L’Essentiel : Monsieur [P] [B], résident en France depuis 2008, a été placé en rétention après un arrêté préfectoral lui imposant de quitter le territoire. Son avocate, Me Aziza DRIDI, a contesté la validité de la procédure, soulignant des irrégularités, notamment l’absence d’attestation de conformité. Le juge a constaté que ces moyens n’avaient pas été examinés, entraînant l’annulation de l’ordonnance de placement. Bien que la mesure ait été levée, Monsieur [P] [B] a été rappelé à son obligation de quitter le territoire national, avec un droit de pourvoi en cassation dans un délai de deux mois.
|
Procédure et moyensLes articles L 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) ont été invoqués dans cette affaire. Un arrêté du préfet du Var, daté du 5 novembre 2024, a imposé à Monsieur [P] [B] l’obligation de quitter le territoire national, notifié le 6 novembre 2024. Par la suite, une décision de placement en rétention a été prise le 18 décembre 2024, notifiée le 20 décembre 2024. Le 25 décembre 2024, un magistrat a ordonné le maintien de Monsieur [P] [B] dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire. Un appel a été interjeté par Monsieur [P] [B] le 26 décembre 2024. Déclarations de Monsieur [P] [B]Monsieur [P] [B] a expliqué qu’il réside en France depuis 2008, hébergé par sa sœur, et qu’il travaille dans le bâtiment. Il a exprimé son refus de retourner dans son pays d’origine, soulignant qu’il n’y a pas de famille pour l’accueillir et qu’il souffre de problèmes de santé. Lors de son interpellation, des médicaments et un petit couteau ont été trouvés sur lui. Il a également mentionné avoir été agressé par un groupe de personnes et avoir réagi en se défendant. Il a admis consommer de l’alcool et a reconnu que sa sœur n’était pas fière de son comportement. Plaidoirie de l’avocateL’avocate de Monsieur [P] [B], Me Aziza DRIDI, a soulevé plusieurs irrecevabilités lors de sa plaidoirie. Elle a contesté la validité de la procédure, notamment l’absence d’attestation de conformité et le manque de précisions sur le refus d’embarquer pour le Maroc. Elle a également signalé un délai de transfert excessif et l’absence de mise à jour du registre. Elle a demandé l’infirmation de l’ordonnance du juge et la mise en liberté de son client. Motifs de la décisionLa recevabilité de l’appel n’a pas été contestée. Le jugement doit être motivé pour garantir que les prétentions des justiciables sont examinées de manière équitable. Monsieur [P] [B] avait des antécédents judiciaires, ayant été condamné pour des infractions liées aux stupéfiants et au port d’armes. Le préfet du Var a ordonné son éloignement du territoire français et son placement en rétention administrative. En première instance, son avocat a plaidé la nullité du placement en raison de plusieurs irrégularités procédurales. Conclusion de la décisionLe juge a constaté que les moyens relatifs à l’attestation de conformité et au registre n’avaient pas été traités. L’absence de motivation a conduit à l’annulation de l’ordonnance de placement en rétention. La mainlevée de la mesure a été ordonnée, tout en rappelant à Monsieur [P] [B] son obligation de quitter le territoire national. Les parties ont été informées de leur droit de se pourvoir en cassation dans un délai de deux mois. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de la rétention administrative selon le CESEDA ?La rétention administrative est régie par les articles L 740-1 et suivants du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). L’article L 740-1 stipule que « la rétention administrative est une mesure de privation de liberté qui peut être ordonnée à l’égard d’un étranger en situation irrégulière, dans le but de préparer son éloignement du territoire national ». Cette mesure doit être justifiée par des raisons précises, notamment la nécessité de garantir l’exécution d’une obligation de quitter le territoire. De plus, l’article L 741-1 précise que « la rétention ne peut excéder 90 jours, sauf dans des cas exceptionnels ». Il est également important de noter que l’article L 742-1 impose que « le placement en rétention doit être précédé d’une décision motivée ». Ainsi, la législation encadre strictement les conditions de la rétention administrative, en veillant à ce que les droits des étrangers soient respectés. Quels sont les droits de l’étranger en rétention administrative ?Les droits des étrangers en rétention administrative sont protégés par plusieurs dispositions du CESEDA. L’article L 743-1 stipule que « l’étranger placé en rétention a le droit d’être informé des motifs de sa rétention et de la durée prévisible de celle-ci ». De plus, l’article L 743-2 précise que « l’étranger a le droit d’être assisté par un avocat et de faire appel de la décision de placement en rétention ». Il est également mentionné dans l’article L 743-3 que « l’étranger