L’Essentiel : Mme [D] a revendiqué une relation de travail salariée avec [E] [W] de février 2010 à septembre 2019, contestant un licenciement qu’elle jugeait sans cause réelle. Après le décès de [E] [W], M. [L] [W] a pris la relève. Au conseil de prud’hommes, Mme [D] a demandé la reconnaissance de son contrat de travail et diverses indemnités. Cependant, le conseil a jugé l’action prescrite et a débouté Mme [D]. En appel, la cour a confirmé l’absence de preuve d’une relation de travail salariée, soulignant l’absence de lien de subordination, et a condamné Mme [D] à verser des dépens.
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Contexte de l’affaireMme [D] a revendiqué une relation de travail salariée avec [E] [W] depuis février 2010 jusqu’à la rupture de cette relation le 4 septembre 2019. Elle a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt le 21 octobre 2019, demandant la reconnaissance de cette relation et des indemnités suite à ce qu’elle considère comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Après le décès de [E] [W] en novembre 2019, M. [L] [W] a pris la relève en tant qu’ayant droit. Demandes de Mme [D]Devant le conseil de prud’hommes, Mme [D] a formulé plusieurs demandes, incluant la constatation d’un contrat de travail à durée indéterminée, la requalification de sa prise d’acte en licenciement, et des indemnités variées pour licenciement, travail dissimulé, et manquements à l’obligation de sécurité, entre autres. Elle a également demandé la régularisation de sa situation vis-à-vis des organismes concernés et la remise de bulletins de salaire. Réponse de M. [L] [W]M. [L] [W] a contesté la compétence du conseil de prud’hommes, arguant qu’il n’existait pas de relation de travail salariée. Il a demandé que l’action de Mme [D] soit déclarée prescrite et irrecevable, tout en sollicitant le débouté de ses demandes. Il a également demandé des frais de justice à son encontre. Jugement du conseil de prud’hommesLe 12 avril 2022, le conseil de prud’hommes a jugé qu’il existait un contrat de travail à durée indéterminée, mais a déclaré l’action de Mme [D] prescrite et l’a déboutée de toutes ses demandes. M. [L] [W] a également été débouté de ses propres demandes, et les dépens ont été mis à la charge de Mme [D]. Procédure d’appelMme [D] a interjeté appel du jugement le 17 juin 2022, demandant l’infirmation de la décision sur la prescription et le débouté de ses demandes. M. [L] [W] a également formulé des conclusions en appel, demandant la confirmation du jugement en ce qui concerne la prescription et le débouté de Mme [D]. Arguments des partiesMme [D] a soutenu qu’elle avait été engagée par [E] [W] avec un contrat oral et a présenté des attestations pour prouver l’existence d’une relation de travail. En revanche, M. [L] [W] a contesté la nature de cette relation, affirmant qu’il s’agissait d’une entraide amicale et non d’un contrat de travail, et a mis en avant l’absence de lien de subordination. Analyse de la cour d’appelLa cour a examiné la compétence du conseil de prud’hommes et a conclu qu’il n’y avait pas de preuve suffisante d’une relation de travail salariée. Elle a noté que les éléments présentés par Mme [D] ne démontraient pas un lien de subordination, essentiel pour établir un contrat de travail. La cour a également souligné que la rémunération alléguée par Mme [D] n’était pas prouvée de manière satisfaisante. Décision finale de la courLa cour d’appel a infirmé le jugement du conseil de prud’hommes concernant sa compétence, déclarant qu’il n’y avait pas de relation de travail salariée. Elle a confirmé que Mme [D] devait supporter les dépens d’appel et a condamné Mme [D] à verser une indemnité à M. [L] [W] en vertu de l’article 700 du code de procédure civile. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la compétence du conseil de prud’hommes dans cette affaire ?Le conseil de prud’hommes est compétent pour régler les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du code du travail. L’article L. 1411-1 du code du travail stipule : « Le conseil de prud’hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient. » Dans cette affaire, la question de la compétence du conseil de prud’hommes dépend de l’existence d’un contrat de travail entre Mme [D] et [E] [W]. Il est établi que l’existence d’une relation de travail ne dépend pas de la volonté des parties, mais des conditions de fait dans lesquelles l’activité est exercée. Trois critères cumulatifs doivent être réunis pour caractériser un contrat de travail : la réalisation d’une prestation de travail, la rémunération et le lien de subordination. En l’espèce, le conseil de prud’hommes a jugé qu’il existait un contrat de travail, mais la cour d’appel a infirmé cette décision, déclarant le conseil de prud’hommes incompétent, faute de preuve d’une relation de travail salariée. Quelles sont les conditions pour établir l’existence d’un contrat de travail ?Pour établir l’existence d’un contrat de travail, il faut démontrer trois éléments essentiels : 1. La réalisation d’une