Tribunal judiciaire de Paris, 21 novembre 2024, RG n° 22/12620
Tribunal judiciaire de Paris, 21 novembre 2024, RG n° 22/12620

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris

Thématique : Responsabilité et indemnisation en cas d’accident de chasse : enjeux de la faute et de la garde des choses.

Résumé

DÉBATS

A l’audience du 24 octobre 2024, Madame Christine BOILLOT, juge rapporteur, a tenu l’audience en l’absence d’opposition des avocats. Elle a entendu les conseils des parties et a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Le jugement a été prononcé en audience publique, réputé contradictoire et en premier ressort. Monsieur [B] [L], membre de l’association de chasse DIANE DE [Localité 6], a attrait la société GENERALI FRANCE IARD et la CPAM de l’Hérault pour obtenir une indemnisation suite à un accident de chasse survenu le 3 janvier 2015, lors d’une battue organisée par l’association.

LES FAITS DE L’ACCIDENT

L’accident s’est produit lors d’une battue en deux parties, où Monsieur [B] [L], en tant que rabatteur, a été atteint par une balle tirée par Monsieur [I] [E], également rabatteur. Ce dernier, après avoir tiré sur un sanglier, a alerté les secours lorsque Monsieur [L] a crié qu’il avait été touché. La victime a été évacuée vers un hôpital, et l’auteur du tir a été reconnu coupable de blessures involontaires par le tribunal correctionnel de Montpellier.

LES PROCÉDURES JUDICIAIRES

La société GENERALI FRANCE IARD a ensuite attrait l’association de chasse et son assureur, GROUPAMA, en 2019. Une expertise a été ordonnée, et une provision de 1.500 € a été accordée à Monsieur [L]. En mai 2024, une condamnation a été prononcée contre GENERALI pour verser 5.000 € à Monsieur [L] en tant que provision.

LES DEMANDES DE M. [L]

Monsieur [L] a demandé que Monsieur [I] [E] et l’association DIANE DE [Localité 6] soient jugés responsables de l’accident, et a sollicité une indemnisation totale pour ses préjudices. Il a également demandé des condamnations in solidum des parties impliquées, ainsi qu’une indemnité provisionnelle complémentaire de 40.000 €.

LES RÉPONSES DES ASSUREURS

La compagnie GENERALI a contesté la responsabilité de son assuré, arguant que la faute de Monsieur [L] devait être prise en compte pour réduire l’indemnisation. L’association de chasse a également soutenu qu’elle n’était pas responsable, invoquant l’autorité de la chose jugée au pénal.

LA RESPONSABILITÉ DE M. [I] [E]

Le tribunal a établi que Monsieur [I] [E] était responsable de l’accident, en tant que gardien de l’arme ayant causé le dommage. Les circonstances de l’accident, notamment la proximité géographique et la nature du tir, ont été déterminantes pour établir sa responsabilité.

LA FAUTE DE M. [L]

La compagnie GENERALI a tenté de prouver que Monsieur [L] avait commis une faute en ne signalant pas sa position. Cependant, le tribunal a conclu que la faute de Monsieur [L] n’était pas établie, et que la responsabilité de l’accident incombait principalement à Monsieur [E].

LA FAUTE DE L’ASSOCIATION DE CHASSE

L’association de chasse a été accusée de ne pas avoir rappelé les consignes de sécurité, mais le tribunal a jugé que cette faute n’était pas prouvée. De plus, l’association n’était pas responsable des actes de Monsieur [E], qui n’était pas membre de l’association.

PROVISION ET LIQUIDATION DES PRÉJUDICES

Le tribunal a décidé de ne pas accorder de nouvelle provision, renvoyant l’affaire à la 19ème chambre pour la liquidation des préjudices. Les demandes accessoires, y compris les dépens, ont été réservées.

