Cour d’appel de Versailles, 21 novembre 2024, RG n° 22/01910
Cour d’appel de Versailles, 21 novembre 2024, RG n° 22/01910

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Versailles

Thématique : Reconnaissance d’une relation de travail : enjeux de preuve et de compétence juridictionnelle

Résumé

Contexte de l’affaire

Mme [D] a revendiqué une relation de travail salariée avec [E] [W] depuis février 2010 jusqu’à la rupture de cette relation le 4 septembre 2019. Elle a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt le 21 octobre 2019, demandant la reconnaissance de cette relation et des indemnités suite à ce qu’elle considère comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Après le décès de [E] [W] en novembre 2019, M. [L] [W] a pris la relève en tant qu’ayant droit.

Demandes de Mme [D]

Devant le conseil de prud’hommes, Mme [D] a formulé plusieurs demandes, incluant la constatation d’un contrat de travail à durée indéterminée, la requalification de sa prise d’acte en licenciement, et des indemnités variées pour licenciement, travail dissimulé, et manquements à l’obligation de sécurité, entre autres. Elle a également demandé la régularisation de sa situation vis-à-vis des organismes concernés et la remise de bulletins de salaire.

Réponse de M. [L] [W]

M. [L] [W] a contesté la compétence du conseil de prud’hommes, arguant qu’il n’existait pas de relation de travail salariée. Il a demandé que l’action de Mme [D] soit déclarée prescrite et irrecevable, tout en sollicitant le débouté de ses demandes. Il a également demandé des frais de justice à son encontre.

Jugement du conseil de prud’hommes

Le 12 avril 2022, le conseil de prud’hommes a jugé qu’il existait un contrat de travail à durée indéterminée, mais a déclaré l’action de Mme [D] prescrite et l’a déboutée de toutes ses demandes. M. [L] [W] a également été débouté de ses propres demandes, et les dépens ont été mis à la charge de Mme [D].

Procédure d’appel

Mme [D] a interjeté appel du jugement le 17 juin 2022, demandant l’infirmation de la décision sur la prescription et le débouté de ses demandes. M. [L] [W] a également formulé des conclusions en appel, demandant la confirmation du jugement en ce qui concerne la prescription et le débouté de Mme [D].

Arguments des parties

Mme [D] a soutenu qu’elle avait été engagée par [E] [W] avec un contrat oral et a présenté des attestations pour prouver l’existence d’une relation de travail. En revanche, M. [L] [W] a contesté la nature de cette relation, affirmant qu’il s’agissait d’une entraide amicale et non d’un contrat de travail, et a mis en avant l’absence de lien de subordination.

Analyse de la cour d’appel

La cour a examiné la compétence du conseil de prud’hommes et a conclu qu’il n’y avait pas de preuve suffisante d’une relation de travail salariée. Elle a noté que les éléments présentés par Mme [D] ne démontraient pas un lien de subordination, essentiel pour établir un contrat de travail. La cour a également souligné que la rémunération alléguée par Mme [D] n’était pas prouvée de manière satisfaisante.

Décision finale de la cour

La cour d’appel a infirmé le jugement du conseil de prud’hommes concernant sa compétence, déclarant qu’il n’y avait pas de relation de travail salariée. Elle a confirmé que Mme [D] devait supporter les dépens d’appel et a condamné Mme [D] à verser une indemnité à M. [L] [W] en vertu de l’article 700 du code de procédure civile.

