Prolongation de la rétention administrative : enjeux de légalité et d’ordre public.

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Prolongation de la rétention administrative : enjeux de légalité et d’ordre public.

L’Essentiel : M. [S] [T] a été placé en rétention administrative suite à une condamnation de 10 ans de réclusion pour viol et agression sexuelle sur un mineur. Bien que son conseil ait soulevé l’irrecevabilité de la requête en raison de l’absence de l’arrêté de destination, le juge a jugé la requête recevable. Il a confirmé la légalité de la rétention, soulignant que la prolongation était justifiée par la gravité des infractions commises. En conséquence, une troisième prolongation de quinze jours a été ordonnée pour permettre l’exécution de la mesure d’éloignement, prononcée publiquement au palais de justice du Mesnil-Amelot.

Contexte de la rétention

La personne retenue, M. [S] [T], a été placée en rétention administrative suite à une décision de la cour d’assises du Val de Marne, qui a prononcé une peine de 10 ans de réclusion criminelle pour des faits de viol et d’agression sexuelle sur un mineur de 15 ans, ainsi qu’une interdiction du territoire français de 5 ans.

Recevabilité de la requête

Le conseil de M. [T] a soulevé l’irrecevabilité de la requête en raison de l’absence de l’arrêté fixant le pays de destination. Cependant, le juge a jugé la requête recevable, précisant que l’absence de ce document n’était pas déterminante, étant donné que la rétention était en exécution d’une peine complémentaire.

Examen de la légalité de la rétention

Le juge a examiné la légalité de la rétention, confirmant que la procédure était régulière. Il a rappelé que, selon le Code de l’entrée et du séjour des étrangers, aucune irrégularité antérieure ne pouvait être soulevée lors de l’audience relative à la troisième prolongation de la rétention.

Conditions de prolongation de la rétention

Le juge a noté que la prolongation de la rétention pouvait être demandée si l’étranger faisait obstruction à l’éloignement ou présentait une demande d’asile. Il a également souligné que la menace à l’ordre public devait être appréciée en fonction des faits concrets et de la gravité du comportement de l’étranger.

Évaluation de la menace à l’ordre public

La cour a constaté que M. [T] avait été condamné pour des infractions graves, justifiant ainsi la prolongation de sa rétention. La réalité et la gravité de la menace que son comportement représentait pour l’ordre public ont été établies, ce qui a conduit à l’acceptation de la requête préfectorale.

Décision finale

En conséquence, le juge a ordonné une troisième prolongation de la rétention de M. [S] [T] pour une durée de quinze jours, à compter du 29 décembre 2024, afin de permettre l’exécution de la mesure d’éloignement. La décision a été prononcée publiquement au palais de justice du Mesnil-Amelot.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la recevabilité de la requête en matière de rétention administrative ?

La recevabilité de la requête en matière de rétention administrative est régie par l’article L. 743-11 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Cet article stipule qu’à peine d’irrecevabilité, prononcée d’office, aucune irrégularité antérieure à l’audience relative à la première prolongation de la rétention ne peut être soulevée lors de l’audience relative à la troisième prolongation.

Dans le cas présent, le conseil de M. [T] a soulevé l’irrecevabilité de la requête en raison de l’absence de production de l’arrêté fixant le pays de destination. Cependant, il a été établi que cette pièce n’était pas nécessaire, car M. [T] avait été placé en rétention en exécution d’une peine complémentaire d’interdiction du territoire prononcée par la cour d’assises.

Ainsi, la requête a été jugée recevable, car la procédure contrôlée a été considérée comme régulière et conforme aux exigences légales.

Quelles sont les conditions de prolongation de la rétention administrative ?

