L’Essentiel : Monsieur [T] [C] et Madame [X] [C] ont engagé une décoratrice d’intérieur pour rénover leur maison en 2019. Après l’achèvement des travaux, ils ont constaté de nombreuses malfaçons et ont refusé de signer la réception. Une expertise judiciaire a révélé la responsabilité de la société MF PEINTURE DECO et de la société [V] & [L] pour des défauts significatifs. Les époux [C] ont alors assigné plusieurs sociétés en justice, demandant réparation pour divers préjudices. Le tribunal a prononcé la réception judiciaire des travaux, reconnaissant partiellement la responsabilité des défendeurs et accordant une indemnisation pour certains préjudices.
|
Contexte de l’affaireMonsieur [T] [C] et Madame [X] [C] sont propriétaires d’un bien immobilier à [Localité 6]. En 2019, ils ont engagé Madame [N] [J], décoratrice d’intérieur de la société COOPANAME, pour rénover plusieurs pièces de leur maison. Un devis a été signé le 19 février 2019, et les travaux ont été confiés à la société [V] & [L] pour un montant de 36 136,76 euros, débutant le 4 septembre 2019. Problèmes rencontrésAprès l’achèvement des travaux, les époux [C] ont constaté de nombreuses malfaçons et dégradations, ainsi que des incohérences dans les factures. Ils ont refusé de signer la réception des travaux le 12 novembre 2019, ce qui a conduit à une procédure judiciaire pour obtenir une expertise. Expertise judiciaireLe tribunal a ordonné une expertise judiciaire, révélant que les travaux avaient été sous-traités à la société MF PEINTURE DECO SARL. Le rapport d’expertise, déposé le 20 décembre 2022, a conclu à la responsabilité de la société MF PEINTURE DECO et de la société [V] & [L] pour des malfaçons, notamment des défauts d’électricité et des fissures dans la structure. Actions en justiceLes époux [C] ont assigné la société COOPANAME, MAAF ASSURANCES et MF PEINTURE DECO SARL devant le tribunal judiciaire de Meaux, demandant réparation pour leurs préjudices. Ils ont sollicité la réception judiciaire des travaux, affirmant que les désordres étaient de nature décennale. Demandes des époux [C]Dans leurs conclusions, les époux [C] ont demandé la condamnation des sociétés à leur verser des sommes pour la réparation des meubles, des travaux de remise en état du réseau électrique, et des travaux de reprise de structure, ainsi qu’une indemnisation pour le trouble de jouissance et le préjudice moral. Réponses des défendeursLa société MAAF ASSURANCES a contesté la recevabilité des demandes, arguant que les désordres n’étaient pas de nature décennale et que la responsabilité contractuelle ne pouvait être engagée. La société COOPANAME a également demandé le débouté des époux, précisant que la réception judiciaire ne pouvait être fixée à la date du jugement. Décision du tribunalLe tribunal a prononcé la réception judiciaire des travaux au 12 novembre 2019, avec des réserves. Il a reconnu la responsabilité de MAAF ASSURANCES et de COOPANAME pour certains préjudices, mais a débouté les époux [C] de leurs demandes concernant les travaux de reprise d’électricité et de peinture, ainsi que du préjudice de jouissance et du préjudice moral. Indemnisation accordéeLe tribunal a condamné in solidum MAAF ASSURANCES et COOPANAME à verser aux époux [C] des sommes pour les travaux de renforcement de structure, les frais d’étude, et un montant pour le préjudice moral. Les demandes relatives aux autres préjudices ont été rejetées. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la nature de la réception judiciaire selon le Code civil ?La réception judiciaire est définie par l’article 1792-6 du Code civil, qui stipule que : « La réception est l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l’amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement. » Ainsi, en l’absence de réception amiable, la réception judiciaire peut être ordonnée si les travaux sont en état d’être reçus. Dans le cas présent, les époux [C] ont tenté de réceptionner les travaux le 12 novembre 2019, mais cela n’a pas pu aboutir en raison de dégradations et malfaçons. L’expert a confirmé que les travaux n’étaient pas en état d’être reçus à cette date, ce qui a conduit à la décision de prononcer la réception judiciaire à cette date avec réserves. Quelles sont les conditions de la garantie décennale selon le Code civil ?La garantie décennale est régie par l’article 1792 du Code civil, qui précise que : « Tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination. » Pour qu’un désordre soit couvert par la garantie décennale, il doit compromettre la solidité de l’ouvrage ou le rendre impropre à sa destination. Dans cette affaire, les fissures apparues au plafond et sur le mur porteur, causées par un sous-dimensionnement de la structure, ont été considérées comme des désordres décennaux. En revanche, les autres désordres, tels que les défauts d’étanchéité de la douche et les malfaçons électriques, n’ont pas été jugés de nature décennale. Comment se détermine la responsabilité des différents intervenants dans le cadre de la construction ?La responsabilité des intervenants dans le cadre de la construction est régie par les articles 1792 et 1792-1 du Code civil. L’article 1792-1 précise que : « Est réputé constructeur de l’ouvrage : Dans cette affaire, la société COOPANAME, par l’intermédiaire de Madame [N] [J], a été considérée comme ayant dépassé le cadre de sa mission de décoration pour assumer une véritable maîtrise d’œuvre. Ainsi, sa responsabilité a été engagée pour les désordres