Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Nice
Thématique : Obligation de vigilance et responsabilité du Greffe du Tribunal de commerce
→ RésuméConstitution de la société SAS [3]Au printemps 2014, Monsieur [C] [D] a proposé à Monsieur [N] [X] de créer une société, la SAS [3], pour exploiter un établissement de restauration-bar. Les statuts, datés du 14 août 2014, mentionnaient un capital variable de 51.000 euros, souscrit par Monsieur [N] [X] à hauteur de 26.010 euros et par Monsieur [C] [D] à hauteur de 24.990 euros, entraînant une répartition de 51% pour Monsieur [N] [X] et 49% pour Monsieur [C] [D]. Un reçu de la banque a confirmé le versement total du capital. Liquidation judiciaire de la sociétéLa société [3] a été déclarée en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Nice le 28 juillet 2016. Par la suite, le tribunal correctionnel de Nice a condamné Monsieur [C] [D] le 9 août 2017 pour escroqueries, notamment pour avoir falsifié les statuts de la société et trompé Monsieur [N] [X]. Ce dernier a été reconnu comme victime et a obtenu des dommages et intérêts pour son préjudice. Démarches de réparation par Monsieur [N] [X]Les tentatives amiables de Monsieur [N] [X] pour obtenir réparation ont échoué. En octobre 2018, il a reçu une indemnisation de 3.054 euros de la Commission des victimes d’infraction pénale. En février 2019, il a adressé un courrier au greffe du tribunal de commerce, dénonçant des fautes professionnelles et demandant une indemnisation pour complicité d’escroquerie. Plainte et assignation contre le greffeMonsieur [N] [X] a déposé plainte contre le greffe du tribunal de commerce de Nice pour complicité d’escroquerie en mai 2019. Il a également assigné la SCP [Z]-[S]-[P] pour engager la responsabilité du greffe. L’affaire a été clôturée en septembre 2020, mais a été renvoyée pour être plaidée. Décisions judiciaires et demandes de Monsieur [N] [X]Le tribunal judiciaire de Nice a suspendu l’action de Monsieur [N] [X] contre le greffier en janvier 2021, en attendant l’issue de la procédure pénale. En novembre 2022, l’affaire a été radiée, mais a été réenregistrée en décembre 2022. En septembre 2024, Monsieur [N] [X] a formulé plusieurs demandes contre le greffe, incluant des constatations de manquements et des demandes de dommages-intérêts. Arguments du greffe et décision finaleLe greffe a contesté les accusations, affirmant que les documents étaient conformes et que le contrôle effectué était suffisant. Le tribunal a statué que le greffe n’avait pas à vérifier les antécédents judiciaires de Monsieur [C] [D] ni à s’assurer de la conformité des documents au-delà de leur régularité apparente. En conséquence, Monsieur [N] [X] a été débouté de toutes ses demandes contre la SCP [Z]-[S]-[P] et condamné aux dépens. |
COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NICE
GREFFE
(Décision Civile)
JUGEMENT : [N] [X] c/ GREFFE DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE NICE
MINUTE N° 24/
Du 26 Novembre 2024
3ème Chambre civile
N° RG 22/04913 – N° Portalis DBWR-W-B7G-OUFF
Grosse délivrée à
Me Fabien CARLES
, Me Nicolas RUA
expédition délivrée à
le
mentions diverses
Par jugement de la 3ème Chambre civile en date du vingt six Novembre deux mil vingt quatre
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Président : Corinne GILIS,
Assesseur : Anne VINCENT, Vice-Président
Assesseur : Dominique SEUVE,
Greffier : Audrey LETELLIER-CHIASSERINI, Greffier présente uniquement aux débats
présents aux débats et ont délibéré
DÉBATS
A l’audience publique du 17 Septembre 2024 le prononcé du jugement a été fixé au 26 Novembre 2024 par mise à disposition au Greffe de la Juridiction,
PRONONCE
Par mise à disposition au greffe le 26 Novembre 2024 , signé parMadame GILIS,Présidente et Audrey LETELLIER-CHIASSERINI, Greffier.
NATURE DE LA DÉCISION : contradictoire, en premier ressort, au fond.
DEMANDEUR:
Monsieur [N] [X]
[Adresse 1]
[Localité 5]
représenté par Me Fabien CARLES, avocat au barreau de NICE, avocat plaidant
DEFENDERESSE:
GREFFE DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE NICE, représenté par la SCP [Z], [S]-[P], prise en la personne de son Geffier en Chef Maître [B] [Z]
Tribunal de Commerce de Nice,
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Nicolas RUA, avocat au barreau de NICE, avocat postulant, Me Nicolas SENESI, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
EXPOSE DU LITIGE
Au cours du printemps 2014, Monsieur [C] [D] a proposé à Monsieur [N] [X] de créer une société, la SAS [3], aux fins d’exploitation d’un établissement de restauration – bar.