Les conditions de prolongation de la rétention administrative sont définies par l’article L. 742-5 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Cet article précise que le magistrat peut être saisi pour une troisième prolongation de quinze jours de la rétention dans plusieurs cas, notamment :

1. Si l’étranger a fait obstruction à l’exécution de la mesure d’éloignement.
2. Si l’étranger a présenté une demande d’asile dans le seul but de faire échec à la mesure d’éloignement.
3. Si l’étranger invoque un état de santé nécessitant une prise en charge médicale.
4. Si la mesure d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage.

Il est important de noter que ces conditions ne sont pas cumulatives. Dans le cas de M. [T], la demande de prolongation a été fondée sur la menace à l’ordre public, justifiée par la gravité de ses antécédents judiciaires, notamment une condamnation pour des faits de viol et d’agression sexuelle.

Comment le juge apprécie-t-il la menace à l’ordre public dans le cadre de la rétention ?

L’appréciation de la menace à l’ordre public dans le cadre de la rétention est une question délicate qui doit être examinée in concreto. Cela signifie que le juge doit prendre en compte un ensemble d’éléments qui font ressortir la réalité des faits allégués, leur gravité, leur récurrence ou leur réitération, ainsi que l’actualité de la menace que constitue le comportement de l’étranger pour l’ordre public.

Il est précisé que la commission d’une infraction pénale, à elle seule, ne suffit pas à établir que le comportement de l’intéressé constitue une menace pour l’ordre public. Le juge doit également considérer les risques objectifs que l’étranger en situation irrégulière fait peser sur l’ordre public.

Dans le cas de M. [T], sa condamnation à une peine de 10 ans de réclusion criminelle pour des faits graves a été jugée suffisante pour caractériser la menace qu’il représentait pour l’ordre public, justifiant ainsi la prolongation de sa rétention administrative.

Annexe TJ Meaux – (rétentions administratives)
N° RG 24/03522 Page
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MEAUX
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CONTENTIEUX DE LA RETENTION ADMINISTRATIVE
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[Adresse 17]

Ordonnance statuant sur la troisième prolongation
d’une mesure de rétention administrative

Ordonnance du 29 Décembre 2024
Dossier N° RG 24/03522

Nous, Catherine MORIN-GONZALEZ, magistrat du siège au tribunal judiciaire de Meaux, assistée de Beatrice BOEUF, greffier ;

Vu les articles L 742-2, L 742-5, R 741-1, R 741-2, R 742-1 à R 743-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Vu l’arrêt rendu le 27 novembre 2020 par la Cour d’assises du Val de Marne prononçant à l’encontre de M. [S] [T] une interdiction du territoire français pour une durée de 10 ans ;

Vu la décision de placement en rétention administrative prise le 29 octobre 2024 par le PRÉFET DES YVELINES à l’encontre de M. [S] [T], notifiée à l’intéressé le 30 octobre 2024 à 10h40 ;

Vu l’ordonnance rendue le 29 novembre 2024 par le magistrat du siège de MEAUX prolongeant la rétention administrative de M. [S] [T] pour une durée de trente jours à compter du 29 novembre 2024 ; décision confirmée par le premier président de la cour d’appel de PARIS le 3 décembre 2024 ;

Vu la requête du PRÉFET DES YVELINES datée du 28 décembre 2024, reçue et enregistrée le 28 décembre 2024 à 11h03 au greffe du tribunal, tendant à la prolongation pour une durée de quinze jours supplémentaires, à compter du 29 décembre 2024, la rétention administrative de :

Monsieur [S] [T], né le 04 Avril 1976 à [Localité 21] (GUINÉE-BISSAU), de nationalité Guinéenne

Vu l’extrait individualisé du registre prévu par l’article L. 744-2 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

En l’absence du procureur de la République régulièrement avisé par le greffier, dès réception de la requête, de la date, de l’heure, du lieu et de l’objet de la présente audience ;

Après avoir, en audience publique, rappelé à la personne retenue les droits qui lui sont reconnus par le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, puis entendu en leurs observations, moyens et arguments :

– Me Isabelle ZERAD substituant le Cabinet CENTAURE, avocat représentant le PRÉFET DES YVELINES ;
– M. [S] [T];

