Responsabilité et véracité des diagnostics immobiliers : enjeux de preuve et d’expertise.

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Responsabilité et véracité des diagnostics immobiliers : enjeux de preuve et d’expertise.

L’Essentiel : Madame [C] [B] a acquis une maison pour 197 000 euros, avec un diagnostic de performance énergétique (DPE) classé en catégorie C. Cependant, elle a contesté ce classement, affirmant que la chaudière était à basse consommation et non à condensation, et que l’isolation était insuffisante. Après plusieurs assignations en justice, le juge a ordonné une expertise pour évaluer l’état de la maison, notamment l’isolation et le chauffage. Les frais seront avancés par le Trésor, et Madame [C] [B] est dispensée de consignation grâce à son aide juridictionnelle. L’affaire est en attente de décision.

Acquisition de la Maison

Madame [C] [B] a acquis une maison d’habitation de Madame [K] [D] et Monsieur [I] [S] pour un montant de 197 000 euros, par acte notarié en date du 29 novembre 2023. Un diagnostic de performance énergétique (DPE) a été réalisé par la SAS RAPPORTS & DIAGNOSTICS et intégré au compromis de vente du 26 septembre 2023.

Assignation en Justice

Le 19, 20, 23 et 30 septembre 2024, Madame [C] [B] a assigné en justice la SAS RAPPORTS & DIAGNOSTICS, la SA AXA France IARD, ainsi que les vendeurs, afin de demander la désignation d’un expert. L’audience a eu lieu le 31 octobre 2024, où elle a maintenu sa demande, soulignant des problèmes d’isolation et de chauffage dans la maison.

Problèmes de Diagnostic

Madame [C] [B] a contesté le classement en catégorie C du DPE, affirmant que la chaudière n’était pas à condensation comme indiqué, mais à basse consommation, et qu’elle avait été mise en service en 2010. Deux examens techniques ont révélé un classement en catégorie F, indiquant une isolation insuffisante. Elle a tenté d’obtenir des explications et une compensation amiable, mais ses demandes ont été refusées.

Réserves des Défendeurs

La SAS RAPPORTS & DIAGNOSTICS, la SA AXA FRANCE IARD, ainsi que les vendeurs, ont exprimé des réserves concernant la demande d’expertise. L’affaire a été mise en délibéré pour décision le 21 novembre 2024.

Décision du Juge des Référés

Le juge a ordonné une expertise, considérant que Madame [C] [B] avait un intérêt légitime à la désignation d’un expert. L’expert devra évaluer l’état de la maison, notamment l’isolation et le système de chauffage, et déterminer les éventuels désordres et vices cachés. Les frais de l’expertise seront avancés par le Trésor, et Madame [C] [B] est dispensée de consignation en raison de son aide juridictionnelle.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de l’article 145 du code de procédure civile dans le cadre de la désignation d’un expert ?

L’article 145 du code de procédure civile stipule que :

« S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige,

les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. »

Dans le cas présent, Madame [C] [B] a justifié un intérêt légitime à la désignation d’un expert en raison des divergences entre le diagnostic de performance énergétique (DPE) initial, qui classait la maison en catégorie C, et les résultats ultérieurs qui l’ont classée en catégorie F.

Cette situation crée un doute sur la véracité des informations fournies lors de la vente, ce qui constitue un motif légitime pour ordonner une expertise.

Ainsi, le juge des référés a décidé d’ordonner une expertise pour établir la réalité des faits et éclairer la juridiction sur les responsabilités éventuelles.

Quelles sont les implications de la responsabilité délictuelle du diagnostiqueur dans ce litige ?

La responsabilité délictuelle est régie par les articles 1240 et 1241 du code civil, qui prévoient que :

« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

« Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou son imprudence. »

Dans le contexte de ce litige, Madame [C] [B] soutient que la SAS RAPPORTS & DIAGNOSTICS a commis une faute dans l’établissement du DPE, en fournissant des informations erronées sur l’état de la chaudière et l’isolation de la maison.

Si cette faute est prouvée, la société pourrait être tenue responsable des dommages subis par Madame [C] [B], notamment la perte de valeur de la propriété et les coûts des travaux nécessaires pour remédier aux défauts constatés.

La mise en demeure adressée à la société de diagnostic et aux vendeurs constitue une étape préalable à l’engagement d’une action en responsabilité délictuelle.

