Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Marseille
Thématique : Limitation d’indemnisation en cas de pathologies à manifestation répétitive : enjeux contractuels et interprétatifs.
→ RésuméContexte de l’affaireLa SARL APPIA, dirigée par M. [U] [J], a souscrit deux polices d’assurance prévoyance auprès des ASSURANCES GENERALES DE FRANCE, désormais ALLIANZ VIE. La première, police « Tonus », a été souscrite le 16 septembre 2003, offrant des indemnités journalières de 106,93 € pendant 1 095 jours. La seconde, police « Acti-Relais », a été souscrite le 18 septembre 2007, avec des indemnités journalières de 140,60 € pour 365 jours par période d’incapacité temporaire. Interruption d’activité et demandes d’indemnisationM. [J] a cessé son activité professionnelle le 12 janvier 2015 en raison d’une pathologie de la hanche, recevant des indemnités journalières pour 316 et 279 jours respectivement. Le 8 juin 2020, il a de nouveau interrompu son travail à cause d’une rupture de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite, sollicitant la prise en charge de ses deux contrats d’assurance. ALLIANZ a accepté de l’indemniser pour la période du 8 juin au 25 juillet 2020, puis du 8 juin au 1er septembre 2020, tout en précisant que la durée maximale d’indemnisation de 365 jours était atteinte. Contestation et assignation en justiceLe 23 octobre 2020, M. [J] a contesté la limitation de la durée d’indemnisation, arguant qu’il n’y avait pas de lien entre ses deux pathologies. En réponse, le 5 février 2021, il a assigné ALLIANZ VIE devant le Tribunal judiciaire de Marseille pour obtenir le paiement de 63 655,83 euros. Après son décès en 2021, ses ayants-droit ont poursuivi l’action en justice. Demandes des consorts [J]Les consorts [J] ont demandé au tribunal de condamner ALLIANZ à leur verser 78 159,69 euros pour les indemnités journalières, ainsi que 3 000 euros pour les frais de justice. Ils ont soutenu que les pathologies n’étaient pas liées et que les dispositions contractuelles manquaient de clarté, justifiant ainsi leur demande d’indemnisation. Réponse d’ALLIANZALLIANZ a demandé le rejet des demandes des consorts [J], affirmant que la durée maximale d’indemnisation avait été atteinte pour les pathologies à manifestation répétitive. La compagnie a également contesté le montant réclamé, précisant que les indemnités déjà versées devaient être prises en compte. Décision du tribunalLe tribunal a reçu l’intervention des consorts [J] et a statué en faveur de leur demande d’indemnisation. Il a condamné ALLIANZ à verser 18 264,12 euros, avec des intérêts au taux légal à compter de l’assignation, et a ordonné la capitalisation des intérêts. ALLIANZ a également été condamnée aux dépens et à verser 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La décision a été déclarée exécutoire à titre provisoire. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE
TROISIEME CHAMBRE CIVILE – SECTION B
JUGEMENT N°
Enrôlement : N° RG 21/01695 – N° Portalis DBW3-W-B7F-YOK4
AFFAIRE :
M. [U] [J] (Me Frédérique GAMBINI)
Madame [F] [T] veuve [J] (Me Frédérique GAMBINI)
Madame [P] [J] épouse [N] (Me Frédérique GAMBINI)
Monsieur [Y] [J] (Me Frédérique GAMBINI)
C/
S.A. ALLIANZ VIE (Me Catherine CHAMAGNE)
Rapport oral préalablement fait
DÉBATS : A l’audience Publique du 26 Septembre 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré
Président : Mme Anna SPONTI,
Greffier : Madame Olivia ROUX, lors des débats
A l’issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 21 Novembre 2024
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 21 Novembre 2024
PRONONCE en audience publique par mise à disposition au greffe le 21 Novembre 2024
Par Mme Anna SPONTI,
Assistée de Madame Olivia ROUX,
NATURE DU JUGEMENT
contradictoire et en premier ressort
NOM DES PARTIES
DEMANDEURS
Madame [P] [J] épouse [N]
née le [Date naissance 7] 1987 à [Localité 10] (HAUTS-DE-SEINE)
de nationalité Française, demeurant [Adresse 9]
représentée par Me Frédérique GAMBINI, avocat au barreau de MARSEILLE
Monsieur [Y] [J]
né le [Date naissance 4] 1990 à [Localité 12]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 8]
représenté par Me Frédérique GAMBINI, avocat au barreau de MARSEILLE
Monsieur [U] [J]
né le [Date naissance 5] 1960 à [Localité 13] (ITALIE)
de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Frédérique GAMBINI, avocat au barreau de MARSEILLE
Intervenant volontaire
Madame [F] [T] veuve [J]
née le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 11] (BOUCHES-DU-RHONE)
de nationalité Française, demeurant [Adresse 8]
représentée par Me Frédérique GAMBINI, avocat au barreau de MARSEILLE
C O N T R E
DEFENDERESSE
S.A. ALLIANZ VIE
immatriculé au RCS Nanterre 340 234 962
pris en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège,
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Catherine CHAMAGNE, avocat au barreau de MARSEILLE
EXPOSE DU LITIGE :
La SARL APPIA, dont M. [U] [J] est le gérant, a contracté au profit de ce dernier, auprès des ASSURANCES GENERALES DE FRANCE, aux droits desquelles vient désormais ALLIANZ VIE (ci-après ALLIANZ), deux polices d’assurance prévoyance :
▪ une police « Tonus », référencée 8994052270, souscrite à effet du 16 septembre 2003, qui comporte notamment une garantie « Indemnités Journalières » prévoyant le versement, en cas d’accident ou de maladie, d’une somme journalière de 106,93 € sur une durée de 1 095 jours.