CONCLUSION

Le tribunal a déclaré Monsieur [I] [E] seul responsable de l’accident, condamnant la compagnie GENERALI à indemniser Monsieur [B] [L] pour l’entier préjudice subi. Les demandes de la compagnie GENERALI et de l’association de chasse ont été rejetées, et l’affaire a été renvoyée pour la liquidation des préjudices.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

5ème chambre 2ème section

N° RG 22/12620
N° Portalis 352J-W-B7G-CYFMW

N° MINUTE :

Assignations du :
13 Mai 2019
15 Mai 2019
30 Mai 2019

JUGEMENT
rendu le 21 Novembre 2024
DEMANDEUR

Monsieur [B] [L], né le [Date naissance 9] 1946 à [Localité 11], de nationalité française, retraité, domicilié [Adresse 1] à [Localité 6]
[Adresse 1]
[Localité 6]

représenté par Me Sophie PORTAILLER, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire B0331

DÉFENDERESSES

Association DIANE [Localité 6] Association de Chasse “DIANE [Localité 6]” sis [Adresse 15] à [Localité 6]
[Adresse 15]
[Localité 6]

Compagnie d’assurances CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES MEDITERRANEE La Compagnie GROUPAMA MEDITERRANEE dénomination commerciale de la CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES MEDITERRANEE, dont le siège social est à [Localité 2], [Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Décision du 21 Novembre 2024
5ème chambre 2ème section
N° RG 22/12620 – N° Portalis 352J-W-B7G-CYFMW

représentées toutes deux par Me Na-ima OUGOUAG, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #P0203

Organisme CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE L’HERAULT
[Adresse 5]
[Localité 7]

Non représentée

Compagnie d’assurances GENERALI FRANCE IARD
[Adresse 3]
[Localité 8]

représentée par Me Philippe RAVAYROL, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #L0155

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur Antoine de MAUPEOU, Premier Vice-Président Adjoint
Monsieur Thierry CASTAGNET, Premier Vice-Président Adjoint
Madame Christine BOILLOT, Vice-Présidente

assistés de Monsieur Gilles ARCAS, Greffier,

DÉBATS

A l’audience du 24 Octobre 2024 tenue en audience publique devant Madame Christine BOILLOT, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé en audience publique
Réputé contradictoire
En premier ressort
_______________________________

Monsieur [B] [L], membre de l’association de chasse DIANE DE [Localité 6] a attrait devant le tribunal judiciaire de Paris, la société GENERALI FRANCE IARD, en sa qualité d’assureur de Monsieur [I] [E], et la CPAM de l’Hérault, les 13 et 15 mai 2019, aux fins de se faire indemniser des préjudices résultant d’un accident de chasse, survenu le 3 janvier 2015, au cours d’une battue organisée sur la commune d’ARGELLIERS par cette association de chasse.

La battue organisée ce jour-là s’est déroulée en deux parties : d’abord de 9 heures 30 à 12 heures 00, puis à partir de 14 heures. Aux environs de 14 heures 50, Monsieur [B] [L] qui occupait le poste de rabatteur a été atteint par une balle alors que Monsieur [I] [E], également rabatteur, visait un sanglier. Ce dernier, alerté par les cris de Monsieur [L], a alors alerté les secours qui ont pris en charge la victime, évacuée vers le CHR [14] à [Localité 16], comme le révèlent les procès-verbaux de la gendarmerie nationale aussitôt dépêchée sur les lieux.

Monsieur [I] [E], auteur du tir accidentel, est assuré au titre de sa responsabilité de chasseur isolé, auprès de la compagnie GENERALI FRANCE IARD, il était invité à cette chasse organisée par l’association DIANE DE [Localité 6], sans être membre de celle-ci. Il est en effet affilié à une autre association de chasseurs.

Il a été poursuivi pour blessures involontaires avec une ITT supérieure à 3 mois, et a été déclaré coupable des faits qui lui étaient reprochés, par décision aujourd’hui définitive, du tribunal correctionnel de Montpellier, du 5 septembre 2018, confirmée par la 2ème chambre correctionnelle de la cour d’appel de Montpellier, le 20 septembre 2022, ce dernier ayant reconnu les faits.