prestation de travail, Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur, qui a le pouvoir de donner des ordres, de contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements. La jurisprudence précise que la prestation de travail doit être effectuée dans un cadre organisé, où l’employeur détermine les conditions d’exécution. En l’espèce, Mme [D] a tenté de prouver l’existence d’un contrat de travail en se basant sur des attestations et des paiements, mais la cour a conclu qu’elle n’avait pas apporté la preuve suffisante de ces trois éléments. Comment la cour a-t-elle évalué la preuve de la rémunération ?La cour a examiné les éléments présentés par Mme [D] pour prouver qu’elle percevait une rémunération. Elle a mentionné plusieurs chèques, mais a noté que ces paiements étaient en dollars et que leur validité était contestée. Mme [D] a affirmé avoir reçu des chèques pour des mois de salaire, mais M. [W] a soutenu que ces chèques étaient sans provision et n’avaient jamais été émis de manière valide. La cour a conclu que Mme [D] ne prouvait pas une rémunération régulière compatible avec une relation de travail salariée. Il est rappelé que la simple perception d’une somme d’argent ne suffit pas à établir l’existence d’un contrat de travail, surtout en l’absence de lien de subordination. Quelles sont les implications de l’absence de lien de subordination ?L’absence de lien de subordination a des conséquences significatives sur la qualification de la relation de travail. En effet, la jurisprudence établit que la prestation de travail rémunérée doit être effectuée sous l’autorité d’un employeur pour être considérée comme un contrat de travail. Sans ce lien, la relation est requalifiée en prestation de services, qui est libre et indépendante. Dans cette affaire, la cour a noté que Mme [D] n’avait pas prouvé qu’elle exécutait son travail sous l’autorité de [E] [W], ni qu’elle était soumise à des ordres ou directives. Ainsi, l’absence de lien de subordination a conduit à la conclusion que Mme [D] ne pouvait pas revendiquer un contrat de travail salarié. Quelles sont les conséquences de la décision de la cour d’appel sur les dépens et les frais de procédure ?La cour d’appel a confirmé que Mme [D] devait supporter les dépens d’appel, conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile. Cet article stipule que « la partie qui succombe dans ses prétentions est condamnée aux dépens. » En outre, la cour a condamné Mme [D] à verser une indemnité à M. [W] en application de l’article 700 du code de procédure civile, qui prévoit que « la cour peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. » La cour a fixé cette indemnité à 1 500 euros, tenant compte de l’équité et de la situation économique des parties. Ainsi, la décision de la cour d’appel a des implications financières directes pour Mme [D], qui doit assumer les coûts de la procédure. |
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
Chambre sociale 4-2
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 21 NOVEMBRE 2024
N° RG 22/01910 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VILL
AFFAIRE :
[Z] [U] [D]
C/
[L] [W] ès-qualité d’ayant droit de [E] [W]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 avril 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
N° Chambre :
N° Section : AD
N° RG : F 19/01378
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
la SELEURL CABINET A-P
Me Antoine MORAVIE
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT ET UN NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
APPELANT
Madame [Z] [U] [D]
née le 25 mai 1968 à [Localité 9] (PEROU)
[Adresse 5] Chez Monsieur [B] [C]
[Localité 6]
Représentant : Me Alina PARAGYIOS de la SELEURL CABINET A-P, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0374
Substitué par : Me Fatima BELGHOMARI, avocat au barreau de PARIS
****************
INTIME
Monsieur [L] [W] en qualité d’ayant droit de [E] [W]
né le 21 octobre 1976 à [Localité 7] (ITALIE)
[Adresse 2]
[Localité 1] (Suisse)
Représentant : Me Antoine MORAVIE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D363
Plaidant : Me Sandrine MENEZES de la SELEURL MENEZES AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1932
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 05 septembre 2024, en présencde de Stéphanie HEMERY, greffière, et de [X] [K], avocat stagiaire, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Valérie DE LARMINAT, conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, présidente,
Madame Valérie DE LARMINAT, conseillère,
Madame Isabelle CHABAL, conseillère,
Greffière lors des débats : Madame Gaëlle RULLIER,
Greffière lors de la mise à disposition : Madame Victoria LE FLEM,
Revendiquant la reconnaissance d’une relation de travail salariée à l’égard de [E] [W] à compter du mois de février 2010 jusqu’au 4 septembre 2019, date à laquelle elle indique avoir pris acte de la rupture, Mme [D], née le 25 mai 1968, a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt par requête reçue au greffe le 21 octobre 2019.
