Tribunal judiciaire de Meaux, 21 novembre 2024, RG n° 23/01406
Tribunal judiciaire de Meaux, 21 novembre 2024, RG n° 23/01406

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Meaux

Thématique : Responsabilité et devoir de conseil en matière d’assurance-vie : enjeux de la désignation des bénéficiaires et conséquences fiscales.

Résumé

Souscription du contrat d’assurance

Madame [D] [T], âgée de 59 ans, a souscrit un contrat d’assurance vie auprès de GROUPAMA GAN VIE le 1er juillet 1996. Le contrat stipule que, en cas de vie, le bénéfice revient à l’assurée, et en cas de décès, au conjoint, aux enfants, ou aux héritiers.

Modifications de la clause bénéficiaire

La clause bénéficiaire a été modifiée plusieurs fois. En mars 2001, elle a été modifiée pour désigner Monsieur [A] [T] comme bénéficiaire principal, suivi de ses enfants. En février 2004, une nouvelle modification a été apportée, ajoutant Monsieur [K] [N] comme bénéficiaire. Des projets d’avenants en 2007 n’ont pas été régularisés, tandis qu’un avenant de janvier 2009 a établi une nouvelle répartition des bénéficiaires. En février 2015, un avenant a été signé, confirmant une répartition à parts égales entre plusieurs bénéficiaires.

Décès de l’assurée et échanges avec GROUPAMA

Madame [D] [T] est décédée le [Date décès 2] 2018. Suite à son décès, plusieurs courriers ont été échangés entre GROUPAMA GAN VIE et Madame [M] [N], la fille de l’assurée, qui a demandé des précisions sur la clause bénéficiaire. En juillet 2020, elle a évoqué un manquement au devoir de conseil et a demandé réparation.

Actions judiciaires et demandes de Madame [N]

Madame [N] a assigné Madame [P] [O] [B] [G] et GROUPAMA GAN VIE devant le Tribunal judiciaire de Meaux, demandant réparation pour manquement au devoir de conseil lors de la modification de la clause bénéficiaire et de la capitalisation du contrat. Elle a également demandé des dommages-intérêts de 80 000 euros.

Réponses des défenderesses

Les défenderesses ont contesté la qualité d’ayant droit de Madame [N] et ont soutenu qu’aucun manquement à l’obligation d’information n’avait été commis. Elles ont affirmé que la volonté de l’assurée était clairement établie dans les modifications apportées à la clause bénéficiaire.

Décision du Tribunal

Le Tribunal a déclaré irrecevable l’action de Madame [N] en tant qu’ayant droit de Madame [D] [T]. Il a également débouté Madame [N] de sa demande de dommages-intérêts, condamnant celle-ci aux dépens et à verser des sommes à Madame [P] [O] [B] [G] et à GROUPAMA GAN VIE au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. L’exécution provisoire a été maintenue.

– N° RG 23/01406 – N° Portalis DB2Y-W-B7H-CC74J
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MEAUX
1ERE CHAMBRE

Date de l’ordonnance de
clôture : 17 juin 2024

Minute n°24/918

N° RG 23/01406 – N° Portalis DB2Y-W-B7H-CC74J

Le

CCC : dossier

FE :
-Me NEGREVERGNE
-Me PAIN
-Me LABASSE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

JUGEMENT DU VINGT ET UN NOVEMBRE DEUX MIL VINGT QUATRE

PARTIES EN CAUSE

DEMANDERESSE

Madame [M] [N] agissant tant à titre personnel qu’en qualité d’ayant droit de sa mère, Madame [D] [T] née [E], décédée le [Date décès 2] 2018
[Adresse 1]-[Localité 6]
représentée par Maître Jean-charles NEGREVERGNE de la SELAS NEGREVERGNE FONTAINE DESENLIS, avocats au barreau de MEAUX, avocats plaidant

DEFENDERESSES

S.A. GROUPAMA GAN VIE
[Adresse 7]-[Localité 5]
représentée par Maître Florence PAIN de la SCP IEVA-GUENOUN/PAIN, avocats au barreau de MEAUX, avocats plaidant

Madame [O] [P]
NOM D’USAGE [L]
[Adresse 3]-[Localité 4]
représentée par Maître Dorothée LABASSE de la SELAS Burguburu Blamoutier Charvet Gardel & Associés, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Lors des débats et du délibéré :
Présidente : Mme RETOURNE, Juge
Assesseurs: Mme GRAFF, Juge
M. ETIENNE, Juge