Le 30 juillet 2019 la société GENERALI FRANCE IARD a attrait l’association de chasse DIANE DE [Localité 6] et son assureur la compagnie GROUPAMA, les deux instances ont été jointes à le 2 octobre 2019.

Par ordonnance du 21 octobre 2019, le juge de la mise en état a fait droit à la demande d’expertise de Monsieur [L], et le docteur [D] a déposé son rapport définitif le 29 décembre 2021. Une provision de 1.500 € a également été accordée.

L’affaire a été radiée puis rétablie au rôle sous le RG 22-12620.

Par ordonnance du 2 mai 2024, Monsieur [L] a obtenu une condamnation de la SA GENERALI IARD, assureur de Monsieur [E] à lui payer 5.000€, à titre de provision, sur l’indemnisation des dommages résultant de l’accident de chasse dont il a souffert le 3 janvier 2015.

Vu les dernières conclusions, notifiées par voie dématérialisée le 3 septembre 2024, par Monsieur [B] [L], sollicitant, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, au visa des articles 1382 à 1384 du code civil, et du rapport d’expertise médicale, de juger :
– Monsieur [I] [E] et l’association DIANE [Localité 6], responsables de l’accident de chasse et que Monsieur [B] [L] bénéficie d’un droit à indemnisation total,
– condamner in solidum Monsieur [E], la société GENERALI IARD, l’association DIANE [Localité 6] et la société GROUPAMA MEDITERRANEE, leurs assureurs respectifs, à indemniser Monsieur [B] [L] de son entier préjudice corporel résultant de l’accident de chasse du 3 janvier 2015,
-sur la liquidation du préjudice corporel de Monsieur [B] [L], renvoyer l’affaire devant la 19ème chambre civile du tribunal judiciaire de Paris,
– condamner in solidum Monsieur [E], la société GENERALI IARD, l’association DIANE [Localité 6] et la société GROUPAMA MEDITERRANEE, à verser à Monsieur [B] [L] la somme de 40.000 €, à titre d’indemnité provisionnelle complémentaire, outre celle de 4.500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner in solidum Monsieur [E], la société GENERALI IARD, l’association DIANE [Localité 6] et la société GROUPAMA MEDITERRANEE, aux entiers dépens, incluant les dépens des incidents, dont distraction au profit de Maître Sophie PORTAILLER, ,
– débouter l’association DIANE [Localité 6], la société GROUPAMA MEDITERRANEE et la société GENERALI IARD de toutes demandes formulées à l’encontre de Monsieur [B] [L],
– déclarer le jugement à intervenir opposable à la CPAM DE L’HERAULT.

Vu les dernières conclusions, notifiées par RPVA le 14 août 2024 par la compagnie GENERALI, assureur de Monsieur [I] [E], par lesquelles elle sollicite,
– l’homologation du rapport de l’expert judiciaire, le Docteur [D], en l’état ;
– de juger qu’elle a produit aux débats les conditions générales et particulières de sa garantie ;
– de juger que la faute civile de Monsieur [E] n’est pas établie avec certitude, au regard de l’insuffisance de la procédure pénale ; et que Monsieur [L] a commis une faute de nature à exonérer partiellement (60%) Monsieur [E] de sa responsabilité et de réduire l’indemnisation de la victime en raison de la faute commise;
– de juger que la faute d’organisation du groupement de chasse, l’association DIANE DE [Localité 6], engage sa responsabilité ;
– et de condamner, en conséquence, l’association DIANE DE [Localité 6] et son assureur la compagnie GROUPAMA à relever et garantir Monsieur [E] des condamnations à susceptibles d’intervenir à l’encontre de la Compagnie GENERALI ;
– déduire la créance de la CPAM de l’HERAULT et la provision versée ;
– débouter Monsieur [L] du surplus de ses demandes ;
– débouter Monsieur [L] de sa demande de condamnation à l’égard de la concluante au titre des frais irrépétibles ;
– juger n’y avoir lieu à l’exécution provisoire de la décision à intervenir et subsidiairement, si par impossible le tribunal devait ordonner l’exécution provisoire, subordonner celle-ci à la constitution d’une garantie, réelle ou personnelle, suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations au sens des dispositions de l’article 514-5 du code de procédure civile ;
– laisser les dépens de l’instance à la charge du demandeur.