a le droit de contester la légalité de sa rétention devant le juge des libertés et de la détention ». Ces droits garantissent que l’étranger en rétention puisse se défendre et contester les décisions qui le concernent, assurant ainsi un équilibre entre la sécurité publique et les droits individuels. Quelles sont les conséquences d’un défaut de motivation dans la décision de rétention ?Le défaut de motivation dans une décision de rétention administrative a des conséquences juridiques significatives. L’article L 741-2 du CESEDA stipule que « la décision de placement en rétention doit être motivée, sous peine de nullité ». Cela signifie qu’un jugement rendu sans motivation adéquate peut être annulé. Dans le cas présent, le juge a constaté que « le magistrat n’a pas répondu aux moyens relatifs à l’attestation de conformité de la procédure », ce qui constitue un manquement à l’exigence de motivation. En conséquence, l’ordonnance a été annulée pour défaut de motivation, entraînant la mainlevée de la mesure de rétention. Cette situation souligne l’importance de la motivation des décisions judiciaires, qui est essentielle pour garantir le droit à un procès équitable. Quels recours sont possibles contre une décision de rétention administrative ?Les recours contre une décision de rétention administrative sont prévus par le CESEDA. L’article L 743-4 précise que « l’étranger peut contester la décision de placement en rétention devant le juge des libertés et de la détention ». Ce recours doit être exercé dans un délai de 48 heures suivant la notification de la décision. De plus, l’article L 743-5 indique que « l’étranger a également la possibilité de se pourvoir en cassation contre l’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention ». Le pourvoi en cassation doit être formé dans un délai de deux mois à compter de la notification de l’ordonnance. Ces recours permettent à l’étranger de faire valoir ses droits et de contester les décisions qui le concernent, garantissant ainsi un contrôle judiciaire sur les mesures de rétention. |
CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative
ORDONNANCE
DU 28 DÉCEMBRE 2024
N° RG 24/02133 – N° Portalis DBVB-V-B7I-BOE6X
Copie conforme
délivrée le 27 Décembre 2024 par courriel à :
-l’avocat
-le préfet
-le CRA
-le JLD/TJ
-le retenu
-le MINISTÈRE PUBLIC
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention de Nice en date du 25 Décembre 2024 à 14h05.
APPELANT
Monsieur [P] [B]
né le 08 Mars 1973 à [Localité 11] (99)
de nationalité Marocaine
Comparant en visioconférence depuis le centre de rétention administrative de [Localité 9] en application des dispositions de la loi n°2024-42 du 26 janvier 2024.
Assisté de Maître Aziza DRIDI, avocat au barreau de GRASSE, choisi.
Et de Monsieur [D] [R], interprète en langue arabe, inscrit sur la liste des experts de la cour d’appel de Aix-en-Provence
INTIMÉE
PREFET DU VAR
Avisé, non représenté
MINISTÈRE PUBLIC
Avisé, non représenté
******
DÉBATS
L’affaire a été débattue en audience publique le 27 Décembre 2024 devant Madame Erika BROCHE, Conseiller à la cour d’appel déléguée par le premier président par ordonnance, assistée dde Madame Himane EL FODIL, Greffière,
ORDONNANCE
Réputée contradictoire,
Prononcée par mise à disposition au greffe le 28 Décembre 2024 à 10h10,
Signée par Madame Erika BROCHE, Conseiller et Madame Himane EL FODIL, Greffière,
Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) ;
Vu l’arrêté portant obligation de quitter le territoire national pris le 05 novembre 2024 par PRÉFET DU VAR , notifié le 06 novembre 2024 11h15;
Vu la décision de placement en rétention prise le 18 décembre 2024 par PRÉFET DU VAR notifiée le 20 décembre 2024 à 07h54;
Vu l’ordonnance du 25 Décembre 2024 rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention décidant le maintien de Monsieur [P] [B] dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire ;
Vu l’appel interjeté le 26 Décembre 2024 à 13h20 par Monsieur [P] [B] ;
Monsieur [P] [B] a comparu et a été entendu en ses explications. Il déclare ‘ Je suis en France depuis 2008, j’habite chez ma soeur qui m’héberge. Je travaille dans le bâtiment. Je fais de la peinture. Je ne veux pas rentrer au pays car je n’ai pas de famille là-bas. J’ai des soucis de santé, je prends des médicaments pour mes maux de tête. Quand on m’a interpellé on a trouvé sur moi des médicaments et un petit couteau qui me sert pour manger car je n’ai pas de dents. Mon père est décédé. J’habitais dans un quartier [Adresse 4] et un groupe de personnes 5 ou 6 m’ont agressé, j’ai trouvé une barre et je les ai frappé avec. Je bois un peu d’alcool. En détention, rien ne s’est passé. Tous mes frères et soeurs ont des papiers français. Ma soeur n’est pas très fière de mon comportement. J’ai un hébergement chez ma soeur. J’ai un passeport périmé et je ne l’ai pas refait’.