Jugement rédigé par : Mme RETOURNE, Juge

DEBATS

A l’audience publique du 10 Octobre 2024

GREFFIERE

Lors des débats et du délibéré : Mme CAMARO, Greffière

JUGEMENT

contradictoire, mis à disposition du public par le greffe le jour du délibéré, Mme RETOURNE, Présidente, ayant signé la minute avec Mme CAMARO, Greffière ;

FAITS ET PROCÉDURE

Madame [D] [T], alors âgée de 59 ans, a souscrit un contrat d’assurance sur la vie auprès de la société GROUPAMA GAN VIE à effet du 1er juillet 1996.

Lors de la souscription, il était prévu que le bénéfice du contrat soit attribué, sauf stipulations
contraires :
– En cas de vie : à l’assurée;
– En cas de décès : au conjoint de l’assuré, à défaut ses enfants, à défaut aux autres héritiers.

Aux termes d’un avenant en date du 15 mars 2001, la clause bénéficiaire a été modifiée, prévoyant qu’en cas de décès, le contrat profite à Monsieur [A] [T], époux de l’assurée, à défaut, et à parts égales, à Madame [M] [N] née [T], fille de l’assurée, et à Monsieur [Z] [T], fils de l’assurée, à défaut aux héritiers de l’assurée.

Aux termes d’un avenant en date du 11 février 2004, la clause bénéficiaire a été modifiée pour prévoir qu’en cas de décès le contrat profite à Monsieur [A] [T], époux de l’assurée, à défaut à Madame [M] [N], née [T], fille de l’assurée, à défaut, Monsieur [K] [N], gendre de l’assurée, époux de Madame [M] [N], née [T], à défaut les héritiers de l’assurée.

Aux termes d’un projet d’avenant en date du 6 septembre 2007, la clause bénéficiaire aurait été modifiée pour prévoir qu’en cas de décès le contrat profite à 50% à Madame [M] [N], 25% à Monsieur [U] [T], 25% à Mademoiselle [S] [T]. L’avenant n’a pas été régularisé par Madame [T].

Aux termes d’un projet d’avenant du 7 novembre 2007, la clause bénéficiaire aurait été modifiée pour prévoir qu’en cas de décès le contrat profite à 25% à Mademoiselle [F] [N], à 25% à Mademoiselle [W] [N], à 12,5% à Monsieur [U] [T], à 12,5% à Mademoiselle [S] [T], à 12,5% à Mademoiselle [V] [N], à 12,5% à Monsieur [H] [N]. L’avenant n’a pas été régularisé par Madame [T].

Aux termes d’un avenant du 7 janvier 2009, la clause bénéficiaire est modifiée comme suit: en cas de décès le contrat profite à parts égales, à Mademoiselle [W] [N], Mademoiselle [F] [N], Mademoiselle [V] [N], Monsieur [H] [N], à défaut de l’un, le ou les survivants; à défaut de l’un, Madame [M] [N], à défaut, les héritiers de l’assurée.

Aux termes d’un avenant en date du 18 février 2015, signé par Madame [D] [T] le 27 février 2015, la clause bénéficiaire a été modifiée pour prévoir qu’ en cas de décès le contrat profite à parts égales, à Madame [M] [N], née [T], Mademoiselle [W] [N], Mademoiselle [F] [N], Mademoiselle [V] [N], Monsieur [H] [N], à défaut de l’un, les survivants, à défaut, Monsieur [K] [N], à défaut, les héritiers de l’assurée.

Mademoiselle [W] [N] et Mademoiselle [F] [N] sont les filles de Madame [M] [N], née [T]. Mademoiselle [V] [N] et Monsieur [H] [N] sont les neveux de Monsieur [K] [N],

L’assurée est décédée le [Date décès 2] 2018.

Plusieurs courriers ont été échangés entre GROUPAMA GAN Vie et Madame [M] [N], fille de l’assurée, qui a sollicité des précisions.

Suivant courrier daté du 23 juillet 2020, Madame [N] a réitéré ses demandes d’informations en évoquant un manquement au titre du devoir de conseil et en sollicitant réparation.

