Tribunal judiciaire de Nantes, 21 novembre 2024, RG n° 24/00923
Tribunal judiciaire de Nantes, 21 novembre 2024, RG n° 24/00923

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Nantes

Thématique : Responsabilité et effets du cautionnement dans le cadre d’un bail commercial en difficulté.

Résumé

PRESENTATION DU LITIGE

Les époux [U] [V] [I] ont signé un bail commercial le 4 octobre 2018 avec la S.A.R.L. LE P’TIT PONUCHE pour une durée de 9 ans, avec un loyer annuel de 21 600 € et une caution solidaire de Monsieur [F] [R]. La S.A.R.L. a cédé son fonds de commerce à la S.A.S. R&M FOOD en juillet 2022. En raison de loyers impayés, les époux ont assigné la S.A.S. R&M FOOD et Monsieur [F] [R] en référé pour obtenir la résiliation du bail, l’expulsion et le paiement des arriérés.

DEMANDES DES PARTIES

Les époux [U] [V] [I] demandent la résiliation du bail, l’expulsion de la S.A.S. R&M FOOD, le paiement d’une indemnité d’occupation et des loyers impayés. Monsieur [F] [R] conteste la demande en raison d’un délai excessif du bailleur pour l’informer des impayés et invoque une contre-garantie de Monsieur [E] [B]. La S.A.S. R&M FOOD sollicite la suspension des effets de la clause résolutoire et propose de régler sa dette en 24 mensualités.

ARGUMENTS DES DÉFENDEURS

Les défendeurs soutiennent que le bailleur a agi de mauvaise foi en attendant près de deux ans pour informer la caution des impayés. Ils affirment que la cession du fonds de commerce entraîne la levée de l’engagement de caution et que le bailleur a tardé à agir, ce qui a aggravé la situation. Ils contestent également la légitimité des demandes de paiement et d’expulsion.

DECISION DU JUGE DES RÉFÉRÉS

Le juge des référés constate la résiliation du bail en raison des impayés et ordonne l’expulsion de la S.A.S. R&M FOOD. Il accorde une provision de 21 347,05 € pour les loyers dus, avec des intérêts, et fixe une indemnité d’occupation. Monsieur [F] [R] est condamné à garantir la S.A.S. R&M FOOD pour le paiement des sommes dues, tandis que Monsieur [E] [B] doit garantir Monsieur [F] [R]. Les demandes supplémentaires sont rejetées.

N° RG 24/00923 – N° Portalis DBYS-W-B7I-NGVT

Minute N° 2024/

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

du 21 Novembre 2024

—————————————–

[U] [V] [I]
[H] [V] [I]

C/

[F] [R]
[E] [B]
S.A.S. R&M FOOD
[F] [R]

—————————————

copie exécutoire délivrée le 21/11/2024 à :

la SELARL CLARENCE – 283
copie certifiée conforme délivrée le 21/11/2024 à :

la SELARL ASKE 3 – 305
la SELARL CLARENCE – 283
la SELARL VILLAINNE-RUMIN – 20
dossier

MINUTES DU GREFFE

DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTES

(Loire-Atlantique)

_________________________________________

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
_________________________________________

Président : Pierre GRAMAIZE

Greffier : Eléonore GUYON

DÉBATS à l’audience publique du 17 Octobre 2024

PRONONCÉ fixé au 21 Novembre 2024

Ordonnance réputée contradictoire, mise à disposition au greffe

ENTRE :

Monsieur [U] [V] [I],
demeurant [Adresse 7]
[Localité 5]

Madame [H] [V] [I],
demeurant [Adresse 7]
[Localité 5]

Tous deux représentés par Maître Vincent BOUR de la SELARL CLARENCE, avocats au barreau de NANTES

DEMANDEURS

D’UNE PART

ET :

Monsieur [F] [R], en qualité de caution solidaire, demeurant [Adresse 4]
[Localité 5]
Rep/assistant : Maître Yann RUMIN de la SELARL VILLAINNE-RUMIN, avocats au barreau de NANTES

Monsieur [E] [B],
demeurant [Adresse 1]
[Localité 6]
Non comparant

S.A.S. R&M FOOD (RCS Nantes N°888850500),
dont le siège social est sis [Adresse 3]
[Localité 5]
Rep/assistant : Maître Jean-louis VIGNERON de la SELARL ASKE 3, avocats au barreau de NANTES