Me Aziza DRIDI est entendue en sa plaidoirie : ‘Monsieur est en rétention depuis quelques jours. Je suis son dossier depuis l’appel. Je soulève des irrecevabilités. Le magistrat du siège n’a pas répondu à tous les moyens. La procédure ne contient pas l’attestation de conformité. Monsieur aurait refusé d’embarquer pour le Maroc or, cette attestation ne précise pas les raisons du refus. Il y a un délai de transfert qui apparaît excessif. De [Localité 8], il est venu au CRA. Il affirme ne pas avoir refusé d’embarquer. Monsieur a pris le transport sans qu’un procès-verbal de transport ne soit dressé. Le registre n’est pas actualisé. Monsieur a posé une requête en contestation qui n’est pas mentionné dans le registre alors que la préfecture y a répondu. L’attestation de conformité est une pièce utile. Je vous demande d’infirmer l’ordonnance du juge et de prononcer la mise en liberté de monsieur.’
Le représentant de la préfecture n’a pas comparu et ne s’est pas fait représenter.
La recevabilité de l’appel contre l’ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention n’est pas contestée.
L’obligation de motivation des jugements répond à une triple finalité : Elle oblige le juge au raisonnement juridique, elle constitue ensuite pour le justiciable la garantie que ses prétentions et ses moyens ont été sérieusement et équitablement examinés par le juge. Elle permet enfin au juge de justifier sa décision pour la soumettre au contrôle des juridictions supérieures.
[P] [B] a été condamné le 25 juin 2021 et le 22 octobre 2021 pour des faits d’infraction à la législation sur les stupéfiants et de port d’armes sans motif légitime. Il a été incarcéré le 14 mai 2024. Par arrêté du 5 novembre 2024, le préfet du Var lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, et a prononcé une interdiction de retour de cinq ans. Par arrêté du 18 décembre 2024, son placement en rétention administrative a été ordonné. Le 23 décembre 2024, le préfet du Var a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins du au fin de voir statuer sur le maintien en centre de rétention administrative.
En première instance, son conseil a plaidé notamment la nullité du placement en rétention administratif, au motif du défaut d’attestation de conformité, du défaut de procès-verbal expliquant le délai de deux heures entre la sortie de garde à vue et le placement au CRA et enfin l’absence de mention de la levée d’écrou au registre du CRA.
Son conseil a soutenu en appel que [P] [B] n’a pas refusé d’être embarqué, relevant que l’écrou a été levé le 20 décembre 2024 à 7 h 54 à [Localité 6]; que l’avion devait décoller le même jour à 11 h 25 à [Localité 7] et que le procès-verbal établi par la police aux frontières le 20 décembre 2024 à 11 h 00 ne caractérise pas le refus d’embarquer.
Or le juge n’a pas répondu aux moyens relatifs à l’attestation de conformité de la procédure, au délai de route, ni à la question relative au registre. L’ exigence de motivation est prescrite à peine de nullité, ce qui implique à l’annulation de l’ordonnance déférée. Celle-ci ayant statué sur la décision de placement en rétention administrative et sur la première prolongation, il sera ordonné la mainlevée de la mesure.
Il convient en outre de relever que le procès-verbal de la police aux frontières mentionne ‘le refus d’embarquer constitue une infraction puni d’une peine d’emprisonnement’ mais que ce refus n’est aucunement décrit en fait, et qu’il est insuffisamment caractérisé.
Statuant publiquement par décision Réputé contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,
Déclarons le moyen de nullité du jugement recevable ;
Annulons le jugement déféré pour défaut de motivation ;
Ordonnons la mainlevée de la mesure de rétention administrative ;
Rappelons à [P] [B] son obligation de quitter le territoire national,
Les parties sont avisées qu’elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d’Etat ou de la Cour de cassation.
Le greffier Le président
Reçu et pris connaissance le :
Monsieur [P] [B]
Assisté d’un interprète
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-11, Rétentions Administratives
[Adresse 10] , bureau 443
Téléphone : [XXXXXXXX02] – [XXXXXXXX03] – [XXXXXXXX01]
Courriel : [Courriel 5]
Aix-en-Provence, le 27 Décembre 2024
À
– PRÉFET DU VAR
– Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de [Localité 9]
– Monsieur le procureur général
– Monsieur le greffier du Juge des libertés et de la détention de NICE
– Maître Aziza DRIDI
NOTIFICATION D’UNE ORDONNANCE
J’ai l’honneur de vous notifier l’ordonnance ci-jointe rendue le 27 Décembre 2024, suite à l’appel interjeté par :
Monsieur [P] [B]
né le 08 Mars 1973 à [Localité 11] (99)
de nationalité Marocaine
Je vous remercie de m’accuser réception du présent envoi.
Le greffier,
VOIE DE RECOURS
Nous prions Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de bien vouloir indiquer au retenu qu’il peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation.
Laisser un commentaire