[E] [W] étant décédé le 6 novembre 2019, M. [L] [W] est intervenu à la procédure en qualité d’ayant droit de son père.
La décision contestée
Devant le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt, Mme [D] a présenté les demandes suivantes :
– constater l’existence d’un contrat de travail à durée indéterminée à compter de février 2010,
– requalifier sa prise d’acte en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– condamner M. [L] [W] ès qualités à lui verser les sommes suivantes :
. 3 593,80 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
. 3 000 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
. 3 750 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 9 000 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
. 9 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
. 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquements à l’obligation de sécurité,
. 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour perte de chance de percevoir ses droits à la retraite ainsi que ses allocations chômage,
. 31 100 euros à titre de rappel de salaires pour la période allant de juillet 2016 à juillet 2019 ainsi que 3 110 euros au titre des congés payés afférents,
– ordonner la régularisation de sa situation vis-à-vis des organismes concernés du fait du travail dissimulé,
– ordonner la remise de bulletins de salaire à compter du mois de février 2010 sous astreinte de 100 euros par jour de retard constaté et par document et réserver expressément au conseil de prud’hommes la faculté de liquider cette astreinte,
– condamner M. [L] [W] ès qualité à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [L] [W] ès qualités aux entiers dépens,
– ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.
M. [L] [W] ès qualités a quant à lui demandé au conseil de prud’hommes de :
avant toute défense au fond,
– se déclarer matériellement incompétent au profit du tribunal de commerce de Nanterre en dehors de toute relation de nature salariale,
– dire et juger qu’il n’a pas qualité à agir en tant que défendeur,
– dire et juger que l’action de Mme [D] est prescrite,
– dire et juger que l’action de Mme [D] est irrecevable,
– débouter Mme [D] de l’ensemble de ses demandes,
à titre subsidiaire,
– débouter Mme [D] de l’ensemble de ses demandes, ou tout le moins les réduire à de plus justes proportions,
en tout état de cause,
– condamner Mme [D] à lui payer une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [D] aux entiers dépens.
L’audience de jugement a eu lieu le 1er février 2022.
Par jugement contradictoire rendu le 12 avril 2022, la section activités diverses du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt :
– s’est déclarée compétente pour connaître du litige,
– a dit qu’il existait un contrat de travail à durée indéterminée à compter du mois de février 2010 entre Mme [D] et [E] [W],
– a dit que l’action de Mme [D] était prescrite,
– a débouté Mme [D] de l’ensemble de ses demandes,
– a débouté M. [L] [W], ayant droit de [E] [W], de ses demandes,
– a mis la totalité des dépens à la charge de Mme [D].
La procédure d’appel
Mme [D] a interjeté appel du jugement par déclaration du 17 juin 2022 enregistrée sous le numéro de procédure 22/01910.
Par ordonnance rendue le 19 juin 2024, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries le 5 septembre 2024, dans le cadre d’une audience rapporteur.
Prétentions de Mme [D], appelante
Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 15 septembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, Mme [D] demande à la cour d’appel de :
– infirmer le jugement ayant déclaré son action prescrite et l’ayant déboutée de l’ensemble de ses demandes,
statuant à nouveau,
– constater l’existence d’un contrat de travail à durée indéterminée à compter de février 2010,
– requalifier sa prise d’acte en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– condamner par conséquent M. [L] [W] à lui verser les sommes suivantes :
. 3 593,80 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
. 3 000 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
. 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 9 000 euros (6 mois) à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
. 9 000 euros (6 mois) à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
. 15 000 euros (10 mois) à titre de dommages-intérêts pour manquements à l’obligation de sécurité.