liés à la structure, tandis que la société [V] & [L] et son assureur, la MAAF, ont été tenus responsables des malfaçons liées à la réalisation des travaux. Quels sont les préjudices indemnisables en matière de construction ?Les préjudices indemnisables en matière de construction incluent les préjudices matériels et immatériels. Le principe de la réparation intégrale, selon lequel la victime doit être remise dans la situation où elle se serait trouvée sans le dommage, est fondamental. Dans cette affaire, les époux [C] ont demandé des indemnités pour divers préjudices, y compris des frais de mise en sécurité, des travaux de reprise, un préjudice de jouissance et un préjudice moral. Cependant, seuls les préjudices liés aux désordres décennaux ont été retenus, tandis que les demandes relatives aux désordres non décennaux ont été rejetées. Le tribunal a ainsi condamné la MAAF et la société COOPANAME à indemniser les époux [C] pour les frais de mise en sécurité et les travaux de renforcement de structure, ainsi que pour un préjudice moral de 500 euros. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MEAUX
1ERE CHAMBRE
Date de l’ordonnance de
clôture : 03 juin 2024
Minute n° 24/920
N° RG 23/02992 – N° Portalis DB2Y-W-B7H-CDERO
Le
CCC : dossier
FE :
Me Laurence IMBERT
Me Tania MANDE,
Me Jean-charles NEGREVERGNE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUGEMENT DU VINGT ET UN NOVEMBRE DEUX MIL VINGT QUATRE
PARTIES EN CAUSE
DEMANDEURS
DEMANDEURS
Madame [X] [C]
Monsieur [T] [C]
[Adresse 1]
représentés par Maître Jean-charles NEGREVERGNE de la SELAS NEGREVERGNE FONTAINE DESENLIS, avocats au barreau de MEAUX, avocats plaidant
DEFENDERESSES
S.A.R.L. MF PEINTURE DECO
[Adresse 2]
non représentée
S.A. MAAF ASSURANCE
[Adresse 5]
représentée par Maître Laurence IMBERT de la SELARL IMBERT & ASSOCIES, avocats au barreau de MELUN, avocats plaidant
S.C.O.P. S.A. COOPANAME
[Adresse 3]
représentée par Me Tania MANDE, avocat au barreau de MEAUX, avocat plaidant
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats et du délibéré :
Président : M. BATIONO, Premier Vice-Président
Assesseurs: Mme VISBECQ, Juge
M. NOIROT, Juge
Jugement rédigé par : Mme VISBECQ, Juge
DEBATS
A l’audience publique du 19 Septembre 2024
GREFFIER
Lors des débats et du délibéré : Mme BOUBEKER, Greffière
JUGEMENT
réputé contradictoire, mis à disposition du public par le greffe le jour du délibéré, M. BATIONO, Président, ayant signé la minute avec Mme BOUBEKER, Greffière ;
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS
Monsieur [T] [C] et Madame [X] [C] sont propriétaires d’un bien immobilier sis [Adresse 1] à [Localité 6] [Adresse 4] (77).
En 2019, ils ont confié à Madame [N] [J], décoratrice d’intérieur, salariée de la société COOPANAME, la rénovation de leur salon, de la salle de douche et des toilettes du rez-de-chaussée et de la salle de bain de l’étage. Un devis a été signé le 19 février 2019.
La société [V] & [L], spécialisée dans les travaux tous corps d’état, a été chargée de réaliser les travaux au prix de 36 136,76 euros à compter du 4 septembre 2019. Elle est assurée auprès de la société MAAF ASSURANCES.
Constatant de nombreuses dégradations et malfaçons outre des incohérences quant aux factures émises par la société [V] & [L] et Madame [N] [J], Monsieur [T] [C] et Madame [X] [C] ont refusé de signer la réception des travaux le 12 novembre 2019.
Faute de trouver une solution amiable, ils ont saisi le tribunal judiciaire de Melun aux fins d’ordonner une expertise judiciaire.
Par ordonnance du 24 juillet 2020, le président du tribunal judiciaire de Melun a ordonné une expertise judiciaire et désigné Monsieur [B] [K] pour y procéder.
Il a été révélé au cours des réunions d’expertise que les travaux ont été sous-traités à la société MF PEINTURE DECO SARL, assurée auprès de la compagnie ALLIANZ.
Par ordonnance du 20 mai 2022, les opérations d’expertise ont été déclarées communes et opposables à la société MF PEINTURE DECO SARL et à la compagnie ALLIANZ.
Le 20 décembre 2022, Monsieur [B] [K] a déposé son rapport et a conclu que :
– la société MF PEINTURE DECO SARL a réalisé la totalité des travaux pour le compte de la société [V] & [L],
– la responsabilité de la société MF PEINTURE DECO SARL est engagée au même titre que l’entreprise [V] & [L] pour les travaux de malfaçons et de non conformités,
* s’agissant des travaux de non levée des réserves, la responsabilité est engagée pour les désordres affectant la salle de bain :
• défaut de raccordement des alimentations de lumière,
• défaut de travaux de finition de peinture,
• absence de remplacement de paroi de douche,
* s’agissant des travaux de modification de structure sans études techniques préalables, la responsabilité est engagée pour les désordres consistant en l’apparition de fissures au plafond à proximité de la poutre métallique HEB venant en appui sur le mur porteur dans le salon / salle à manger,
– la responsabilité de Madame [N] [J] et de la société [V] & [L] est engagée relativement aux désordres affectant les meubles (traces d’impacts et rayures) pour défaut de conseil (absence de constat contradictoire préalable ou de réception des travaux terminés par des tiers).
Par acte de commissaire de justice délivré le 26 juin 2023, Monsieur [T] [C] et Madame [X] [C] ont assigné la société COOPANAME, la SA MAAF ASSURANCE et la SARL MF PEINTURE DECO SARL devant le tribunal judiciaire de Meaux en réparation de leurs préjudices au titre de la responsabilité décennale.
