Rétention administrative et respect des droits des étrangers en situation irrégulière

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Rétention administrative et respect des droits des étrangers en situation irrégulière

L’Essentiel : Le 20 décembre 2024, la Préfecture du Var a placé Monsieur [Z] [U] en rétention, une décision notifiée le 23 décembre. Lors de son audition, il a déclaré être en France depuis cinq ans, ayant suivi une formation en mécanique-moto, tout en travaillant au noir. Son avocate a contesté la régularité de la procédure, soulignant l’absence de documents de voyage tunisiens et demandant sa remise en liberté. La préfecture a justifié la rétention par l’absence d’adresse fixe et de passeport valide. La cour a confirmé la décision de rétention, considérant les démarches entreprises comme suffisantes.

Contexte Juridique

Les articles L 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) encadrent la procédure de rétention et d’éloignement des étrangers en situation irrégulière. Dans ce cadre, un jugement du tribunal correctionnel de Toulon a prononcé, le 11 octobre 2023, une interdiction définitive du territoire français à l’encontre de Monsieur [Z] [U].

Placement en Rétention

Le 20 décembre 2024, la Préfecture du Var a décidé de placer Monsieur [Z] [U] en rétention, une décision notifiée le 23 décembre 2024. Le magistrat chargé du contrôle des mesures d’éloignement a ensuite ordonné, le 27 décembre 2024, le maintien de Monsieur [Z] [U] dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire.

Déclarations de Monsieur [Z] [U]

Lors de son audition, Monsieur [Z] [U] a expliqué qu’il était en France depuis cinq ans, étant arrivé mineur sous protection. Il a mentionné avoir suivi une formation en mécanique-moto et travailler au noir, faute de contrat. Il a également évoqué sa famille en France, notamment un oncle, et a reconnu avoir été condamné en 2022 pour des infractions liées aux stupéfiants.

Arguments de la Défense

L’avocate de Monsieur [Z] [U] a soulevé plusieurs points, notamment l’absence de perspective raisonnable d’éloignement en raison de l’absence de documents de voyage de la part des autorités tunisiennes. Elle a également contesté la régularité de la procédure et a demandé la remise en liberté de son client, soulignant que son identité était connue des services judiciaires.

Motifs de la Décision

La recevabilité de l’appel contre l’ordonnance de rétention n’a pas été contestée. La préfecture a justifié la rétention par l’absence d’adresse fixe et de passeport valide de Monsieur [Z] [U]. La législation européenne stipule que la rétention doit être brève et proportionnée, et le juge a noté que les démarches pour obtenir un laisser-passer consulaire avaient été entreprises, bien que le consulat tunisien n’ait pas encore répondu.

Conclusion de la Cour

La cour a confirmé l’ordonnance du magistrat en date du 27 décembre 2024, considérant que les diligences effectuées par la préfecture étaient suffisantes pour une première prolongation de la rétention. Les parties ont été informées de leur droit de se pourvoir en cassation contre cette décision dans un délai de deux mois.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de la rétention administrative selon le CESEDA ?

La rétention administrative est régie par plusieurs articles du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).

Selon l’article L741-3 du CESEDA, un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ.

L’administration doit exercer toute diligence à cet effet.

Cet article précise que la rétention ne doit pas être prolongée au-delà de ce qui est nécessaire pour permettre l’éloignement de l’étranger.

De plus, l’article L742-1 stipule que, lorsque quarante-huit heures se sont écoulées depuis la décision de placement en rétention, le juge des libertés et de la détention doit être saisi pour prolonger la rétention.

Si le juge ordonne la prolongation, celle-ci court pour une période de 28 jours à compter de l’expiration du délai de 48 heures, conformément à l’article L742-3.

Il est donc essentiel que la rétention soit justifiée par des circonstances de fait qui la rendent nécessaire et proportionnée, comme le souligne la directive européenne n°2008-115/CE.

Quels sont les droits de l’étranger en matière de recours contre la décision de rétention ?

L’étranger a le droit de contester la décision de rétention administrative.

Conformément à l’article L. 742-6 du CESEDA, l’étranger peut saisir le juge des libertés et de la détention pour contester la légalité de son placement en rétention.

Il peut également faire appel de la décision du juge, comme cela a été le cas pour Monsieur [Z] [U].

L’article L. 742-7 précise que l’étranger doit être informé de ses droits, y compris le droit de se faire assister par un avocat.

Dans le cas présent, l’appel interjeté par Monsieur [Z] [U] a été examiné par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, qui a confirmé l’ordonnance du magistrat.

Il est important de noter que l’étranger peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de deux mois, comme indiqué dans la notification de l’ordonnance.

Quelles sont les obligations de l’administration en matière de rétention et d’éloignement ?

L’administration a des obligations précises en matière de rétention et d’éloignement, comme le stipule l’article L741-3 du CESEDA.

Cet article impose à l’administration d’exercer toute diligence pour assurer le départ de l’étranger dans les meilleurs délais.