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR LA RECEVABILITE DE LA REQUETE

Attendu que le conseil de M. [T] soulève l’irrecevabilité de la requête motif pris de l’absence de production de l’arrêté fixant le pays de destination alors même qu’il ne saurait s’agir d’une pièce justificative utile dès lors que l’intéressé a été placé en rétention en exécution d’une peine complémentaire d’interdiction du territoire prononcée par arrêt de la cour d’assises du Val de Marne en date du 27 novembre 2020; que la requête est donc recevable;

Attendu qu’indépendamment de tout recours contre la décision de placement, le juge doit se prononcer en tant que gardien de la liberté individuelle sur la légalité de la rétention;

Attendu qu’après examen des éléments du dossier tels que complétés ou éclairés à l’audience contradictoirement, la procédure contrôlée est recevable et régulière ;

Attendu que selon l’article L. 743-11 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, à peine d’irrecevabilité, prononcée d’office, aucune irrégularité antérieure à l’audience relative à la première prolongation de la rétention ne peut être soulevée lors de l’audience relative à la troisième prolongation ;

Attendu qu’il ressort de l’examen des pièces jointes à la requête et des mentions figurant au registre prévu à l’article L. 744-2 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile que la personne retenue, pleinement informée de ses droits lors la notification de son placement, n’a cessé d’être placée en état de les faire valoir depuis de son arrivée au lieu de rétention ;

Attendu qu’en vertu du principe de la séparation des pouvoirs, c’est au juge administratif qu’il revient d’apprécier la légalité et l’opportunité, ou la nécessité, pour l’administration d’éloigner de France un étranger et de le placer à cette fin en rétention, y compris lorsque celui-ci invoque une situation personnelle ou familiale présentée comme incompatible avec son départ en regard de dispositions légales ou conventionnelles ;

Attendu qu’aux termes de l’article L. 742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile le magistrat du siège et de la détention peut à titre exceptionnel être à nouveau saisi pour une troisième prolongation de quinze jours de la rétention lorsque dans les quinze derniers jours, l’étranger, soit a fait obstruction à l’exécution d’office de la mesure d’éloignement, soit a présenté dans le seul but de faire échec à la mesure d’éloignement, une demande d’asile, ou une demande visant à voir constater que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité et qu’il ne pourra bénéficier de soins appropriés dans son pays de renvoi, ou encore si la mesure d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai ; le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public;

Attendu que ces conditions ne sont pas cumulatives ;
Attendu que s’agissant de la menace à l’ordre public invoquée par l’administration pour fonder sa demande en troisième prolongation exceptionnelle, cette qualification doit faire l’objet d’une appréciation in concreto tirée d’un ensemble d’éléments faisant ressortir la réalité des faits allégués, leur gravité, leur récurrence ou leur réitération ainsi que l’actualité de la menace que constitue le comportement personnel de l’étranger pour l’ordre public ;

Attendu que si la commission d’une infraction pénale n’est pas de nature à elle seule à établir que le comportement de l’intéressé présenterait une menace pour l’ordre public (CE 16 mars 2005 n° 269313, CE 12 février 2014 n° 365644) et que l’appréciation de la menace doit prendre en considération les risques objectifs que l’étranger en situation irrégulière fait peser sur l’ordre public (CE 7 mai 2015 n° 389959), il résulte en l’espèce des pièces de la procédure que M. [T] a fait l’objet d’une condamnation par la Cour d’Assises du Val de Marne à la peine de 10 ans de réclusion criminelle pour des faits de viol et agression sexuelle imposée à un mineur de 15 ans et à une peine d’interdiction du territoire français pour une durée de 5 ans à titre de peine complémentaire ;

Qu’ainsi la réalité, la gravité et l’actualité de la menace que constitue le comportement personnel de l’étranger pour l’ordre public sont caractérisées et justifient que la requête préfectorale en troisième prolongation de la rétention administrative soit accueillie ;