Vu les dernières conclusions, transmises de la même manière, le 22 juillet 2024 par la compagnie GROUPAMA MEDITERRANEE, son assureur et l’association de chasse DIANE DE [Localité 6], dans lesquelles elles sollicitent, au visa du jugement du tribunal correctionnel de Montpellier du 5 septembre 2018 et de l’arrêt de la 2ème chambre correctionnelle de la Cour d’Appel de Montpellier du 20 septembre 2022 aujourd’hui définitif, lesquels ont retenu l’entière et exclusive responsabilité de Monsieur [E] dans la survenance de l’accident de chasse survenu le 3 janvier 2015, dont a été victime Monsieur [L], en visant l’autorité de la chose jugée au pénal, de juger que seul Monsieur [E] a engagé sa responsabilité dans la survenance de l’accident du 3 janvier 2015, et en conséquence, le débouter de toutes demandes de condamnation à l’encontre de l’Association de chasse DIANE [Localité 6] et de son assureur la compagnie GROUPAMA MEDITERRANEE.
A titre subsidiaire, juger que la police d’assurance souscrite auprès de la compagnie GROUPAMA MEDITERRANEE n’est pas mobilisable.
A titre plus subsidiaire, dans l’hypothèse d’une quelconque condamnation qui serait retenue à l’encontre de la Compagnie GROUPAMA MEDITERRANEE, en sa qualité d’assureur de l’association de chasse DIANE [Localité 6], condamner la société GENERALI IARD à la relever de toutes condamnations à son encontre en principal, frais et intérêts.
Condamner Monsieur [L] ou tout succombant, au paiement d’une indemnité de 4.000 € de frais irrépétibles, ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction est requise au profit de la SCP BENICHOU OUGOUAG.

Assignée en les formes de l’article 658 du code de procédure civile, la CPAM de l’Hérault n’a pas constitué avocat.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 19 septembre 2024.

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, statuant publiquement par jugement réputé contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

DECLARE Monsieur [I] [E] seul responsable de l’accident de chasse, survenu le 3 janvier 2015, et son assureur, la compagnie GENERALI, garant des conséquences préjudiciables qui en découlent envers Monsieur [B] [L], dans les termes de la garantie d’assurance souscrite ;
CONDAMNE la compagnie GENERALI à réparer l’entier préjudice subi par Monsieur [B] [L] du fait l’accident de chasse, survenu le 3 janvier 2015, dont il a été victime, déduction faite des provisions déjà versées ;

REJETTE les plus amples demandes de la compagnie GENERALI de la compagnie GROUPAMA MEDITERRANEE et de l’association de chasse DIANE DE [Localité 6] ;

RENVOIE l’examen de l’affaire à la mise en état du Pôle du contrat, de la responsabilité et de la réparation du préjudice corporel de ce tribunal 19ème chambre civile;

RAPPELLE en tant que de besoin, qu’en l’absence de constitution, il appartient au demandeur de produire la créance définitive de son/ses organismes payeurs;

RÉSERVE les dépens et la demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

RAPPELLE que la présente décision bénéficie de plein droit de l’exécution provisoire;

ORDONNE la suppression de l’affaire du rôle de la 5ème chambre 2ème section et sa transmission à la 19ème chambre de ce tribunal.

Fait et jugé à Paris le 21 Novembre 2024

Le Greffier Le Président

Gilles ARCAS Antoine DE MAUPEOU

 


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