. 30 000 euros (20 mois) à titre de dommages-intérêts pour perte de chance de percevoir ses droits à la retraite ainsi que ses allocations chômage,
. 31 100 euros à titre de rappel de salaires pour la période allant de juillet 2016 à juillet 2019 ainsi que 3 110 euros au titre des congés payés afférents,
– ordonner la remise de bulletins de salaire à compter du mois de février 2010 sous astreinte de 100 euros par jour de retard constaté et par document et réserver expressément à la cour la faculté de liquider cette astreinte,
– ordonner la régularisation de sa situation vis-à-vis des organismes concernés du fait du travail dissimulé,
– condamner M. [W] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [W] aux entiers dépens.
Prétentions de M. [W] ès qualités, intimé et appelant à titre incident
Par conclusions adressées par voie électronique le 15 décembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé de ses moyens, M. [L] [W] demande à la cour d’appel de :
– confirmer le jugement en ce qu’il a :
. jugé que l’action de Mme [D] était prescrite,
. débouté Mme [D] de l’ensemble de ses demandes,
. mis la totalité des dépens à la charge de Mme [D],
– réformer ce même jugement en ce qu’il :
. a jugé qu’il existait un contrat de travail à durée indéterminée à compter du mois de février 2010 entre Mme [D] et [E] [W],
. l’a débouté de ses demandes,
et statuant à nouveau de ce chef,
à titre principal,
– avant toute défense au fond, se déclarer matériellement incompétent au profit du tribunal de commerce de Nanterre en dehors de toute relation de nature salariale,
– déclarer irrecevables les prétentions de l’appelante en ce qu’elles sont formées à son encontre dès lors qu’il n’a pas de qualité à agir en tant que défendeur,
– déclarer irrecevables les prétentions de l’appelante en ce qu’elles sont prescrites,
– déclarer par conséquent irrecevable l’action de Mme [D],
– débouter Mme [D] de l’ensemble de ses demandes,
à titre subsidiaire,
– débouter Mme [D] de l’ensemble de ses demandes, ou tout le moins les réduire à de plus justes proportions,
– condamner la même à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l’indemnité de préavis non effectué,
en tout état de cause,
– condamner Mme [D] à lui payer la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la même aux entiers dépens d’instance.
Sur la compétence
M. [W], en qualité d’ayant droit de son père décédé, soulève l’incompétence du conseil de prud’hommes, en l’absence selon lui de contrat de travail liant les parties tandis que Mme [D] revendique l’existence d’une relation de travail salariée et prétend donc à la compétence de la juridiction prud’homale.
L’alinéa 1er de l’article L. 1411-1 du code du travail dispose : » Le conseil de prud’hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient. »
Pour statuer sur la compétence de la juridiction prud’homale, il y a lieu de se prononcer sur l’existence d’un contrat de travail ayant lié les parties.
Il est constant que l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité du travailleur.
Trois critères cumulatifs permettent de caractériser l’existence d’un contrat de travail, à savoir la réalisation d’une prestation de travail moyennant une rémunération sous la subordination d’un employeur.
Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Le travail au sein d’un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail.
Il appartient à celui qui revendique une relation de travail salariée d’en rapporter la preuve.
En l’espèce, pour prétendre avoir été liée à [E] [W] par un contrat de travail, Mme [D] fait état de différentes circonstances de fait d’exercice de son activité.
Au préalable, compte tenu des versions très différentes qu’elle donne de leurs relations, il convient de retracer celles-ci, telles que chaque partie les relate.
Mme [D] indique qu’elle a été engagée par [E] [W] selon contrat de travail à durée indéterminée oral à compter de février 2010 en qualité de gardienne, que l’accord entre les parties prévoyait en contrepartie de sa prestation de travail, le versement d’une rémunération mensuelle de 1 500 euros assortie d’un logement de fonction et de la prise en charge de sa nourriture.
M. [W] de son côté indique que la famille [W] et Mme [D] entretenaient des relations amicales depuis le début des années 2010, qu’en contrepartie de la mise à disposition d’un logement au sein du siège social de la société Urbaine de Construction gérée par [E] [W], Mme [D] devait assurer la surveillance occasionnelle de l’immeuble.
Mme [D] poursuit en indiquant qu’alors qu’elle ne devait initialement qu’assurer le gardiennage, au terme de la relation, elle était aussi bien en charge » des actes de la vie courante » lorsque [E] [W] était présent à [Localité 13], comme le ménage, le coiffage, la nourriture, l’aide médicale, etc., que du lavage de sa voiture ou du jardinage de sa propriété durant ses absences régulières, qu’elle devait ainsi veiller à la santé déclinante de son employeur qu’elle assistait dans la réalisation de sa toilette et auquel elle devait régulièrement administrer ses médicaments jusqu’à parfois des heures très tardives.