Attendu que la troisième prolongation de la rétention étant de nature à permettre l’exécution de la mesure d’éloignement, il convient, par conséquent, de faire droit à la requête et de prolonger la rétention de la personne retenue ;

PAR CES MOTIFS,

DÉCLARONS la requête recevable et la procédure régulière ;

ORDONNONS une troisième prolongation de la rétention de M. [S] [T], au centre de rétention administrative [20] (77) ou dans tout autre centre ne dépendant pas de l’administration pénitentiaire, pour une durée de quinze jours à compter du 29 décembre 2024 ;

Prononcé publiquement au palais de justice du Mesnil-Amelot, le 29 Décembre 2024 à 17 h 16.

Le greffier, Le juge,

qui ont signé l’original de l’ordonnance.

Pour information :

– La présente ordonnance est susceptible d’appel devant le premier président de la cour d’appel de Paris dans les 24 heures de sa notification. Le délai d’appel qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant. Le premier président est saisi par une déclaration écrite motivée, transmise par tout moyen au greffe de la cour d’appel de Paris (Service des étrangers – Pôle 1 Chambre 11), notamment par télécopie au [XXXXXXXX03] ou par courriel à l’adresse mail [Courriel 18] . Cet appel n’est pas suspensif. L’intéressé est maintenu à disposition de la justice jusqu’à l’audience qui se tiendra à la cour d’appel.
– Pendant toute la durée de sa rétention, le retenu peut demander l’assistance d’un interprète, d’un avocat ainsi que d’un médecin, et communiquer avec son consulat ou toute personne de votre choix.
– Le retenu bénéficie également du droit de contacter toute organisation et instance nationale, internationale ou non gouvernementale compétente pour visiter les lieux de rétention, notamment :
• le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ([Adresse 12] ; www.cglpl.fr ; tél. : [XXXXXXXX05] ; fax : [XXXXXXXX02]) ;
• le Défenseur des droits ([Adresse 15] ; tél. : [XXXXXXXX08]) ;
• France Terre d’Asile ([Adresse 13] ; tél. : [XXXXXXXX04]) ;
• Forum Réfugiés Cosi ([Adresse 14] ; tél. : [XXXXXXXX07]) ;
• Médecins sans frontières – MSF ([Adresse 16] ; tél. : [XXXXXXXX01]).
– La CIMADE, association indépendante de l’administration présente dans chacun des centres de rétention du [Localité 19] (Tél. CIMADE CRA2 : [XXXXXXXX010] / [XXXXXXXX011] – Tél. CIMADE CRA 3 : [XXXXXXXX09] / [XXXXXXXX06]), est à la disposition des retenus, sans formalité, pour les aider dans l’exercice effectif de leurs droits, aux heures d’accueil précisées par le règlement intérieur.
– Chaque retenu est en droit de demander, à tout moment, qu’il soit mis fin à sa rétention par simple requête, motivée et signée, adressée au magistrat du siège par tout moyen, accompagnée de toutes les pièces justificatives.

Reçu, le 29 décembre 2024, dans une langue comprise, notification orale des motifs et du dispositif de la présente ordonnance, avec remise d’une copie intégrale, information des voies de recours et de leurs incidences, ainsi que rappel des droits pouvant être exercés pendant le maintien en rétention.
La personne retenue,

Copie intégrale de la présente ordonnance a été transmise par l’intermédiaire d’un moyen de télécommunication comportant un accusé de réception, le 29 décembre 2024, à l’avocat du PRÉFET DES YVELINES, absent au prononcé de la décision.
Le greffier,

Copie intégrale de la présente ordonnance a été transmise par l’intermédiaire d’un moyen de télécommunication comportant un accusé de réception, le 29 décembre 2024, à l’avocat de la personne retenue, absent au prononcé de la décision.
Le greffier,


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