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 29 février 2024, Monsieur [T] [C] et Madame [X] [C] demandent, au visa des articles 1792 et suivant du code civil, 1217 et suivants du code civil, au tribunal de :
– juger leur demande recevable et bien fondée,
– prononcer la réception judiciaire au 12 novembre 2019,
en conséquence,
– juger que les désordres affectant la structure et le réseau électrique sont de nature décennale,
– condamner in solidum la société MF PEINTURE DECO, la MAAF en qualité d’assureur de la société [V] & [L] et la société COOPAMANE à leur payer :
* la somme de 6754 euros TTC au titre de la réfection des meubles,
* la somme de 6187,83 euros TTC au titre des travaux de remise en état du réseau électrique,
* la somme de 27 207,10 euros TTC au titre des travaux de reprise de structure,
* la somme de 3600 euros TTC au titre des sondages réalisés et au coût assumé du BET,
* la somme de 2217,60 euros TTC au titre du coût des étais,
à titre subsidiaire :
– condamner in solidum la société MF PEINTURE DECO, la MAAF en qualité d’assureur de la société [V] & [L] et la société COOPAMANE à leur payer au titre de la responsabilité contractuelle :
* la somme de 6754 euros au titre des travaux de peinture,
* la somme de 6178,83 euros au titre des travaux de remise en état du réseau électrique,
en tout état de cause :
– condamner in solidum la société MF PEINTURE DECO, la MAAF en qualité d’assureur de la société [V] & [L] et la société COOPAMANE à leur payer :
* la somme de 500 euros par mois à titre de trouble de jouissance à compter du 12 novembre 2019 jusqu’à la réalisation des travaux,
* la somme de 10 000 euros au titre de leur préjudice moral,
* la somme de 6600 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– condamner in solidum la société MF PEINTURE DECO, la MAAF en qualité d’assureur de la société [V] & [L] et la société COOPAMANE aux entiers dépens qui comprendront le coût de l’expertise,
– juger que l’intégralité des sommes seront majorées de l’indice BT01,
– ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
Les époux [C] sollicitent du tribunal qu’il prononce la réception judiciaire des travaux. Ils expliquent qu’ils ont refusé de réceptionner les travaux le 12 novembre 2019 en raison de nombreuses dégradations et malfaçons outre des incohérences quant aux factures émises par la société [V] & [L] et Madame [N] [J]. S’agissant des dégradations, ils indiquent que la table de billard, le fauteuil en cuir, le canapé et la cheminée comportent des rayures et des taches de peinture et d’enduit. Concernant les malfaçons, ils déclarent que le mur soutenant la poutre HEB n’est pas droit, que l’électricité n’est pas conforme, que la douche n’est pas étanche et que les peintures se sont dégradées. S’agissant de la facture, ils soutiennent que les métrés ne sont pas corrects, que des moins-values n’ont pas été retirées et que la TVA a été fixée à 20% au lieu de 10%. Ils ajoutent que la société [V] & [L] a proposé de lever les réserves, sauf pour les meubles mais que sa mise en liquidation judiciaire l’en a empêchée. Ils demandent tour à tour que la réception soit fixée à la date du jugement, puis à la date du dépôt du rapport d’expertise et enfin au 12 novembre 2019.
Concernant les responsabilités, ils exposent que si Madame [N] [J] est décoratrice d’intérieur et que sa mission telle que prévue au devis ne comportait pas de maîtrise d’œuvre, il résulte des échanges de courriels qu’elle a mené une véritable mission de maîtrise d’œuvre. Elle a conçu, dirigé et coordonné les travaux y compris sur la structure, établi des comptes-rendus et préconisé des mesures réparatoires. Ils ajoutent qu’elle a également choisi la société pour exécuter les travaux. Ils relèvent dès lors qu’il ne s’agit pas d’une mission d’esthétique mais bien d’une maîtrise d’œuvre.
S’agissant des désordres, ils indiquent que Madame [N] [J] et la société [V] & [L] sont responsables des dégradations affectant leurs meubles faute d’avoir établi un constat contradictoire préalable et d’avoir pris des mesures de protection suffisamment efficaces. Ils soulignent que l’expert a reconnu que les dégradations étaient intervenues en cours de chantier. Ils ajoutent que le fait que la société MF PEINTURE DECO soit intervenue pour la totalité des travaux ne peut les exonérer de leur responsabilité. Concernant les désordres électriques, ils sollicitent la reprise de l’alimentation d’une prise dans le salon et du raccordement dans la salle de bain. Pour les travaux de reprise de structure, ils font valoir que la poutre en bois traversant le salon a été remplacée par une poutre métallique HEB et que le mur porteur qui la soutenait a été modifié alors qu’aucune étude technique n’a été réalisée. Ils expliquent que des fissures sont apparues en cours d’expertise au niveau du plafond et du mur porteur et qu’ils ont dû installer deux étais de chantier dans leur salon. Ils soutiennent que ce désordre de nature décennale est imputable à Madame [N] [J], en tant que maître d’œuvre et aux deux entreprises de travaux.
Les époux [C] expriment avoir subi un trouble de jouissance en raison de l’impossibilité d’utiliser de leur salle de bain du rez-de-chaussée, leur salon et leur cheminée. Ils précisent que ce trouble de jouissance affecte un cinquième de la surface de leur bien et sollicitent en réparation la somme de 500 euros par mois correspondant à un cinquième de la valeur locative fixée à 2500 euros, et ce à compter du 12 novembre 2019, date de fin de chantier et jusqu’à réalisation effective des travaux. Ils ajoutent qu’ils ont par ailleurs ressenti une grande inquiétude en raison du sous-dimensionnement de la structure porteuse et demandent réparation de leur préjudice moral à hauteur de 10 000 euros.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 1er décembre 2023, la société MAAF ASSURANCES demande, au visa des articles 1792 et suivants du code civil, au tribunal de :
– débouter les époux [C] de l’intégralité des demandes formulées à son encontre,
– condamner reconventionnellement les époux [C] à lui régler la somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner les époux [C] aux entiers dépens de la présente instance.
La société MAAF ASSURANCES estime que la garantie décennale ne peut être mobilisée, d’une part en raison du caractère non décennal des désordres autres que les fissures et d’autre part en raison de l’absence de réception.
Elle considère en outre que la garantie des dommages intermédiaires n’est pas non plus mobilisable. Concernant les dégradations, elle rappelle que la responsabilité contractuelle du constructeur peut être engagée s’il est démontré l’existence d’une faute et d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice subi par le maître d’ouvrage. Or, elle relève que l’expert n’a pas été en mesure de déterminer l’auteur des dégradations. S’agissant des travaux de reprise électrique, elle fait observer que le devis ne prévoit pas de travaux de nature électrique au niveau du salon et que la somme sollicitée de 5610 euros correspond au devis de la société BATI SOLUTIONS qui prévoit des reprises de toiles de verre et de peinture outre la reprise de l’éclairage dans la salle de bain et non des travaux d’électricité.
Aucune garantie ne pouvant s’appliquer, elle soutient qu’aucune réparation de préjudice annexe tel le préjudice de jouissance ou le préjudice moral, ne peut être accueillie.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 septembre 2023, la société COOPANAME demande, au visa des articles 1217 et suivants du code civil, au tribunal de :
– débouter les époux [C] de l’intégralité de leurs demandes,
– condamner les époux [C] à lui payer la somme de 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner les époux [C] aux entiers dépens.