M. [W] indique quant à lui qu’au début de l’année 2018, l’état de santé de son père s’est dégradé l’obligeant à se faire hospitaliser à [Localité 10] en février 2019, puis en urgence en mars 2019 à [Localité 12] et à [Localité 11] en raison d’une infection pulmonaire, qu’il est rentré en Italie le 2 juin 2019 et a été ensuite hospitalisé à quatre reprises et est décédé le 6 novembre 2019 à [Localité 7] en Italie. Il explique qu’en raison des relations amicales liant sa famille à Mme [D], celle-ci a été amenée à leur rendre de menus services de manière spontanée et en dehors de toute contrainte et directives, l’essentiel de son intervention consistant à assurer la surveillance de l’immeuble de la société Urbaine de Construction, que de son côté, son père a permis à Mme [D] de jouir à titre gracieux d’un logement, ce qui lui permettait en outre de ne pas laisser le siège social de son entreprise sans surveillance durant ses nombreux allers-retours entre la France, l’Italie et le Luxembourg dont il était résident.
La cour observe de façon générale que [E] [W] a adressé des paiements provenant indifféremment de ses propres deniers ou de ceux de la société Urbaine de Construction.
S’agissant de la prestation de travail
Mme [D] se prévaut d’une attestation rédigée par [E] [W] le 7 janvier 2019 en ces termes :
» Urbaine de construction SA
siège social : [Adresse 3]
Le 7 janvier 2019,
Je soussigné, M. [E] [W], gérant de la société Urbaine de construction SA certifie que Mme [Z] [U] [D] depuis trois ans est domiciliée à [Localité 13] dans l’immeuble propriété de la société.
Depuis trois ans, elle reçoit 500 euros par mois pour surveillance de l’immeuble. Notre société peut garantir les paiement que Mme [Z] [N] voudra établir. » (pièce 1 de l’appelante).
Mme [D] se prévaut également d’un courrier de Me Moravie, conseil de M. [W], en date du 5 septembre 2019, aux termes duquel celui-ci a écrit : » Il apparaît que vous connaissez la famille [W] depuis de nombreuses années et qu’en raison des liens amicaux qui vous lient, [E] [W], âgé de 89 ans, fait régulièrement appel à vous pour l’aider dans les actes de la vie courante » (pièce 12 de l’appelante).
Elle en tire argument pour soutenir que l’intimé se contredit en indiquant qu’elle effectuait uniquement des missions de surveillance alors qu’il reconnaît que [E] [W] faisait régulièrement appel à elle pour l’aider dans les actes de la vie courante.
Mme [D] produit par ailleurs une attestation de Mme [A], un de ses employeurs depuis octobre 2015, en ces termes : » J’atteste que Mme [Z] [D] travaille chez moi en tant que femme de ménage, depuis le mois d’octobre 2015. c’est une personne de qualité, très diligente, travailleuse, efficace et gentille. [Z] est toujours volontaire et travaille avec le sourire. C’est quelqu’un sur qui on peut compter. Je suis très contente de son travail qui est sans faute. J’atteste que Mme [Z] [D] travaille aussi chez [T] [M] depuis un bon nombre d’années et de plus elle a travaillé chez M. [E] [W] pendant longtemps. » (pièce 14 de l’appelante).
Mme [D] soutient que, très rapidement, il lui a été demandé de très nombreuses autres tâches, comme du jardinage deux fois par semaine, une aide médicale comprenant l’administration des médicaments et une surveillance nocturne et d’assurer le transport de [E] [W].
Elle produit une attestation de [J] [I] [S] [V], se disant son fils adoptif, lequel indique : » Je peux confirmer que Mme [Z] [D] a travaillé comme femme de ménage depuis 2010 chez M. [E] [W] ([Adresse 4]). Je suis arrivé d’Espagne pour voir ma mère avec l’autorisation de M. [E], je suis resté plus d’un mois. Pendant ce temps-là, j’ai vu ma mère travailler 7 jours sur 7 en plus le jardinies aussi pour tout la maison (sic). Je suis venu lui rendre visite pendant mon temps (‘) car elle ne pouvait pas quitter son emploi, elle devait toujours être disponible pour lui. » (pièce 13 de l’appelante).
