Contrôle de la légalité des mesures de rétention face aux droits des demandeurs d’asile

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Contrôle de la légalité des mesures de rétention face aux droits des demandeurs d’asile

L’Essentiel : Le 21 décembre 2024, le Préfet des Alpes-Maritimes a placé Monsieur [G] [R] en rétention, une décision contestée par l’intéressé. Lors de l’audience du 26 décembre, son avocate, Me Aziza DRIDI, a souligné que son client avait déposé une demande d’asile et que la préfecture n’avait pas respecté les procédures requises. L’absence de représentation de la préfecture a également soulevé des doutes sur la légitimité de la rétention. La cour a finalement jugé l’appel recevable, infirmant l’ordonnance et ordonnant la mainlevée de la rétention, en raison de la demande d’asile en cours.

Contexte Juridique

Les articles L 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) encadrent la procédure de rétention des étrangers. Le Tribunal correctionnel de Marseille a prononcé une interdiction du territoire national de cinq ans à l’encontre de Monsieur [G] [R] le 10 octobre 2023.

Placement en Rétention

Le 21 décembre 2024, le Préfet des Alpes-Maritimes a décidé de placer Monsieur [G] [R] en rétention, une décision notifiée le même jour. Le magistrat chargé du contrôle des mesures d’éloignement a ordonné le maintien de Monsieur [G] [R] dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire le 25 décembre 2024.

Appel de la Décision

Monsieur [G] [R] a interjeté appel de cette ordonnance le 26 décembre 2024. Lors de l’audience, il a expliqué sa situation personnelle, mentionnant qu’il vivait chez un ami en France et qu’il avait des problèmes en Tunisie.

Arguments de la Défense

L’avocate de Monsieur [G] [R], Me Aziza DRIDI, a plaidé que son client avait déposé une demande d’asile, et que la préfecture n’avait pas respecté les procédures nécessaires. Elle a soutenu que la rétention devait prendre fin en l’absence de nouvelles diligences de la part de la préfecture.

Absence de Représentation de la Préfecture

Le représentant de la préfecture n’a pas comparu lors de l’audience, ce qui a soulevé des questions sur la légitimité de la décision de rétention.

Motifs de la Décision

L’appel a été jugé recevable, et il a été constaté que la rétention de Monsieur [G] [R] ne respectait pas les exigences de la directive européenne sur la rétention. La légalité de la décision fixant le pays de retour a également été remise en question, notamment en raison de l’existence d’une demande d’asile en cours.

Conclusion de la Cour

La cour a infirmé l’ordonnance du magistrat et ordonné la mainlevée de la rétention administrative de Monsieur [G] [R]. Les parties ont été informées de leur droit de se pourvoir en cassation dans un délai de deux mois.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de la rétention administrative selon le CESEDA ?

La rétention administrative est régie par les articles L 740-1 et suivants du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).

Selon l’article L741-3, un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ.

L’administration doit exercer toute diligence à cet effet.

Cela signifie que la rétention ne doit pas être prolongée au-delà de ce qui est nécessaire pour organiser le départ de l’étranger.

En outre, la directive européenne n°2008-115/CE, en son article 15§1, stipule que toute rétention doit être aussi brève que possible et ne doit être maintenue que tant que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise.

Il est donc impératif que les autorités respectent ces principes pour garantir la légalité de la rétention.

Quel est le rôle du juge judiciaire dans le contrôle de la rétention ?

Le rôle du juge judiciaire dans le contrôle de la rétention est précisé par la jurisprudence et les dispositions du CESEDA.

Bien qu’il ne soit pas compétent pour se prononcer sur la légalité de la décision fixant le pays de retour, le juge doit apprécier les diligences mises en œuvre pour reconduire l’intéressé dans son pays ou tout autre pays.

Cela implique que le juge doit s’assurer que l’administration a agi avec diligence et a respecté les délais raisonnables pour l’éloignement.

En l’espèce, le juge a constaté que la demande d’asile de Monsieur [G] [R] était en cours d’instruction, ce qui a des implications sur la légalité de sa rétention.

Ainsi, le juge doit examiner si la rétention est justifiée au regard des circonstances de fait et des droits de l’étranger.