Comment la garantie des vices cachés s’applique-t-elle dans ce cas ?

La garantie des vices cachés est régie par les articles 1641 à 1649 du code civil, qui stipulent que :

« Le vendeur est tenu de la garantie à raison des vices cachés de la chose vendue, qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus. »

Dans cette affaire, Madame [C] [B] allègue que la maison présente des vices cachés, notamment une isolation insuffisante et un système de chauffage inadapté, qui n’étaient pas apparents lors de l’achat.

Si ces vices sont prouvés, elle pourrait demander réparation auprès des vendeurs, qui seraient tenus de garantir les conséquences de ces défauts.

La mise en demeure adressée aux vendeurs est également une étape cruciale pour faire valoir cette garantie, car elle permet de formaliser la demande de compensation avant d’engager une action en justice.

Quelles sont les conséquences de l’aide juridictionnelle sur les dépens dans cette affaire ?

L’article 491 du code de procédure civile précise que :

« Le juge des référés doit statuer sur les dépens. »

Dans le cadre de l’aide juridictionnelle, la partie qui en bénéficie est dispensée de consignation des frais d’expertise, comme le stipule la loi 91-647 du 10 juillet 1991.

Dans ce cas, Madame [C] [B] bénéficie d’une aide juridictionnelle à hauteur de 25%, ce qui signifie qu’elle ne sera pas tenue de payer les frais d’expertise avancés par le Trésor.

Les dépens seront donc supportés par Madame [C] [B] en tant que bénéficiaire de la mesure, conformément aux règles applicables en matière d’aide juridictionnelle.

Cela souligne l’importance de l’aide juridictionnelle pour permettre aux parties d’accéder à la justice sans être dissuadées par les coûts associés.

MINUTE
N° RG : 24/00612 – N° Portalis DBYQ-W-B7I-IONB
AFFAIRE : [C] [B] C/ Compagnie d’assurance AXA FRANCE IARD, [I] [S], [K] [D], S.A.S. RAPPORTS & DIAGNOSTICS

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE SAINT ETIENNE

ORDONNANCE DE REFERE DU
21 Novembre 2024

VICE PRESIDENTE : Alicia VITELLO

GREFFIERE : Céline TREILLE

DEMANDERESSE

Madame [C] [B], demeurant [Adresse 4]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro C422182024003920 du 05/08/2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de St Etienne)

représentée par Me Elodie KIEFFER, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE,

DEFENDEURS

Compagnie d’assurance AXA FRANCE IARD, dont le siège social est sis [Adresse 8]

représentée par Me Philippe CIZERON, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE, avocat postulant, Maître Alain de ANGELIS, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant,

Monsieur [I] [S], demeurant [Adresse 6]

représenté par Maître Anthony SUC de la SCP CORNILLON-CHARBONNIER-SUC, avocats au barreau de SAINT-ETIENNE,

Madame [K] [D], demeurant [Adresse 9]

représentée par Maître Anthony SUC de la SCP CORNILLON-CHARBONNIER-SUC, avocats au barreau de SAINT-ETIENNE,:

S.A.S. RAPPORTS & DIAGNOSTICS, dont le siège social est sis [Adresse 7]

représentée par Me Philippe CIZERON, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE, avocat postulant, Maître Alain de ANGELIS, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant,

DEBATS : à l’audience publique du 31 Octobre 2024
DELIBERE : audience du 21 Novembre 2024

DECISION: contradictoire en 1er ressort, prononcée publiquement par mise à disposition au greffe en application des articles 450 à 453 du code de procédure civile, les parties préalablement avisées

EXPOSE DU LITIGE

Par acte notarié du 29 novembre 2023, Madame [C] [B] a acquis de Madame [K] [D] et Monsieur [I] [S] une maison d’habitation située [Adresse 4] à [Localité 12], moyennant un prix de 197 000 euros.

La SAS RAPPORTS & DIAGNOSTICS a été chargée d’établir un diagnostic de performance énergétique (DPE), qui a été intégré au compromis de vente établi par acte sous seing privé du 26 septembre 2023.

Par actes de commissaire de justice en date des 19, 20, 23 et 30 septembre 2024, Madame [C] [B] a fait assigner la SAS RAPPORTS & DIAGNOSTICS, la SA AXA France IARD, Madame [K] [D] et Monsieur [I] [S] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de SAINT-ETIENNE, afin d’obtenir la désignation d’un expert.