Monsieur [F] [R], en qualité de liquidateur de la Société LE P’TIT PONUCHE (RCS Nantes N°842402778) depuis le 30/03/23,
demeurant [Adresse 4]
[Localité 5]
Rep/assistant : Maître Yann RUMIN de la SELARL VILLAINNE-RUMIN, avocats au barreau de NANTES

DÉFENDEURS

D’AUTRE PART

PRESENTATION DU LITIGE

Selon acte sous seing privé du 4 octobre 2018, les époux [U] [V] [I] ont donné à bail commercial à la S.A.R.L. LE P’TIT PONUCHE les lots n° 3 et 6 d’un ensemble immobilier en copropriété situé [Adresse 2] à [Localité 8] pour une durée de 9 ans à compter du 1er octobre 2018 à destination de boulangerie, pâtisserie, traiteur et sandwicherie, moyennant un loyer annuel de 21 600 € hors taxes hors charges, payable mensuellement d’avance avec la caution solidaire de Monsieur [F] [R] à hauteur de la somme de 21 600 €.

La S.A.R.L. LE P’TIT PONUCHE a cédé son fonds de commerce à la S.A.S. R&M FOOD selon acte sous seing privé du 22 juillet 2022.

Se plaignant d’un défaut de paiement du loyer malgré un commandement de payer visant la clause résolutoire du 8 juillet 2024, les époux [U] [V] [I] ont fait assigner en référé la S.A.S. R&M FOOD et Monsieur [F] [R] en sa double qualité de caution et de liquidateur de la S.A.R.L. LE P’TIT PONUCHE suivant actes de commissaire de justice des 22 et 27 août 2024 pour solliciter :
– le constat de la résiliation du bail,
– l’expulsion de la S.A.S. R&M FOOD et de tous occupants de son chef et ce, au besoin avec l’aide de la force publique et d’un serrurier,
– le paiement d’une indemnité provisionnelle d’occupation de 3 635,81 € par mois à compter du 8 août 2024,
– le paiement provisionnel par la S.A.S. R&M FOOD de la somme de 21 347,05 € au titre des loyers charges et pénalités impayés outre intérêts au taux légal majoré de cinq points à compter du commandement avec condamnation de Monsieur [F] [R] à garantir la société R&M FOOD de cette condamnation en sa double qualité,
– le paiement par la S.A.S. R&M FOOD de la somme de 3 000,00 € en application de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Soulignant que le bailleur a attendu près de 20 mois pour informer la caution et le cédant au moment où le montant total atteignait la limite de l’engagement de caution et se prévalant de la contre-garantie souscrite par Monsieur [E] [B] à l’occasion de la cession du fonds de commerce, Monsieur [F] [R] a appelé en cause ce dernier par acte de commissaire de justice du 1er octobre 2024 afin de solliciter sa condamnation à le garantir de toute condamnation, outre à lui payer une somme de 3 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.

La S.A.S. R&M FOOD demande la suspension des effets de la clause résolutoire et l’autorisation de s’acquitter de sa dette en 24 mensualités égales avec suspension de l’exécution provisoire et rejet de la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en soulignant qu’elle a été contrainte d’effectuer d’importants travaux de mise aux normes depuis l’acquisition, qu’elle a subi une fermeture administrative de trois mois du fait du retard du cabinet d’expertise comptable dans la transmission des déclarations d’embauche, qu’elle a repris le paiement des loyers courants en septembre et octobre 2024.

La S.A.R.L. LE P’TIT PONUCHE, représentée par son liquidateur, et Monsieur [F] [R] en qualité de caution répliquent que :
– en dépit de la soumission de l’engagement de cautionnement aux dispositions du code de la consommation imposant au bailleur d’informer la caution des défaillances du débiteur principal, le bailleur a attendu près de deux ans pour le faire et les loyers impayés se sont accrus par sa faute,
– avisé de la cession, le bailleur a refusé toute levée de caution, ce qui a imposé de réclamer la contre garantie de Monsieur [B], de sorte qu’il est certain que le bailleur a agi avec mauvaise foi,
– la caution s’est engagée en considération de la personne du preneur et non du successeur, de sorte que la cession emporte levée de l’engagement, lequel, à défaut, est levé à la date de résiliation du bail, la mise en demeure ayant été adressée le même jour avec un délai jusqu’au 8 septembre 2024,
– ayant tardé à agir contre la S.A.R.L. LE P’TIT PONUCHE, l’action du bailleur est dirigée contre son liquidateur et suppose la démonstration d’une faute de celui-ci,
– la dissolution a été décidée le 1er décembre 2022, puis la liquidation amiable le 31 décembre 2022, et les formalités ont été régulièrement réalisées avec une radiation enregistrée le 30 mars 2023,
– il ne peut être reproché au liquidateur de ne pas avoir inscrit une créance de loyers au passif, alors qu’elle n’était pas née ni réclamée,
– la faute du bailleur est constitutive d’abus de droit au sens de la jurisprudence,
– si le juge des référés se reconnaît compétent, les demandes ne pourront qu’être rejetées,
– à titre infiniment subsidiaire, Monsieur [E] [B] devra sa garantie.