▪ une police « Acti-Relais », référencée 8994027440, souscrite à effet du 18 septembre 2007, qui comporte notamment une garantie « Indemnités Journalières » prévoyant le versement, en cas d’accident ou de maladie, d’une somme journalière de 140,60 € sur une durée de 365 jours pour chaque période d’incapacité temporaire de travail ;
Ces deux contrats, en cas de «maladies» ou de «pathologies» dites à « manifestation répétitive» prévoient une durée cumulée maximale d’indemnisation de 365 jours.
Le 12 janvier 2015, Monsieur [J] a interrompu son activité professionnelle en raison d’une pathologie de la hanche gauche, pour lequel il a été indemnisé par ALLIANZ au titre des indemnités journalières, des deux polices d’assurance souscrites pour une durée respective, de 316 et 279 jours.
Le 8 juin 2020, Monsieur [J] a interrompu son activité professionnelle, en raison d’une rupture de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite et s’est alors rapproché de la compagnie afin de solliciter la prise en charge de l’assureur au titre de la garantie « Indemnités Journalières » de ses deux contrats d’assurance.
Par courrier daté du 22 juillet 2020, la compagnie a indiqué à Monsieur [J] qu’elle acceptait de prendre en charge son arrêt de travail au titre de la garantie « Indemnités Journalières » du contrat d’assurance « TONUS » pour la période du 8 juin 2020 au 25 juillet 2020, et a procédé au règlement des indemnités journalières dues pour un montant total de 5.776,80 euros. ALLIANZ a par ailleurs informé l’assuré que son arrêt de travail était motivé par une “pathologie à manifestation répétitive” ce qui conduisait à limiter la durée maximale d’indemnisation à 365 jours cumulés sur toute la durée de vie du contrat, laquelle était atteinte le 25 juillet 2020 en raison de l’indemnisation antérieure pour sa pathologie de la hanche.
Par ailleurs, ALLIANZ à indemnisé Monsieur [J] au titre de la garantie « Indemnités Journalières » du contrat d’assurance « ACTI RELAIS » pour la période du 8 juin 2020 au 1er septembre 2020, et a procédé au règlement des indemnités journalières dues pour un montant total de 13.088,34 euros et l’a de nouveau informé que la durée maximale d’indemnisation de 365 jours était atteinte le 1er septembre 2020 compte tenu de la nature répétitive de la pathologie et son indemnisation antérieure.
Par courrier en date du 23 octobre 2020, Monsieur [J] a contesté la limitation de durée retenue par la compagnie au motif qu’il n’existe pas de lien entre les deux pathologies, en vain.
Par acte d’huissier en date du 5 février 2021, Monsieur [U] [J] a assigné ALLIANZ VIE devant le Tribunal judiciaire de Marseille, aux fins notamment d’obtenir le paiement d’une somme de 63 655,83 euros correspondant au paiement de ses indemnités journalières depuis le 8 juin 2020.
Monsieur [U] [J] étant décédé le [Date décès 6] 2021, ses ayant-droit, [F] [T] veuve [J], [P] [J] épouse [N] et [Y] [J], (ci-après « les consorts [J] ») sont intervenus volontairement à l’instance par conclusions du 22 octobre 2021.