La société COOPANAME considère que le principe de réception judiciaire ne peut être exclu mais que sa date ne peut être fixée à la date du jugement. Elle soutient que la réception judiciaire est fixée au moment où l’ouvrage est en état d’être reçu, ce qui correspond, pour un ouvrage destiné à l’habitation, au moment où il est habitable. Elle précise qu’il apparaît peu contestable que l’ouvrage était en état d’être reçu au 12 novembre 2019, nonobstant les réserves apportées aux travaux et demande en conséquence que cette date soit retenue.
Sur le principe de sa responsabilité, la société rappelle que le décorateur d’intérieur n’est pas soumis à la responsabilité des constructeurs prévue par les articles 1792 et suivants du code civil. Elle ajoute que sa responsabilité contractuelle ne peut être recherchée en application des articles 1217 et suivants du code civil que dans la limite de la mission qui lui a été confiée. Elle souligne que l’attention du maître d’ouvrage a été attirée à plusieurs reprises sur les limites de la mission de Madame [N] [J] et que sa mission se limitait à la décoration et au réaménagement d’un salon / séjour, d’une salle de bain et de toilettes ainsi qu’à la gestion de projet pour la phase des travaux. Elle précise que pour le salon, il s’agissait de repenser la décoration dans un esprit plus contemporain et pour la salle de bain, de remettre les espaces au goût du jour et les rendre fonctionnels. Elle ajoute qu’elle a l’établi le planning d’intervention et assuré le suivi esthétique des travaux sans jamais se charger du suivi technique, celui-ci relevant de la responsabilité des entreprises de travaux. Elle fait valoir qu’elle n’a pas employé le terme architecte et n’a pas revendiqué cette qualité, de sorte que la TVA applicable était de 20 % et non de 10 % conformément au code général des impôts.
Subsidiairement, elle expose que l’architecte d’intérieur est tenu à une obligation de moyens et qu’il est nécessaire de caractériser une faute pour engager sa responsabilité. Or, elle souligne que l’expert n’a retenu la responsabilité de Madame [N] [J] qu’au titre des dégradations sur les meubles, pour défaut de conseil, faute pour elle d’avoir fait réaliser un constat contradictoire préalable ou d’avoir pris des mesures de protection des meubles suffisantes. Elle s’oppose à cette obligation de conseil, sa mission se limitant au suivi esthétique des travaux et considère que seule la responsabilité de l’entreprise en charge des travaux ou de son sous-traitant peut être engagée.
En tout état de cause, elle considère que seule la réparation d’une perte de chance peut être justifiée pour un défaut de conseil et rappelle que Madame [N] [J] n’est pas à l’origine des malfaçons et non conformités. S’agissant plus particulièrement des fissures, elle indique que sa mission ne comportait aucune faisabilité technique et qu’elle a renvoyé les époux [C] vers un bureau d’études techniques pour choisir la meilleure des options Elle précise qu’elle s’est prononcée pour une solution au regard du résultat esthétique et qu’elle a renvoyé les époux [C] vers la société [V] & [L] pour le détail. Elle souligne que l’expert n’a pas retenu sa responsabilité. Concernant les préjudices annexes, elle considère que l’indemnisation sollicitée est hors de proportion avec le préjudice subi, la présence d’étais étant désagréable esthétiquement et moralement mais n’empêchant pas de jouir du bien. Elle ajoute que le quantum du préjudice moral n’est pas justifié, tant en termes de preuve que d’évaluation.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières écritures susvisées des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens.
Bien que régulièrement assignée, la SARL MF PEINTURE DECO n’a pas constitué avocat. La décision sera réputée contradictoire.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 juin 2024.
L’affaire a été évoquée à l’audience du 19 septembre 2024 et mise en délibéré au 21 novembre 2024.
Sur la réception judiciaire :
L’article 1792-6 du code civil prévoit que la réception est l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l’amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.
Ainsi, en l’absence de réception amiable, la réception judiciaire peut être ordonnée si les travaux sont en état d’être reçus.
Il résulte de la lettre recommandée avec accusé de réception adressée le 21 novembre 2019 par les époux [C] à la SAS [V] & [L] que les travaux ont été effectués du 4 septembre au 2 novembre 2019, qu’une tentative de réception a eu lieu le 12 novembre 2019 mais n’a pu aboutir compte tenu des dégradations des meubles et de la cheminée, du problème d’étanchéité de la paroi de douche, de l’absence de mise à la terre dans la salle de bain et d’interrogations sur la colle du revêtement du sol.
Malgré un courrier de l’avocat de la SAS [V] & [L] mettant en demeure les époux [C] de signer le procès-verbal de réception y compris avec des réserves, aucune réception expresse ou tacite n’a pu avoir lieu.
Aucune des parties n’apporte d’éléments justifiant qu’à la date du 12 novembre 2019 les travaux n’étaient pas en état d’être reçus avec ou sans réserve ou que le bien ne pouvait être habité à cette date.
Concernant les réserves, l’expert judiciaire indique dans son rapport que les époux [C] ont fait état des désordres suivants :
1 – salle de bain :
– raccordement des alimentations de lumière,
– reprises et raccords de peinture,
– changement de paroi de douche,
2 – salon / salle à manger :
– raccordement des prises de courant et alimentations dans le salon,
3 – mobilier :
– nettoyage et restauration des mobiliers impactés pendant le chantier,
– rayures sur la façade de la cheminée.
Il ajoute que la société [V] & [L] s’est engagée à lever les réserves concernant :
– le raccordement des prises et alimentations dans le salon et la salle de bain (uniquement pour les travaux qu’elle a effectués car il n’y a pas de raccordement à la terre d’origine dans le salon),
– la reprise de peinture dans la salle de bain,
– le remplacement de la paroi de douche.
Cependant, la mise en liquidation judiciaire de la société l’a empêchée de pouvoir effectuer les travaux nécessaires à la levée des réserves.
Il est relevé par ailleurs que le devis établi le 7 juin 2019 par la SAS [V] & [L] comporte un lot électricité pour le salon.
Compte tenu de ces éléments, il convient de prononcer la réception judiciaire au 12 novembre 2019 avec les réserves suivantes :
– défaut de raccordement des prises et alimentations dans le salon et la salle de bain,
– défaut de peinture dans la salle de bain,
– défaut d’étanchéité de la paroi de douche.
Sur la garantie décennale des constructeurs et assimilés :
Selon l’article 1792 du code civil, tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère.
