La procureure financière près la chambre régionale des comptes de La Réunion, a obtenu la condamnation pour diffamation publique envers un fonctionnaire public à raison de propos figurant dans l’éditorial du journal de l’Ile de La Réunion ( » le JIR « ) du 9 novembre 2019, intitulé » Joyeux anniversaire parrains « .
La Cour de cassation a confirmé la condamnation pour diffamation du directeur de la publication qui accusait la procureure financière de tentative d’influence pour peser sur le contenu d’un rapport de contrôle portant sur les irrégularités et fraudes imputées à l’Aurar. |
L’Essentiel : M. [Y] [M], directeur de publication du journal « le JIR », fait face à une plainte pour diffamation déposée par Mme [R] [C], procureure financière, suite à des propos tenus dans un éditorial du 9 novembre 2019. Le 16 septembre 2020, un juge a refusé d’informer, mais Mme [C] a poursuivi M. [M] devant le tribunal correctionnel. Les éditoriaux incriminés accusaient Mme [C] de tentatives d’influence sur un rapport de contrôle et de dissimulation d’irrégularités. Le 8 septembre 2022, M. [M] a été déclaré coupable et condamné à une amende de 4 000 euros, entraînant un appel de sa part.
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Résumé de l’affaire :
Contexte de l’affaireM. [Y] [M] est le directeur de la publication du journal de l’Ile de La Réunion, connu sous le nom de « le JIR », ainsi que de sa version numérique. Plainte pour diffamationLe 20 janvier 2020, Mme [R] [C], procureure financière près la chambre régionale des comptes de La Réunion, a déposé une plainte pour diffamation publique envers un fonctionnaire public, en raison de propos tenus dans un éditorial du JIR publié le 9 novembre 2019. Ordonnance de refus d’informerLe 16 septembre 2020, le juge d’instruction a rendu une ordonnance de refus d’informer, suite à la plainte déposée par Mme [C]. Procès devant le tribunal correctionnelMme [C] a ensuite cité M. [M] et la société [1] devant le tribunal correctionnel pour diffamation publique, en raison de plusieurs éditoriaux publiés dans le JIR, qui contenaient des accusations à son encontre. Contenu des éditoriaux incriminésLes éditoriaux en question évoquaient des tentatives d’influence de la part de Mme [C] sur le contenu d’un rapport de contrôle, ainsi que des allégations de manœuvres pour dissimuler des irrégularités et des fraudes dans le cadre d’une enquête. Jugement du tribunalLe 8 septembre 2022, le tribunal a rejeté l’exception de prescription soulevée par M. [M], l’a déclaré coupable des délits de diffamation et l’a condamné à une amende de 4 000 euros, tout en statuant sur les intérêts civils. Appel de la décisionM. [M] a interjeté appel de cette décision, tandis que Mme [C] a également formé un appel incident. Examen des moyensLe premier moyen soulevé par M. [M] n’a pas été jugé recevable pour permettre l’admission du pourvoi selon l’article 567-1-1 du code de procédure pénale. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les implications juridiques de la diffamation publique envers un fonctionnaire public ?La diffamation publique envers un fonctionnaire public est régie par l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Cet article stipule que « la diffamation est l’imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération d’une personne ». Dans le cas présent, les propos tenus par M. [M] dans ses éditoriaux ont été jugés diffamatoires à l’égard de Mme [C], procureure financière. L’article 29-1 précise que « la diffamation commise à l’égard d’un fonctionnaire public dans l’exercice de ses fonctions est punie d’une amende de 12 000 euros ». Il est donc essentiel de prouver que les propos tenus sont faux et qu’ils ont été publiés dans un contexte qui porte atteinte à l’honneur de la personne visée. En l’espèce, le tribunal a considéré que les déclarations de M. [M] étaient diffamatoires, ce qui a conduit à sa condamnation. Quels sont les recours possibles en cas de condamnation pour diffamation ?En cas de condamnation pour diffamation, l’article 485 du code de procédure pénale permet à la personne condamnée de faire appel de la décision. Cet article stipule que « le jugement peut être frappé d’appel dans les conditions prévues par la loi ». M. [M] a effectivement relevé appel de la décision du tribunal, ce qui est un droit reconnu par la législation. L’appel permet de contester la décision rendue en première instance et de demander un réexamen des faits et des preuves. Il est important de noter que l’appel doit être formé dans un délai de 10 jours à compter de la notification du jugement, conformément à l’article 498 du même code. Dans ce cas, M. [M] a respecté ce délai, ce qui lui permet de poursuivre la contestation de sa condamnation. Comment la responsabilité civile peut-elle être engagée dans une affaire de diffamation ?La responsabilité civile dans le cadre d’une diffamation est régie par l’article 1382 du code civil, qui dispose que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Dans le cas de M. [M], la société [1] a été citée comme civilement responsable, ce qui signifie qu’elle peut être tenue de réparer le préjudice causé par les propos diffamatoires. L’article 1383 précise que « chacun est responsable non seulement du dommage qu’il cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont il doit répondre ». Ainsi, la société [1] pourrait être amenée à indemniser Mme [C] pour le préjudice subi en raison des déclarations de M. [M]. Il est donc crucial pour les directeurs de publication de veiller à la véracité des informations diffusées afin d’éviter d’engager leur responsabilité civile. Quelles sont les conséquences pénales d’une condamnation pour diffamation ?Les conséquences pénales d’une condamnation pour diffamation sont énoncées dans l’article 32 de la loi du 29 juillet 1881, qui prévoit des peines d’amende. En cas de diffamation publique envers un fonctionnaire, comme dans le cas de M. [M], l’article 29-1 mentionne une amende pouvant aller jusqu’à 12 000 euros. De plus, l’article 33 de la même loi précise que « la récidive est punie d’une peine d’emprisonnement de six mois à un an et d’une amende de 30 000 euros ». Ainsi, une condamnation pour diffamation peut avoir des répercussions significatives sur la réputation et la situation financière de la personne condamnée. Dans le cas présent, M. [M] a été condamné à une amende de 4 000 euros, ce qui souligne la gravité des accusations portées contre lui. Il est donc essentiel pour les journalistes et les directeurs de publication de faire preuve de prudence dans leurs écrits afin d’éviter de telles conséquences. |
N° 01429
ODVS
26 NOVEMBRE 2024
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 26 NOVEMBRE 2024
M. [Y] [M] a formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris, chambre 2-7 en date du 28 septembre 2023, qui, pour diffamation envers un fonctionnaire public, l’a condamné à 4 000 euros d’amende et a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Hill, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [Y] [M] et la société [1], les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de Mme [R] [C], et les conclusions de M. Tarabeux, avocat général, après débats en l’audience publique du 22 octobre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Hill, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [Y] [M] est le directeur de la publication du journal de l’Ile de La Réunion ( » le JIR « ) et de sa version numérique, publiée sur le site www.clicannoo.re.