L’affaire est retenue à l’audience du 31 octobre 2024, à laquelle, au visa de l’article 145 du code de procédure civile, Madame [C] [B] maintient sa demande et expose que le DPE a attribué à la maison un classement en catégorie C pour la consommation énergétique. Elle précise que la SASU RAPPORTS & DIAGNOSTICS a indiqué avoir réalisé le DPE suivant les éléments communiqués par le propriétaire, et a préconisé des travaux, mais que, dès son aménagement, Madame [B] a été confrontée à des difficultés d’isolation du bien, et de chauffage. Elle soutient que la chaudière de la maison n’était pas une chaudière à condensation mais à basse consommation et qu’elle n’avait pas été changée 5 ans plus tôt comme le lui avaient indiqué les vendeurs, mais avait été mise en service en 2010. Elle ajoute avoir fait procéder à deux examens techniques du bien par des cabinets certifiés, qui sont parvenus tous deux à un classement du bien en catégorie F et qui révèlent tous deux une isolation insuffisante voire inexistante de plusieurs parties de la maison. Elle dit avoir cherché à obtenir des explications auprès de l’agent immobilier en charge de la vente, et auprès du diagnostiqueur et qu’elle a fait estimer la valeur du bien par une agence immobilière qui a évalué la maison à 163 000 euros. Elle précise avoir adressé une mise en demeure aux vendeurs ainsi qu’à la société de diagnostic, afin d’obtenir une compensation amiable de son préjudice sur le fondement de la responsabilité délictuelle du diagnostiqueur, et de la garantie des vices cachés, en vain, et que la compagnie AXA, assureur du diagnostiqueur, a opposé un refus au motif que la preuve d’une faute de son assuré dans la réalisation de son diagnostic ne serait pas rapportée.

La SAS RAPPORTS & DIAGNOSTICS, la SA AXA FRANCE IARD, Madame [K] [D] et Monsieur [I] [S] formulent protestations et réserves quant à la mesure d’instruction sollicitée.

L’affaire est mise en délibéré au 21 novembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

En l’espèce, le diagnostic de performance énergétique établi le 10 septembre 2023 a attribué à la maison vendue par Madame [K] [D] et Monsieur [I] [S] un classement en catégorie C. Le rapport mentionne que la maison est équipée d’une chaudière à gaz à condensation installée en 2018.

Pourtant, le certificat d’intervention de la société PROXISERVE en date du 15 février 2024 mentionne que la chaudière est de type  » basse température  » et qu’elle a été mise en service le 15 février 2010. L’audit énergétique réalisé par la société SOLIHA LOIRE PUY DE DOME le 19 avril 2024 classe le logement acquis par Madame [C] [B] en catégorie F. L’Agence agréée DIAGNOSTIC IMMOBILIER a émis les mêmes conclusions dans son Dossier Technique Immobilier du 17 mai 2024.

Madame [C] [B] justifie ainsi d’un intérêt légitime à la désignation d’un expert.

Il convient en conséquence d’ordonner une expertise. Madame [C] [B], bénéficiaire de l’aide juridictionnelle à hauteur de 25% selon décision du Bureau d’Aide Juridictionnelle du Tribunal judiciaire de SAINT-ETIENNE du 05 août 2024, est dispensée de consignation.

En application de l’article 491 du code de procédure civile, le juge des référés doit statuer sur les dépens. Madame [C] [B], qui profite seule de la mesure, est condamnée à les supporter, selon les règles applicables en matière d’aide juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS

Le juge des référés,

ORDONNE une expertise,

DIT qu’elle sera suivie sous le système OPALEXE,

DÉSIGNE pour y procéder
Monsieur [W] [O],
[Adresse 5]
[Localité 10]
(Tél : [XXXXXXXX01] Fax : [XXXXXXXX02] Port. : [XXXXXXXX03]
Mèl : [Courriel 11])
avec la mission suivante :

– Se rendre sur les lieux situé [Adresse 4] à [Localité 12] après avoir convoqué les parties et leur conseil éventuel ;

– Prendre connaissance de tous documents contractuels et pièces des parties ;

– Réaliser le diagnostic de performance énergétique de la maison en décrivant notamment l’isolation de la maison et son système de chauffage ;

– Relever, le cas échéant, tous désordres ou malfaçons affectant notamment l’isolation et le chauffage, ainsi que toute erreur affectant le diagnostic établi par la SAS RAPPORTS & DIAGNOSTICS ;