Les époux [U] [V] [I] rétorquent dans leurs dernières conclusions que :
– outre les loyers impayés pour 19 406,41 € réclamés dans le commandement, il est dû 10 % de majoration forfaitaire stipulée au bail, et la résiliation du bail est acquise suite au commandement infructueux visant la clause résolutoire,
– la demande de délais doit être rejetée, dès lors que les loyers ne sont pas intégralement payés depuis septembre 2024, que les travaux allégués ne représentent que 3 376 €, que la fermeture est intervenue à l’été 2024, bien après les premières difficultés, que les loyers servent de retraite au créancier,
– ils n’ont commis aucun abus de droit, dont l’appréciation relève du juge du fond contrairement à la mise en œuvre du cautionnement, et alors qu’ils peuvent agir dans la limite de la prescription et qu’en l’espèce les arriérés ont environ un an,
– les articles visés du code de la consommation sont abrogés, ne s’appliquent qu’aux créanciers professionnels et ne reflètent pas la volonté des parties, sachant que la sanction se limite à la décharge des pénalités et non du principal,
– le cautionnement a été consenti vis à vis du preneur et non nominativement envers la société LE P’TIT PONUCHE, de sorte qu’il n’a pu expirer à la cession du fonds, d’autant plus que Monsieur [R] a demandé une contre-garantie,
– l’engagement de caution perdure même après la résiliation du bail pour les engagements résultant du contrat,
– la société LE P’TIT PONUCHE, tenue à un cautionnement, a été liquidée au cours de l’année 2023 en faisant fi de son engagement, et en procédant à cette liquidation anticipée, le liquidateur a commis une faute dont il doit répondre, étant souligné que la prescription applicable est celle de l’article L 237-12 du code de commerce,
– si des délais étaient accordés au preneur, ceux-ci ne concernent pas Monsieur [R] qui sera tenu de payer la somme due au titre des arriérés.

Monsieur [E] [B], cité par procès-verbal de recherches infructueuses, n’a pas comparu.

Par ces motifs, Nous, juge des référés, statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en premier ressort,

Constatons la résiliation du bail,

Ordonnons l’expulsion de la S.A.S. R&M FOOD et celle de tous occupants de son chef au besoin avec l’aide de la force publique et le cas échéant d’un serrurier à compter de la signification de l’ordonnance,

Condamnons la S.A.S. R&M FOOD à payer aux époux [U] [V] [I] :
– une provision de 21 347,05 € au titre des loyers, charge et pénalités dus au 31/08/24 avec intérêts au taux légal majoré de cinq points à compter du 8 juillet 2024 sur la somme de 16 908,73 € TTC et du 22 août 2024 sur le surplus,
– une somme de 1 500,00 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– une indemnité provisionnelle d’occupation de 3 635,81 € par mois à compter du 1er septembre 2024 et jusqu’à libération complète des lieux,

Condamnons Monsieur [F] [R] en qualité de caution solidaire à garantir la S.A.S. R&M FOOD du paiement de la somme provisionnelle de 21 347,05 € avec intérêts au taux légal majoré de cinq points à compter du 7 septembre 2024 dans la limite de 21 600 €,

Condamnons Monsieur [E] [B] à garantir Monsieur [F] [R] des sommes qu’il sera amené à payer en vertu de la présente décision,

Rejetons le surplus de la demande,

Condamnons la S.A.S. R&M FOOD aux dépens.

Le Greffier, Le Président,

Eléonore GUYON Pierre GRAMAIZE

 


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