S’agissant de travaux de rénovation, il est nécessaire de vérifier qu’il s’agit en l’espèce d’un ouvrage au sens de l’article 1792 du code civil.
Il ressort du devis établi le 7 juin 2019 par la SAS [V] & [L] que les travaux consistaient en :
– la dépose de la cheminée, de radiateurs, de poutres et de plinthes dans le salon, la dépose de carrelage, de meubles et de sanitaires dans les salles de bain,
– des travaux de menuiserie dans le salon, la salle de bain du rez-de-chaussée et les WC,
– des travaux de maçonnerie et carrelage au niveau du sol et des murs dans le salon, la salle de bain du rez-de-chaussée et les WC,
– des travaux de plomberie dans le salon, la salle de bain du rez-de-chaussée et les WC,
– des travaux d’électricité dans le salon, la salle de bain du rez-de-chaussée et les WC,
– des travaux de peinture des murs, plafonds et poutres, portes, radiateurs et plinthes dans le salon, les salles de bain du rez-de-chaussée et de l’étage et les WC.
Le montant des travaux s’élève à 36 496,77 euros HT, soit 40 146,45 euros TTC.
La rénovation de plusieurs pièces de l’immeuble comprenant la dépose des éléments existants, la maçonnerie, la plomberie, l’électricité et la peinture est constitutive d’un ouvrage au sens de l’article 1792 du code civil.
Il est toutefois nécessaire de vérifier si les désordres présentent un caractère décennal et dans l’affirmative de déterminer si les différents intervenants peuvent être qualifiés de constructeurs.
Sur la nature des désordres :
Sur les fissures :
Il résulte du rapport d’expertise judiciaire que les fissures sont apparues à compter du mois de mars 2021. Elles se situent au plafond et sur le mur à proximité de la poutre HEB installée par la société MF PEINTURE DECO SARL en remplacement de la poutre en bois existante, sans aucune étude technique préalable. En outre, le mur de soutien de la poutre à proximité de la cheminée a été démoli et remplacé par un mur en béton mais non armé et sous-dimensionné supportant la poutre.
L’expert indique que les fissures sont directement liées au sous-dimensionnement de la nouvelle structure.
Alors que sa mission prévoyait de « préciser si les désordres portent atteinte à la destination des lieux », l’expert ne se prononce pas sur ce point.
Il est cependant constant que le remplacement d’un élément de structure par un élément sous-dimensionné porte atteinte à la solidité de l’ouvrage. Des étais ont d’ailleurs dû être installés afin de soutenir la poutre HEB et la solution de réparation prévoit la création d’un renforcement de structure.
En conséquence, les fissures constituent des désordres décennaux.
Sur le défaut d’étanchéité de la paroi de douche :
L’expert a constaté le défaut d’étanchéité de la paroi de douche. Il a précisé que l’entreprise a reconnu les malfaçons de cet ouvrage et a affirmé avoir prévu le remplacement de la paroi.
Il est souligné que ce désordre était apparent le 12 novembre 2019 et n’a pu être repris par la société en charge des travaux du fait de sa mise en liquidation judiciaire.
En conséquence, ce désordre n’est pas décennal et relève de la responsabilité de droit commun.
Sur les défauts relatifs à l’électricité :
L’expert a constaté :
• salon :
– manque de « réserve » de fils sur une prise
– raccord de fils non esthétique du lustre
– dégradation au droit de la sortie de l’alimentation d’un luminaire au plafond
• salle de bain
– défaut de raccordement de prise de courant et luminaire côté lavabo.
L’expert n’a pas indiqué que ces désordres compromettaient la solidité de l’ouvrage, rendait celui-ci impropre à sa destination ou étaient de nature à présenter un danger pour les personnes. Les époux [C] ne motivent pas leur demande et dès lors ne rapportent pas cette preuve.
Ainsi, ces désordres constituent des défauts mineurs et il est en outre relevé qu’ils étaient apparents au 12 novembre 2019.
En conséquence, ces désordres ne sont pas décennaux et relèvent de la responsabilité de droit commun.
Sur les écailles de peinture :
L’expert a constaté la présence d’écailles de peinture au droit des jouées au pourtour du velux.
Ce désordre est esthétique et était apparent au 12 novembre 2019.
En conséquence, ce désordre n’est pas décennal et relève de la responsabilité de droit commun.
Sur la dégradation du mobilier :
L’expert a constaté la présence de :
– rayures et zones de poinçonnements sur les parties hautes et basses du buffet vaisselier,
– rayures sur le plateau de la commode d’entrée,
– dégradations sur les parties hautes des extrémités du revêtement en cuir du canapé,
– traces de « lacération » sur les accoudoirs du fauteuil,
– rayures sur la table billard et table du salon,
– rayures sur la face avant et la partie haute de la cheminée.
Ces désordres sont esthétiques et étaient apparents au 12 novembre 2019.
En conséquence, ces désordres ne sont pas décennaux et relèvent de la responsabilité de droit commun.
Sur les responsabilités et garanties :
Sur la garantie de la MAAF ASSURANCES, assureur de l’entreprise [V] & [L] :
Aux termes de l’article 1792 du code civil, tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère.
Il résulte de cet article que la responsabilité du constructeur est engagée de plein droit en cas de dommages affectant l’ouvrage réalisé directement ou par l’intermédiaire de ses sous-traitants et présentant un caractère de gravité.
L’article L243-7 du code des assurances permet à la victime des dommages prévus par les articles 1792 et suivants du code civil d’agir directement contre l’assureur du responsable desdits dommages si ce dernier est en règlement judiciaire ou en liquidation de biens.
Il n’est pas contesté que :
– l’entreprise [V] & [L] a conclu avec les époux [C] un contrat d’entreprise consistant en des travaux de rénovation intérieure,
– l’entreprise [V] & [L] a confié l’exécution des travaux à la société MF PEINTURE DECO SARL dans le cadre d’un contrat de sous-traitance,
– les désordres (fissures) sont imputables aux travaux effectués par le sous-traitant,
– l’entreprise [V] & [L] a été placée en liquidation judiciaire.
En conséquence, la MAAF ASSURANCES doit indemniser les dommages subis par les époux [C] qui relèvent de la garantie décennale.
Sur la responsabilité de l’entreprise MF PEINTURE DECO SARL :
Il résulte des articles 1792 et 1792-1 du code civil, que la garantie décennale est due par le constructeur ou l’entrepreneur lié au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage.