Quels sont les effets d’une demande d’asile sur la rétention administrative ?

La demande d’asile a des effets significatifs sur la rétention administrative, comme le stipule le CESEDA et la jurisprudence.

Lorsqu’une demande d’asile est en cours d’instruction, cela peut suspendre les mesures d’éloignement.

En effet, l’article L 741-3 du CESEDA précise que la rétention ne peut être maintenue que si elle est strictement nécessaire à l’éloignement.

Dans le cas de Monsieur [G] [R], sa demande d’asile déposée le 2 octobre 2024 a été un élément déterminant dans la décision de lever sa rétention.

De plus, le jugement du Tribunal administratif de Nice a annulé l’arrêté préfectoral fixant la Tunisie comme pays de destination, renforçant ainsi la légitimité de la demande d’asile.

Ainsi, tant qu’une demande d’asile est en cours, la rétention doit être réévaluée et ne peut être prolongée sans justification adéquate.

Quelles sont les voies de recours contre une décision de rétention ?

Les voies de recours contre une décision de rétention sont clairement établies dans le cadre juridique français.

Selon les dispositions du CESEDA, notamment l’article L 742-1, l’étranger retenu peut contester la légalité de sa rétention devant le juge des libertés et de la détention.

De plus, après une décision de ce juge, il est possible de se pourvoir en cassation.

Dans le cas présent, Monsieur [G] [R] a interjeté appel de l’ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention.

Il a également été informé qu’il pouvait se pourvoir en cassation contre l’ordonnance rendue le 27 décembre 2024 dans un délai de deux mois.

Cette procédure garantit que les droits de l’étranger sont respectés et qu’il a accès à un contrôle judiciaire effectif de la légalité de sa rétention.

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative

ORDONNANCE

DU 27 DÉCEMBRE 2024

N° RG 24/02136 – N° Portalis DBVB-V-B7I-BOE7J

Copie conforme

délivrée le 27 Décembre 2024 par courriel à :

-l’avocat

-le préfet

-le CRA

-le JLD/TJ

-le retenu

-le MINISTÈRE PUBLIC

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention de [Localité 7] en date du 25 Décembre 2024 à 14h00.

APPELANT

Monsieur [G] [R]

né le 21 Mars 2005 à [Localité 6]

de nationalité Tunisienne

Comparant en visioconférence depuis le centre de rétention administrative de [Localité 7] en application des dispositions de la loi n°2024-42 du 26 janvier 2024.

Assisté de Maître Aziza DRIDI, avocat au barreau de GRASSE, choisi.

Monsieur [I] [N], interprète en langue arabe muni d’un pouvoir général et inscrit sur la liste des experts de la cour d’appel d’Aix-en-Provence.

INTIMÉE

PREFET DES ALPES MARITIMES

comparant en personne

MINISTÈRE PUBLIC

Avisé, non représenté

******

DÉBATS

L’affaire a été débattue en audience publique le 27 Décembre 2024 devant Madame Erika BROCHE, Conseiller à la cour d’appel déléguée par le premier président par ordonnance, assistée dde Madame Himane EL FODIL, Greffière,

ORDONNANCE

Réputée contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 27 Décembre 2024 à 17h22

Signée par Madame Erika BROCHE, Conseiller et Madame Himane EL FODIL, Greffière,

PROCÉDURE ET MOYENS

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) ;

Vu le jugement rendu par le Tribunal correctionnel de MARSEILLE prononçant l’interdiction du territoire national pour une durée de 05 ans rendu le 10 octobre 2023 ;

Vu la décision de placement en rétention prise le 21 décembre 2024 par PRÉFET DES ALPES MARITIMES notifiée le même jour à 11h07

Vu l’ordonnance du 25 Décembre 2024 rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention décidant le maintien de Monsieur [G] [R] dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire ;

Vu l’appel interjeté le 26 Décembre 2024 à 13h51 par Monsieur [G] [R] ;

Monsieur [G] [R] a comparu et a été entendu en ses explications. Il déclare

‘J’habite à [Localité 7] chez un ami et je travaillais. J’ai ma soeur en Espagne. Avant je travaillais et j’ai fait des études puis j’ai arrêté. Je suis ici pour arranger ma situation. J’ai des problèmes en Tunisie. J’ai un métier en France en tant que coiffeur.’