Le 24 août 2020, GROUPAMA lui a répondu.
Par lettre d’avocat en date du 15 avril 2021, Madame [N] a renouvelé ses demandes en insistant notamment sur l’absence de lien de parenté entre les bénéficiaires Mademoiselle [V] [N] et Monsieur [H] [N], et l’assurée, de sorte qu’ils étaient soumis aux droits de succession à taux plein à hauteur de 60%.

Par courrier du 31 mai 2021, la société GROUPAMA GAN VIE a précisé que les quatre bénéficiaires, autres que Madame [M] [N], avaient tous déjà été désignés au titre des deux clauses bénéficiaires précédentes si bien que la volonté de gratifier ces personnes était clairement établie.

Par courrier du 08 mars 2022, notifié le 10 mars 2022, Madame [M] [N] a saisi le
Médiateur de l’assurance.

Par acte remis à personne les 10 et 15 mars 2023, [M] [N] a assigné Madame [P] [O] [B] [G], nom d’usage [L] et GROUPAMA GAN VIE devant le Tribunal judiciaire de Meaux

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 13 juin 2024, Madame [N] sollicite du Tribunal de :
“A TITRE PRINCIPAL
Vu l’article 1147 du Code civil,
DIRE que Madame [P] [O] [B] [G], nom d’usage [L]
et la société GROUPAMA GAN VIE ont manqué à leur devoir de conseil et d’information — notamment:
-Lors de la modification de la clause bénéficiaire du contrat d’assurance-vie par avenant du 18 février 2015 — dont ils étaient débiteurs à l’égard de Madame [D] [T], aux droits de laquelle vient Madame [M] [N];
– Lors de la capitalisation de ce contrat avec des primes versées après 70 ans. .

A TITRE SUBSIDIAIRE
Vu les articles L. 511-1 du Codes des assurances et 1384 du Code civil,
DIRE que la responsabilité de la société GROUPAMA GAN VIE est engagée à l’égard de Madame [D] [T], aux droits de laquelle vient Madame [M] [N], en raison de la négligence de son mandataire, Madame [P] [O] [B] [G], nom d’usage [L], notamment:
-Lors de la modification de la clause bénéficiaire du contrat d’assurance-vie par avenant du 18 février 2015 — dont ils étaient débiteurs à l’égard de Madame [D] [T], aux droits de laquelle vient Madame [M] [N];
– Lors de la capitalisation de ce contrat avec des primes versées après 70 ans.

EN TOUTE HYPOTHESE
DIRE que les manquements de Madame [P] [O] [B] [G], nom d’usage [L] et de la société GROUPAMA GAN VIE causent un préjudice à Madame [M] [N], tant à titre personnel, qu’en qualité d’ayant-droit de l’assurée.

DEBOUTER Madame [P] [O] [B] [G], nom d’usage [L], et la société GROUPAMA GAN VIE de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

CONDAMNER in solidum, ou l’une à défaut de l’autre, Madame [P] [O] [B] [G], nom d’usage [L] et la société GROUPAMA GAIN VIE à indemniser Madame [M] [N], tant à titre personnel, qu’en qualité d’ayant-droit de l’assurée, en lui versant la somme de 80.000,00 euros à titre de dommages-intérêts.

CONDAMNER in solidum, ou l’une à défaut de l’autre, Madame [P] [O] [B] [G], nom d’usage [L] et la société GROUPAMA GAN VIE à verser à Madame [M] [N] la somme de 5.000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

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CONDAMNER les mêmes aux dépens.

DIRE n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire

Elle fait valoir que Mme [T] n’a reçu aucune information ni mise en garde s’agissant des conséquences fiscales liées au versement de primes après 70 ans et à la désignation de tiers étrangers en tant que bénéficiaires. Elle se prévaut d’une perte de chance subie par Mme [T] aux droits de laquelle elle vient, de ne pas souscrire de contrat d’assurance vie, alors qu’il existait des placements plus intéressants et de ne pas désigner au titre des bénéficiaires des tiers étrangers afin d’éviter des droits de mutation de 60%. Elle ajoute que Madame [T] n’aurait pas modifié la clause bénéficiaire au regard de la modicité de la somme revenant à [V] et [H] [N] après imposition et qu’elle leur aurait fait des versements aux fêtes.
Elle indique que l’assureur en matière d’assurance vie est tenu vis à vis du souscripteur à un devoir de conseil et d’information sur les incidences fiscales et successorales au regard de sa situation.
Elle conclut sur le fondement de l’article 1147 du code civil et à titre subsidiaire de l’article 1384 du code civil, que Madame [T], aux droits de laquelle elle vient, a subi un préjudice direct et certain compte tenu de la diminution de son patrimoine au profit de l’administration fiscale selon des conditions auxquelles elle n’aurait pas consenti si elle avait été informée.
Elle fait valoir au visa de l’article 1382 du code civil, que, bien que tiers au contrat, elle est fondée à se prévaloir d’un manquement contractuel, si ce manquement lui a causé un préjudice et ajoute que les fonctions bancaires qu’elle occupe sont indifférentes car elle n’a jamais été informée des contrats et avenants souscrits par sa mère.
Elle affirme que si la clause bénéficiaire n’avait pas été modifiée, elle pouvait prétendre à l’intégralité du capital souscrit.
Elle ajoute que la non-divulgation de pièces justifie qu’en tout état de cause, il ne soit pas fait droit aux demandes de frais irrépétibles présentées par les défenderesses.