Les statuts de la société [3], portant la date du 14 août 2014, faisaient mention de la constitution d’un capital variable de 51.000 euros, déposé auprès de la [6] et souscrit à hauteur de 26.010 euros par Monsieur [N] [X] et de 24.990 euros par Monsieur [C] [D] , aboutissant à une répartition d’actions suivantes :
– 26.010 actions (soit 51% des parts) pour Monsieur [N] [X]
-24.990 actions (soit 49% des parts ) pour Monsieur [C] [D]
Le reçu de la [6], en date du 14 août 2014, indique que le versement de l’intégralité de la somme de 51.000 euros a été effectué par l’un des actionnaires.
Monsieur [C] [D] agissant en qualité de représentant de la SAS [3] en formation, a accompli le dépôt de l’ensemble des formalités au greffe du tribunal de commerce de Nice, en vu de l’immatriculation de cette société au registre du commerce et des sociétés.
Par jugement en date du 28 juillet 2016, la société [3] a été déclarée en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Nice.
Par jugement en date du 9 août 2017, devenu définitif, le tribunal correctionnel de Nice a :
– Condamné Monsieur [C] [D] à 3 ans de prison dont 1an avec sursis avec mise à l’épreuve pendant 3 ans, avec obligation d’indemniser les victimes pour de nombreuses escroqueries et notamment, pour avoir, à [Localité 5] , le 4 août 2014, trompé Monsieur [N] [X] en employant des manoeuvres frauduleuses et plus précisément en ayant falsifié les statuts de la société [3], en modifiant le montant du capital social et en imitant la signature de Monsieur [N] [X].
-Reçu la constitution de partie civile de Monsieur [N] [X], déclaré Monsieur [C] [D] responsable du préjudice subi par Monsieur [X] et l’a condamné au versement de dommages et intérêts de 136. 800 euros, en réparation de son préjudice matériel, de 10. 000 euros pour son préjudice moral et une indemnité de 1000 euros au titre de l’article 475-1 du Code de procédure pénale.
Les démarches amiables engagées par Monsieur [N] [X] en vu d’obtenir réparation de son préjudice sont demeurées vaines.
Par jugement en date du 23 octobre 2018, Monsieur [N] [X] s’est vu allouer la somme de 3.054 euros par la Commission des victimes d’infraction pénale des Alpes Martimes en réparation du préjudice subi suite aux faits d’escroqueries dont il a été victime.
Par courrier non daté parvenu au greffe du tribunal de Commerce de Nice le 22 février 2019, Monsieur [N] [X] reprochant au greffier du tribunal de commerce un manque de vigilance ainsi que de nombreuses fautes professionnelles commises dans le cadre de la procédure d’immatriculation de la SAS [3], ayant permis la réalisation de l’escroquerie dont il a été victime, a sollicité amiablement indemnisation de son préjudice de 136.800 euros et l’a informé de son intention de dépôt de plainte pour complicité d’escroquerie.
Par courrier recommandé avec avis de réception en date du 22 février 2019, Monsieur [B] [Z], en sa qualité de gérant de la SCP [Z]-[S]-[P], représentante du greffe du tribunal de commerce, a contesté les accusations portées par Monsieur [N] [X].
A la date du 7 mai 2019, Monsieur [N] [X] a déposé plainte entre les mains du procureur de la République de Grasse à l’encontre du greffe du tribunal de commerce de Nice pour complicité d’escroquerie par fourniture de moyens.
Par exploit d’huissier en date du 24 avril 2019, Monsieur [N] [X] a assigné la SCP [Z]-[S]-[P] aux fins de mise en jeu de la responsabilité du greffe du tribunal de commerce de Nice et de ladite SCP.
Par une ordonnance de fixation et de clôture en date du 3 février 2020, l’affaire a été clôturée au 1er septembre 2020 et renvoyée pour être plaidée à l’audience en formation collégiale du 15 septembre 2020.
Par jugement en date du 19 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Nice a sursis à statuer sur l’action engagée par Monsieur [N] [X] à l’encontre du greffier du tribunal de commerce de Nice (SCP [Z]-[S]- [P]), pour les fautes commises par celui-ci dans le cadre de l’immatriculation de la SAS [3], jusqu’à l’issue de la procédure pénale consécutive à la plainte déposée le 7 mai 2019. L’affaire a été renvoyée à la mise en état dématérialisée du 7 juin 2021, afin que Monsieur [N] [X] fournisse tout justificatif sur l’avancée de la procédure pénale en cours.
Par une ordonnance de radiation en date du 3 novembre 2022, le juge de la mise en état a ordonné la radiation de l’affaire au rôle du tribunal.