– Indiquer la nature des désordres, leur importance, leur date d’apparition ;

– En rechercher la ou les causes, dire s’ils rendent l’immeuble en tout ou partie impropre à son usage et à sa destination ;

– Dire s’ils étaient connus des vendeurs ;

– Fournir tous éléments de nature à permettre d’évaluer les préjudices de toute nature, directs ou indirects, matériels ou immatériels résultant des désordres et vices constatés, notamment le préjudice de jouissance pouvant résulter des travaux de remise en état et la surconsommation d’énergie ;

– Indiquer si des travaux urgents sont nécessaires, les décrire et en faire une estimation sommaire dans un rapport intermédiaire qui devra être déposé aussitôt que possible ;

– D’une manière générale apporter tous éléments techniques ou de fait de nature à éclairer la juridiction sur les responsabilités, l’existence d’un vice caché, et faire toutes suggestions utiles à la solution du présent litige ;

DIT que l’expert accomplit sa mission conformément aux dispositions des articles 273 à 283, 748-1 du code de procédure civile, qu’il peut entendre toute personne, qu’il a la faculté de s’adjoindre tout spécialiste de son choix dans une spécialité différente de la sienne, à charge de joindre leur avis au rapport ;

DÉSIGNE le magistrat chargé du contrôle des expertises pour contrôler le déroulement de la mesure ;

DIT que l’expert doit communiquer un pré rapport aux parties en leur impartissant un délai raisonnable, au moins quatre semaines, pour la production de leurs dires écrits auxquels il doit répondre dans son rapport définitif, qu’il dépose au service des expertises EN VERSION PAPIER avant le 14 juin 2025 en un original ;

DIT n’y avoir lieu à consignation, les frais et honoraires de l’expert étant avancés par le Trésor, conformément aux dispositions de la loi 91-647 du 10.07.1991 (article 40) et du décret 91-1266 du 19.12.1991 (article 119), la partie qui devrait consigner bénéficiant de l’aide juridictionnelle ;

DIT que l’expert provoque la première réunion sur place dans un délai maximum de cinq semaines à partir de sa saisine et que les parties doivent lui avoir communiqué préalablement toutes les pièces dont elles entendent faire état ;

DIT qu’en cas de défaillance des parties, le juge chargé du contrôle de l’expertise peut être saisi en vue de la fixation d’une astreinte ;

DIT que lors de la première réunion, l’expert dresse un programme de ses investigations, fixe un calendrier précis de ses opérations et évalue d’une manière aussi détaillée que possible le montant prévisible de ses honoraires et de ses débours ;

DIT qu’à l’issue de cette réunion l’expert fait connaître au juge chargé du contrôle de l’expertise la somme globale qui lui parait nécessaire pour garantir en totalité le recouvrement de ses honoraires et sollicite le cas échéant, le versement d’une provision complémentaire ;

INVITE les parties à procéder aux mises en cause nécessaires dans les deux mois de la saisine de l’expert ou, si la nécessité s’en révèle ultérieurement, dès que l’expert a donné son accord;

DIT que l’expert tient le juge chargé du contrôle de l’expertise informé de l’avancement de ses opérations et le saisit de toute difficulté y afférente, notamment sur les raisons d’un éventuel retard dans le dépôt du rapport ;

DIT qu’il est pourvu au remplacement de l’expert dans les cas, conditions et formes des articles 234 et 235 du code de procédure civile ;

DIT qu’à l’issue de ses opérations, l’expert adresse aux parties un projet de sa demande de recouvrement d’honoraires et débours, en même temps qu’il l’adresse au magistrat taxateur ;

DIT que les parties disposent, à réception de ce projet, d’un délai de 15 jours pour faire valoir leurs observations sur cet état de frais, que ces observations sont adressées au magistrat taxateur afin de débat contradictoire préalablement à l’ordonnance de taxe ;

DISONS que les dépens seront statués comme en matière d’aide juridictionnelle.

La Greffière, La Vice Présidente,
Céline TREILLE Alicia VITELLO

LE 21 Novembre 2024
GROSSE + COPIE à:
– Me KIEFFER
COPIES à :
– Me SUC
– Me CIZERON ( pour Me de ANGELIS)
– Régie
– dossier
– dossier expertise
Dématérialisé : [W] [O](Expert) par opalexe


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