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 15 mars 2024, Madame [O] [P] [L], sollicite du Tribunal au visa de l’article 32 et 125 du code de procédure civile de
– Débouter Mme [M] [N] de ses demandes, fins et prétentions contre Mme [P] [L].
En toute hypothèse,
– Ecarter l’exécution provisoire.
À titre reconventionnel,
– Condamner Mme [M] [N] à verser à Mme [P] [L] la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du CPC.
– Condamner Mme [M] [N] aux dépens.

Elle fait valoir qu’elle est entrée en fonction le 1er janvier 2013 et que le dernier versement date de 2010 et en déduit qu’il ne peut lui être reproché d’avoir manqué à son devoir de conseil et d’information lors de la capitalisation de ce contrat avec des primes versées après 70 ans.
Au visa des articles 32 et 125 du code de procédure civile, elle fait valoir que la demande et l’action de Madame [N] en qualité d’ayant droit sont irrecevables car elle ne justifie pas de sa qualité d’ayant droit.
Elle indique qu’il n’existait pas de lien contractuel entre elle et Madame [T], car elle n’a jamais été partie au contrat d’assurance, elle est recherchée comme mandataire de l’assureur.
Elle ajoute que Madame [T] était seule créancière des obligations d’information et de mise en garde. Elle indique que seuls [V] [N] et [H] [N], soumis à des droits de mutation de 60% sur leur quote part auraient pu être pénalisés. Elle précique que Madame [N] n’apporte pas la preuve que Madame [T] n’aurait pas modifié la clause bénéficiaire si elle avait été informée et que la volonté de Madame [T] de rédiger spécifiquement des clauses bénéficiaires résulte des pièces. Elle indique que la désignation de [V] et [H] [N] comme bénéficiaires n’établit pas un défaut d’information ou de conseil mais une volonté de leur transmettre une part du capital du contrat d’assurance vie, et qu’aucune configuration n’aurait permis d’éviter les 60% de droits de succession et que l’objectif de Madame [T] n’était pas une optimisation fiscale mais une gratification et de percevoir les intérêts attachés à ce contrat.
A titre infiniment subsidiaire, elle souligne que le manquement à une obligation d’information et de conseil se traduit exclusivement par un préjudice de perte de chance et sa réparation ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée. Elle conclut qu’il n’est pas établi que Madame [N] aurait eu vocation à recevoir la totalité des fonds du contrat d’assurance vie de sa mère.
Elle fait valoir que le préjudice de la mère de Madame [N] est inexistant car elle ne s’est pas acquittée des droits de succession et donc cela n’a pas entraîné de diminution de son patrimoine. Concernant le préjudice invoqué par Madame [N], elle indique que si l’avenant précédent avait eu à s’appliquer, il ne désignait pas Madame [N] comme bénéficiaire de 1er rang.
Elle ajoute que Madame [N] n’a pas, dans ses correspondances précédant le contentieux, sollicité la communication de l’avenant de 2009.