Me Aziza DRIDI est entendue en sa plaidoirie : ‘J’ai récupéré ce dossier en appel. Monsieur a déposé une demande d’asile en maison d’arrêt à [Localité 5]. Nous n’avons pas la preuve que les documents ont été remis à monsieur par le greffe de la maison d’arrêt. Monsieur a un droit de séjour. Il a fait toutes les démarches nécessaires afin que l’OFPRA étudie son dossier. En matière de rétention, l’autorité judiciaire doit opérer un contrôle sur la légalité de la rétention chose que le premier juge n’a pas fait. Le pays de destination pour monsieur est annulé puisque une demande d’asile est en cours. La préfecture doit entreprendre de nouvelles diligences. Il n’y a pas d’autre pays fixé. Monsieur a un droit de séjour avec l’attestation de demande d’asile et la décision du TA. La rétention de monsieur doit prendre fin à défaut de nouvelles diligences de la part de la préfecture.’

Le représentant de la préfecture n’a pas comparu et n’était pas représenté.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La recevabilité de l’appel contre l’ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention n’est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d’irrégularité.

La directive européenne n°2008-115/CE dite directive ‘retour’ dispose en son article 15§1 que toute rétention est aussi brève que possible et n’est maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. La rétention doit reposer sur des circonstances de fait qui la rendent nécessaire et proportionnée ( CJUE 5 juin 2014 M. MAHDI, C-146/14).

Aux termes de l’article L741-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration doit exercer toute diligence à cet effet.

S’il est constant qu’il n’appartient pas au juge judiciaire de se prononcer sur la légalité de la décision fixant le pays de retour, il lui incombe d’apprécier les diligences mises en oeuvre pour reconduire l’intéressé dans son pays ou tout autre pays.

En l’espèce, [G] [R] a été condamné par le Tribunal correctionnel de Nice pour des faits d’infraction à la législation sur les stupéfiants le 10 octobre 2023 à 7 mois d’emprisonnement et à titre de peine complémentaire à une interdiction du territoire français d’une durée de 5 ans. Le 2 octobre 2024, [G] [R] a déposé une demande d’asile, laquelle est toujours en cours d’instruction. Le préfet a par arrêté du 21 décembre 2024 fixé la Tunisie comme pays de destination. Par jugement du 24 décembre 2024, le Tribunal administratif de Nice a annulé l’arrêté préfectoral fixant la Tunisie comme pays de destination.

Il s’ensuit que compte tenu de l’existence d’une demande d’asile en cours d’instruction et de l’annulation de l’arrêté fixant le pays de retour, la décision du juge des libertés et de la détention de Nice, postérieure à la décision du tribunal administratif doit être infirmée.

La mainlevée de la rétention sera ordonnée.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par décision Réputé contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,

Infirmons l’ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention en date du 25 Décembre 2024.

Ordonnons la mainlevée de la rétention administrative d'[G] [R] ;

Les parties sont avisées qu’elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d’Etat ou de la Cour de cassation.

Le greffier Le président

Reçu et pris connaissance le :

Monsieur [G] [R]

Assisté d’un interprète

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-11, Rétentions Administratives

[Adresse 8]

Téléphone : [XXXXXXXX02] – [XXXXXXXX03] – [XXXXXXXX01]

Courriel : [Courriel 4]

Aix-en-Provence, le 27 Décembre 2024

À

– PRÉFET DES ALPES MARITIMES

– Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de [Localité 7]

– Monsieur le procureur général

– Monsieur le greffier du Juge des libertés et de la détention de NICE

– Maître Aziza DRIDI

NOTIFICATION D’UNE ORDONNANCE

J’ai l’honneur de vous notifier l’ordonnance ci-jointe rendue le 27 Décembre 2024, suite à l’appel interjeté par :

Monsieur [G] [R]

né le 21 Mars 2005 à [Localité 6]

de nationalité Tunisienne

Je vous remercie de m’accuser réception du présent envoi.

Le greffier,

VOIE DE RECOURS

Nous prions Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de bien vouloir indiquer au retenu qu’il peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation.


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