Il n’est pas contesté que la société MF PEINTURE DECO SARL a exécuté les travaux dans le cadre d’un contrat de sous-traitance avec la société [V] & [L].
Faute de contrat de travaux entre les époux [C] et la société MF PEINTURE DECO SARL, sa responsabilité ne peut être engagée au titre des articles 1792 et suivants du code civil.
Sur la responsabilité de la société COOPANAME :
Selon l’article 1792-1 du code civil, est réputé constructeur de l’ouvrage :
1° Tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage ;
2° Toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu’elle a construit ou fait construire ;
3° Toute personne qui, bien qu’agissant en qualité de mandataire du propriétaire de l’ouvrage, accomplit une mission assimilable à celle d’un locateur d’ouvrage.
En application de l’article 1779 du code civil, il y a trois espèces principales de louage d’ouvrage et d’industrie :
1° Le louage de service ;
2° Celui des voituriers, tant par terre que par eau, qui se chargent du transport des personnes ou des marchandises ;
3° Celui des architectes, entrepreneurs d’ouvrages et techniciens par suite d’études, devis ou marchés.
Dans le cadre d’un louage d’ouvrage, la mission complète classique porte sur la conception de l’œuvre, la direction des travaux, leur surveillance et l’assistance à la réception des travaux.
Le 19 février 2019, Madame [N] [J], salariée de la société COOPANAME, a établi le devis n°2019/02/02. Le 4 mars 2019 les époux [C] ont accepté ce devis en apposant leur signature.
Ce devis précise au titre du paragraphe « détail de la prestation et déroulé de la mission » :
1) mission de conception d’espace et de décoration avec réalisation de plans en 2D ou 3D et relevé de côtes,
2) mission de consultation des entreprises. Madame [N] [J] précise qu’elle n’établit pas de plans techniques mais un descriptif des travaux destiné aux entreprises TCE afin qu’elles lui transmettent leurs devis,
3) gestion du projet et suivi esthétique des travaux. Madame [N] [J] précise qu’elle rend compte de l’avancée des travaux, établit le planning d’intervention pour les travaux et assure le suivi esthétique (maîtrise d’œuvre de conception) mais non technique.
Madame [N] [J] indique que sa mission prend fin à réception des travaux par le maître de l’ouvrage.
Si Madame [N] [J] insiste sur la nature « décorative et esthétique » de son intervention et affirme qu’elle n’a assuré qu’une mission de conception, il résulte des pièces produites et notamment des plans et des messages échangés entre les parties qu’elle a dépassé le cadre de cette mission.
D’une part, la conception du nouvel espace intérieur ne s’est pas limitée au caractère esthétique (nouveaux matériaux, nouvelles couleurs, changement de disposition des meubles…) et a modifié la structure de l’immeuble.
En effet, le descriptif des poutres transmis par Madame [N] [J] fait état de la suppression de fausses poutres en bois sur toute la longueur des plafonds du salon et de la salle à manger mais également du remplacement d’une poutre en bois située entre ces deux pièces. Celle-ci est plus épaisse et repose sur deux poutres verticales en bois accolées à un pan de mur, dont l’un se situe au niveau de la cheminée. Or, selon les plans en 3D fournis, Madame [N] [J] avait prévu de supprimer les poutres et murs verticaux de soutien de la poutre centrale au plafond afin de créer un espace dégagé comprenant une cheminée plus moderne et un mur en parement, sans faire réaliser d’études préalables par un architecte ou sans confier à l’entrepreneur le soin de vérifier la faisabilité de son projet.
D’autre part, sa mission ne s’est pas limitée à la conception des espaces intérieurs et a consisté en une mission complète de maîtrise d’œuvre, conception, direction et suivi des travaux et assistance à la réception des travaux.
Par courriel du 12 septembre 2019 adressé aux époux [C] et à l’entreprise [V] & [L], Madame [N] [J] rend compte des réunions de chantier. Ces réunions ont lieu chaque lundi avec l’entreprise [V] & [L]. Elle indique les « différents points abordés et décision prises sur le projet » : « concernant, la poutre centrale perpendiculaire à la cheminée. Elle sera déposée et remplacée par une poutrelle HEB de largeur égale à la poutre béton existante qu’elle viendra renforcée. (…) Un mur de soutien de 30 cm sera monté à gauche de la cheminée, en remplacement de celui qui a été déposé ».
Concernant le mur à gauche de la cheminée, elle évoque les solutions possibles et se prononce pour l’une d’elle. Ainsi, par courriel du 18 septembre 2019, Madame [N] [J] indique :
« Après avoir étudier toutes les possibilités, 2 solutions s’offrent :
• on considère que le bout de mur est porteur (bien qu’en briques actuellement) et on le remplace par un mur façonné et ferraillé du sol au plafond auquel on ajoute un HEB en remplacement de la poutre en bois. Cette opération à forcément un coût plus élevé estimé aujourd’hui à 3500€.
• on reprend le mur actuel sur 63 cm de profondeur et 127cm de haut en briques et on laisse la poutre bois horizontale que l’on poncera (il n’y a pas d’intérêt à mettre un HEB). Les autres bouts de poutres (qui sont en plusieurs morceaux sont déposés comme prévues à l’initial. Le coût est moindre puisque l’opération ne nécessite pas de ferrailler le mur mais simplement de le monter et l’entoilé, le peindre.
Pour autant la décision vous appartient. Il y a bien un mur au sous sol au droit de la poutre bois et béton du rez-de-chaussée mais seul un BET serait en mesure de nous dire si réellement le mur en briques au rez-de-chaussée et la poutre en bois joue un rôle structurel.
A ce jour, cette 2ème solution me semble la plus simple et la plus esthétique puisqu’elle conserve un élément bois.
On évite aussi la forte éventualité de détériorer le mur de l’entrée en déposant la poutre en bois. En terme de soutien on repart sur la structure d’origine.
En terme de coût par rapport au devis initial les points qui changeraient sont les suivants (…).
Je ne crois pas me tromper mas M [V] & [L] vous donnera le détail.
(…)
J’attends (et/ou directement à M [V] & [L]) votre retour rapide sur ces points afin de ne pas prendre de retard dans le salon. »
Elle étudie également les devis des sociétés (courriel du 24 septembre 2024).