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 13 mars 2024, GROUPAMA GAN VIE sollicite du Tribunal au visa des articles 9 et 514-1 du Code de procédure civile et 1353 du Code civil:
“Juger que Madame [M] [N] ne démontre avoir qualité à agir au nom de Madame [D] [T],
Juger que la Cie GROUPAMA GAN VIE n’a commis aucun manquement à l’obligation d’information et de conseil,
Juger que Madame [T] n’a subi aucun préjudice,
Juger que Madame [N] ne démontre pas que Madame [T] aurait subi un préjudice,

En conséquence,
DEBOUTER Madame [N] tant en son nom personnel qu’en qualité d’ayant-droit de Madame [T], de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
CONDAMNER Madame [N] à verser la somme de 2 500 € à Monsieur [X] et à GROUPAMA GAN VIE au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi que les entiers dépens de l’instance qui seront recouvrés par Maître Florence PAIN de la SCP IEVA-GUENOUN PAIN, Avocats au Barreau de MEAUX, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile.
ECARTER l’exécution provisoire “

Il fait valoir que Mme [N] ne démontre pas sa qualité d’ayant droit et précise que l’indemnité d’un préjudice subi par Mme [T] reviendrait à sa succession et devrait suivre la dévolution successorale et qu’elle ne justifie pas être l’unique ayant droit de Madame [T].
Il indique que l’avenant de 2015 correspond à la demande de l’assurée et à sa volonté puisqu’elle l’a régularisé. Il ajoute que le principe de la clause bénéficiaire est de désigner librement tout bénéficiaire de son choix, y compris un tiers et qu’il n’a pas été informé des liens de parenté entre les bénéficiaires et l’assurée.
Il indique qu’aucune faute contractuelle n’est démontrée, l’agent général d’assurance étant tenu à une obligation d’information à l’égard du souscripteur d’une assurance-vie sur l’opération d’assurance et non sur la fiscalité, à moins qu’il ne soit spécifiquement interrogé par les assurés sur ce point. Il fait valoir au visa de l’article 9 du code de procédure civile, que la charge de la preuve pèse sur Mme [N] et que la désignation des personnes sans lien de parenté ne signifie pas nécessairement que Mme [T] n’a pas été informée.
Il indique que le versement de primes d’assurance-vie après 70 ans demeure intéressant dans certaines conditions et que les personnes sans lien de parenté auraient réglé les mêmes droits de succession si ces sommes leur avaient été versées dans le cadre de la succession.
Il fait valoir que Madame [N] ne rapporte pas la preuve d’un préjudice consécutif au manquement allégué. Il indique que le droit à réparation de Madame [T] relèverait de la succession. Il fait valoir que celle-ci a exprimé à 3 reprises son souhait de gratifier [F] et [H] [N], régularisant deux avenants conformes à ce choix et il n’est pas établi que la fiscalité dans le cadre d’une succession classique aurait été plus attractive.
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Quant au préjudice subi par Madame [T], il ajoute que la taxation des droits de mutation intervient après le décès, ne rentre donc pas dans le patrimoine et a fortiori n’est pas transmis.
Quant au préjudice subi par Madame [M] [N], il indique qu’elle ne démontre pas de préjudice personnel, la supposition que Madame [T] éclairée aurait préféré la désigner comme seule bénéficiaire de son épargne, ne prend pas en compte la volonté de Madame [T] exprimée en 2008 et 2015 de gratifier ses neveux par alliance.
Il ajoute quant aux frais irrépétibles que la rétention d’information évoquée par Madame [N] ne repose sur rien.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières écritures susvisées des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens.

La clôture a été prononcée le 17 juin 2024, par ordonnance du même jour.

L’affaire a été entendue le 10 octobre 2024 et mise en délibéré au 21 novembre 2024.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au greffe,

DECLARE irrecevable l’action engagée par Madame [M] [N] en qualité d’ayant-droit de l’assurée Madame [D] [T] contre Madame [P] [O] [B] [G], nom d’usage [L] et la société GROUPAMA GAN VIE;

DEBOUTE Madame [M] [N] agissant à titre personnel de sa demande de condamnation in solidum de Madame [P] [O] [B] [G], nom d’usage [L] et la société GROUPAMA GAN VIE à la somme de 80.000,00 euros à titre de dommages-intérêts;

CONDAMNE Madame [M] [N] aux dépens, qui seront recouvrés par Maître Florence PAIN de la SCP IEVA-GUENOUN PAIN, Avocats au Barreau de MEAUX pour ceux exposés pour GROUPAMA GAN VIE,

CONDAMNE Madame [M] [N] à payer à Madame [P] [O] [B] [G], nom d’usage [L] la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE Madame [M] [N] à payer à la société GROUPAMA GAN VIE la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

DEBOUTE Madame [M] [N] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

REJETTE toute demande autre plus ample ou contraire.

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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