Mme [D] produit enfin à ce sujet une attestation de M. [H], bijoutier, en ces termes : » Je fréquente Mme [Z] [D] depuis 2010 avec laquelle j’entretiens une relation amicale. Je suis heureux de la connaître car elle est honnête, courageuse et discrète. Pendant ses vacances, je la remplace chez son employeur M. [E] [W] (‘) et Mme [T] [M] (‘) en tant qu’homme de ménage pour des périodes d’un mois et ce depuis 2011 » (pièce 10 de l’appelante).
M. [W] rétorque avec pertinence que, contrairement à ce qu’elle allègue, Mme [D] ne travaillait pas de manière continue sept jours sur sept pour son père et même ne se tenait à sa disposition de façon permanente lorsqu’il était présent à [Localité 13].
Il dénonce à juste titre le fait que Mme [D] n’apporte aucune précision temporelle, ni aucun élément probant permettant d’apprécier la véracité des allégations des personnes qui ont attesté.
Il souligne surtout, sans être démenti par Mme [D], que celle-ci travaillait à [Localité 8] notamment pour le compte de Mme [A], Mme [M], M. et Mme [R], M. et Mme [P] et Mme [Y], ce qui montre qu’elle jouissait d’une indépendance professionnelle et ne se tenait pas à l’entière disposition de [E] [W], même pour des périodes limitées.
Au vu de ces éléments, il sera en conséquence retenu que seul est établi le fait que que Mme [D] assurait un travail de gardiennage et d’entretien de l’immeuble, même si elle a été amenée, ce qui n’est pas remis en cause par M. [W] ès qualités, à rendre des services à [E] [W].
S’agissant de la rémunération
Pour établir qu’elle percevait une rémunération, Mme [D] se prévaut d’une remise de chèque :
– en avril 2018 d’un montant de 1 000 dollars américains correspondant à deux mois de salaire (sa pièce 4),
– en décembre 2017 d’un montant de 2 000 dollars américains correspondant au versement de quatre mois de salaire (sa pièce 5),
– le 6 mai 2017 d’un montant de 1 000 dollars américains tiré sur l’Urbaine de Construction correspondant à deux mois de salaire (sa pièce 6).
Elle indique ne pas avoir gardé de traces des autres versements.
Elle critique ces remises de chèques en dollars qui généraient des frais de traitement et fait valoir que [E] [W] confondait les dollars et les euros, ce qui lui était préjudiciable. Elle prétend également qu’elle aurait dû percevoir une somme équivalente à 1 500 euros conformément à la convention initiale.
M. [W] ès qualités dénonce l’argumentation confuse et selon lui d’une » extrême malhonnêteté » de Mme [D]. Il conteste qu’une rémunération à hauteur de 1 500 euros aurait été convenue, avec une diminution arbitraire ensuite. Il allègue une entraide dénuée de toute contrainte et subordination.
Il convient de constater, comme le fait l’intimé, que Mme [D] ne rapporte pas la preuve d’une rémunération régulière compatible avec une relation de travail salariée.
Concernant plus particulièrement le versement d’une somme de 20 000 euros en 4 chèques, Mme [D] explique que dans l’optique de régulariser les arriérés qui lui étaient dus, [E] [W] lui a adressé fin mai 2019, quatre chèques d’un montant de 5 000 euros chacun qu’elle devait encaisser entre le 22 et le 28 juin 2019 (sa pièce 8), que ces chèques se sont avérés sans provision, ce qui lui a occasionné des frais bancaires et une interdiction d’émettre des chèques pendant 5 ans.
M. [W] ès qualités soutient que Mme [D] a profité de l’état de faiblesse de son père et a tenté d’encaisser quatre chèques de 5 000 euros remplis d’une main étrangère, établis sur le chéquier de la société Urbaine de Construction mais dont l’émission n’a jamais été consentie. Il en veut pour preuve que les chèques ont été rejetés faute de provision suffisante sur le compte de la société, ce qui a entraîné également une interdiction bancaire de 5 ans à son encontre.
M. [W] ès qualités explique que, conscient de la gravité de la situation et de la » sournoiserie » de Mme [D], il a essayé de récupérer les chèques litigieux mais a essuyé un refus catégorique de l’appelante, qu’il accuse de les avoir remis à un ami qui a essayé de monnayer leur restitution. Il indique que les chèques ne lui ont jamais été restitués, même après une mise en demeure de son avocat.