Le 30 septembre 2019, Madame [N] [J] a répondu par courriel aux questionnements des époux [C] concernant le positionnement du mur et évoque le planning des travaux.
Elle a effectué une « préréception » avec Monsieur [V] & [L] avant le rendez-vous fixé avec le maître de l’ouvrage (courriel du 28 octobre 2019).
Le 26 novembre 2019, elle a écrit avoir pris contact avec le fabricant et le distributeur pour résoudre le problème relatif à la paroi de la douche.
Ainsi, la mission de Madame [N] [J] ne s’est pas limitée à la conception et la surveillance de travaux esthétiques mais a porté sur la conception, la direction et le suivi des travaux aussi bien esthétiques que techniques et notamment de structure ainsi que l’assistance à la réception des travaux. Elle a dès lors assumé la maîtrise d’œuvre et doit sa garantie au titre de l’article 1792-1 du code civil sans qu’il soit nécessaire de caractériser une faute, les travaux en lien avec sa mission étant à l’origine des désordres.
Sur les préjudices :
Sur les frais d’étude, de mise en sécurité et de reprise :
Les époux [C] sollicitent les sommes de :
– 3600 euros TTC au titre des sondages réalisés et au coût assumé du BET,
– 2217,60 euros TTC au titre du coût des étais,
– 21 389,50 euros TTC au titre des travaux de reprise,
soit la somme totale de 27 207,10 euros TTC avec indexation selon l’indice BT01.
L’expert a retenu au titre des travaux de mise en sécurité provisoire, une partie seulement du devis SOGEA, à savoir les frais de mise en place des étais sous la poutre HEB d’un montant de 340 euros HT. Il n’a pas retenu le montant de la location des étais, soit 1,60 euros par jour, ni le montant de la dépose des étais, soit 340 euros HT qui y figuraient également. Ces frais seront pourtant nécessairement engagés par les époux [C]. Dès lors, en vertu du principe de réparation intégrale, il convient de retenir les sommes de 680 euros HT pour la mise en place et la dépose des étais et de 1,60 euros par jour à compter du 12 avril 2021, date de mise en place des étais figurant sur le devis et jusqu’à l’achèvement des travaux de reprise.
Si l’expert a retenu le principe d’indemnisation de l’étude structurelle effectuée par la société COJANE, il n’en a pas précisé le montant, faute de pièce le déterminant. Les époux [C] ne produisent pas de pièces permettant d’établir le montant réglé. Le tribunal qui constate l’existence du préjudice, évalue son indemnisation à la somme de 500 euros HT au regard de la note effectuée par la société.
L’expert a retenu au titre de la note de calcul du bureau d’études KAIRN, la somme de 800 euros HT, correspondant à la facture produite. Le tribunal retiendra également cette somme.
L’expert a retenu s’agissant des travaux de renforcement de structure, la somme de 13 270 euros HT correspondant à la partie du devis de la société CONCEPT CONFORT HABITAT actualisé au 27 septembre 2022 relative aux travaux de réfection de maçonnerie, de reprise des poteaux et de mise en peinture dans le salon. Il a exclu les autres prestations, celles-ci concernant la reprise d’électricité et le remplacement de la paroi de douche. Le tribunal retiendra également la somme de 13 270 euros HT.
Par conséquent, la société MAAF ASSURANCES en tant qu’assureur de responsabilité décennale de la société [V] & [L] et la société COOPANAME en tant que maître d’œuvre seront condamnés in solidum à payer aux époux [C] les sommes de :
– 680 euros HT, soit 816 euros TTC pour la mise en place et la dépose des étais,
– 1,60 euros HT par jour, soit 1,92 euros TTC pour la location des étais à compter du 12 avril 2021 et jusqu’à l’achèvement des travaux de renforcement de structure,
– 500 euros HT, soit 600 euros TTC pour l’étude structurelle de la société COJANE,
– 800 euros HT, soit 960 euros TTC au titre de la note de calcul du bureau d’études KAIRN,
– 13 270 euros HT, soit 14 597 euros TTC au titre des travaux de renforcement de structure.
Seule la somme de 14 597 euros TTC sera indexée sur l’indice BT01 pour tenir compte de l’évolution des prix du marché de travaux entre le rapport d’expertise et la présente décision.
Sur les travaux de reprise d’électricité et de remise en état des meubles :
Les désordres ne présentant pas un caractère décennal, les époux [C] seront déboutés de leurs demandes au titre des travaux de reprise d’électricité et de remise en état des meubles sur le fondement de la responsabilité décennale.
Sur le préjudice de jouissance :
Le principe de la réparation intégrale oblige à placer celui qui a subi un dommage dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n’avait pas eu lieu. Il en résulte que l’indemnisation comprend les préjudices matériels mais également les préjudices immatériels consécutifs.
Le trouble de jouissance est constitué en cas d’impossibilité d’utiliser un bien, de pertes de loyer ou d’exploitation ou de dépréciation du bien consécutive aux réparations du dommage.
Si l’expert a retenu le principe « d’une perte de jouissance pour causes des travaux », il est souligné que la présence d’étais n’a pas empêché le maître de l’ouvrage d’utiliser cette pièce. En outre, les époux [C] ne produisent aucune pièce permettant d’établir la valeur locative de leur immeuble, la surface du salon et l’étendue de leur préjudice.
En conséquence, les époux [C] seront déboutés de leur demande.
Sur le préjudice moral :
Les époux [C] ne produisent aucune pièce permettant de déterminer l’étendue de leur préjudice.
Il est cependant relevé que les conclusions des bureaux d’études et de l’expert suite à l’apparition de fissures au niveau du plafond et du mur porteur ont mis en évidence une atteinte à la structure de l’immeuble et que des étais ont dû être installés de chaque côté de la poutre HEB afin de sécuriser le bien. Ces faits ont engendré une anxiété chez les époux [C] qu’il convient d’indemniser à hauteur de 500 euros TTC.
Par conséquent, la société MAAF ASSURANCES en tant qu’assureur de responsabilité décennale de la société [V] & [L] et la société COOPANAME en tant que maître d’œuvre seront condamnés in solidum à payer aux époux [C] la somme de 500 euros TTC en réparation de leur préjudice moral.