Cela signifie que le préfet doit effectuer sans désemparer les démarches nécessaires à l’exécution de la décision d’éloignement.

L’appréciation des diligences effectuées doit être faite in concreto, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas.

Dans le cas de Monsieur [Z] [U], la préfecture a saisi le consulat tunisien pour obtenir un laisser-passer consulaire, ce qui est une démarche nécessaire lorsque l’étranger ne possède pas de passeport valide.

La décision du juge a également pris en compte le fait que le consulat n’avait pas encore répondu, ce qui a été jugé raisonnable compte tenu des délais administratifs.

Comment la situation personnelle de l’étranger influence-t-elle la décision de rétention ?

La situation personnelle de l’étranger peut avoir un impact significatif sur la décision de rétention.

Dans le cas de Monsieur [Z] [U], il a été accueilli en France en tant que mineur non accompagné, ce qui a été pris en compte par les autorités.

L’article L741-1 du CESEDA stipule que les mineurs doivent bénéficier d’une protection particulière.

De plus, son statut de travailleur, même s’il travaille au noir, et sa famille présente en France sont des éléments qui peuvent influencer la décision.

L’avocate de Monsieur [Z] [U] a également souligné l’absence de perspective raisonnable d’éloignement, car les autorités tunisiennes n’avaient pas encore remis les documents de voyage nécessaires.

Ces éléments personnels et contextuels sont cruciaux pour évaluer la légitimité et la nécessité de la rétention administrative.

En conclusion, la jurisprudence et les articles du CESEDA soulignent l’importance d’une approche équilibrée qui prend en compte à la fois les obligations de l’administration et les droits de l’étranger.

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative

ORDONNANCE

DU 28 DÉCEMBRE 2024

N° RG 24/02142 – N° Portalis DBVB-V-B7I-BOFET

Copie conforme

délivrée le 28 Décembre 2024 par courriel à :

-l’avocat

-le préfet

-le CRA

-le JLD/TJ

-le retenu

-le MINISTÈRE PUBLIC

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention de [Localité 6] en date du 27 Décembre 2024 à 12h38.

APPELANT

Monsieur [Z] [U]

né le 02 Décembre 2004 à [Localité 5] (TUNISIE) (99)

de nationalité Tunisienne

Comparant en visioconférence depuis le centre de rétention administrative de [Localité 6] en application des dispositions de la loi n°2024-42 du 26 janvier 2024.

Assisté de Maître Sonia OULED-CHEIKH, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, commis d’office.

INTIMÉE

PRÉFECTURE DU VAR

Avisé, non représenté

MINISTÈRE PUBLIC

Avisé, non représenté

******

DÉBATS

L’affaire a été débattue en audience publique le 28 Décembre 2024 devant Madame Erika BROCHE, Conseiller à la cour d’appel déléguée par le premier président par ordonnance, assistée de Madame Cécilia AOUADI, Greffier,

ORDONNANCE

Réputée contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Décembre 2024 à 12h50,

Signée par Madame Erika BROCHE, Conseiller et Madame Cécilia AOUADI, Greffier,

PROCÉDURE ET MOYENS

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) ;

Vu le jugement du tribunal correctionnel de Toulon en date du 11 octobre 2023 prononçant l’interdiction définitive du territoire français ;

Vu la décision de placement en rétention prise le 20 décembre 2024 par PRÉFECTURE DU VAR notifiée le 23 décembre 2024 à 09h51 ;

Vu l’ordonnance du 27 Décembre 2024 rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention décidant le maintien de Monsieur [Z] [U] dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire ;

Vu l’appel interjeté le 27 Décembre 2024 à 16h44 par Monsieur [Z] [U] ;

Monsieur [Z] [U] a comparu et a été entendu en ses explications. Il déclare :

‘Cela fait 5 ans que je suis en FRANCE. Je suis arrivé mineur j’étais sous protection.

J’ai fait une formation de mécanique-moto, je travaille. Je travaillais un peu mais ils n’ont pas voulu me faire de contrat. Je travaille au black maintenant.

J’ai de la famille en FRANCE, j’ai un oncle ici. Il est à [Localité 8].

J’ai fait de la prison pour du stupéfiant j’avais du shit et un peu d’argent je n’avais pas de cocaïne.

J’ai été condamné en 2022. Ce n’est pas autorisé, je le sais mais maintenant je le sais, j’ai compris. Je demande une chance.

Je n’ai pas de passeport mais j’ai un hébergement chez mon oncle, il ne me l’a pas envoyé encore je n’ai récupéré son numéro seulement hier. Je ne savais pas que l’attestation d’hébergement n’est pas une condition pour que je reste en FRANCE, je ne savais pas que l’objectif était que je retourne en TUNISIE.’

La Présidente lui rappelle les critères d’acceptation de l’assignation à résidence.

Son avocate a été régulièrement entendue, elle conclut :

‘Nous avons évoqué l’interdiction définitive du territoire prononcé en 2023, monsieur allait saisir un avocat pour revenir sur cette décision. Le caractère définitif de la condamnation a été compris de son côté.

