation,

– l’auteur d’un pourvoi abusif ou dilatoire peut être condamné à une amende civile,

– ledit pourvoi n’est pas suspensif.

La présente ordonnance a été, ce jour, communiquée :

– au CRA de [Localité 1] pour notification à M. X se disant [I] [N]

– à Maître Vincent MERRIEN

– à M. M LE PREFET DE L’AUBE

– à la SELARL CENTAURE AVOCATS

– à M. Le Procureur Général près la Cour de ce siège

Le Greffier

M. X se disant [I] [N] reconnaît avoir reçu notification de la présente ordonnance

le À heures

Signature de l’intéressé


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