Par conclusions de réenrolement, Monsieur [N] [X] a sollicité du juge de la mise en état le ré-enrôlement de l’affaire.
Par courrier en date du 20 décembre 2022, le greffe du tribunal judiciaire de Nice a informé les parties du fait que l’affaire avait fait l’objet d’un ré-enrôlement et appelait les parties à la mise en état du 13 février 2023.
Dans le cadre de la mise en état, la SCP [Z]-[S]- [P] a saisi le tribunal de conclusions d’incident notifiées par RPVA le 9 juin 2023, visant à la révocation du sursis à statuer.
Par ordonnance du 29 février 2024, le juge de la mise en état a ordonné la révocation du sursis à statuer ordonné par le jugement en date du 19 janvier 2021.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 2 septembre 2024, la SCP [Z]-[S]- [P] demande au juge de :
– Rejeter l’ensemble des demandes formées par Monsieur [N] [X] ;
– Condamner Monsieur [X] à la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 2 septembre 2024, Monsieur [N] [X] demande au juge de:
– Constater que le greffe du tribunal de commerce de Nice a manqué à ses obligations de vigilance et de contrôle concernant le montant et les parties ayant procédé à un apport en capital de la société SAS [3] en compte en cours de constitution ;
– Constater que le greffe du tribunal de commerce de Nice a manqué à ses obligations de vigilance et de contrôle concernant les dates incompatibles apposées sur les actes de statuts et feuilles d’émargement ;
– Constater que le greffe du tribunal de commerce de Nice a manqué à ses obligations de vigilance et de contrôle concernant les mentions de la liste des souscripteurs d’action, des actes accomplis au nom de la société en formation par Monsieur [D] ne correspondant pas avec le certificat de dépôt de fonds du 14 août 2014;
– Constater que le greffe du tribunal de commerce de Nice a manqué à ses obligations de
vigilance en ce que Monsieur [D] était sous le coup de plusieurs procédures de liquidation judiciaire pour des faits fautifs et divers signalements dont il faisait l’objet ;
– Constater que le greffe du tribunal de commerce de Nice a manqué à ses obligations de vigilance et de contrôle en ce que Monsieur [D] ne pouvait tenir de licence IV eu égard à ses condamnations pénales et entraînant de fait une impossibilité d’exploitation de la société en cours de création;
– Constater que le greffe du tribunal de commerce de Nice a manqué à ses obligations de conseil envers Monsieur [X] concernant la forme sociale choisie pour la société, société par actions simplifiées à capital variable ne correspondant en rien à l’exploitation d’un commerce de restauration et de bar;
– Dire et juger que Le Greffe du Tribunal de Commerce de Nice a manqué à ses obligations de contrôle de conformité des énonciations aux pièces justificatives et actes en cas de dépôt d’immatriculation d’une société commerciale;
– Dire et juger que ce n’est que par la faute négligences de la part du greffe du tribunal de commerce de Nice que Monsieur [D] a pu mettre en place l’escroquerie jugeait par la décision du tribunal correctionnel de Nice en date du 9 août 2017;
– Dire et juger que ces négligences sont constitutives de fautes envers Monsieur [X] réparables et indemnisables ;
– Condamner Le Greffe du Tribunal de Commerce de Nice à la somme de 179.318,49 euros de dommages-intérêts au titre du préjudice économique subi par le demandeur augmenté du taux d’intérêt légal à compter de la décision du tribunal correctionnel du 9 aôut 2017;
– Condamner Le Greffe du Tribunal de Commerce de Nice à la somme de 100 000 € de dommages-intérêts au titre de la perte de chance d’exploitation du demandeur augmenté du taux d’intérêt légal à compter de la création de la société en aôut 2014;
– Condamner Le Greffe du Tribunal de Commerce de Nice à la somme de 20.000 € de dommages-intérêts au titre du préjudice moral subi par le demandeur à l’occasion de l’ensemble cette procédure ;
– Condamner Le Greffe du Tribunal de Commerce de Nice à la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Fabien Carles, avocat au Barreau de Nice;
– Assortir les condamnations du taux d’intérêt légal depuis la création de la société en aôut 2014 ou à défaut de la saisine de la présente juridiction;
– Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
Il est renvoyé pour plus ample exposé du litige aux conclusions susvisées en application de l’article 455 du Code de procédure civile.
L’affaire a été appelée à l’audience du 17 septembre 2024 et mise en délibérée par mise à disposition au greffe au 26 novembre 2024.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant après débats publics, par jugement contradictoire rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe,
Déboute Monsieur [N] [X] de l’intégralité de ses demandes à l’encontre de la SCP[Z] [S]-[P],
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et déboute en conséquence que la SCP[Z] [S]-[P] de sa demande formée de ce chef,
Condamne Monsieur [N] [X] aux dépens,
Et le présent jugement a été signé par le président et le greffier.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
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