Sur la requête en fin de prolongation: la copie du registre actualisé n’est pas conforme car l’ordonnance critiquée vise ce registre mais n’en mentionne pas son actualité.

Sur les diligences de la préfecture: il n’existe pas de perspective raisonnable d’éloignement, les autorités tunisiennes n’a pas encore remis des documents de voyage.

Sur le maintien de monsieur au CA: monsieur serait connu sous plusieurs identités or il est arrivé en FRANCE en tant que mineur et était placé sous la protection de l’enfance donc son identité est connue.

Je demande l’infirmation du premier juge et sa remise en liberté.’

MOTIFS DE LA DÉCISION

La recevabilité de l’appel contre l’ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention n’est pas contestée .

Sur la régularité de la procédure et la légalité de la décision administrative :

Il apparaît que la saisine du juge par la préfecture du Var en date du 26 décembre 2024 est motivée au visa de l’absence d’adresse fixe de [Z] [U] à sa sortie de détention, et de l’absence de passeport en cours de validité permettant de mettre à exécution la mesure d’interdiction définitive du territoire français prononcée par le Tribunal correctionnel de TOULON le 11 octobre 2023 pour infraction à la législation sur les stupéfiants. Il est joint à la procédure le registre actualisé du CRA.

La directive européenne n°2008-115/CE dite directive ‘retour’ dispose en son article 15§1 que toute rétention est aussi brève que possible et n’est maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. La rétention doit reposer sur des circonstances de fait qui la rendent nécessaire et proportionnée ( CJUE 5 juin 20104 M. MAHDI, C-146/14).

Suivant l’article L. 742-1 du CESEDA, quand un délai de quarante-huit heures s’est écoulé depuis la décision de placement en rétention, le juge des libertés et de la détention est saisi aux fins de prolongation de la rétention. Aux termes de l’article 742-3 du CESEDA, si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court pour une période de 28 jours à compter de l’expiration du délai de 48 heures.

Aux termes de l’article L741-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration doit exercer toute diligence à cet effet.

Si ce texte impose en effet au préfet d’effectuer sans désemparer les démarches nécessaires à l’exécution, dans les meilleurs délais, de la décision d’éloignement, l’appréciation des diligences qu’il a effectuées doit être faite in concreto en tenant compte des circonstances propres à chaque cas.

S’il est constant qu’il n’appartient pas au juge judiciaire de se prononcer sur la légalité de la décision fixant le pays de retour, il lui incombe d’apprécier les diligences mises en oeuvre pour reconduire l’intéressé dans son pays ou tout autre pays.

Il apparaît que [Z] [U] est connu des services judiciaires pour avoir été accueilli en qualité de mineur non accompagné à son arrivée sur le territoire français. Il n’est pas connu sous des alias ou d’autre identités. Son identification par les autorités tunisiennes ne devrait pas poser de difficulté particulière. Le préfet du VAR ne pouvait cependant se dispenser de saisir le consulat tunisien afin de solliciter la délivrance d’un laisser passer consulaire, puisque le retenu n’est pas en possession d’un passeport en cours de validité. Les démarches ont été effectuées le vendredi 20 décembre 2024 et elles ont été transmises à ce consulat le même jour à 18 h 14, soit trois jours avant la notification du placement en rétention administrative, effectuée le jour même de la levée d’écrou.

Le consulat de Tunisie n’a pas encore répondu, ce délai est à ce jour, raisonnable compte tenu de la saisine pendant une période de vacations et les diligences sont suffisantes s’agissant d’une première prolongation. Par conséquent, la décision du premier juge sera confirmée en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par décision réputée contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,

Confirmons l’ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention en date du 27 Décembre 2024 en toutes ses dispositions.

Les parties sont avisées qu’elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d’Etat ou de la Cour de cassation.

Le greffier Le président

Reçu et pris connaissance le :

Monsieur [Z] [U]

Assisté d’un interprète

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-11, Rétentions Administratives

[Adresse 7]

Téléphone : [XXXXXXXX02] – [XXXXXXXX03] – [XXXXXXXX01]

Courriel : [Courriel 4]

Aix-en-Provence, le 28 Décembre 2024

À

– PRÉFECTURE DU VAR

– Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de [Localité 6]

– Monsieur le procureur général

– Monsieur le greffier du Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE

– Maître Sonia OULED-CHEIKH

NOTIFICATION D’UNE ORDONNANCE

J’ai l’honneur de vous notifier l’ordonnance ci-jointe rendue le 28 Décembre 2024, suite à l’appel interjeté par :

Monsieur [Z] [U]

né le 02 Décembre 2004 à [Localité 5] (TUNISIE) (99)

de nationalité Tunisienne

Je vous remercie de m’accuser réception du présent envoi.

Le greffier,

VOIE DE RECOURS

Nous prions Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de bien vouloir indiquer au retenu qu’il peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation.


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