Mme [D] a déposé plainte pour abus de confiance le 8 octobre 2019, ainsi qu’elle en justifie par la production du procès-verbal de police (pièce 11 de l’appelante). Dans ce cadre, elle a déclaré : » La somme de 20 000 euros correspondait à une donation, plus précisément aux loyaux services effectués au domicile de M. [W] [E] » en ajoutant de façon qui peut apparaître comme contradictoire que » M. [W] avait à mon égard une attitude très difficile, voire méprisante « .
M. [W] ès qualités critique à juste titre la prétention de Mme [D] en soulignant l’incohérence pour un employeur à sous-payer délibérément sa salariée et de manquer gravement à ses obligations puis de lui faire une donation de 20 000 euros en sachant pertinemment ne pas disposer des provisions suffisantes. Il affirme que Mme [D] s’est rendue coupable d’un abus de faiblesse à l’encontre de son ami dont l’état de santé s’était fortement dégradé en début d’année 2019.
Au regard des circonstances avancées, il ne peut être considéré que ce versement d’une somme de 20 000 euros constituerait une rémunération versée intentionnellement par [E] [W].
S’agissant du lien de subordination
Mme [D] n’avance aucun élément utile à ce sujet.
Elle se limite à reprendre les termes de l’attestation de M. [H], du courrier du conseil de M. [W] et de l’attestation de [E] [W], déjà évoqués, lesquels sont inopérants à établir un lien de subordination qui suppose que soit caractérisé un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
M. [W] ès qualités insiste à juste titre sur le fait que Mme [D] ne rapporte la preuve, ni d’ordres et directives données par [E] [W], ni d’un pouvoir de sanction exercé par ce dernier face à d’éventuels manquements de sa subordonnée, ni de l’obligation de se conformer à des consignes de travail détaillées, ni du respect d’un planning de tâches et de missions à accomplir, ni de l’obligation de rendre compte du travail effectué, ni de l’obligation de justifier de ses absences ou congés et d’obtenir un accord de son employeur pour les prendre, ni de la fixation de jours, d’horaires et d’un lieu de travail ou encore de la fourniture de matériel ou des outils nécessaires à la prestation de travail.
Il est rappelé que la prestation de travail donnant lieu à rémunération ne peut à elle seule caractériser l’existence d’un contrat de travail en l’absence de lien de subordination effectif, ce qui différencie la prestation de service, libre et indépendante, de la relation de travail salarié et subordonnée.
En l’espèce, si Mme [D] assurait le gardiennage de l’immeuble, elle bénéficiait en contrepartie de la jouissance gratuite d’un logement.
En définitive, faute de rapporter la preuve qui lui incombe de l’existence d’une relation de travail salariée avec [E] [O], Mme [D] sera déboutée de son appel.
Le jugement sera infirmé en ce que le conseil de prud’hommes s’est déclaré compétent pour connaître du litige.
Sur les dépens et les frais irrépétibles de procédure
Compte tenu de la teneur de la décision rendue, le jugement de première instance sera confirmé en ce qu’il a mis les dépens à la charge de Mme [D] et en ce qu’il a débouté les parties de leurs demandes respectives au titre des frais irrépétibles de première instance.
Mme [D], qui succombe dans ses prétentions, supportera les dépens d’appel en application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.
Mme [D] sera en outre condamnée à payer à M. [W] ès qualités une indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, que l’équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 1 500 euros et sera déboutée de sa propre demande présentée sur le même fondement.
La COUR, statuant publiquement, en dernier ressort et par arrêt contradictoire,
INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt le 12 avril 2022, excepté en ce qu’il a mis les dépens à la charge de Mme [Z] [U] [D] et en ce qu’il a débouté les parties de leurs demandes respectives au titre des frais irrépétibles de première instance,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DÉCLARE le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt incompétent pour connaître du litige, faute de caractérisation de l’existence d’une relation de travail salariée ayant lié Mme [Z] [U] [D] à [E] [W],
CONDAMNE Mme [Z] [U] [D] au paiement des dépens d’appel,
CONDAMNE Mme [Z] [U] [D] à payer à M. [L] [W] venant aux droits de [E] [W], son père décédé, une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE Mme [Z] [U] [D] de sa demande présentée sur le même fondement.
Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, présidente, et par Mme Victoria Le Flem, greffière en pré-affectation, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière en préaffectation, La présidente
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