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

Chambre sociale 4-2

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 21 NOVEMBRE 2024

N° RG 22/01910 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VILL

AFFAIRE :

[Z] [U] [D]

C/

[L] [W] ès-qualité d’ayant droit de [E] [W]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 avril 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

N° Chambre :

N° Section : AD

N° RG : F 19/01378

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SELEURL CABINET A-P

Me Antoine MORAVIE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT ET UN NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

APPELANT

Madame [Z] [U] [D]

née le 25 mai 1968 à [Localité 9] (PEROU)

[Adresse 5] Chez Monsieur [B] [C]

[Localité 6]

Représentant : Me Alina PARAGYIOS de la SELEURL CABINET A-P, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0374

Substitué par : Me Fatima BELGHOMARI, avocat au barreau de PARIS

****************

INTIME

Monsieur [L] [W] en qualité d’ayant droit de [E] [W]

né le 21 octobre 1976 à [Localité 7] (ITALIE)

[Adresse 2]

[Localité 1] (Suisse)

Représentant : Me Antoine MORAVIE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D363

Plaidant : Me Sandrine MENEZES de la SELEURL MENEZES AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1932

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 05 septembre 2024, en présencde de Stéphanie HEMERY, greffière, et de [X] [K], avocat stagiaire, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Valérie DE LARMINAT, conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, présidente,

Madame Valérie DE LARMINAT, conseillère,

Madame Isabelle CHABAL, conseillère,

Greffière lors des débats : Madame Gaëlle RULLIER,

Greffière lors de la mise à disposition : Madame Victoria LE FLEM,

Rappel des faits constants

Revendiquant la reconnaissance d’une relation de travail salariée à l’égard de [E] [W] à compter du mois de février 2010 jusqu’au 4 septembre 2019, date à laquelle elle indique avoir pris acte de la rupture, Mme [D], née le 25 mai 1968, a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt par requête reçue au greffe le 21 octobre 2019.

[E] [W] étant décédé le 6 novembre 2019, M. [L] [W] est intervenu à la procédure en qualité d’ayant droit de son père.

La décision contestée

Devant le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt, Mme [D] a présenté les demandes suivantes :

– constater l’existence d’un contrat de travail à durée indéterminée à compter de février 2010,

– requalifier sa prise d’acte en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamner M. [L] [W] ès qualités à lui verser les sommes suivantes :

. 3 593,80 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

. 3 000 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

. 3 750 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 9 000 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

. 9 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

. 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquements à l’obligation de sécurité,

. 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour perte de chance de percevoir ses droits à la retraite ainsi que ses allocations chômage,

. 31 100 euros à titre de rappel de salaires pour la période allant de juillet 2016 à juillet 2019 ainsi que 3 110 euros au titre des congés payés afférents,

– ordonner la régularisation de sa situation vis-à-vis des organismes concernés du fait du travail dissimulé,

– ordonner la remise de bulletins de salaire à compter du mois de février 2010 sous astreinte de 100 euros par jour de retard constaté et par document et réserver expressément au conseil de prud’hommes la faculté de liquider cette astreinte,

– condamner M. [L] [W] ès qualité à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [L] [W] ès qualités aux entiers dépens,

– ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.

M. [L] [W] ès qualités a quant à lui demandé au conseil de prud’hommes de :

avant toute défense au fond,

– se déclarer matériellement incompétent au profit du tribunal de commerce de Nanterre en dehors de toute relation de nature salariale,

– dire et juger qu’il n’a pas qualité à agir en tant que défendeur,

– dire et juger que l’action de Mme [D] est prescrite,

– dire et juger que l’action de Mme [D] est irrecevable,

– débouter Mme [D] de l’ensemble de ses demandes,

à titre subsidiaire,

– débouter Mme [D] de l’ensemble de ses demandes, ou tout le moins les réduire à de plus justes proportions,

en tout état de cause,

– condamner Mme [D] à lui payer une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Mme [D] aux entiers dépens.

L’audience de jugement a eu lieu le 1er février 2022.

Par jugement contradictoire rendu le 12 avril 2022, la section activités diverses du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt :

– s’est déclarée compétente pour connaître du litige,

– a dit qu’il existait un contrat de travail à durée indéterminée à compter du mois de février 2010 entre Mme [D] et [E] [W],

– a dit que l’action de Mme [D] était prescrite,

– a débouté Mme [D] de l’ensemble de ses demandes,

– a débouté M. [L] [W], ayant droit de [E] [W], de ses demandes,

– a mis la totalité des dépens à la charge de Mme [D].