Sur la responsabilité contractuelle de droit commun :
Dans le dispositif de leurs conclusions, les époux [C] demandent, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, la condamnation in solidum de la société MF PEINTURE DECO SARL, de la MAAF ASSURANCES en tant qu’assureur de la société [V] & [L] et de la société COOPANAME à lui payer les sommes de 6754 euros au titre des travaux de peinture et 6178,83 euros au titre des travaux d’électricité. Ils ne sollicitent aucune somme pour les dégradations sur leurs meubles ou le remplacement de la paroi de douche.
La responsabilité contractuelle de droit commun peut être recherchée pour les désordres qui n’ont pas de caractère décennal. Elle s’applique aux désordres ayant fait l’objet de réserves lors de la réception si ceux-ci n’ont pu être repris dans le délai de garantie de parfait achèvement. Il est nécessaire de caractériser une faute et un préjudice en lien avec celle-ci.
Sur les responsabilités et garanties :
Sur la garantie de l’assureur de la société [V] & [L] :
L’expert judiciaire a constaté la matérialité des désordres liés à l’électricité et à la peinture. Il a indiqué qu’ils sont imputables à des malfaçons lors de la réalisation des travaux objets du contrat entre la société [V] & [L] et les époux [C].
Il n’est pas contesté que la société [V] & [L] a conclu le contrat d’entreprise avec les époux [C] et qu’elle a sous-traité la totalité des travaux à la société MF PEINTURE DECO SARL.
La responsabilité de la société [V] & [L] est engagée en raison des fautes de son sous-traitant et il est d’ailleurs relevé qu’elle s’était engagée lors des réunions d’expertise à reprendre les travaux litigieux afin de « lever les réserves ». Cette reprise n’a toutefois pu être effectuée en raison de la mise en liquidation judiciaire de la société.
La MAAF ASSURANCES indique que la société [V] & [L] est assurée auprès d’elle dans le cadre d’une assurance multirisque des professionnels du bâtiment et des travaux publics, couvrant la responsabilité civile professionnelle. Cependant, il résulte de l’article 11 des conditions générales et notamment du point 18 que sont exclus de la garantie, les frais nécessaires pour réparer, remplacre ou rembourser lesbiens fournis ou les travaux réalisés, objets de vos engagements contractuels, que la prestation à l’origine du dommage ait été ou non sous-traitée.
Par conséquent, les demandes formulées à l’encontre de la société MAAF ASSURANCES au titre des malfaçons portant sur les travaux d’électricité et de peinture seront rejetées.
Sur la responsabilité de la société COOPANAME :
Les époux [C] ne motivent pas leur demande subsidiaire et par conséquent ne démontrent pas que Madame [N] [J] a commis une faute à l’origine des désordres relatifs à l’électricité et à la peinture.
L’expert n’a pas retenu de responsabilité de Madame [N] [J] relativement aux travaux d’électricité et de peinture.
Par conséquent, la société COOPANAME ne saurait être condamnée à indemniser les époux [C] de leurs préjudices sur le fondement de la responsabilité contractuelle.
Sur la responsabilité de la société MF PEINTURE DECO SARL :
En l’absence de lien contractuel avec le maître de l’ouvrage, la responsabilité du sous-traitant ne peut être recherchée que sur le fondement quasi-délictuel de l’article 1240 du code civil.
En conséquence, les époux [C] seront déboutés de leurs demandes à l’encontre de la société MF PEINTURE DECO SARL sur le fondement de la responsabilité contractuelle.
***
Aucune garantie n’étant due par la MAAF ASSURANCES, assureur de la société [V] & [L], et la responsabilité des sociétés COOPANAME et MF PEINTURE DECO SARL ne pouvant être engagée, il convient de débouter les époux [C] de leurs demandes relatives aux travaux de reprise d’électricité et de peinture, au préjudice de jouissance et au préjudice moral sur le fondement de la responsabilité contractuelle.
Sur les mesures de fin de jugement :
En application des dispositions de l’article 514 du code de procédure civile, la présente décision est exécutoire par provision.
Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile, il y a lieu de condamner in solidum la société MAAF ASSURANCES et la société COOPANAME, parties qui succombent, aux dépens qui comprendront les frais d’expertise judiciaire ainsi qu’au paiement aux époux [C] d’une somme de 2500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
La société MAAF ASSURANCES et la société COOPANAME seront en outre déboutés de leurs demandes au titre des dépens et des frais irrépétibles.
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement mis à disposition, réputé contradictoire et en premier ressort,
Déboute Monsieur [T] [C] et Madame [X] [C] de leurs demandes à l’encontre de la société MF PEINTURE DECO SARL, sous-traitant, sur le fondement tant de la responsabilité décennale que de la responsabilité contractuelle de droit commun ;
Condamne la société MAAF ASSURANCES en tant qu’assureur de responsabilité décennale de la société [V] & [L] et la société COOPANAME en tant que maître d’œuvre in solidum à payer à Monsieur [T] [C] et Madame [X] [C] les sommes de :
– 816 euros TTC pour la mise en place et la dépose des étais,
– 1,92 euros TTC par jour pour la location des étais à compter du 12 avril 2021 et jusqu’à l’achèvement des travaux de renforcement de structure,
– 600 euros TTC pour l’étude structurelle de la société COJANE,
– 960 euros TTC au titre de la note de calcul du bureau d’études KAIRN,
– 14 597 euros TTC au titre des travaux de renforcement de structure,
– 500 euros TTC en réparation de leur préjudice moral ;
Dit que la somme de 14 597 euros TTC sera indexée sur l’indice BT01 à compter du 20 décembre 2022 jusqu’au prononcé de la présente décision ;
Déboute Monsieur [T] [C] et Madame [X] [C] de leurs demandes au titre des travaux de reprise d’électricité et de peinture, des travaux de remise en état des meubles et du préjudice de jouissance ;
Condamne la société MAAF ASSURANCES et la société COOPANAME in solidum aux dépens qui comprendront les frais d’expertise judiciaire ;
Condamne la société MAAF ASSURANCES et la société COOPANAME in solidum à payer à Monsieur [T] [C] et Madame [X] [C] la somme de 2500 euros TTC au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la société MAAF ASSURANCES et la société COOPANAME de leurs demandes au titre des dépens et des frais irrépétibles ;
Rappelle que la présente décision bénéficie de l’exécution provisoire.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT
Laisser un commentaire