3. Le 20 janvier 2020, Mme [R] [C], procureure financière près la chambre régionale des comptes de La Réunion, a porté plainte et s’est constituée partie civile du chef de diffamation publique envers un fonctionnaire public à raison de propos figurant dans l’éditorial de ce journal du 9 novembre 2019, intitulé » Joyeux anniversaire parrains « .
4. Le 16 septembre 2020, le juge d’instruction a rendu une ordonnance de refus d’informer.
5. Mme [C] a fait citer devant le tribunal correctionnel M. [M], en sa qualité de directeur de la publication, et la société [1], en sa qualité de civilement responsable, pour diffamation publique envers un fonctionnaire public, en raison de la publication des propos suivants :
– dans l’éditorial » Joyeux anniversaire parrains « , publié le 9 novembre 2019, tant dans l’édition papier du JIR que sur le site www.clicannoo.re :
» Aura-t-il était empêché d’aller plus loin par la procureure financière de l’époque au sein de cette auguste maison qui avait reçu depuis [Localité 2] des instructions pour alléger le dossier sur les crédits, les baux notamment ? Faudra que l’ancien patron de la Chambre Régionale des Comptes mette son poids et le reste dans la balance pour que les bidouilleries de la procureure et de [O] ex-patron de la sécu locale, copain comme cochon du patron parisien de la Cour des Comptes [Localité 2], réussissent leurs coups visant à faire passer l’éponge magique sur l’Aurar Ce qu’ils ont tout de même réussi en partie. »
– dans un éditorial intitulé » Il suffit d’y croire « , publié le 11 avril 2020, dans l’édition papier du JIR et sur le site www.clicannoo.re :
» [R] [C], procureure financière de la Chambre à la Réunion en accord avec son patron, procureur général de la Cour des comptes de [Localité 2], un certain [A] [B] invité régulièrement à venir festoyer sur le caillou par [O] et [D] [E] [F] faisaient leur possible pour nuire à l’enquête.
(
)
Sans la ténacité du Président Colin, du magistrat Bangui enquêteur à la Chambre, sans la pression médiatique nationale, l’enquête de la chambre régionale aurait été bâclée, minée par la procureure financière et [A] [B]. Ils auront réussi tout de même à faire gommer une bidouillerie de crédit-bail. A laminer aussi quelques lignes de la sauterie organisée par [D] [E] et payée par les contribuables – 5 760 euros – jour de la remise de la rouge au revers de son paletot par la ministre de l’époque [U] [Z]
Fermez le ban et joyeuses Pâques chère [R]. »
– dans un éditorial intitulé » Roul pa nou « , publié le 26 juin 2020, dans l’édition papier du JIR et le 27 juin 2020 sur le site www.clicannoo.re :
» Que dire de plus, que je persiste et signe bien évidemment, qu’il y a bien eu tentative d’influence de la part d'[R] [C], alors procureure financière, pour peser sur le contenu du rapport de contrôle du magistrat enquêteur de la CRC qui avait confirmé dans les très grandes largeurs l’ensemble des irrégularités, fraudes et du scandale sanitaire de l’Aurar que je dénonçais depuis plusieurs mois. Que je confirme qu'[R] [C], en qualité de procureure financière attachée à la chambre régionale des comptes, a cherché ouvertement et à de multiples reprises au sein de la CRC à édulcorer le dossier histoire notamment de protéger le directeur de la Sécurité Sociale de l’époque [X] [O], l’ARS, son directeur mais aussi [D] [E] [F], directrice de l’Aurar.
Que je confirme que la procureure financière voulait modifier le salaire de la [D] [E], gommer le fait que la Sécu de [O], compère la gratouille notoire, a surfinancé la dialyse pendant des lustres, oublié l’inaction crasse, le manque de contrôle de l’ARS, dirigée à l’époque par [T] [N].
Je confirme aussi que cette tentative de gommage de santé publique s’est faite avec l’accord et/ou la demande de [A] [B], procureur général près la Cour des comptes à [Localité 2], copain de [O] et à l’époque boss de la procureure. Je confirme enfin qu’il aura fallu l’intervention courageuse du président de la CRC du moment, [P] [V], pour résister aux manuvres de lessivage du rapport. « .
6. Par jugement en date du 8 septembre 2022, le tribunal a rejeté l’exception de prescription de l’action publique soulevée par M. [M], l’a déclaré coupable des délits susvisés, l’a condamné à 4 000 euros d’amende et a prononcé sur les intérêts civils.
7. M. [M] a relevé appel de cette décision et Mme [C], appel incident.
Sur le premier moyen
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