Aux termes de leurs conclusions communiquées par le réseau privé virtuel des avocats le 3 avril 2024, au visa des articles 1231-1 du Code civil, 328 et suivants du Code de procédure civile, les consorts [J] sollicitent de voir le tribunal :
In limine litis recevoir leur intervention volontaireCondamner la société ALLIANZ à leur payer ses sommes de : 78 159,69 euros au titre des indemnités journalières dues à [U] [J] assorti du taux légal à compter de la demande en justice, capitalisées par année entière en application des dispositions de l’article 1343-2 du Code civil
3000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamner la société ALLIANZ aux entiers dépens, distraits au profit de Maitre GAMBINIOrdonner l’exécution provisoire
Au soutien de leurs prétentions, les consorts [J] affirment que les deux pathologies dont était atteint [U] [J], sont dépourvues de tout rapport, tant juridique que médical, de telle sorte qu’elles ne peuvent être considérées comme une «pathologie répétitive» et que l’indemnisation de la première pathologie par la compagnie ALLIANZ, est sans effet sur l’indemnisation de la seconde et ne peut donc fonder une limitation dans le temps. De plus, il est relevé que les dispositions contractuelles sur ce point, manquent de clarté et doivent être interprétées en faveur de l’assuré. Les consorts [J] soulèvent également que la pathologie cardiaque du défunt diagnostiquée en 2021 doit également être comprise dans l’assiette d’indemnisation. Enfin ces derniers soutiennent que le fait d’avoir commencé à régler l’indemnité contractuellement prévue (concernant la seconde pathologie), équivaut à une renonciation à se prévaloir des exceptions et lui interdit dès lors de limiter dans le temps l’indemnisation de Monsieur [J]. En outre, contrairement à ce qu’affirme la société ALLIANZ, il ressort tant des dispositions contractuelles, que des courriers émis par la société ALLIANZ elle-même, que l’assuré était bien couvert pas la garantie « exonération des cotisations ».
Aux termes de ses conclusions communiquées par le réseau privé virtuel des avocats le 9 avril 2024, au visa des articles 1103 du Code civil et 514-1 du Code de procédure civile, la société ALLIANZ sollicite de voir le tribunal :
Débouter les consorts [J] de leurs demandesLes condamner au paiement de la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépensEcarter l’exécution provisoire
Au soutien de ses prétentions, la société ALLIANZ fait valoir que Monsieur [J] ne pouvait plus bénéficier des indemnités journalières prévues en cas d’incapacité temporaire de travail dès lors que la durée contractuelle maximale d’indemnisation au titre des pathologies à manifestation répétitive était atteinte, ce dernier étant atteint de pathologies ostéo-articulaire entrant dans la famille des pathologies répétitives. Par ailleurs, le montant sollicité par les consorts [J] est erroné en ce qu’il ne tient pas compte de la prise en charge déjà intervenue au titre des deux contrats d’assurance pour un montant de 5776,80 euros et 13088,34, et inclut l’exonération des cotisations alors même que ce dernier n’était pas couvert au titre de la garantie « Exonération des cotisations ». En outre, ALLIANZ accepte de prendre en charge le sinistre en date du 15 janvier 2021 lequel n’entre pas dans la définition des maladies à manifestation répétitives
Au-delà de ce qui a été repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l’espèce des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, le Tribunal entend se référer pour l’exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessus.
Après clôture de l’instruction ordonnée le 11 avril 2024, l’affaire a été fixée à l’audience de plaidoirie du 26 septembre 2024. Les débats publics clos, la décision a été mise en délibéré au 21 novembre 2024 pour être rendue par mise à disposition au greffe.
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal, statuant publiquement par mise à disposition de la décision au greffe après débats en audience publique, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort :
RECOIT l’intervention volontaire de [F] [T] veuve [J], [P] [J] épouse [N] et [Y] [J]
CONDAMNE la société ALLIANZ VIE à verser à [F] [T] veuve [J], [P] [J] épouse [N] et [Y] [J] la somme de 18.264,12 euros ;
DIT que cette somme portera intérêt au taux légal à compter de l’assignation soit le 5 février 2021 ;
ORDONNE la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil ;
CONDAMNE la société ALLIANZ VIE aux entiers dépens
DIT que la condamnation aux dépens sera assortie du droit pour Maître GAMBINI, avocat de [F] [T] veuve [J], [P] [J] épouse [N] et [Y] [J] de recouvrer directement contre ALLIANZ VIE ceux des dépens dont il a fait l’avance sans avoir reçu provision ;
CONDAMNE ALLIANCE VIE à verser à [F] [T] veuve [J], [P] [J] épouse [N] et [Y] [J] la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire à titre provisoire ;
REJETTE les prétentions pour le surplus ;
Ainsi jugé et prononcé les jour, mois et an susdits.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT
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