La procédure d’appel

Mme [D] a interjeté appel du jugement par déclaration du 17 juin 2022 enregistrée sous le numéro de procédure 22/01910.

Par ordonnance rendue le 19 juin 2024, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries le 5 septembre 2024, dans le cadre d’une audience rapporteur.

Prétentions de Mme [D], appelante

Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 15 septembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, Mme [D] demande à la cour d’appel de :

– infirmer le jugement ayant déclaré son action prescrite et l’ayant déboutée de l’ensemble de ses demandes,

statuant à nouveau,

– constater l’existence d’un contrat de travail à durée indéterminée à compter de février 2010,

– requalifier sa prise d’acte en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamner par conséquent M. [L] [W] à lui verser les sommes suivantes :

. 3 593,80 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

. 3 000 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

. 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 9 000 euros (6 mois) à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

. 9 000 euros (6 mois) à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

. 15 000 euros (10 mois) à titre de dommages-intérêts pour manquements à l’obligation de sécurité.

. 30 000 euros (20 mois) à titre de dommages-intérêts pour perte de chance de percevoir ses droits à la retraite ainsi que ses allocations chômage,

. 31 100 euros à titre de rappel de salaires pour la période allant de juillet 2016 à juillet 2019 ainsi que 3 110 euros au titre des congés payés afférents,

– ordonner la remise de bulletins de salaire à compter du mois de février 2010 sous astreinte de 100 euros par jour de retard constaté et par document et réserver expressément à la cour la faculté de liquider cette astreinte,

– ordonner la régularisation de sa situation vis-à-vis des organismes concernés du fait du travail dissimulé,

– condamner M. [W] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [W] aux entiers dépens.

Prétentions de M. [W] ès qualités, intimé et appelant à titre incident

Par conclusions adressées par voie électronique le 15 décembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé de ses moyens, M. [L] [W] demande à la cour d’appel de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a :

. jugé que l’action de Mme [D] était prescrite,

. débouté Mme [D] de l’ensemble de ses demandes,

. mis la totalité des dépens à la charge de Mme [D],

– réformer ce même jugement en ce qu’il :

. a jugé qu’il existait un contrat de travail à durée indéterminée à compter du mois de février 2010 entre Mme [D] et [E] [W],

. l’a débouté de ses demandes,

et statuant à nouveau de ce chef,

à titre principal,

– avant toute défense au fond, se déclarer matériellement incompétent au profit du tribunal de commerce de Nanterre en dehors de toute relation de nature salariale,

– déclarer irrecevables les prétentions de l’appelante en ce qu’elles sont formées à son encontre dès lors qu’il n’a pas de qualité à agir en tant que défendeur,

– déclarer irrecevables les prétentions de l’appelante en ce qu’elles sont prescrites,

– déclarer par conséquent irrecevable l’action de Mme [D],

– débouter Mme [D] de l’ensemble de ses demandes,

à titre subsidiaire,

– débouter Mme [D] de l’ensemble de ses demandes, ou tout le moins les réduire à de plus justes proportions,

– condamner la même à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l’indemnité de préavis non effectué,

en tout état de cause,

– condamner Mme [D] à lui payer la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la même aux entiers dépens d’instance.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, en dernier ressort et par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt le 12 avril 2022, excepté en ce qu’il a mis les dépens à la charge de Mme [Z] [U] [D] et en ce qu’il a débouté les parties de leurs demandes respectives au titre des frais irrépétibles de première instance,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DÉCLARE le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt incompétent pour connaître du litige, faute de caractérisation de l’existence d’une relation de travail salariée ayant lié Mme [Z] [U] [D] à [E] [W],

CONDAMNE Mme [Z] [U] [D] au paiement des dépens d’appel,

CONDAMNE Mme [Z] [U] [D] à payer à M. [L] [W] venant aux droits de [E] [W], son père décédé, une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE Mme [Z] [U] [D] de sa demande présentée sur le même fondement.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, présidente, et par Mme Victoria Le Flem, greffière en pré-affectation, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La greffière en préaffectation, La présidente

 


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